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Bulletin bibliographique
148-7

Nelly Amri, Les saints en islam, les messagers de l’espérance. Sainteté et eschatologie au Maghreb aux xive et xve siècles

Paris, Éditions du Cerf, coll. « Patrimoines », 2008, 301 p.
Mustapha Naïmi
p. 75-342
Référence(s) :

Nelly Amri, Les saints en islam, les messagers de l’espérance. Sainteté et eschatologie au Maghreb aux xive et xve siècles, Paris, Éditions du Cerf, coll. « Patrimoines », 2008, 301 p.

Texte intégral

1Cet ouvrage s’inscrit comme aboutissement d’un long cheminement dans l’étude des différents moments de l’eschatologie musulmane avec un regard comparatif sur les autres systèmes eschatologiques, notamment celui de la chrétienté. L’ouvrage se présente comme un volume issu d’une série de travaux sur le soufisme en Ifriqiya à l’époque hafside et, plus particulièrement, sur sainteté et société en Ifriqiya médiévale. Nelly Amri analyse les recueils hagiographiques, la littérature des visions, les chroniques, les consultations juridiques et les responsa sur la manière avec laquelle les Ifriqiyens aux viiie-ixe/xive-xve siècles ont pensé leur destin dans l’au-delà, et ont réglé, à leur manière leur conduite. Le volume se déploie, dans un premier temps, autour de la mort et du destin après la mort, focalisant d’abord le regard sur la peste: entraîne-t-elle un nouveau rapport à la mort? Vient ensuite la perception du destin après la mort, destin ponctué, dans la théorie générale de l’eschatologie en islam, par deux moments cruciaux: le temps suivant immédiatement la mort, où se déroule déjà une «petite» eschatologie dont le lieu est la tombe, «première demeure de l’au-delà, et le temps du jugement et de la reddition des comptes, avec ses différents épisodes, et le sort réservé aux différentes catégories d’hommes, ainsi que la place prépondérante qu’occupe la shafā‘a (l’intercession) du prophète dans l’au-delà. Les formes de solidarité entre les vivants et leurs morts, sont ensuite mises à contribution à partir de la production juridique, les demandes de consultations et les responsa des muftis, mais aussi la conscience de la mort de soi, la préparation à la mort et la préoccupation de la bonne mort. Vient ensuite l’étude des nouvelles spiritualités et la place qu’occupe en Ifriqiya la crainte eschatologique: pleure-t-on toujours autant, en comparaison avec les premiers siècles, peut-on encore parler d’une sainteté de la componction? On aborde ensuite les nouvelles dévotions à la personne du prophète et aux Ahl al-Bayt. Enfin, la figure du saint homme comme messager d’une espérance eschatologique est articulée autour du personnage central du prophète, figure que l’auteure tente d’éclairer grâce aux représentations des contemporains de la question de la shafā’a, et aux récits de visions de l’au-delà.

2Mais se trouvent laissées de côté toutes les questions relatives au millénarisme, au mahdisme et aux attentes «messianiques», autant de thèmes qui concernent également l’eschatologie, l’auteure se contentant d’aborder cette dernière dans le sens de l’homme et réserve la conclusion de l’ouvrage à quelques réflexions inspirées d’expériences maghrébines du mahdisme fondées sur la croyance en l’avènement d’un sauveur eschatologique comportant des traits messianiques et sur le rapport, complexe, entre wilāya et millénarisme, la figure du saint et la figure du mahdi.

3Les pratiques salvatrices dont les hommes de l’époque s’entourent pour leur rachat propre et celui de leurs proches tendraient à accréditer l’idée d’une inquiétude profonde, d’une angoisse et d’une peur, ravivée par la présence brutale, massive et traumatisante de la mort amenée par la peste, et partant, d’un besoin urgent d’être «assuré», sur son destin dans l’au-delà. L’auteure tente d’analyser les nouvelles idées jugées comme des innovations (bid‘a), par rapport au temps des origines et des fondations. D’autre part, la solidarité des vivants avec leurs morts, prenant elle aussi de nouvelles formes et une importance accrue, participe de cette confiance que l’on peut d’ores et déjà accumuler pour son salut; bref, les pratiques testamentaires, les rites funéraires, les prières et visites aux tombeaux, tout cela accrédite un nouveau rapport à la mort et une conscience plus aiguë, peut-être, de la mort de soi.

4Le discours hagiographique conforte en tout cas l’Ifriqiyen de l’époque dans l’espérance; puisque la shafā‘a du prophète est acquise à tous les croyants. Néanmoins, cette croyance en la miséricorde divine a désormais « un visage » : celui du ghawth (le secours), pôle d’excellence, qui occupe le sommet d’une hiérarchie invisible de saints intercesseurs, qui ont pris en charge les destinées du monde et des créatures et qui sont le signe de la présence de la rahma divine dans les univers. L’auteure formule l’hypothèse que la figure du saint visionnaire, à la parole inspirée, tenant sa « science » du sein même de Dieu, instruit directement par lui, par ses prophètes et ses anges, en raison de sa plus grande proximité avec Dieu, eut tendance à incarner, aux yeux des contemporains, cette promesse d’espérance.

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Pour citer cet article

Référence papier

Mustapha Naïmi, « Nelly Amri, Les saints en islam, les messagers de l’espérance. Sainteté et eschatologie au Maghreb aux xive et xve siècles », Archives de sciences sociales des religions, 148 | 2009, 75-342.

Référence électronique

Mustapha Naïmi, « Nelly Amri, Les saints en islam, les messagers de l’espérance. Sainteté et eschatologie au Maghreb aux xive et xve siècles », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 148 | octobre-décembre 2009, document 148-7, mis en ligne le 02 février 2010, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/assr/21090 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/assr.21090

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Auteur

Mustapha Naïmi

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