- 1 La loi de 1990 sur les tribunaux et les services juridiques et la loi de 1999 sur l'accès à la just (...)
1Les étudiants français en droit sont toujours surpris d’apprendre que la profession d’avocat en Angleterre et au pays de Galles est traditionnellement divisée en deux grandes branches : les solicitors et les barristers1. C’est en ces termes que Gary Slapper et David Kelly décrivent ce système dual :
The English legal system is one of only three in the world to have a divided legal profession where a lawyer is either a solicitor or a barrister. Each branch has its own separate traditions, training requirements and customs of practice. (Slapper 2010 : 322)
2Nos travaux s’inscrivent dans le cadre de recherches menées dans le domaine des études comparatives sur les communautés professionnelles juridiques française et anglo-galloise. Il y a presque dix ans paraissait un numéro spécial du Cahier de méthodologie juridique consacré aux méthodes comparées de l’enseignement du droit en France et à l’étranger, et en particulier dans les pays de common law. À cette occasion, la question des différences de formation suivie par les praticiens du droit (avocats et solicitors) fut soulevée :
Faut-il que les étudiants obtiennent une licence en droit (ayant suivi une formation purement juridique) avant de pouvoir mener une carrière juridique ? En revanche, les cabinets d’avocats ont-ils raison de préférer (comme ils le font actuellement en Angleterre) les diplômés en matières non juridiques ? (Millns & Samuel 1998 : 1527)
3Un tel débat semble se développer dans bon nombre de pays, ceux de tradition juridique de common law ainsi que dans ceux de tradition romano-germanique, comme en témoigne le rapport de la commission Darrois sur les professions du droit remis au président de la République en mars 2009 (Darrois 2008).
4Pour rendre compte des différences essentielles entre ces deux groupes et les expliquer, il est nécessaire de s’intéresser au cursus universitaire des étudiants anglais ainsi qu’à la formation post-universitaire qu’ils doivent suivre pour devenir solicitors. Pour ce faire, la consultation de documents bien spécifiques s’avère judicieuse : des offres de stage d’observation et de contrat d’apprentissage, connues sous le nom de summer/winter work placement schemes et training contracts, mises en ligne directement par neuf solicitors’ law firms, c’est-à-dire des cabinets d’avocats anglais : Addleshaw Goddard, Ashurst, Clifford Chance, Denton Wilde Sapte, Edwin Coe LLP, Jones Day, Lovells, Osborne Clarke et Plexus. Les cabinets ont été sélectionnés par l’intermédiaire de plusieurs sites web tels que lawcareers.net, celui du Times (rubrique law, accès payant) et celui de la Law Society Gazette (rubrique jobs). Tous ces cabinets ont un bureau à Londres. Certains opèrent uniquement au Royaume-Uni, d’autres également internationalement. Dans ce deuxième cas de figure, seules les pages web consacrées au domaine anglais ont été consultées.
5De quel type d’offres s’agit-il ? La première catégorie concerne un stage d’observation assez court, d’une à plusieurs semaines, destiné à des étudiants diplômés ou non encore diplômés, dans les domaines juridique et extrajuridique. Ce public est désireux de mieux connaître le milieu du droit et de vérifier s’il peut y envisager une carrière dans ce domaine. Les cabinets eux-mêmes décrivent cette première étape comme étant composée de discussions, d’ateliers visant à développer certaines compétences et de phases d’observation des stagiaires déjà en place dans les différents services du cabinet : « talks, skills workshops and shadowing trainees in department seats » (Denton Wilde Sapte). La préparation peut également consister à assister à des audiences, à étudier des dossiers en cours et à participer à des ateliers : « court trips, case studies and workshops » (Addleshaw Goddard).
6Les candidats potentiels de ces offres de stage d’observation (work placement scheme) sont de tous horizons, ce qu’Edwin Coe LLP appelle « candidates who are considering a career in law ». Il s’agit de personnes inscrites, dans une filière non juridique, en deuxième ou dernière année d’études, ceux que les cabinets d’avocats nomment les « penultimate-year students from any discipline » (Clifford Chance), ou les « final year nonlaw undergraduates » (Ashurst), « candidates from their final year of a non-law degree » (Osborne Clarke), « final year students » (Jones Day). Il peut également s’agir de futurs diplômés en droit, « second year law undergraduates » (Ashurst), « candidates in their penultimate year of a qualifying law degree » (Osborne Clarke) ou de jeunes diplômés dans toute discipline « all graduates » (Ashurst), « graduates of a non-law degree » (Jones Day).
7En raison d’une très forte demande de la part de ceux qui désirent suivre le stage d’observation d’une semaine, les critères de recrutement sont très sélectifs. Ils se fondent sur les résultats obtenus aux A-levels (équivalent du baccalauréat français), puis sur ceux des diplômes universitaires ultérieurs :
To be successful you should be able to demonstrate a passion for the law, supported by a strong academic record (2:1 degree or grades to date and BBB A’ level results or equivalent). (Edwin Coe LLP)
Ideally, candidates should have grades A — B at A’ Level or equivalent, as well as a minimum 2:1 degree grade in any discipline. (Osborne Clarke)
8L’offre de stage proposée par Denton Wilde Sapte exprime la même idée, dans des termes encore plus imprécis, mais tout aussi sélectifs : « We accept candidates from any degree discipline, but you must have a strong academic and extra-curricular record of achievement ». La discipline de formation n’a qu’une importance secondaire ; ce sont les résultats scolaires et extrascolaires des candidats qui comptent.
