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Résumés des conférences

Épigraphie et paléographie de la Chine pré-impériale

Olivier Venture
p. 423-433

Résumé

Programme de l’année 2022-2023 : I. Actualité des découvertes et publications d’inscriptions, de documents et livres manuscrits de la Chine ancienne. — II. Inscriptions chinoises anciennes hors contexte : réflexions méthodologiques. — III. La pyro-ostéomancie sous la dynastie des Shang (1600-1050) : synthèse et nouvelles perspectives.

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Texte intégral

1I. Trois séances ont été consacrées à l’actualité des découvertes et publications pour l’année 2021-2022.

2Les nouvelles découvertes d’inscriptions oraculaires ne concernent cette année que la période des Zhou occidentaux (env. 1050-771 av. n. è.) et sont peu importantes. Un deuxième fragment de support de divination en os inscrit a été signalé sur le site de Yaoheyuan 姚河源, au Ningxia. Un autre a été exhumé du site de Zhujiaxiang 周公廟, près de Zhougongmiao 周公廟, dans la région de Zhouyuan, au cœur du domaine royal des Zhou. Dans les deux cas il s’agit d’inscriptions très brèves.

3Parmi les collections d’inscriptions oraculaires des Shang (env. 1600-1050 av. n. è.) récemment publiées, on peut signaler celle du musée de Kaifeng qui bien qu’assez modeste (64 pièces) a fait l’objet d’une publication de bonne qualité. Plus importante est la collection de l’université du Jilin, qui comprend près de 500 pièces. Elle a été éditée par une équipe de spécialistes de cette université qui livrent-là un travail particulièrement soigné, avec un niveau de détail rarement atteint dans ce type de publication (photographies des tranches des pièces, poids des pièces…).

4Dans la région de la dernière capitale des Shang, à Anyang, le site de Shaojiapeng 邵家棚 a ces dernières années livré plusieurs inscriptions sur bronze remontant à cette dynastie. Shaojiapeng se trouve à 2,4 km de la zone des palais. Là, plusieurs tombes contenaient des bronzes inscrits, dont une pièce avec une inscription de douze caractères, ce qui est exceptionnellement long pour l’époque des Shang, commémorant une cérémonie de don. À près de 250 km à vol d’oiseau de la capitale des Shang, à Daxinzhuang 大辛莊, au Shandong, se trouvait une importante communauté de culture Shang. Sur ce site ont été mises au jour plus de 90 tombes, dont quelques-unes contenaient des bronzes inscrits, sur lesquels figurent essentiellement des emblèmes. En 2020, un premier catalogue avait été publié à propos des bronzes du site de Jiuwutou 酒務頭, dans la région de Yuncheng 運城, au Shanxi, un deuxième est paru en 2022. On compte là de nombreux bronzes inscrits de l’époque des Shang. Une partie a été découverte en contexte, par les archéologues, une autre a été récupérée par la police suite au pillage du site. La tombe M1 a livré de nombreux bronzes arborant le même emblème, alors que les pièces récupérées témoignent d’une plus grande variété.

5Pour l’époque des Zhou occidentaux, plusieurs bronzes inscrits ont été découverts à l’intérieur de l’ancien domaine royal des Zhou. Des vases avec de courtes dédicaces ont été mis au jour à Xuguang 旭光, près de Baoji, dans des sépultures de taille moyenne datant de la phase initiale des Zhou occidentaux (env. 1050-950 av. n. è.). Une autre tombe de taille moyenne a été mise au jour à Luoyang, où se trouvait la capitale orientale des Zhou. La sépulture est datée de la phase moyenne (env. 950-850 av. n. è) et contenait quatre vases rituels en bronze inscrits. Trois d’entre eux avaient vraisemblablement été fondus pour le propriétaire de la tombe, alors que le quatrième, plus ancien, avaient sans doute appartenu à un autre individu. Enfin, à Kongtougou 孔頭溝 (région de Qishan), une tombe de très grande taille, malheureusement pillée, a livré quelques vases et fragments de vases inscrits. D’après son mobilier, elle peut être datée de la phase finale des Zhou occidentaux (env. 850-771 av. n. è).

