Histoire et codicologie du livre manuscrit arabe
Résumé
Programme de l’année 2022-2023 : Le livre manuscrit arabe dans l’Espagne médiévale et moderne. Introduction à la lecture et l’édition de textes aljamiados.
Texte intégral
1Après quelques années dédiées au « Livre manuscrit arabe : codicologie et étude de cas », nous avons commencé dans le cadre du cours 2022-2023 une nouvelle étape consacrée au livre manuscrit arabe dans l’Espagne médiévale et moderne, d’un point de vue tant matériel que textuel.
- 1 Nuria Martínez de Castilla, « El libro manuscrito entre los moriscos », dans A. Mateos et J. C. Vil (...)
2Les manuscrits complets produits, copiés et / ou transmis par les Mudéjares et les Morisques, de même que les fragments et documents qui leur ont appartenu et qui ont été employés dans les ais de reliures, constituent des témoins uniques pour nous permettre d’étudier l’ample éventail linguistique et culturel couvert par les pratiques de ces communautés1. Nous possédons une vingtaine de documents et environ deux cents manuscrits écrits principalement sur du papier, mais également sur du parchemin ; il existe des copies de grand format et d’autres très petites, des livres très épais et des documents d’un seul feuillet ; ils peuvent être rédigés dans une seule langue ou dans plusieurs – principalement l’arabe et le castillan (à différents stades linguistiques), mais aussi le catalan et le latin, les uns et les autres transcrits dans trois alphabets différents : arabe, latin et hébreu.
3Pour bien comprendre cette production écrite, il faut prendre en compte les facteurs qui régissent tout acte de communication : émetteur, destinataire, voie, code, message et contexte. Pour parler de la littérature aljamiado-morisque, cette façon de procéder a été simplifiée et on a tendu à identifier le « code » employé par les Mudéjares et les Morisques utilisant le castillan en caractères arabes, en oubliant les autres composantes de la transmission.
- 2 Les éditions de textes écrits (ou au moins copiés) en arabe au sein de ces communautés, de même que (...)
- 3 Voir, par exemple, les titres de quelques articles influencés par la proposition de O. Hegyi pendan (...)
- 4 A. Domínguez Ortiz et B. Vincent, Historia de los moriscos. Vida y tragedia de una minoría, Madrid, (...)
4Cette absence de répertoire de données objectives et d’analyse linguistique en relation avec le contexte conduit à des résultats qui peuvent déboucher sur des erreurs2. Seule une perspective plus large, mettant en rapport la langue et l’alphabet employés dans chaque cas avec la matérialité du codex (code et voie) et, à son tour, avec les contenus du texte (message), pourra nous conduire à avancer une hypothèse sur l’émetteur (copiste) et le destinataire (lecteur ou auditeur). La lecture, l’analyse et la contextualisation de quelques textes en aljamia et en arabe, en caractères arabes et latins, nous a permis d’appliquer cette perspective pendant l’année 2022-2023, en nous aidant à comprendre le contexte dans lequel ces textes ont été produits et en nous permettant de voir que, à travers les usages linguistiques que présentent un bon nombre de leurs manuscrits, la forte acculturation et islamisation3 que l’on associe à ces communautés4 semblent se heurter à des arguments de poids qui sont fondés sur les textes que les Mudéjares et les Morisques eux-mêmes possédaient, traduisaient, copiaient, lisaient et entendaient.
5Le professeur Konrad Hirschler, directeur du Centre for the Study of Manuscript Cultures (université de Hambourg), a été directeur d’études invité en mai 2023. Son séminaire s’est intitulé « Lire les marges et analyser la matérialité : le monde social des manuscrits arabes médiévaux » (voir ci-après). Les conférences, en hybride, ont suscité des discussions très intéressantes, en lien avec l’actualité de la recherche, comme l’utilisation des humanités numériques pour l’étude des manuscrits ou le problème de la provenance des objets d’art, dont les manuscrits arabes.
Notes
1 Nuria Martínez de Castilla, « El libro manuscrito entre los moriscos », dans A. Mateos et J. C. Villaverde (éd.), Memoria de los moriscos, Madrid, SECC, BNE, 2010, p. 73-80.
2 Les éditions de textes écrits (ou au moins copiés) en arabe au sein de ces communautés, de même que le développement de recherches à leur sujet, sont pratiquement inexistants. De fait, on relèvera que des passages en arabe ont été complètement omis dans des thèses doctorales portant sur des manuscrits morisques, comme cela est le cas dans l’ouvrage de M. Sánchez Álvarez (El manuscrito misceláneo 774 de la Biblioteca Nacional de París, Madrid, Gredos, 1982), où on ne trouve pas même une référence aux cent feuillets de texte coranique en arabe qui figurent dans le manuscrit ; l’édition du manuscrit Paris, BNF Arabe 1163, qui a fait l’objet de la thèse de R. Suárez Piñera, Publicación y estudios de los pasajes aljamiados del ms. 1163 de la Biblioteca Nacional de París (thèse de doctorat inédite, Oviedo, Université, 1973) prend seulement en compte les passages aljamiados (mais dans ce cas, le titre l’indique).
3 Voir, par exemple, les titres de quelques articles influencés par la proposition de O. Hegyi pendant le premier congrès sur l’aljamiado organisé par A. Galmés de Fuentes en 1987 : « Una variante islámica del español: la literatura aljamiada », Homenaje a Álvaro Galmés de Fuentes, Madrid, Gredos, 1987, p. 647-655 ; M. Sánchez Álvarez, « Sobre la variante islámica del español », Actas del I Congreso Internacional de Historia de la Lengua Española II, Madrid, ArcoLibros, 1988, p. 1355-1364 ou M. Gómez Renau, « La lengua aljamiada y su literatura: una variante islámica del español », Castilla. Estudios de literatura, 25 (2000), p. 71-83.
4 A. Domínguez Ortiz et B. Vincent, Historia de los moriscos. Vida y tragedia de una minoría, Madrid, Revista de Occidente, 1978.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Nuria de Castilla, « Histoire et codicologie du livre manuscrit arabe », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 155 | 2024, 38-39.
Référence électronique
Nuria de Castilla, « Histoire et codicologie du livre manuscrit arabe », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 155 | 2024, mis en ligne le 13 juin 2024, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/7422 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11t4v
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