9Le deuxième genre d’offre de recrutement est relatif à la période d’apprentissage de deux ans que doit effectuer tout aspirant solicitor pour valider sa formation et obtenir le droit d’exercer. Les étudiants français se méprennent très souvent sur la signification du terme training contract qu’ils interprètent comme un véritable contrat d’embauche en tant que titulaire du poste. La traduction « contrat d’apprentissage » semble la plus appropriée, car elle permet de lever toute ambiguïté à cet égard : les auteurs d’ouvrages portant sur le droit anglais et les professions juridiques décrivent eux-mêmes le training contract comme une forme d’apprentissage (apprenticeship, Slapper 2010 : 323).
10Afin de déterminer la place occupée par l’anglais juridique dans les offres sélectionnées, il s’agit dans un premier temps d’étudier les divers termes et acronymes, puis de mettre en lumière dans quelle mesure ces termes et expressions permettent aux étudiants en droit français d’appréhender cette langue de spécialité et d’accéder à une autre culture professionnelle, celle des solicitors en Angleterre et au pays de Galles.
11Au premier abord, on pourrait penser que les pages consultées sur ces sites sont rédigées dans une langue anglaise très spécialisée, réservée à des initiés qui appartiendraient tous au monde et à la culture des praticiens du droit de common law. Mais est-ce vraiment le cas ? Quelle place tiennent l’anglais juridique et l’anglais « général » dans ces documents ?
12À la lecture de ce corpus plus ou moins éphémère se dégagent plusieurs remarques préliminaires. Tout d’abord, toutes ces offres sont accessibles en ligne, généralement rangées dans les rubriques Recruitment, Careers, Jobs, mais il ne semble pas exister de macro-structure commune aux documents consultés. Ce type de présentation s’explique principalement par le fait que le site de chaque cabinet d’avocats est conçu d’une manière qui lui est propre. En outre, de tels textes ne présentent pas de problèmes phraséologiques ou syntaxiques qui pourraient faire obstacle à leur compréhension. Les phrases sont simples, relativement courtes et rarement ambiguës. Les offres se présentent davantage comme une lettre ouverte publiée par le recruteur auquel il est fait référence par le pronom we ou le nom du cabinet. Celui-ci s’adresse à un candidat potentiel, you, qui est parfois décrit comme le futur stagiaire (« our future trainee », Ashurst) afin de créer un lien entre le recruteur et le recruté, relation qui ne peut naître que si les textes sont abordables et compréhensibles. Par conséquent, la difficulté première de ces documents parajuridiques atypiques réside plus dans les notions juridiques employées pour décrire le parcours et la formation suivis par les futurs solicitors.
13Une partie du vocabulaire qui figure dans ces documents ne relève point d’une langue de spécialité ; il est tout à fait compréhensible pour des personnes étrangères au monde du droit. C’est particulièrement le cas lorsqu’il s’agit de décrire le profil des candidats recherchés. Pour Plexus Law, il faut être : « self-confident, committed to client service, commercially aware, articulate and keen to learn ». Le cabinet Denton Wilde Sapte recherche des personnes possédant tout un éventail de qualités (« wide-ranging skills, aptitudes and personalities ») telles que l’enthousiasme et l’ambition, « drive and ambition ». Osborne Clarke trace le portrait du parfait candidat en ces termes : « If you are a highly driven individual with good analytical, communication and organisational skills, we would like to hear from you. Commercial acumen and the ability to build relationships with clients and colleagues are essential ».
To become an Ashurst trainee, you will need to show common sense and good judgement [...] We want people who have a range of experiences and interests outside their studies. And we want outgoing people with a sense of humour who know how to laugh at themselves. [...] We are looking for people with the communication skills required to advise clients and colleagues on technical, legal and commercial issues in plain and understandable terms. [...] so we are looking for high academic achievers who are able to think laterally. (Ashurst)
14Ce qui importe avant tout pour être recruté comme apprenti dans un cabinet d’avocats anglais, ce n’est pas tant d’attester de compétences approfondies que de faire preuve du sens des affaires, de confiance en soi, de curiosité et de bon sens. L’essentiel est donc de savoir communiquer et échanger avec des clients et des collègues dans un langage simple et accessible, mais aussi d’être capable de se moquer de soi-même. Par conséquent, ces offres sont finalement très accessibles par l’utilisation d’un vocabulaire imagé, transversal et simple. Il faut garder à l’esprit l’objectif principal de ces textes : attirer et recruter les meilleurs éléments issus de toutes les filières pour en faire des collaborateurs.
15Toutefois, si l’on prend comme hypothèse de départ que la terminologie juridique est l’ensemble des termes spécialisés relevant d’un même milieu professionnel (ici celui du droit) et caractéristique de ses pratiques, il semblerait que la langue employée dans les offres de stage sélectionnées relève en partie du domaine terminologique dans la mesure où certaines expressions s’avèrent révélatrices du parcours suivi et de la formation requise pour devenir solicitor. En effet, l’étude des termes employés souligne la spécificité du parcours universitaire et post-universitaire suivi par les aspirants solicitors en Angleterre et au pays de Galles (voir annexe 1). Ainsi, la durée de ces études de droit est de six ans au minimum et dépend du domaine étudié à l’université après obtention de l’équivalent anglais du baccalauréat français (A-levels).