6Mais comme pour les années précédentes, c’est à l’extérieur du domaine royal que les découvertes de bronzes inscrits des Zhou occidentaux ont été les plus nombreuses. Les objets concernés proviennent de cimetières aristocratiques où étaient enterrés les dirigeants de principautés plus ou moins importantes. Le cimetière de Yejiashan 葉家山, à Suizhou, témoigne de l’implantation dans la région de la principauté de Zeng 曾, dès la phase initiale des Zhou occidentaux. La tombe M126 ne compte pas parmi les plus grandes du site, mais elle contenait 15 vases en bronze dont 11 étaient inscrits. À la différence de nombreuses autres tombes de ce cimetière, on ne trouve ici aucune référence à Zeng. On peut lire sur ces bronzes les noms de différents commanditaires, mais on y observe aussi plusieurs emblèmes. Cela correspond manifestement à un ensemble composite, une partie des vases ayant possiblement été fondus à la fin des Shang. La principauté de Yan 燕 fut fondée dans la seconde moitié du xie siècle avant notre ère dans la région de Pékin. Un important cimetière avait été fouillé sur le site de Liulihe 琉璃河, au xxe siècle. Entre 2019 et 2021, de nouvelles fouilles ont été entreprises et ont permis de mettre au jour de nouveaux vestiges, mais aussi d’étudier plus en détail des tombes qui avaient déjà été fouillées. C’est dans l’une de ces dernières que les archéologues ont eu la surprise de découvrir un vase inscrit d’une simple dédicace, qui avait échappé à la vigilance des archéologues des années 1970. Une autre tombe, fouillée pour la première fois, a livré un vase dont l’inscription commémore une cérémonie de don dirigée par un Grand protecteur (taibao 太保), qui ne serait autre que le duc de Shao 召公. Inconnue des sources littéraires transmises, la principauté de Peng 倗 était installée dans le Sud de la province actuelle du Shanxi. Sur plus de 1 000 tombes mises au jour sur le site de Hengshui 横水, deux ont fait l’objet de rapports préliminaires cette année. Datées de la phase moyenne des Zhou occidentaux, elles ont livré en tout dix vases en bronze inscrits. Dans un cas, les inscriptions nous apprennent que trois vases ont été fondus pour différents individus, dont le lien avec le défunt reste à préciser. Aux vases s’ajoute une dague dont l’inscription fait référence à la principauté de Chu 楚. Dans l’autre tombe, on retrouve plusieurs dédicants, l’un d’eux étant un dignitaire de la principauté de Peng.

7Concernant la période des Zhou orientaux (770-256 av. n. è.), le nombre d’inscriptions sur bronze signalées ou publiées est beaucoup plus limité, ce qui correspond bien à l’évolution des pratiques épigraphiques durant cette période. Le cimetière de Beibai’e 北白鹅, également situé dans le sud de la province du Shanxi, présente la particularité d’avoir livré des vestiges contemporains des phases finale des Zhou occidentaux et initiale des Printemps et automnes (env. 770-700 av. n. è). Deux tombes ont fait l’objet d’un rapport de fouilles préliminaire, dont une seule contenait des bronzes inscrits. L’un de ces bronzes présentait la dédicace d’un seigneur de Guo 虢 pour une femme. Sur trois autres, figurait une inscription commémorant une cérémonie d’investiture dirigée par le roi des Zhou. Dans le Nord de la province du Hubei, une tombe datée de la phase initiale des Printemps et automnes a été mise au jour sur le site de Leigutai 擂鼓台. Elle a livré trois vases en bronzes inscrits, dont deux furent fabriqués pour un dignitaire de la principauté de Deng 鄧 qui occupait alors la région. C’est également ce nom que l’on retrouve sur une lame de hallebarde ge 戈 provenant de la même tombe. Deux sépultures Qin de l’époque des Zhou orientaux ont aussi livré des lames de ge inscrites. La première était située à Maojiaping 毛家坪, au Gansu, et la seconde à Mijiayan 米家崖, dans la région de Xi’an. Enfin, toujours dans la région de Xi’an, une très grande tombe Qin a été découverte. Malheureusement pillée, cette sépulture de la seconde moitié du iiie siècle avant notre ère contenait tout de même encore une verseuse en bronze inscrite, dont le texte donne essentiellement la contenance de l’objet et une référence à deux bureaux officiels de l’époque.

8L’actualité des découvertes et des publications de manuscrits a été aussi très riche cette année. Pour l’époque des Royaumes combattants, on a rappelé que pas moins sept tombes contenant des écrits sur lattes de bambou avaient été mises au jour sur le site de Zaolinpu 棗林鋪, au Hubei, près de l’ancienne capitale du pays de Chu. La tombe M46 de l’usine de papier de Zaolinpu, datée entre la fin du ive siècle et le début du iiie siècle avant notre ère, a livré plusieurs textes littéraires, dont un seul a fait l’objet d’une présentation. Il concerne des campagnes militaires du roi Fuchai 夫差 du pays de Wu 吳. Or, une autre version de cette histoire figure dans un manuscrit conservé par l’université de Tsinghua, qui avait été acheté sur le marché des antiquités. L’analyse comparée de ces deux versions, qui divergent en partie, devrait permettre d’affiner notre compréhension de ce texte. À quelques kilomètres de Zaolinpu se trouve le site de Wangjiazui 王家嘴. Là, une autre tombe, à peu près contemporaine, a é été découverte. Elle contenait un recueil de propos de Confucius, un recueil de poèmes correspondant à une partie de la section « Guofeng 國風 » du Livre des Odes et enfin un texte plus obscur, qui pourrait être la plus ancienne partition musicale chinoise connue à ce jour. Une tombe un peu plus tardive, datant du iiie siècle avant notre ère a été mise au jour à Zhengjiahu 鄭家湖, dans la région de Yunmeng. Le mobilier funéraire et l’écriture du document qu’elle contenait indiquent qu’il s’agit d’une tombe Qin. Le texte copié sur une fiche en bois prismatique, qui compte environ 700 caractères, est une anecdote historique, concernant les conflits entre les pays de Qin, Chu et Zhao.

