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Bulletin Bibliographique

Julien Ries, Symbole, mythe et rite, constantes du sacré

Paris, Éditions du Cerf, coll. « Patrimoines – Histoire des religions », 2012, 696 p.
Mustapha Naïmi
p. 265
Référence(s) :

Julien Ries, Symbole, mythe et rite, constantes du sacré, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Patrimoines – Histoire des religions », 2012, 696 p.

Texte intégral

1L'étude du symbole, du mythe et du rite termine la trilogie consacrée à l'Homo religiosus et à son expérience du sacré. La synthèse des éléments essentiels dégagés dans le parcours de mille sept cents pages confirme la pensée de Mircea Eliade estimant que l'histoire des religions est susceptible de nous ouvrir à un humanisme, voire d'esquisser une nouvelle anthropologie religieuse. Cet essai permet, d'une part, d'aboutir à une anthropologie religieuse fondamentale et, d'autre part, d'ouvrir des perspectives nouvelles pour l'étude des anthropologies spécifiques ou sectorielles telles que l'anthropologie bouddhique, grecque ou islamique. L'épilogue du présent volume en expose les structures. Julien Ries, né en 1920, est docteur en théologie et licencié en philologie et histoire orientales. De 1960 à 1990, il a enseigné l'histoire des religions à l'Université catholique de Louvain-la-Neuve. Il est docteur honoris causa en philosophie et sciences de l'éducation de l'Université catholique de Milan et lauréat de l'Académie française. Les deux premiers volumes de sa trilogie, l'Homo religiosus et son expérience du sacré et l'Homme et le sacré, sont parus aux Éditions du Cerf en 2009.

2Traitant des définitions de base, l'auteur entame son livre par l'analyse des données de la préhistoire. À travers l'Homo erectus, l'Homo sapiens et la symbolique de la voûte céleste, le premier chapitre ouvre sur l'imagination créatrice et le message que nous livre l'outil. On passe des mythogrammes aux mythes pour mieux cerner le message religieux de l'art pariétal. Dans les mythogrammes des cavernes, nous avons perçu les premiers signes de lecture d'une histoire sainte des origines. Au néolithique, cette mémoire religieuse s'intègre dans un nombre considérable de mythes cosmogoniques, de mythes eschatologiques aussi qui font référence au déluge. Le lien entre l'homme préhistorique et le symbolisme fait l'objet du second chapitre traitant du symbolisme dans la vie de l'homme préhistorique. Tout symbole est un signifiant qui puise sa figuration en partie dans le cosmos visible aux yeux de l'homme, mais qui s'enracine aussi dans les gestes et les souvenirs. Un notable progrès de la pensée symbolique s'affirme ensuite avec l'art des cavernes. Enfin, l'Homo neolithicus opère une véritable révolution en créant deux symboles du divin, la déesse et le taureau. Ce fut la naissance des deux premières grandes religions dans le Proche-Orient et dans le monde méditerranéen. Le troisième chapitre tente de trouver quelques points de repère permettant de suivre la croissance de la conscience chez l'homme archaïque. Pour ce faire, l'auteur se base sur des documents qui proviennent de l'activité culturelle des premiers hommes et dont l'étude ouvre des perspectives nouvelles grâce aux découvertes récentes. Bien entendu, le lien entre sépultures et symbolique funéraires est manifeste à travers les signes de l'émergence de l'Homo religiosus. Le chapitre IV creuse alors les travaux d'André Leroi-Gourhan, d'Albin Defleur, Pascale Binant et Gabriel Camps pour indiquer combien l'opulence des rites funéraires est le signe d'une nouvelle croissance de la conscience de la survie chez l'Homo sapiens.