16Afin de déterminer les termes marqués par un certain degré de spécialisation, il semble pertinent de souligner la présence d’expressions particulières telles que non-qualifying law degree, qualifying degree in English law et d’acronymes spécifiques (GDL pour Graduate Diploma in Law, LPC pour Legal Practice Course, CPS pour Common Professional Course, PCS pour Professional Skills Course). Il faut donc désormais expliquer la nature de ces termes et la signification qu’ils revêtent dans la culture professionnelle des solicitors.
17La première étape, assez théorique, de la formation, que les Anglais appellent academic stage, est d’une durée variable (trois ou quatre ans) en fonction du type de diplôme universitaire obtenu en premier lieu. Quiconque entreprend des études de droit dès le départ peut obtenir après trois ans d’études universitaires ce que les recruteurs nomment un qualifying law degree, expression qui désigne un diplôme attestant d’une compétence dans les matières fondamentales comme un BA in law ou un LLB in law. Selon Danièle Frison, en 2005, 64 % des solicitors étaient détenteurs d’un diplôme de droit alors que 19 % n’en avaient pas (Frison 2005 : 137). Équivalent anglais du barreau pour les solicitors, la Law Society définit ainsi ce qu’est ce diplôme :
These are degrees which have covered the General Council of the Bar and the Law Society’s seven foundations of legal knowledge which form the academic stage of legal education, and which allow graduates to proceed directly to study the Legal Practice Course. (Cole 2008 : 31)
18Dans d’autres cas, il est fait référence à une certaine catégorie de candidats potentiels, déjà diplômés en droit ou dans une autre discipline : « students currently studying for their GDL or LPC » (Addleshaw Goddard). De manière à ce que les candidats prouvent leur intérêt pour le monde du droit, les cabinets ajoutent la phrase suivante : « Please make sure you state the year in which you intend to complete the LPC » (Edwin Coe LLP). Ainsi, des étudiants non encore diplômés mais qui envisagent de suivre une formation juridique sont concernés par ces offres. Que recouvrent les acronymes GDL et LPC fréquemment utilisés dans ces documents ?
19Pour les personnes qui choisissent d’entreprendre des études dans un autre domaine que le droit, la première étape est prolongée d’un an après l’obtention du diplôme universitaire. Cette année est consacrée à une formation juridique intensive, sorte de programme de reconversion en droit, « a law conversion course », qui porte le nom de Common Professional Examination (CPE), sigle encore parfois utilisé, mais très fréquemment remplacé par le Graduate Diploma in Law (GDL).
- 2 Entretiens réalisés à Lyon en juin et juillet 2009 auprès de Timothy Hughes, solicitor anglais et a (...)
20En réalité, un grand nombre d’employeurs recherchent des candidats qui ne sont pas forcément des spécialistes du droit, mais qui ont, avant tout, une formation plus large (on retrouve les expressions broad education, broad experience et life experience). Ne pas être diplômé en droit n’est donc pas rédhibitoire pour se lancer dans une carrière juridique, bien au contraire. Les autres diplômes (en sciences économiques, sciences sociales et humaines ou sciences dures) sont recherchés, plébiscités même, pour leur composante intellectuelle et éducative. Des entretiens2 ont été menés auprès d’avocats anglais installés à Lyon et de futurs solicitors en cours d’apprentissage. Il s’agissait de recueillir les témoignages de ces personnes à propos de leur parcours universitaire et professionnel. De ces entretiens découle le constat suivant : le recrutement de diplômés dans les matières non juridiques est fréquent. Sur les deux solicitors anglais interrogés, l’un avait un BA en droit et l’autre en sciences économiques. Sur les trois étudiantes rencontrées, la première avait un BA en mathématiques, la deuxième en anthropologie tandis que la dernière avait un diplôme en droit. C’est à la lumière de ces exemples que les étudiants français peuvent mieux comprendre ce que l’on peut lire sur le site Internet du cabinet Osborne Clarke : « Applications are welcomed from candidates seeking a career change ». En effet, il n’est pas rare en Angleterre et au pays de Galles de s’engager dans une filière universitaire pour, son diplôme acquis, se reconvertir au droit. Il est pertinent de citer ici le constat dressé à propos du système anglais par S. Millns et G. Samuel dans le numéro spécial des Cahiers de méthodologie juridique consacré à la comparaison des méthodes d’enseignement du droit en France et à l’étranger, constat encore valable en 2010 :
[...] il valait mieux avoir des connaissances plus globales (extrajuridiques) du monde afin d’être à même de répondre aux cas concrets soulevés par les problèmes de tous les jours qui fournissent la substance des travaux des avocats. (Millns & Samuel 1998 : 1531)
21Le Graduate Diploma in Law est un programme intensif d’une durée de douze mois – les diplômés en droit suivent une formation de trois ans – qui est proposé aux diplômés en matières non juridiques qui souhaitent se reconvertir. Ils étudient sept matières fondamentales (appelées core subjects) qui sont le droit des obligations, le droit pénal, l’equity et le trust, le droit de l’Union européenne, le droit foncier et le droit de la responsabilité semi-délictuelle (« contract, criminal law, equity and trusts, European Union law, land law, public law et tort », GDL Programme Specification 2009-2010 : 4). Cette formation accélérée permet aux étudiants d’acquérir des connaissances et des compétences essentielles (on parlera ici de practical legal skills) dans les principales matières juridiques pour pouvoir prétendre à une carrière dans le droit. C’est en ces termes que le College of Law vante les avantages de son GDL :
Enhance your career prospects with our GDL – designed to help you think like a lawyer and develop the practical skills that the modern legal profession demands.