9Pour l’époque des Han (206 av. n. è. – 220 de n. è.), on s’est réjoui de la publication du deuxième volume des documents du site de Xuanquan 懸泉, dans la région de Dunhuang, où était établi un relais de poste. Les manuscrits de Yinqueshan 銀雀山 font actuellement l’objet d’une nouvelle publication, de bien meilleure qualité que celle initiée dans les années 1980. Le volume 2 propose ainsi une nouvelle édition du manuscrit L’Art de la guerre de Sunzi, alors que le volume 3 est consacré au Weiliaozi 尉繚子. Chaque volume inclut de nouvelles photographies couleurs et des photographies infrarouges beaucoup plus lisibles que celles de l’ancienne édition.

10Les publications de manuscrits provenant du pillage de tombes se poursuivent également. Ainsi, pour l’époque des Royaumes combattants (env. 481-221 av. n. è), le volume 11 des manuscrits de l’université de Tsinghua renferme un texte philosophique inédit, le Wuji 五紀, qui traite de l’ordre des choses de la nature et des affaires humaines, en lien avec le concept des wuji, les « cinq régulateurs », mais aussi celui des « cinq vertus » (wude 五德). Le volume 2 des manuscrits de l’université de l’Anhui contient un recueil de propos de Confucius, ainsi qu’un texte philosophique intitulé Cao mo zhi chen 曹沫之陳, qui n’était jusque-là connu que par une autre version manuscrite de la même époque conservée par le musée de Shanghai. Quant à l’époque des Qin, l’Institut Yuelu a fait paraître le septième et dernier volume de ses manuscrits, qui contient essentiellement des textes légaux, se présentant pour une grande part sous forme de fragments.

11Enfin, a été évoquée la publication du corpus des étiquettes en os des entrepôts du palais de Weiyang, de la capitale des Han (漢長安城未央宮骨簽全). Cet ouvrage comporte 90 volumes et livre des reproductions photographiques et des transcriptions en chinois moderne de plus de 60 000 étiquettes. Les inscriptions les plus simples donnent le nom des objets concernés, leur numéro d’inventaire et les quantités d’objets. Les plus développées fournissent des informations sur la fabrication de ces objets : date de fabrication, localisation de l’atelier et artisan en charge de sa production. La bibliothèque de l’Institut des hautes études chinoises de l’Institut des civilisations du Collège de France est sans doute une des rares bibliothèques en Europe à avoir acquis un exemplaire de cet imposant ouvrage.

  • 1 Vadime Elisseeff, Bronzes archaïques chinois au Musée Cernuschi, Paris, L’Asiathèque, 1977, vol. I, (...)

12II. Les séances suivantes du premier semestre ont été consacrées à un nouveau sujet : « Inscriptions chinoises anciennes hors contexte : réflexions méthodologiques ». Cette thématique est liée à un projet de recherche collectif qui a débuté en 2019, visant à la réalisation du catalogue raisonné des bronzes chinois anciens du musée Cernuschi. Ce programme a fait l’objet d’un accord entre Paris Musées et l’École pratique des hautes études, et implique à la fois des conservateurs et des enseignants-chercheurs. Le projet du Centre de recherche sur les civilisations de l’Asie orientale (CRCAO) est dirigé par M. Alain Thote, directeur d’études émérite à l’EPHE-PSL et spécialiste des bronzes chinois anciens. Du côté du musée Cernuschi, participent à ce projet M. Éric Lefebvre, directeur du musée, qui a soutenu une thèse de doctorat et publié de nombreux travaux sur des collections de lettrés chinois du xviiie siècle, et M. Mael Bellec, historien de l’art de la Chine et de la Corée. Le directeur d’études apporte principalement à cette équipe son expertise dans le domaine de l’épigraphie, une grande partie des bronzes chinois anciens du musée Cernuschi étant en effet inscrits. L’objectif principal du projet est la publication d’un nouveau catalogue de ces bronzes, le précédent remontant à 1977 et ne concernant qu’une petite partie des pièces de la collection1. Le projet comprend également une étude exhaustive de la collection, qui compte parmi les plus importantes d’Europe.

