Corinne Bonnet, Herbert Niehr, La religion des Phéniciens et des Araméens. Dans le contexte de l’Ancien Testament
Corinne Bonnet, Herbert Niehr, La religion des Phéniciens et des Araméens. Dans le contexte de l’Ancien Testament, Genève, Labor et Fides, coll. « Le Monde de la Bible », no 66, 2014, 398 p.
Texte intégral
1Voici la traduction française d’un essai paru en 2010 sous le titre Religionen in der Umwelt des Alten testaments II. Phönizier, Punier, Aramäer. L’ouvrage se compose de deux parties dont la première est l’œuvre de Corinne Bonnet. Elle pénètre le système religieux phénicien pour comprendre ses articulations et ses modes de fonctionnement. Selon les auteurs, les Phéniciens n’ont pas connu, à l’instar des Grecs et surtout des Romains, une intense activité de création mythologique. Le rituel était la forme privilégiée de communication avec les réalités surhumaines. On perçoit les échos d’une pensée cosmogonique ainsi que de récits de fondation. Partant de l’archéologie des cultes et des sources secondaires, l’enquête associe les lieux du culte à certaines divinités, même si les sanctuaires abritent plusieurs divinités, hiérarchisées et connectées entre elles, réunies au sein d’une famille ou d’une association de circonstance. Elle déchiffre les images sans négliger le fait que l’art est un système symbolique de signes qu’il faut étudier comme un réseau de significations. L’exploitation des images passe par l’environnement usuel des images dont le langage figuré structure les panthéons et identifie les divinités en les différenciant.
2Comme les Grecs, les Phéniciens utilisent la généalogie comme mode d’appréhension du temps et de l’histoire. Ritualiste, la religion phénicienne est le théâtre de stratégies de réappropriation et de valorisation des traditions locales dans un cadre global. L’apport de l’anthropologie historique s’avère essentiel pour l’analyse de la place des dieux anthropomorphes. La structuration même des panthéons reflète une société pyramidale dominée par un dieu tout-puissant, associé à une épouse, avec, autour d’eux, une foule d’intendants veillant sur telle ou telle activité. L’anthropomorphisme de la religion phénicienne et punique, avec des dieux nettement individualisés, n’exclut pas la présence d’entités divines abstraites, comme la fortune (Gd) ou la justice (Sdq), ou encore des divinités (naturalistes) comme le Soleil et la Lune. L’onomastique personnelle, avec sa panoplie de noms théophores, est extrêmement riche d’enseignement quant à la manière dont on se représentait les dieux : ils y sont décrits, par l’entremise de verbes, de substantifs ou d’adjectifs, comme ceux qui donnent, protègent. Les qualificatifs sont innombrables. Ils montrent, par l’ampleur du spectre des qualités et performances attachées aux dieux, que ceux-ci, quoique ressemblant aux hommes, sont ontologiquement différents. L’approche sociologique est traitée selon l’articulation entre individus et société. Pour étudier les conceptions phéniciennes de la mort et de l’au-delà, on dispose d’un corpus d’inscriptions funéraires et de données archéologiques provenant des nécropoles. La distinction entre mortalité et immortalité oppose une condition marquée par la finitude et la corruption, celle des hommes, et une existence infinie, immuable, éternelle, celle des dieux. Dans le monde sémitique, en particulier, on distingue le corps de l’âme, ou plus exactement des deux âmes, puisque le principe vital qui anime le corps depuis sa naissance et s’en échappe après la mort est appelé ruah, tandis que le nefesch est le principe végétatif qui ne quitte jamais le corps, même après sa mort. Divers événements de la vie publique et privée étaient assurément l’objet de cérémonies à connotation religieuse : la naissance, l’imposition du nom, l’entrée dans la puberté, le mariage, le départ en guerre et le retour, l’investiture des hautes fonctions, les funérailles, etc. La terminologie et les modes de représentation des sanctuaires ressortent des exemples archéologiquement attestés tels que les traces des temples couvrant une vaste aire sacrée, boisée et irriguée, intégrant