Our GDL is much more than an academic conversion course – it’s the perfect starting point for non-law graduates or those working in a different profession seeking the job satisfaction and rewards of a career in law. [...] The expertise you gain through our GDL will more than match a law degree. You won’t just learn the law – but how to apply it in practice to meet the realities of today’s legal environment and become a highly marketable lawyer. (Perfect for Practice 2010)
22Il s’agit donc avant toute chose de transmettre à des « novices » du droit une expérience et des compétences essentielles qu’ils pourront rapidement et efficacement mettre en pratique sur le marché du travail. En revanche, d’autres cabinets se montrent plus sélectifs ; ils excluent les diplômés en matières extrajuridiques et ne recrutent que des étudiants diplômés en droit ou en passe de l’être comme De Marco Hunter Solicitors : « Candidates must either be studying for a qualifying law degree, studying an LPC or have recently completed their legal studies ». D’autres encore sont plus exclusifs et imposent que la formation LPC soit effectuée dans un établissement bien précis. C’est le cas du cabinet Hogan Lovells : « We require all prospective trainee solicitors to undertake the accelerated LPC at BBP London ».
23Il s’agit ici de la deuxième étape du cursus pour devenir solicitor, à laquelle il est fait fréquemment référence par le biais de l’expression anglaise vocational stage. Elle consiste en une formation à la fois théorique et pratique, commune à tous les diplômés en droit ou dans une autre matière, car elle est ouverte aux détenteurs soit du qualifying law degree soit du Graduate Diploma in Law. Son appellation, le Legal Practice Course, est souvent abrégée en LPC. La réussite à ce programme d’un an (ou de deux si l’on est étudiant en régime spécial, part-time student) permet d’opérer une transition entre le droit comme objet d’études universitaires et la pratique professionnelle.
24Les critères d’intégration du LPC sont universitaires et financiers. C’est ce que nous a expliqué Timothy Hughes, solicitor et avocat communautaire au barreau de Lyon : « The criteria are all very vague, you need a 2nd-class law degree and the money to have this course. The LPC tuition fees are about £10,000, much more than in France ». Lorsque l’étudiant intègre cette formation dispensée dans différents établissements spécialisés dont le bien connu College of Law, il a l’obligation de s’inscrire auprès de la Solicitors Regulation Authority (SRA), organe de contrôle de la profession, créé en 2007 en vertu de la loi sur les services juridiques (Legal Services Act 2007). Pendant dix mois, des cours sont dispensés dans plusieurs domaines parmi lesquels figurent des matières fondamentales telles que le droit des affaires, les contentieux en matière civile et pénale ou encore le droit des biens (business law and practice, civil and criminal litigation et property law and practice) mais également des matières secondaires (pratiques professionnelles et réglementation/professional conduct and regulation, impôts et succession/taxation and wills, gestion de patrimoine/administration of estates), ainsi que des compétences propres au métier et des options (vocational electives).
25Ainsi, la formation se veut professionnalisante, axée sur des cours non plus théoriques, mais très pratiques dans la mesure où les futurs solicitors doivent acquérir les compétences juridiques et techniques nécessaires à la profession déjà évoquées, pratical legal skills. Ils apprennent, par exemple, à s’entretenir avec un client, à le conseiller lors d’une consultation, à mener des recherches documentaires pour un dossier, à rédiger des actes juridiques, à négocier ou encore à plaider. Selon les chiffres publiés par la Law Society, 86,5 % des étudiants qui ont passé les examens de fin d’année en 2008 (LPC examination) les ont réussis par rapport à 75,6 % en 2007 (Cole 2008 : 6).
26En dernier lieu, l’analyse des termes employés dans ces offres de recrutement démontre l’importance du stage d’observation pour le reste de la formation, à savoir la période d’apprentissage dans un cabinet d’avocats plus connue sous le nom de training contract, troisième et dernière étape du cursus, qualifié de practical stage. L’ancien terme, articles of clerkship, a été abandonné au profit de cette expression plus moderne et surtout plus parlante pour les néophytes en droit. Les offres évoquent parfois la possibilité d’obtenir un contrat d’apprentissage avant même d’avoir commencé le LPC : « If you’ve been offered a training contract at Addleshaw Goddard but have not yet started your LPC [...] ».
27Les données communiquées en ligne par les cabinets d’avocats renseignent les candidats potentiels sur la durée et le déroulement du training contract. La formation se déroule sur deux ans partagés en quatre périodes de six mois passés dans les différents services du cabinet : « The two-year training contract comprises of four-six month seats in the following practice areas » (Edwin Coe LLP). Le temps est donc venu pour le « trainee », nouveau nom pour « articled clerk », de mettre en pratique les compétences (skills) et les connaissances (knowledge) acquises précédemment au cours du LPC. Ces quatre périodes sont désignées par le terme anglais « seats ». Dès lors, pour un contrat d’apprentissage commencé en août 2008, l’apprenti solicitor passe successivement six mois (d’août 2008 à janvier 2009) dans un service, ensuite six mois dans un autre (de février 2009 à juillet 2009), puis encore six mois dans un troisième (d’août 2009 à janvier 2010) pour terminer par six mois dans un dernier (de février 2010 à juillet 2010), date à laquelle il reçoit le diplôme de solicitor.