13Plus habitué à travailler sur des objets provenant de fouilles archéologiques que sur des pièces de collection, le directeur d’études a souhaité réfléchir aux différences d’approche qu’impliquait ce changement d’objet d’étude. D’une manière générale, aborder des objets archéologiques « hors-contexte » suppose une plus grande prudence. La première question qui se pose est naturellement celle de leur authenticité. Le marché actuel des bronzes chinois anciens est en effet pollué par de très nombreuses contrefaçons, certaines grossières et faciles à identifier, d’autres très élaborées et susceptibles de tromper les meilleurs experts. Mais le problème des faux comme celui des copies de bronzes chinois archaïques n’est pas un phénomène récent en Chine. Il est attesté au moins depuis la dynastie des Song (960-1279). La collection du musée Cernuschi compte environ une centaine de vases rituels et autant d’objets divers (miroirs, agrafes de ceinture, pièces de harnachement, etc.) « authentiques » produits au cours des deuxième et premier millénaires avant notre ère. Mais on y trouve aussi des copies de bronzes archaïques produites entre le xe et le xixe siècle. Qualifier simplement ces objets de « faux » serait extrêmement réducteur car cela amène à occulter tout un pan de l’histoire de l’art chinois qui s’est souvent nourri de son passé. Par ailleurs, une partie des objets du musée Cernuschi, essentiellement conservée dans ses réserves, témoigne d’une « vie » tumultueuse. Avant leur entrée dans les collections, certains bronzes ont été endommagés, réparés, et leur apparence a même parfois été modifiée. Le concept d’authenticité s’avère parfois peu pertinent pour des objets qui comprennent à la fois des éléments remontant à la période dite pré-impériale (avant 221 av. n. è.) et d’autres plus tardifs, à la suite de réparations, d’adaptation au goût d’une époque plus récente, etc. Pour tenir compte de ces spécificités, il nous a semblé intéressant de reprendre le concept de « vie des objets » utilisé par de nombreux anthropologues et historiens de l’art. Pour réfléchir de manière concrète et pratique à cette approche, le directeur d’études a d’abord proposé aux étudiants et aux auditeurs d’observer et de manipuler la copie moderne de belle qualité d’un vase archaïque, telle qu’on en trouve en Chine de nos jours dans les magasins de souvenirs des musées. En cette occasion, a été abordée la question des différences entre faux et copies, deux notions liées non seulement à la conception de l’objet, mais aussi à son usage. Une simple copie peut être vendue comme « authentique » et ainsi devenir « un faux », même si ce n’était dans le but initial de sa production. Quatre bronzes provenant des collections du musée Cernuschi, que le directeur d’études avait eu l’occasion d’observer directement, ont fait l’objet d’une présentation détaillée dans le cadre de la conférence.

14Le premier est une verseuse inscrite portant le numéro d’inventaire M.C. 597. Elle a été acquise par Henri Cernuschi (1821-1896) chez des antiquaires chinois ou japonais entre 1871 et 1872. Les archives disponibles ne nous permettent pas d’être plus précis. Cependant, en effectuant des recherches à partir de son inscription, il est possible de retrouver sa trace dans plusieurs corpus la reproduisant. Le plus ancien est le Qing’aitang jiacang zhongding yiqi kuanzhi fatie 清愛堂家藏鐘鼎彝器款識法帖 édité en 1838. Dans cet ouvrage, le célèbre lettré Liu Xihai 劉喜海 (1793-1853) présente la collection de bronzes inscrits qu’il avait alors rassemblée. On y trouve des relevés des inscriptions, mais également des mesures très précises des différentes parties constitutives des objets : hauteur, diamètre de l’ouverture, diamètre de la panse, longueur du bec verseur, poids, etc. L’inscription et les mesures données par l’auteur correspondent assez bien à celles de la pièce du musée Cernuschi. Dans ce catalogue, il est également précisé que le vase a été acheté par Liu Xihai en 1837 à Pékin. Celui-ci est décédé dans cette même ville en 1853, et il est vraisemblable que ce soit encore à Pékin qu’Henri Cernuschi en fit l’acquisition en mai 1872. Étant donné que parmi les bronzes rapportés en France par Cernuschi cinq autres vases ont appartenu à ce même collectionneur chinois, il est probable qu’ils furent achetés chez un même antiquaire. Si l’on s’intéresse maintenant à la fabrication de cette verseuse, on observe qu’elle présente une forme et un décor caractéristiques des vases répondant à ce modèle datés du début des Zhou occidentaux. M. Alain Thote estime par ailleurs que la pièce présente toutes les caractéristiques techniques d’un bronze de cette époque. On serait donc en présence d’une verseuse fondue entre environ 1050 et 950 avant notre ère, qui faisait à l’origine partie d’un ensemble rituel soit déposé dans une tombe avec son dernier propriétaire, soit enfoui dans une cache lorsque les descendants de ce dernier ont fui la vallée de la Wei lors de l’insurrection de 771 avant notre ère. À l’époque moderne, la verseuse a perdu son statut d’objet rituel après sa découverte pour devenir un objet de collection. En 1837, elle fut achetée par Liu Xihai. On savait que le célèbre collectionneur n’avait que peu d’intérêt pour les bronzes anépigraphes. Or, des photographies prises avec zoom par nos soins ont permis de révéler que son inscription avait été gravée à froid, et non pas fondue avec la pièce comme cela était presque toujours le cas à l’époque des Zhou occidentaux. Il s’agit donc là du travail d’un faussaire très habile qui n’avait pu être décelé ni à l’aide des estampages de l’inscription qui circulaient en Chine depuis le xixe siècle ni à partir des photographies publiées depuis le début du xxe siècle.

