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Bulletin bibliographique
Comptes rendus
110-11

BURKERT (Walter), Creation of the Sacred. Tracks of Biology in Early Religions

Cambridge (Mass.) Londres, Havard University Press, 1996, 235 p. (bibliogr., index)
Anne-Catherine Le Mer
p. 64-65
Référence(s) :

BURKERT (Walter), Creation of the Sacred. Tracks of Biology in Early Religions, Cambridge (Mass.) Londres, Havard University Press, 1996, 235 p. (bibliogr., index)

Texte intégral

1Quelle est la part de naturel dans la religion ? Autrement dit, les comportements religieux observés dans différentes sociétés ne sont-ils pas guidés avant tout par la nature ? Questions auxquelles W.B. se propose de répondre en étudiant la religion à la lumière de la biologie.

2Pour ce faire, il commence par rappeler les méthodes déjà employées pour l’étude de la religion, soulignant qu’actuellement, elle est intégrée à la culture, en contraste avec la nature. Durkheim notamment considérait la religion comme un phénomène social ; pour Vernant et « l’école de Paris », la religion grecque a émergé dans le contexte de la cité grecque.

3W.B. ne se cantonne pas dans cet ouvrage au domaine qui lui est le plus familier, celui des études grecques. Pour les besoins de sa démonstration, il tient compte autant de la civilisation grecque que de celles de Mésopotamie, des Juifs ou des Romains, qui constituent son réseau d’application. Son ouvrage n’a donc pas pour but d’étudier la religion d’un peuple ou de donner une définition de la religion en général. Il tend plutôt à montrer, par l’étude de phénomènes religieux et de leurs ressemblances dans différentes civilisations, qu’on y trouve toujours un fond naturel préexistant. Dans cette logique, W.B. n’hésite pas à établir des rapprochements entre les humains et les communautés de chimpanzés et de gorilles, dont on peut pourtant douter qu’elles possèdent une forme de pratique religieuse. Mais l’idée de l’auteur est que les attitudes religieuses des divers groupes sociaux subissent un certain déterminisme d’ordre biologique : les expériences de l’enfance vont déterminer la personnalité, qui inclut les attitudes politiques et religieuses. Chaque phénomène religieux trouve son pendant et son origine dans la nature.

4L’A. prend pour exemple, parmi d’autres, le sacrifice du doigt. Ce motif l’intéresse car il est présent dans les récits populaires et féeriques, mais aussi parce que la pratique en est attestée dans plusieurs civilisations, à plusieurs époques. En somme, ce rituel, qui semble avoir été pratiqué dès le paléolithique, puisque des empreintes de mains mutilées ont été découvertes dans des grottes, a survécu jusqu’à nos jours en Amérique, en Afrique, aux Indes et en Océanie. C’est une aubaine, surtout quand l’A. constate que les pratiques de mutilation se retrouvent aussi dans le monde animal : selon lui, l’aisance avec laquelle la queue du lézard se détache pour rester entre les pattes de son prédateur est « programmée » génétiquement, ce qui montre que la mutilation d’une partie du corps serait au départ un phénomène naturel. Le rite religieux se calquerait donc bien sur une réalité biologique. W.B. en conclut donc que zoologie et religion se rejoignent et espère démontrer que la religion possède des éléments biologiques. Il renouvelle l’expérience avec plusieurs objets d’étude, comme la castration ou le thème du bouc émissaire.

5Grâce à cette méthode, l’A. traverse les civilisations et les religions dans le désir de faire une synthèse de la question et de résoudre tous les problèmes de l’origine des rites et des religions ; il laisse cependant le lecteur sur une impression de superficialité. De plus, on peut se demander si les mondes animal et humain, que W.B. rapproche si aisément, sont vraiment comparables sur ce terrain. Est-il légitime de dire que des éléments ritualisés et socialisés sont comparables à ce qui est du domaine instinctif et animal, voire qu’ils en sont issus ?

6Sa théorie s’applique non seulement aux pratiques religieuses, mais aussi à ce qu’il appelle les chaînes sémantiques : tous les récits que l’on connaît, qu’ils soient contes ou mythes, seraient conçus selon un même principe organisateur, que l’on trouverait également à l’état naturel. Ainsi, la séquence dite de Propp, destinée à étudier la structure des contes russes centrée autour de la quête effectuée par le héros, se voit appliquée par l’A. aussi bien à la légende de Persée ou au récit des Argonautes qu’à un texte sumérien. Et, pour boucler la boucle, l’A. souligne que ce schéma de quête trouve son équivalent biologique dans la recherche de nourriture par l’animal.

7W.B. aborde ensuite le thème de la culpabilité, qui joue selon lui un rôle majeur dans la fondation des cultes et l’accomplissement des rituels : il prend comme exemple la peste qui s’abat sur les Achéens au début de l’Iliade et montre l’universalité de ce principe qu’il retrouve dans la Bible et dans certaines régions du monde actuel : ainsi, les notions de souillure et de purification ne sont pas propres aux Grecs mais tiennent un rôle important dans les religions dites primitives. Cette universalité semble toute logique à W.B. puisqu’elle vient de la nature : il explique que, dans le monde animal, lorsqu’un dysfonctionnement apparaît, tout est mis en œuvre pour le supprimer. L’homme fait de même lorsqu’il accomplit un rituel pour expier une faute. Il se contente en cela de suivre son instinct biologique. Tous les comportements rituels humains tendent ainsi, pour W.B., à reproduire ce qui existe déjà à l’état de nature et la religion se contente de suivre les traces de la biologie. Le don et l’échange sont traités de la même façon, cela n’est pas pour nous surprendre : l’équilibre naturel dépend de ce système, c’est pour cela que la religion l’a intégré selon W.B.

8W.B. conclut donc son ouvrage sur ce problème de l’origine de la religion où perdurent, d’après lui, des éléments déjà présents à l’état naturel. On comprend alors qu’il exprime dans sa conclusion une inquiétude devant le « net » et les réalités virtuelles : qu’en sera-t-il des instincts « naturels » dans la religion du futur ?

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne-Catherine Le Mer, « BURKERT (Walter), Creation of the Sacred. Tracks of Biology in Early Religions », Archives de sciences sociales des religions, 110 | 2000, 64-65.

Référence électronique

Anne-Catherine Le Mer, « BURKERT (Walter), Creation of the Sacred. Tracks of Biology in Early Religions », Archives de sciences sociales des religions [En ligne], 110 | avril-juin 2000, document 110-11, mis en ligne le 19 août 2009, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/assr/20527 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/assr.20527

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