28Cette étape de vingt-quatre mois, qui a une orientation pratique et est obligatoire pour pouvoir exercer, constitue une forme d’apprentissage « sur le terrain » (les Anglais parlent de period of on-the-job training) durant laquelle l’aspirant solicitor est immergé dans le milieu professionnel d’un vrai cabinet d’avocats, sous le contrôle et la surveillance d’un praticien expérimenté qui joue le rôle d’un maître de stage (« a practising solicitor », « a training supervisor » Osborne Clarke) que le stagiaire suit comme son ombre, d’où l’expression employée par Ashurst : « shadowing a solicitor ». Les recruteurs assurent également un processus régulier de contrôle du contrat d’apprentissage comme à Edwin Coe LPP : « [...] a continuous process of two-way feedback. The firm operates an informal ’mid seat review’ and a formal ’end of seat review’ to help you to track your progress and support your going development ».
29En analysant ces offres de contrat d’apprentissage, nous avons trouvé un cabinet d’avocats, Jones Day, qui tente de se démarquer en adoptant un système de formation un peu différent décrit en ces termes :
At Jones Day, we recruit approximately 20 trainees every year and operate a non-rotational training system that is unique among City firms.
Other City law firms operate a rotational or ’seat’ system, in which the two years of the training contract are divided into periods of four or six months where you work exclusively for one partner or one practice at a time before moving on to another.
Training at Jones Day is completely different. Under our system, you do not ’belong’ to one partner or practice. You can take work from any practice at any time and work with any of our lawyers, which means that you get the flexibility to gain experience in a wide range of practices and from a wide range of colleagues.
30Une telle organisation, non fondée sur une rotation entre les différents services du cabinet, permet ainsi à l’apprenti d’acquérir une expérience plus diversifiée.
31Enfin, au cours de ces deux ans, chaque étudiant est également tenu de suivre une formation professionnelle complémentaire, appelée Professional Skills Course, qui doit être obligatoirement validée afin d’obtenir le diplôme de solicitor :
The PSC along with the training contract, constitutes the final elements of pre-admission training and must be undertaken during the training contract and completed prior to your admission as a solicitor. (Ashurst)
32Ces enseignements complètent la formation professionnelle initiale et mettent l’accent sur les techniques juridiques dont les praticiens ont besoin en matière de plaidoirie, de communication, de gestion financière, de relation avec la clientèle et de réglementation professionnelle (advocacy and communication skills, financial and business skills, and client care and professional standards).
33Après avoir décrypté ces offres de recrutement consultables en ligne, quelles conclusions peut-on tirer sur la présence de l’anglais du droit ? Si l’on considère que la langue de spécialité est celle qui permet la compréhension de la langue, du discours et de la culture propres à un milieu spécialisé, de telles offres rentrent dans cette catégorie. En effet, l’emploi d’acronymes spécifiques à la formation juridique (GDL, LPC, PSC), d’expressions révélatrices du parcours universitaire et post-universitaire des aspirants solicitors (qualifying law degree, work placement, training contract) révèle la présence d’un monde professionnel qui pourrait s’ouvrir aux étudiants français en droit.
34L’analyse de ces documents contribue à la transmission écrite du savoir relevant de l’environnement professionnel des solicitors anglais. Pour comprendre cette communauté, il est nécessaire d’en décrypter les codes. Les termes relatifs aux rôles et aux compétences des solicitors sont caractéristiques d’un fonctionnement professionnel bien particulier.
35En premier lieu, il s’agit pour les recruteurs qui rédigent ces offres de donner un avant-goût, le plus motivant possible, de ce que seront les périodes d’observation et d’apprentissage afin de retenir l’attention des meilleurs candidats. D’où un ton et un style promotionnels dignes de ceux adoptés dans une annonce publicitaire conçue pour « attirer le chaland ». La quasi-totalité des sites consultés utilise les expressions suivantes :
[...] then the best way to find out more is to do just that: find out more [...] to gain an insight into commercial law and life as a trainee [...] you will gain an invaluable insight into what we do and how we do it. (Plexus)
You will be guaranteed to have a genuinely broad experience of our wide ranging practice areas and be immersed in Lovells’ team-based structure. (Hogan Lovells)
For a taster of what it is like to train [...] Our work placement scheme will show you what it’s like to be a trainee with us [...] a clear picture of what being a Jones Day lawyer will be like, how our training system works, and whether it is for you. [...] A good way to ensure you make the right choice is to experience the work and culture of a City law firm first-hand. (Jones Day)
Each placement is for a period of one week, providing students with an insight into [...] the day to day job of a solicitor. (Edwin Coe LLP)
Our placement schemes give a taster to would-be trainees. They show you what it is like to work at. [...] The aim is for you to get as broad and comprehensive a view as possible, over a short period of time, of life as a City solicitor. (Ashurst)
[...] to give you the chance to experience the Addleshaw Goddard culture first-hand [...] to give students a true insight into life in a commercial law practice. (Addleshaw Goddard)
Our [...] scheme will give you an insider’s view of a career in law, providing valuable insight into what working here is really like [...] this is your opportunity to learn about what a major law firm does and what the career entails. (Clifford Chance)
36De ce fait, l’accent est mis sur les avantages que peut apporter un tel stage d’observation pour les futurs stagiaires. Il s’agit pour eux d’ouvrir la porte d’un nouveau monde professionnel. En effet, un grand nombre de cabinets lancent des appels à candidature deux ans avant la date prévue de début du contrat d’apprentissage, ce qui implique comme nous l’avons déjà évoqué, que des étudiants non encore diplômés peuvent déjà faire acte de candidature soit en envoyant un CV (a résumé) et une lettre de candidature (cover letter), soit en remplissant un formulaire type en ligne (to complete an online application form).