15Le deuxième objet présenté aux étudiants est une cloche rituelle longtemps considérée comme un faux, sur laquelle le directeur d’études avait déjà eu l’occasion de travailler. M.C.640 (H. 57,5 cm) fait également partie des objets rapportés à Paris par Henri Cernuschi en 1873. Elle présente une longue inscription de 149 caractères qui n’est répertoriée dans aucun corpus. Un rapide examen permet de déterminer qu’il s’agit d’une fausse inscription, et c’est sur cette base que l’objet a été condamné à être relégué dans les réserves du musée. Une analyse plus poussée nous apprend que le faussaire s’est inspiré pour sa composition de plusieurs inscriptions sur bronze publiées dans divers catalogues. Elle révèle aussi qu’il avait une bonne connaissance des inscriptions Zhou et de leur contenu, bien qu’il ait mélangé des textes de différentes époques. En revanche, ses connaissances paléographiques étaient beaucoup plus limitées et il a eu le tort de vouloir modifier à sa guise la forme des graphies, sans doute pour mieux masquer l’origine de ses emprunts. D’après les modèles utilisés, son travail pourrait avoir été réalisé après 1840. L’observation directe de l’objet a aussi permis de noter que l’inscription avait été gravée sur une couche de métal en surépaisseur sur la cloche. Dans l’attente d’analyses réalisées par un spécialiste de la paléo-métallurgie, le directeur d’études estime que cette inscription pourrait avoir été réalisée à l’aide d’un mordant à base d’acide, une technique encore peu répandue en Chine jusqu’à la fin du xixe siècle. Un examen attentif de la pièce a permis de déterminer qu’il s’agit en réalité d’une authentique cloche rituelle du ve siècle avant notre ère. Sa forme et son décor permettent même de proposer un lieu de production précis : la région de Changzhi 長治 au Shanxi, où un carillon composé de cloches similaires a été exhumé d’une tombe lors de fouilles scientifiques en 1972. Il a par ailleurs été possible de rapprocher la cloche du musée Cernuschi de cinq autres cloches acquises par différents musées à partir du début du xxe siècle. Celles-ci composaient sans doute un carillon d’au moins sept cloches. Ainsi, « la vie » de la cloche M.C. 640 est non seulement complexe, mais elle est aussi liée à celle d’autres cloches, aujourd’hui dispersées entre la Chine, le Japon et la Belgique, sur lesquelles il serait utile de mener des recherches plus approfondies.

16Le vase gui 簋 M.C. 8759, a été acheté par le musée Cernuschi en 1955, à l’époque où Vadime Elisseeff, était directeur du musée. Le catalogue établi par lui, publié en 1977, précise que l’objet provient des collections Kawai. D’abord interprète faisant office d’intermédiaire entre antiquaires chinois et acheteurs occidentaux, Kawai Sadajirō 川合定治郎 (1887-1969) a ouvert en 1918 une boutique d’antiquités à Pékin. Au début de l’ère Shōwa (1926-1989), il s’installa à Kyōto où dès lors il entretint des contacts réguliers avec des universitaires japonais spécialistes des bronzes chinois anciens. Il était donc à la fois un vendeur et un collectionneur d’antiquités connaissant très bien le marché chinois et de surcroît bénéficiant des conseils d’éminents experts. L’étude de l’inscription nous a appris qu’avant d’entrer dans les collections de Kawai, la pièce avait appartenu à un célèbre lettré chinois : Wang Yirong 王懿荣 (1845-1900). Ce dernier était un haut fonctionnaire de l’empire Qing, également connu comme un grand collectionneur. On lui doit entre autres la « découverte » des premières inscriptions oraculaires en 1899. Ainsi, on peut établir que la pièce du musée Cernuschi se trouvait dans la collection de cet éminent lettré à la fin du xixe siècle. Quand l’objet a-t-il été exhumé ? Cette question reste pour l’instant sans réponse. Il est en revanche possible de déterminer quand la pièce a été fabriquée. Le style de l’objet, en dépit de quelques traits atypiques, et son inscription sont caractéristiques des productions Shang, ou de style Shang, du xie siècle avant notre ère. Alain Thote a pu relever sur l’objet des caractéristiques cohérentes avec les techniques de fonte de cette époque. L’inscription de ce vase est très courte. Elle comporte un emblème et un titre posthume : « Père Ding ». Si cet emblème est attesté sur une vingtaine de bronzes de cette époque, aucun n’a malheureusement été découvert en contexte archéologique, il n’est donc pas envisageable de déterminer un lieu de production sur la base de ce critère. Cependant, un seul titre posthume correspondant à un père défunt est associé à ce même emblème sur sept vases rituels. Or, c’est justement le « Père Ding ». Bien que ce type de titre ait été très standardisé alors, puisque moins de dix noms différents pouvaient être attribués post-mortem à un père, quel que soit son lignage, il est probable que certains de ces bronzes ou leur totalité ont été fondus pour le même commanditaire que celui du gui du musée Cernuschi.