3La deuxième partie traite du symbole en tant que source de la créativité. Il démontre que la pensée symbolique est intimement liée au sacré, qu'il y a une corrélation entre l'identité du symbole et l'identité de l'expérience religieuse. L'un et l'autre vont ensemble. La pensée symbolique est solidaire d'une expérience fondamentale du symbole à travers le sacré. Elle constitue une pièce maîtresse du dialogue des religions. Émile Durkheim avait fait du sacré le fondement de la science des religions. Dans son optique, le sacré dérive de la société et plonge ses racines dans le totémisme. Ancien élève de Durkheim, Nathan Söderblom a revu la thèse durkheimienne du sacré et il en a profondément modifié la courbe sociologique. Sous l'influence de Söderblom, Rudolfo Otto a fait une nouvelle analyse du sacré et pour la première fois l'a situé dans l'expérience de l'homme religieux. Ses quatre vocables qui marquent quatre étapes d'une expérience spirituelle restent acquis. À Durkheim, Mircea Eliade a emprunté la distinction sacré-profane. De l'héritage de Rudolfo Otto, il a retenu le contenu et les caractéristiques spécifiques de l'expérience religieuse faite par l'homme dans la découverte du sacré. Pénétrant plus en profondeur dans l'analyse de cette expérience, il a essayé d'étudier le comportement de l'Homo religiosus, témoin de la manifestation du sacré. Nous voici arrivés au carrefour de la recherche éliadienne : Homo religiosus, hiérophanie, comportement.

4Julien Ries se lance alors dans l'anthropologie de l'imaginaire et l'Homo sapiens. Son exposé « L'homme comme symbole » se situe dans la ligne de la tension créatrice. Plongeant dans la préhistoire, en quête des racines de l'Homo symbolicus et de l'Homo religiosus, il interroge les premières grandes religions et y cherche l'homme comme symbole du divin. Il s'attache ensuite à un texte de l'Inde, l'hymne au Purusha, où l'homme est l'archétype du sacrifice védique.

5La deuxième section traite du mythe et de l'homme. Outre l'éventail de théories qui permettent de saisir la complexité du problème, certains aspects du vocabulaire moderne sont évoqués. On traite les sens équivoques de l'expression « mythologie » pour mieux analyser le lien entre mythe et mythographie. Vingt-cinq années de recherche sont détaillées pour dégager une triple voie herméneutique du mythe au xixe siècle. Les grandes orientations du xxe siècle en ce qui concerne le lien entre mythe, son langage et son message sont analysées au long du deuxième chapitre de cette seconde partie pour cerner les perspectives récentes au long du 3e chapitre. Il s'avère en conclusion qu'à travers le mythe, l'homme archaïque saisit la relation entre temps actuel et origines. Grâce au symbole, le monde parle à l'homme un langage qui crée une ouverture sur un monde transhistorique. La conformité à l'archétype donne sa valeur à l'action humaine. Par la mise en relation du rituel avec le message du mythe, l'homme passe de la condition profane à une existence nouvelle. Grâce au modèle révélé par le mythe cosmogonique, l'homme devient créateur. Par le mythe, par le rite et par le symbole, l'homme archaïque fait un retour aux origines et à la primordialité, ce qui représente pour lui une expérience de salut. Voilà ce qui nous amène à la relation entre mythe et condition humaine, autrement dit un autre chapitre traitant du mythe et de la société archaïque pour s'arrêter au lien avec la cosmogonie dans le chapitre suivant. Le troisième chapitre traite des mythes et du thème de la chute présent dans les traditions, dans les religions des divers peuples de l'humanité. Un essai de typologie des mythes et des chutes nous ramène entre autres au thème du déluge. L'interprétation des mythes diluviens fait le va-et-vient entre le mythe et l'histoire. Les grandes civilisations sont alors traitées et analysées pour arriver ensuite au lien entre mythe et violence. Vient alors la troisième partie qui est consacrée au mythe et sacré dans la pensée et dans la vie de l'Homo religiosus. Le temps mythique et l'homme sont examinés à travers les événements de l'histoire d'Israël de l'Égypte au Sinaï et d'événements au cours du temps linéaire. Dans pareil contexte, on ne peut plus parler de temps mythique. Il s'agit d'un temps historique à la fois linéaire et circulaire dans lequel alternent temps sacré et temps profane. On achève cette partie par un épilogue au centre duquel le cheminement théorique de M. Eliade et son parcours biographique sont de nature à nous éclairer sur la nature, la structure et la fonction du mythe.