37De plus, ces périodes d’observation et d’apprentissage sont précieuses pour les cabinets d’avocats ; elles leur permettent de repérer, de recruter, puis de former leurs futurs collaborateurs :
We consider our Trainees to be our future, therefore we believe in recruiting the best people in the market and retaining them for the long term. (Plexus)
Our aim is to develop trainees into legal business advisers. (Osborne Clarke)
Our recruitment and training philosophy is very simple: our success as a firm depends on our ability to attract and retain the brightest and most able people. (Hogan Lovells)
[...] to meet talented people who might go on to become our future trainees. (Ashurst)
- 3 18 590 livres sterling dans le centre de Londres, 16 650 dans le reste de l'Angleterre et du pays d (...)
38C’est pourquoi, pendant toute la durée du contrat d’apprentissage, l’apprenti (trainee) a directement affaire à des clients et il dispose d’une autonomie croissante pour suivre leur cas. Il apprend graduellement à gérer ses propres dossiers, « manage your own files », tout en recevant un salaire minimum dont le montant dépend de la localisation du cabinet3. En réalité, le plus difficile est d’obtenir ce contrat d’apprentissage, sans lequel on ne peut pas achever sa formation et travailler comme solicitor : plus de 7 000 étudiants ont réussi le LPC en juillet 2008, alors que seulement 6 303 ont entrepris un stage en 2007-08 (Cole 2008 : 6). La concurrence entre les candidats est donc intense, en particulier sur un marché en pleine crise et où les cabinets pâtissent du marasme comme l’ensemble de l’économie. C’est la raison pour laquelle les personnes intéressées sont vivement encouragées à s’y prendre très à l’avance (lorsqu’ils sont en deuxième année de droit ou en troisième année s’ils étudient une autre matière mais souhaitent se reconvertir), à mener des recherches approfondies en se renseignant sur les cabinets d’avocats, puis en faisant acte de candidature en fonction de leurs domaines de prédilection et des spécialités desdits cabinets.
39C’est aussi pour cette raison que certains cabinets financent eux-mêmes la formation juridique suivie par ceux qu’ils souhaitent former et recruter : « We pay full fees for both GDL and LPC courses » (Addleshaw Goddard). Ce même cabinet offre un salaire de 270 livres sterling par semaine, ainsi qu’un accès à toutes sortes d’équipements : « outstanding facilities, including the staff restaurant, swimming pool and state-of-the-art fitness centre ». La présence de ces nombreux avantages peut surprendre au premier abord. Mais ils s’inscrivent dans un mouvement plus général visant à tisser des liens entre les membres présents et futurs d’une même communauté, le monde des solicitors :
You also will get plenty of opportunity to know people in the Firm on a social level as we organise lunches, dinner, drinks, and sporting events. If you have a place on our December placement scheme you will get the chance to star in the famous Jones Day pantomine! (Jones Day)
We organise several social events where you can formally meet Ashurst solicitors [...] At these events, you can ask them any questions you may have about life as a trainee and beyond. There are other social events too, such as softball matches or touch rugby, as well as nights out with trainees. (Ashurst)
There are plenty of social events too including the renowned go-karting evening where you will have the chance to meet current trainees and practising lawyers. (Addleshaw Goddard)
[...] there will an extensive programme of social events and networking opportunities where you can get to know people more informally. (Clifford Chance)
- 4 C'est un peu l'équivalent des « dining events » et « social events » organisés dans les Inns of Cou (...)
40Dès le stage d’observation, puis durant le contrat d’apprentissage, les aspirants solicitors ont donc de multiples occasions (déjeuners, dîners, rassemblements sportifs en tout genre, spectacle de Noël4) de rencontrer leurs futurs employeurs, collaborateurs ou collègues.
41L’intérêt de tels documents numériques est de rendre l’étudiant en droit français capable de comprendre et de maîtriser une terminologie juridique propre à la formation des futurs solicitors, par exemple « to run a placement scheme », « to undertake the GDL », « to apply for a placement ». Mais, la lecture de ces offres de recrutement donne également accès à une langue de spécialité, celle ayant trait à la profession et aux rôles des solicitors anglais. De ce fait, les lecteurs apprennent que l’avocat anglais est celui qui « deliver[s] excellent business-focused legal advice », « delivers to our clients, appropriate and professionnal advice » (Osborne Clarke). Le solicitor, qui est à la fois un conseil juridique et un avocat plaidant généralement dans les juridictions inférieures, acquiert une expérience dans des domaines très variés : « [...] experience in both contentious and non-contentious work » (Osborne). Le cabinet Jones Day insiste sur la diversité des tâches accomplies par ce praticien polyvalent et généraliste grâce à l’expression : « wide range of practices ». Ces différents rôles consistent aussi bien en des recherches juridiques, des rédactions d’actes, de la gestion et la préparation de dossiers, des consultations avec des clients et des audiences en juridiction : « In terms of the work you will carry out, you can expect to be involved with research, drafting, preparing documents, client meetings, and visits to court » (Jones Day). À l’évocation d’un si large éventail de tâches s’ajoute la description des différentes aptitudes et compétences qui seront acquises durant la période d’apprentissage et qui sont celles que doit posséder tout apprenti, puis tout solicitor, efficace et bien formé : « some of the skills you will need as a trainee lawyer » (Addleshaw Goddard) « legal, management and business skills » « professional skills » (Osborne Clarke) « drafting skills and commercial awareness » (Addleshaw Goddard).