17La première fois que le directeur d’études a vu le zun 尊 M.C. 91, il n’y a pas vraiment prêté attention, son apparence laissant penser qu’il s’agissait d’un « faux tardif ». C’est sans doute pour cette raison qu’il n’avait pas été retenu pour le catalogue de 1977. Mais une analyse plus poussée a permis de déterminer qu’il s’agissait d’une pièce composite, incluant des parties d’époques variées. Elle présente des différences de patine assez marquées entre d’un côté la panse du vase et de l’autre son col, son pied et ses anses. La panse est clairement de fabrication moderne. La forme du vase n’était pas fréquente dans l’Antiquité, mais on connaît tout de même quelques pièces similaires datant de la phase moyenne des Zhou occidentaux. Une bande de décor figurant dans la partie inférieure du col présente des motifs faisant davantage penser à une réalisation de la phase initiale, Alain Thote estimant que celle-ci a pu faire en partie l’objet d’une restauration à l’époque moderne. En l’absence d’une analyse de la composition de l’alliage utilisé pour le col, les anses et le pied, il est difficile d’affirmer que ces parties appartenaient bien à l’origine à une même pièce. Au fond du vase, le directeur d’études a eu la surprise de constater la présence d’une inscription assez longue, mais peu visible en raison de la corrosion. Le style d’écriture est caractéristique d’inscriptions de la phase initiale des Zhou occidentaux. À partir de quelques expressions encore en partie lisibles, il a été possible de retrouver le même texte dans la base de données des inscriptions sur bronze de l’Academia Sinica. L’inscription répertoriée dans cette base était connue en Chine depuis la fin du xviiie siècle par des relevés et depuis le xixe siècle par des estampages. Elle figurait sur un vase signalé pour la première fois dans un catalogue publié en 1797 par le célèbre lettré-épigraphiste Ruan Yuan 阮元 (1764-1849). Ce vase était alors en très mauvais état. On retrouve sa trace plus tard dans un catalogue d’inscriptions du xixe siècle qui précise qu’il est entré en 1879 dans les collections d’un célèbre lettré, Wu Yun 吳雲 (1811-1883), et que ce dernier l’a fait nettoyer et restaurer. Par la suite, on perd la trace du vase. Il était tentant de considérer le zun de Cernuschi comme ce vase perdu, mais cela apparaît impossible, car au moment où Wu Yun a acquis le vase mentionné dans le catalogue, le zun M.C. 91 était déjà à Paris depuis plusieurs années. Il faisait en effet partie des bronzes achetés par Henri Cernuschi lors de son voyage en Asie. De plus, une observation attentive des inscriptions révèle de légères différences dans la forme et la disposition des graphies. Il s’agit bien du même texte, mais pas de la même inscription, ni donc du même objet. Pour mémoire, deux vases antiques appartenant à une paire pouvaient porter la même inscription. Cependant, les graphies comme la disposition des caractères étaient sensiblement ou assez différentes entre les deux pièces. De toute évidence, l’inscription du vase du musée Cernuschi provient d’un autre bronze, probablement exhumé de la même tombe et en même temps que le vase vu par Ruan Yuan à la fin du xviiie siècle. Les deux vases (à moins qu’il ne s’agisse d’un vase et de son couvercle) étaient dans un mauvais état de conservation. L’un a été restauré au xixe siècle avant de disparaître. L’autre était alors sans doute en plus mauvais état encore. Un fragment de ce dernier, sur lequel figurait l’inscription, a été prélevé, puis découpé, pour lui donner une forme arrondie, avant de le fixer dans le fond d’un vase recomposé, celui-là même qui se trouve aujourd’hui dans les réserves du musée Cernuschi. Le cas de la pièce M.C. 91 est donc particulièrement complexe. Il n’est en effet pas impossible que son inscription ne provienne pas du même vase que le col, les anses et le pied de M.C. 91. Dans ce cas, on pourrait parler dans de « destins croisés » d’objets ayant manifestement beaucoup souffert des dommages du temps, avant que leurs fragments ne fussent rassemblés par un faussaire, à la fin du xviiie siècle, ou dans le courant du xixe siècle, pour créer un nouveau vase.

18Avec le soutien des conservateurs du musée Cernuschi, une séance a été organisée dans les locaux de cette institution de l’avenue Vélasquez. La séance a permis aux étudiants et aux auditeurs d’observer de près des vases analysés lors des conférences et d’autres bronzes qui n’avaient pas encore été abordés. À l’issue du semestre, il a été décidé de poursuivre cette réflexion sur l’étude d’objets inscrits de la Chine ancienne « hors-contexte » au premier semestre de l’année 2023-2024.

  • 2 Piao Zaifu 朴載福 (Park Jae-Bok), Xianqin bufa yanjiuà 先秦卜法研究, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 2011