6La troisième section traite du rite et de la condition de l'homme. Partant du culte funéraire archaïque au chapitre premier, l'auteur passe au néolithique pour arriver aux maisons sacralisées et sanctuaires. Il traite notamment des déesses néolithiques, des inscriptions rupestres, des menhirs, du culte astral et des religions à tradition orale vivantes, de la chasse, des premiers outils, du feu et des rites. Les rites d'initiation nécessitent une réflexion sur les images et les symboles d'où un essai de classification des éléments essentiels dans la structure des rites d'initiation. On arrive à l'initiation de l'Homo religiosus avec tous les problèmes et les méthodes que cela impose. Le rôle du chamanisme dans l'initiation comporte certains aspects traités par l'auteur en comparaison avec les expériences des différentes civilisations. À partir de là, la place du rite dans la vie de l'homme religieux appelle l'enquête. En commençant par la définition du rite, l'auteur analyse la vue sociologique et structurale du rite. Il considère le rite comme phénomène de l'expérience religieuse dont les éléments et les structures sont étudiés à travers les références au lieu sacré et temps primordial ainsi que la séparation avec la mère, les épreuves initiatiques et la révélation des mythes. Il conclut que le sens des rites d'initiation est de créer un homme nouveau. De là découle la nécessité d'une mort initiatique, suivie d'un regressus ad uterum qui fait retrouver au néophyte la situation de l'embryon.

7La troisième partie traite des rites de bénédiction. L'analyse du sacré, la puissance, le transfert, les dons et faveurs passent par la typologie de la bénédiction. Les religions des peuples à tradition orale nous parlent de symbolique de la main droite, de l'Ancien Testament, de la baraka, et des rites du salut. Les cultes anciens et thérapies, guérisseurs sont en relation avec la méditation, les rites et la prière comme méthode de guérison et de libération.

8La quatrième partie analyse les rites et rituels dans les cultures. L'idolâtrie interpelle le culte idolâtrique de Yahvé dans son rapport au christianisme, au monothéisme islamique et le culte du symbolique. L'auteur y consacre le troisième chapitre aux pèlerinages comme expérience des structures sacrales. Il traite du symbolisme du centre et le lieu sacré, du temps sacré du pèlerinage, de la symbolique rituelle du pèlerinage, de la route, du jeûne, de la lumière et du sacrifice. Il aboutit ainsi à une typologie historique pour arriver au chapitre suivant au lien entre rites de survie et d'immortalité. Il termine avec un épilogue sur la nouvelle anthropologie religieuse fondamentale. Il retrace l'expression du sacré et sa signification au cours de l'histoire de l'humanité.

9L'ouvrage se présente ainsi comme une sorte de manuel exposant les définitions et les parcours théoriques et méthodologiques en matière des symboles, mythes et rites. Son apport pédagogique est d'une importance capitale et constitue de ce fait une contribution essentielle désormais centrale pour traiter de ces domaines avec toute la documentation bibliographique et l'analyse des auteurs ayant travaillé sur ces questions.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mustapha Naïmi, « Julien Ries, Symbole, mythe et rite, constantes du sacré », Archives de sciences sociales des religions, 160 | 2012, 265.

Référence électronique

Mustapha Naïmi, « Julien Ries, Symbole, mythe et rite, constantes du sacré », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 160 | octobre-décembre 2012, mis en ligne le 27 mars 2013, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/assr/24705 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/assr.24705

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Auteur

Mustapha Naïmi

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