42En dernier lieu, c’est bien le monde des cabinets d’avocats anglais qui s’ouvre à tous ceux qui prennent le temps de lire et de déchiffrer ces offres de recrutement. Les praticiens y sont des « practising lawyers » (Addleshaw Goddard) qui travaillent dans les différents services (« different departments, various areas of practice » Ashurst) d’un grand cabinet en droit des affaires par exemple, « a leading commercial law firm » (Addleshaw Goddard). Ces praticiens peuvent posséder une expérience plus ou moins riche : « different levels of seniority » (Ashurt). Les moins expérimentés sont appelés junior solicitors, les plus expérimentés senior solicitors. En consultant de tels documents, on apprend également que l’ensemble des apprentis solicitors (« fellow trainees » Ashurst) travailleront aux heures normales de bureau (« work normal office hours » Ashurst) et prendront part au travail quotidien du cabinet, « participate in the daily life of the office » ; ils géreront leurs propres dossiers, « handle responsibility, [be] involved in a case », et traiteront avec de très importants clients « high-profile multinational clients » (Ashurst), au sein d’une équipe soudée d’avocats diplômés et d’apprentis « a closely integrated team of qualified lawyers and trainees » (Clifford Chance).
43Les pratiques pédagogiques mises en œuvre par l’auteur dans le domaine de la langue de spécialité, et en particulier de l’anglais juridique en faculté de droit, sont fondées sur l’analyse de ces deux types d’offre. Il s’agit dès lors d’amener les étudiants à les déchiffrer en trouvant des équivalences entre les résultats scolaires anglais et les mentions aux diplômes français, en élucidant les acronymes et la terminologie juridique employés, puis de leur faire rédiger des lettres de candidature qui sont en adéquation avec le profil recherché. L’objectif principal de ces activités est d’élargir l’univers parfois très restreint des étudiants français qui seraient tentés de faire un stage, si court soit-il, dans un cabinet anglais. En témoigne le nombre croissant de demandes émanant de candidats désireux de partir étudier à l’étranger dans le cadre de leur M1. C’est une occasion de stimuler la motivation de tels étudiants par le truchement d’un anglais juridique en contexte. Il s’agit également de favoriser une analyse comparative des cultures juridiques française et anglaise de manière à amener le public visé à appréhender les spécificités propres au common law et à en mesurer les différences avec leur propre système.
44Nous sommes ici confrontés à une situation d’enseignement différente de celle rencontrée lorsque l’on étudie la fiction à substrat professionnelle (FASP). En effet, comme le souligne Shaeda Isani, les étudiants français sont parfois plus familiers avec la culture juridique de common law qu’avec leur propre culture : « Thus, since Nature abhors a vacuum, Anglo-Saxon professional culture is unconsciously adopted as a convenient substitute through an insidious process of erroneous self-enculturation » (Isani 2006 : 34). Ce n’est pas le cas pour la situation pédagogique qui nous intéresse dans la mesure où le public français en troisième année de licence de droit est déjà bien au fait de la formation qui mène à la profession d’avocat. En revanche les différences existant entre les deux systèmes peuvent entraver le processus de compréhension des offres de stage anglais (observation et apprentissage).
45Il est donc nécessaire de noter les différences essentielles existant entre les deux parcours (anglais et français) pour devenir solicitor et avocat. Des activités peuvent être proposées visant à favoriser le développement d’une prise de conscience des étudiants vis-à-vis des différences dans la formation d’avocat en France et en Angleterre (résumées à l’annexe 3) comme l’analyse d’authentiques CV de solicitors travaillant dans les cabinets consultés. Pour chaque personne, il est possible de reconstituer le cursus universitaire et post-universitaire suivi, pour le comparer avec le système français.
46En France, cinq années de formation sont nécessaires pour obtenir le diplôme d’avocat et être inscrit au barreau. Contrairement au système de common law où l’obtention d’un diplôme non juridique ne bloque pas l’accès à une carrière juridique, le cursus français est bien plus exclusif. En vertu de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 portant sur la réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, toute personne voulant devenir avocat en France doit tout d’abord être détentrice d’un M1 (ancienne maîtrise) en droit ou équivalent. Parmi les conditions à remplir figure la suivante : « [...] être titulaire d’au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l’exercice de la profession ». C’est l’arrêté du 25 novembre 1998 qui fixe la liste des titres ou diplômes reconnus comme équivalents à la maîtrise en droit pour l’exercice de la profession d’avocat. Ce diplôme, quelle que soit sa spécialité, est préparé dans une faculté de droit. De facto, les diplômés de matières extrajuridiques ne peuvent pas en France s’inscrire à l’examen d’entrée à l’école et, de ce fait, devenir avocats.