divers dispositifs cultuels. La capacité évolutive de la religion phénicienne et punique s’avère très forte. Cette évolution ne répond pas seulement à des facteurs exogènes ; elle fait également suite à des sollicitations internes, d’ordre idéologique, politique, social, moral, spirituel, etc., que nous ne percevons qu’imparfaitement du fait de l’état des sources disponibles. La religion des Araméens de Syrie, relativement mal connue, impose de faire la distinction entre Araméens et leur religion. Les textes paléo-babyloniens évoquent de manière générale les nomades complétés par des inscriptions royales assyriennes qui, à partir du xiie siècle av. J.-C., mentionnent explicitement les Araméens. C’est avant tout en tant qu’ennemis que les Araméens sont mis en relation avec les populations sédentaires. Leurs inscriptions sont essentiellement des inscriptions royales de construction, de dédicaces, de textes commémorant une victoire ou encore des traités. Ils s’ajoutent à des recueils de sentences sapientielles provenant de Syrie septentrionale ou de Haute-Mésopotamie et, en lien avec elles, à un récit édifiant empreint de sagesse qui est communément attribué au sage Ahiqar et connu par une copie d’Eléphantine datant du ve siècle av. J.-C. On sait que l’épopée mésopotamienne de Gilgamesh fut transmise aux Grecs par le truchement des Araméens, tandis que la charpente du temple de Bêl à Palmyre montre que l’épopée babylonienne de l’Emma Elish était connue en ces lieux. Il s’agit d’une adaptation du mythe de l’akîtu qui était récité lors de la célébration de la nouvelle année.
3Pour comprendre la préhistoire et l’histoire des Araméens, il faut appréhender le nomadisme pratiqué dans les territoires du Haut et du Moyen-Euphrate, ainsi qu’au centre de la Syrie. Celui-ci est attesté depuis la fin du iiie et le début du iie millénaire av. J.-C. dans les sources épigraphiques. L’implantation pacifique, la conquête par les armes, l’urbanisation et la mise en place d’une monarchie contralisée sont les quatre phases qui décrivent la genèse des royaumes araméens de Syrie entre le xie et le viiie siècle av. J.-C. Seules des données éparses concernent les structures sociales des royaumes araméens. Leur religion fait partie du grand ensemble des religions sémitiques de l’Ouest. Celles-ci sont caractérisées par le fait qu’un dieu de l’orage, appelé Hadad dans le cas des Araméens, est placé au sommet de leur panthéon. Une religion araméenne commune existait aussi peu qu’un royaume araméen unifié en Syrie. On distinguait plutôt différents panthéons locaux exposés à diverses influences suivant les régions. C’est pour cette raison que l’on ne parle pas non plus de dieux et de cultes araméens, ce qui poserait le problème de la définition de ce que l’on entend par là. Ce sont volontiers des divinités que l’on connaît depuis longtemps. S’ajoutent à cela les imbrications bien difficiles à démêler entre Araméens, Louvites, Phéniciens, et Assyriens en des endroits et dans des territoires tels que Guzana (Tell Halaf), Til Barsib, Sam’ al (Zincirli), Unqi et Hamath, si bien qu’une distinction ethnique claire et nette s’avère impossible en matière de sanctuaires et de cultes.
4Le dernier chapitre traite de la prospérité de la religion araméenne après la chute des royaumes araméens de Syrie, consommée en 720 av. J.-C., ainsi que des relations entre les religions des Araméens et la religion des royaumes d’Israël et de Juda.
Pour citer cet article
Référence papier
Mustapha Naïmi, « Corinne Bonnet, Herbert Niehr, La religion des Phéniciens et des Araméens. Dans le contexte de l’Ancien Testament », Archives de sciences sociales des religions, 172 | 2015, 263.
Référence électronique
Mustapha Naïmi, « Corinne Bonnet, Herbert Niehr, La religion des Phéniciens et des Araméens. Dans le contexte de l’Ancien Testament », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 172 | octobre-décembre, mis en ligne le 17 mai 2016, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/assr/27302 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/assr.27302
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