19III. Le thème du second semestre est lié à un autre projet collectif. « Ganying. La communication avec les dieux en Chine » s’inscrit dans le cadre du labex « Les passés dans le présent : histoire, patrimoine, mémoire » (ANR-11-LABX-0026-01). Il est dirigé par Adeline Herrou (CNRS ; LESC UMR 7186), Corinne Debaine-Francfort (CNRS ; Arscan UMR 7041) et Claire Vidal (université Lumière Lyon II ; IAO UMR 5062). Il vise à développer une réflexion pluridisciplinaire autour d’objets liés à la communication avec le divin. Le directeur d’études se propose de participer à cette réflexion collective en s’intéressant à des instruments mantiques utilisés par les devins de la capitale des Shang, entre le xiiie et le xie siècle avant notre ère. Ces instruments étaient réalisés à partir d’os de bovins et de carapaces de tortue. Ils étaient brûlés en plusieurs points pour faire apparaître des craquelures sous l’effet de la chaleur, qui étaient ensuite interprétées comme des réponses à la demande d’oracle. Cette pratique n’est pas une invention des devins Shang. Des traces de ce type ont été signalées sur des scapulas de caprinés, de cervidés et de suidés découvertes sur trois sites du Néolithique moyen (6000-3000 av. n. è.) : Fuhegoumen 富河溝門, en Mongolie intérieure, Fujiamen 傅家門, au Gansu, et Xiawanggang 下王崗, au Henan. Ceux-ci font remonter l’origine de cette méthode de divination aux Ve millénaire avant notre ère. Toutefois, il s’agit de découvertes isolées, dans l’espace et dans le temps. Un changement important se produit à partir du IIIe millénaire avant notre ère. La pratique peut alors être observée sur plusieurs sites de différentes cutures néolithiques. Les scapulas de diverses espèces animales ont été utilisées concurremment, mais comme le souligne Park Jae-Bok, des préférences sont observées en fonction des régions : les caprinés dans l’Ouest, les suidés dans le Nord, et les bovins dans l’Est, à une époque où cette dernière espèce commence à être domestiquée en Chine2. La situation dans le centre de la Chine est plus complexe. Le choix d’une espèce plutôt qu’une autre était sans doute lié à des questions de ressources locales, mais aussi au statut des animaux dans les sociétés concernées. Ce choix avait également une influence sur l’investissement technique qu’impliquait l’usage de ces supports : s’il était facile de faire apparaître des craquelures sur des surfaces osseuses extrêmement fines, comme la partie centrale des scapulas de caprinés, la difficulté était plus grande pour les scapulas de bovins, nettement plus épaisses. Cela nécessitait soit d’adapter la technique de brûlage pour venir à bout d’une telle épaisseur, soit de travailler le support pour réduire son épaisseur avant de le brûler. C’est pourtant la scapula de bovin qui fut choisie comme principal support de divination par les praticiens de la cité d’Erlitou (env. 1800-1500 av. n. è), à Luoyang, le plus important centre urbain de la plaine Centrale durant la première moitié du deuxième millénaire avant notre ère. Les bovins représentaient alors non seulement les plus gros animaux domestiques, mais aussi les plus imposantes victimes sacrificielles que l’on pouvait offrir aux divinités. À partir de 1600 avant notre ère, les Shang ont progressivement étendu leur pouvoir sur une grande partie de la plaine du fleuve Jaune et entrainé le déclin de la cité d’Erlitou. Ils établirent leur capitale à Zhengzhou. Dans un premier temps, les devins Shang utilisèrent les scapulas de différents animaux, dont des caprinés, mais sans doute influencés par les pratiques de l’ancienne grande puissance de la région, ils utilisèrent de plus en plus de scapulas de bovins. Par ailleurs, à partir du début du xve siècle, les devins Shang commencèrent à creuser sur les os des cavités pour faciliter l’apparition des craquelures. La technique avait déjà été utilisée par d’autres groupes humains du Nord de la Chine, dès la première moitié du IIe millénaire, mais elle fut ici appliquée de manière différente. Enfin, les devins Shang de la capitale introduisirent dans cette tradition millénaire que représentait la pyro-ostéomancie une innovation majeure. Ils appliquèrent les mêmes techniques sur un nouveau support : le plastron de carapace de tortue. Les raisons du choix de ce nouveau support ne sont pas claires. Si l’animal avait assurément une signification particulière pour les Shang, celle-ci ne doit pas nécessairement être recherchée dans les mythes et légendes à propos de la tortue conservés dans la littérature du premier millénaire avant notre ère. Vers 1400 avant notre ère, le centre du pouvoir des Shang se déplace vers le nord, dans la région d’Anyang, sur le site de Huanbei 洹北. Là, on observe une évolution dans les techniques de creusement des cavités et une attention plus grande est portée à leur disposition. La période suivante, appelée phase finale des Shang (env. 1250-1050 av. n. è.), constitue l’âge d’or de la pyro-ostémancie en Chine.

20La pyro-ostéomancie de la phase finale des Shang se caractérise d’abord par une augmentation sans précédent de la production de supports de divination. Alors que l’on dénombrait au plus quelques dizaines de supports ou fragments de supports sur les sites du Néolithique, que leur nombre s’était élevé à plusieurs centaines à Erlitou et à Zhengzhou, c’est désormais par dizaines de milliers que ceux-ci se comptent à Yinxu, site de la dernière capitale des Shang, également à Anyang. Les techniques de préparation des supports se complexifient. Enfin, apparaissent sur les os et les carapaces des inscriptions qui comptent parmi les plus anciens témoignages d’usage de l’écriture chinoise. À l’aide de ces inscriptions, il est désormais possible d’identifier les acteurs de cette pratique, de connaître les sujets des demandes d’oracle, mais aussi de se faire une idée plus précise de l’évolution de cette forme de divination sur environ 200 ans.