47Si le début des formations des deux côtés de la Manche est différent, la suite est un peu plus semblable. Au Legal Practice Course anglais correspond peu ou prou l’intégration sur une période de dix-huit mois dans une école particulière que l’on appelle pour l’instant, Centre régional de formation professionnelle d’avocats (CRFPA), plus connu sous le nom d’« école d’avocats ». Les examens d’entrée à ces écoles sont passés dans le cadre d’un Institut d’études judiciaires (IEJ) où l’étudiant doit être inscrit. Ces dispositions signifient également que l’école elle-même ne maîtrise pas l’accès au centre de formation contrairement aux établissements anglais qui sélectionnent les étudiants qui vont préparer le LPC. En effet, chaque IEJ met en place des sujets autonomes et fait passer les examens d’entrée.
48Le passage par l’école est obligatoire pour obtenir le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) qui ne peut se préparer que dans son cadre. Il n’existe aucune formation continue ni aucun système de validation des acquis pour se voir accorder ce certificat. L’obtention d’un doctorat en droit permet d’être dispensé de l’examen d’entrée à l’école d’avocats mais, depuis 2004, les docteurs en droit doivent suivre la scolarité comme les autres et passer l’examen de sortie. Selon le décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat :
- 5 Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, site de Legifrance.
Les élèves des centres régionaux de formation professionnelle reçoivent, en vue de la pratique du conseil et du contentieux, une formation commune de base, d’une durée de six mois, portant notamment sur le statut et la déontologie professionnels, la rédaction des actes juridiques, la plaidoirie et le débat oral, les procédures, la gestion des cabinets d’avocats ainsi que sur une langue vivante étrangère5.
49Par conséquent, le contenu de la formation découle du programme et des modalités de l’examen d’aptitude à la profession d’avocat fixés dans l’annexe de l’arrêté du 7 décembre 2005 : droit des personnes et de la famille, droit patrimonial, droit des obligations, droit pénal général et spécial, droit administratif, droit commercial et des affaires, droit du travail, droit communautaire et européen, langues vivantes et réglementation professionnelle.
50De plus, la formation dispensée à l’école dure dix-huit mois et se déroule généralement en trois temps, parfois quatre dans certains centres. La première période, qui n’existe pas toujours, consiste en un stage d’immersion de six semaines en cabinet d’avocats à temps plein « afin de prendre pied dans le monde du barreau et de nouer des liens parfois décisifs. Ce stage permet aussi d’adapter ensuite la formation en la rendant plus rapidement utile »6. Les étudiants français qui intègrent l’école sans jamais avoir encore effectué de stage en cabinet ne sont pas rares. Cette période joue en quelque sorte un rôle équivalent au work placement anglais mentionné précédemment.
51Suivent six mois d’enseignements pratiques portant sur les matières fondamentales qui sont au programme du CAPA : déontologie, gestion de cabinet, réglementation professionnelle, langue vivante, procédure civile, procédure pénale, techniques d’expression orale. La troisième étape s’appelle le projet professionnel individuel (PPI) et dure de six à huit mois. Plusieurs options s’offrent aux étudiants : une poursuite d’études sous forme d’un M2 ou un stage. Il existe dans le système français une toute dernière étape à l’école des avocats qui consiste en un stage en cabinet obligatoire de six mois, rémunéré cette fois dès le premier jour en fonction de la taille du cabinet, de 60 à 85 % du SMIC : plus le cabinet est important, plus la rémunération est élevée. Jusqu’à présent, le taux de placement des élèves-avocats lyonnais est de 100 %, mais l’avenir semble moins favorable pour les promotions à venir en raison de la contraction du marché des stages et de l’augmentation substantielle du nombre d’élèves entre 2008 et 2009 : ils sont passés de 170 à 200 à l’école des avocats de Lyon.
52Il est possible d’affirmer que si les voies d’accès à la profession d’avocat en France et de solicitor en Angleterre et au pays de Galles semblent se rejoindre par leur approche assez professionnalisante, elles divergent à de nombreux égards. En premier lieu, le système anglais est en principe moins fermé aux non-juristes ; ensuite, il sélectionne sur dossier les meilleurs candidats à l’entrée du LPC et pour le choix du training contract. La formation à la française exige un M1 en droit ou équivalent et favorise des spécialistes du droit dès le départ. Par la suite, la sélection se fait par examen d’entrée à l’école (que les candidats appellent d’ailleurs très fréquemment « concours d’entrée »). En second lieu, s’il faut trois ans pour former finalement un solicitor (LPC + training contract), il faut dix-huit mois pour la France. En effet, de nombreux étudiants français préparent l’examen d’accès de l’école en même temps que leur année de M1 ou de M2. En dernier lieu, le temps passé dans un cabinet d’avocats en tant qu’observateur puis apprenti est bien plus important en Angleterre qu’en France (deux ans contre seulement six mois obligatoires).
53L’intérêt didactique de tels documents numériques est double. Il réside à la fois dans la possibilité de favoriser une découverte de la langue de spécialité qu’est l’anglais juridique dans un contexte caractéristique du milieu professionnel des solicitors anglais et gallois. Mais il s’agit également de permettre une approche comparatiste des systèmes de formation juridique. Il semble bien que la différence entre les droits puisse expliquer les spécificités de chaque formation : dans un droit de type jurisprudentiel, c’est la pratique qui forme le praticien ; dans une organisation fondée sur le droit romano-germanique comme en France, les premières années d’étude sont capitales pour acquérir les connaissances et la logique juridiques. Cependant, nombreux sont ceux qui estiment que la formation à la française n’est justement pas assez pratique ou qu’elle devient professionnalisante trop tardivement.