Introduction
Texte intégral
1Ce numéro spécial contient les Actes de la journée d'étude sur l'évaluation qui a eu lieu à Grenoble le 28 septembre 2001. Dans ce cadre, le caractère oral spontané qui transparaît parfois a été conservé, de manière à transmettre à ceux et celles que les obligations de la rentrée universitaire ont empêché de venir quelque chose de l'atmosphère de cette journée. Nous remercions chaleureusement Jean-Paul Narcy-Combes, qui a pris l'initiative de cette manifestation, Michel Petit, qui nous a fait l'honneur de l'inclure dans le cadre du GERAS, de venir y participer, et d'en publier les actes dans la revue ASp, et enfin Thierry Dombre, Vice-Président Formation de notre université, qui nous a accordé une généreuse subvention.
2Les enjeux à la fois pratiques et théoriques de la journée ont été expliqués avec nuances par Jean-Paul Narcy-Combes, et nous ne résistons pas au plaisir de citer ses propos :
Nous travaillons dans un contexte institutionnel français. Une décision descendante impose un système d'évaluation nouveau, national, pour le secteur LANSAD. Il nous faut donc répondre. La réponse habituelle (au sens sociologique du mot habitude, voire habitus) consiste à comprendre les instructions et à mettre en place des épreuves en fonction de recettes méthodologiques. Or, ce n'est pas par hasard que la demande a été formulée au GERAS, à des chercheurs. Le secteur LANSAD ne reflète pas exactement la tradition française, il l'interpelle fréquemment. Dans le cas présent, les collègues du terrain se demandent comment appliquer les instructions sans réflexion préalable, d'autant qu'au niveau des épreuves, le texte du CLES, loin d'être aussi explicite que le texte du DCL, laisse une marge d'initiative importante.
3Cette « réflexion préalable » s'est ancrée sur un principe de départ commun : refuser de se limiter aux dualités communément admises (validité/fiabilité, qualitatif/quantitatif, objectif/subjectif, formatif/sommatif), et partir à la recherche d'un « troisième larron ».
4Patrick Doucet s'est interrogé sur les concepts clés de l'évaluation que sont la validité (« testons-nous vraiment ce que nous voulons tester ? »), et la fiabilité (« ne testons-nous pas autre chose ? ») et a dépassé l'opposition traditionnelle entre ces deux concepts en montrant comment ils deviennent complémentaires, vus sous l'angle de l'utilité : y a-t-il cohérence entre la performance d'un individu en situation de test, et sa performance dans la vie quotidienne, ou dans son institution ?
5Sylvia Sommer s'est penchée plus précisément sur les conditions de validité d'une évaluation, et a montré comment il convenait d'ajouter à la validité de contenu (« l'évaluation correspond-elle au cours donné ? ») et à la validité théorique (« l'évaluation est-elle en accord avec la théorie d'acquisition des langues adoptée ? ») un critère supplémentaire de réussite, qui est celui de l'impact de l'évaluation sur l'enseignement (« washback effect ») et de l'interaction entre les deux.
6Claude Springer a situé sa question provocatrice : « Une évaluation qualitative est-elle possible pour le CLES ? » dans le courant d'un historique de l'évaluation, en montrant comment les perspectives cognitiviste et fonctionnaliste, traditionnellement opposées, se trouvent subsumées dans la perspective interactionniste. La perspective cognitiviste postule en effet que les connaissances linguistiques sont indépendantes du contexte de communication et a conduit à la mise au point des tests informatisés. En réaction, la perspective fonctionnaliste (inspirée de la pragmatique) a mis l'action sur le contexte situationnel et les actes de parole, et a donné naissance à l'approche notionnelle-fonctionnelle. La perspective interactionniste enfin, dépassant cette opposition, prend en compte à la fois les caractéristiques cognitives et les enjeux pragmatiques de l'évaluation, et rend compte de la multidimensionalité des compétences, ainsi que de la complexité des stratégies de communication.
7Partant d'un plaidoyer pour une prise en compte du sujet dans l'évaluation, Claire Bourguignon a montré que les connaissances linguistiques ne pouvaient être que le substrat de compétences pragmatiques. Dans ce contexte, la communication ne se réduisait plus à la signification du message transmis, et à des énoncés sanctionnés par vrai ou faux, mais incluait aussi l'intentionnalité et l'interprétation. Elle a illustré ses propos par l'exemple du DCL, où les compétences de communication sont évaluées dans un contexte professionnel.
8Jean-Paul Narcy-Combes s'est interrogé sur le caractère spécifique de l'évaluation dans le secteur LANSAD. Il a proposé de partir du savoir disciplinaire de la personne évaluée (qui a besoin d'accomplir des tâches relevant de ces savoirs), d'y rajouter un axe pragmatique médiateur (le contexte et les stratégies de communication) et enfin un axe linguistique (l'utilisation d'une langue donnée). Ce renversement ouvre un champ spécifique à la recherche sur l'évaluation, et plus particulièrement aux interactions entre savoirs d'une part, langue et communication de l'autre. En quoi la connaissance d'un domaine disciplinaire précis favorise-t-elle les performances linguistiques ou pragmatiques ?
9La première journée d'étude a donc, nous semble-t-il, permis de clarifier certaines notions clés de l'évaluation et de faire le point sur l'état de l'art dans ce domaine. Elle a également permis d'esquisser de nouvelles pistes de recherche, qui, nous l'espérons, pourront se préciser davantage lors de la seconde journée d'étude sur l'évaluation que Heather Hilton et Jean O'Donnell nous font le plaisir d'organiser à Chambéry en septembre 2002, toujours dans le cadre du GERAS. À suivre...
Pour citer cet article
Référence papier
Marie-Hélène Fries-Verdeil et Josiane Hay, « Introduction », ASp, 34 | 2001, 1-2.
Référence électronique
Marie-Hélène Fries-Verdeil et Josiane Hay, « Introduction », ASp [En ligne], 34 | 2001, mis en ligne le 30 novembre 2010, consulté le 09 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asp/1693 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asp.1693
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