21La production d’une si importante quantité de supports de divination impliquait une organisation des circuits d’approvisionnement. Comme l’ont montré les travaux des archéologues et zoo-archéologues, la capitale des Shang avait de très importants besoins en bovins, que ce soit pour la consommation de viande des habitants, pour les pratiques sacrificielles des élites ou pour l’industrie de l’os. Les scapulas de bovin pouvaient être prélevées sur les animaux destinés à la boucherie, sachant que ces os n’étaient pas particulièrement recherchés comme matière première par les artisans. La viande de tortue n’était pas consommée de manière courante à Yinxu et l’animal n’était pas non plus utilisé pour effectuer des sacrifices. Son usage à capitale des Shang était essentiellement lié aux pratiques des devins. Une grande partie des carapaces utilisées à Anyang étaient importées, mais sans doute pas de régions très lointaines, contrairement à ce que l’on a pu affirmer. Les espèces de chéloniens identifiées à Anyang étaient vraisemblablement présentes à l’état naturel dans la région. Si les bovins devaient arriver sur pieds à la capitale, ce sont des carapaces de tortues déjà découpées qui étaient livrées. Des lots de plastrons pouvaient parfois être apportés par des membres de la haute aristocratie résidant loin de la capitale, peut-être comme une sorte de tribut. À partir de cette matière brute, les supports étaient préparés dans des ateliers qui étaient contrôlés par les devins. Ces derniers travaillaient par groupes, chaque groupe ayant ses propres habitudes et disposant de ses propres graveurs pour les inscriptions. La grande majorité des devins qui nous sont connus par les inscriptions travaillaient pour le roi, seul un petit nombre d’entre eux étaient au service de princes habitant la capitale. Le règne du roi Wu Ding (env. 1250-1200 av. n. è.) apparaît comme une période exceptionnelle dans l’histoire de la pyro-ostéomancie. C’est en effet sous son règne que l’on commença à graver des inscriptions sur les supports de divination. Plus de la moitié des supports de divination qui nous sont parvenus ont été produits à son époque. Enfin, son intérêt pour cette pratique mantique semble avoir été tel que plusieurs membres de la haute aristocratie ont cherché à l’imiter. Après le règne de Wu Ding, les devins de la maison royale perpétuèrent l’usage de supports de divination inscrits, jusqu’à la fin de la dynastie, mais à une échelle bien plus modeste.

22S’il est encore difficile de comprendre la manière dont les devins Shang interprétaient les craquelures, on sait en en revanche que les supports usagés, inscrits ou pas, pouvaient être conservés plusieurs mois, voire plusieurs années, surtout à l’époque du roi Wu Ding. Mais, dans certains cas, il était aussi possible de s’en débarrasser quelque temps après les avoir utilisés. Des ensembles de supports usagers pouvaient faire l’objet de dépôts dans des fosses ou des puits abandonnés. Ces dépôts, surtout quand ils étaient importants, pouvaient être accompagnés de pratiques sacrificielles impliquant des chiens, ou même des êtres humains. Mais sur le site d’une capitale occupé pendant environ 200 ans, les travaux d’aménagement furent nécessairement nombreux durant cette période, et ils ont parfois perturbé ces dépôts et contribué à éparpiller des fragments de supports de divination dans différentes zones du site.

23L’analyse des pratiques pyro-ostéomantiques des Shang dont les grandes lignes sont résumées ci-dessus va bien au-delà que celle que le directeur d’études avait exposée dans sa thèse de doctorat, soutenue il y a plus de 20 ans. Ce travail a bénéficié de nombreuses études publiées ces dernières années, essentiellement en Chine, et de données supplémentaires fournies par de nouveaux rapports des fouilles et de nouveaux catalogues, dans lesquels on trouve entre autres des reproductions des supports de divination d’une qualité bien supérieure à ce qui existait autrefois, autorisant un examen plus poussé de ces objets.

24Durant tout le semestre, le directeur d’études a pu bénéficier des remarques des étudiants et auditeurs assistant à la conférence, et en particulier des avis éclairés de Mmes Chrystelle Maréchal (CNRS, CRLAO) et Pauline Sebillaud (CNRS, CRCAO).

25Au second semestre de l’année 2023-2024, il sera proposé aux étudiants et aux auditeurs de s’appuyer sur le contenu des inscriptions figurant sur les supports, non pour y rechercher des informations sur la société Shang en général, comme cela se fait souvent, mais pour essayer de mieux comprendre les pratiques mantiques des devins d’Anyang. Une attention toute particulière sera accordée aux travaux des paléographes ayant fait avancer, ces dernières années, notre connaissance des « mains » et de la périodisation des inscriptions, cela afin de proposer une analyse la plus fine possible de ces pratiques.

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Notes

1 Vadime Elisseeff, Bronzes archaïques chinois au Musée Cernuschi, Paris, L’Asiathèque, 1977, vol. I, t. 1. La suite de ce catalogue, en français et en anglais, n’a jamais paru. En outre, la collection s’est depuis lors considérablement enrichie grâce à des dons, legs et achats.

2 Piao Zaifu 朴載福 (Park Jae-Bok), Xianqin bufa yanjiuà 先秦卜法研究, Shanghai, Shanghai guji chubanshe, 2011.

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Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Venture, « Épigraphie et paléographie de la Chine pré-impériale »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 155 | 2024, 423-433.

Référence électronique

Olivier Venture, « Épigraphie et paléographie de la Chine pré-impériale »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 155 | 2024, mis en ligne le 13 juin 2024, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/7342 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11t4n

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Auteur

Olivier Venture

Directeur d’études, École pratique des hautes études-PSL — section des Sciences historiques et philologiques

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