Histoire de Paris
Résumé
Programme de l’année 2022-2023 : Une source pour l’histoire de Paris au XVIe siècle : les plumitifs de justice (suite).
Texte intégral
- 1 Jules Guiffrey, « Philibert Delorme et Pierre Lescot. La date de leur mort (8 janvier 1570-10 septe (...)
- 2 Benjamin Fillon et Anatole de Montaiglon, « Philibert et Jean Delorme architectes (1554-1570) », Ar (...)
1On a examiné au cours de l’année plusieurs interrogatoires et témoignages concernant des artistes conservés dans les registres d’audience de la chambre criminelle du Parlement, dite de la Tournelle, pour la seconde moitié du xvie siècle, documents encore peu exploités par les historiens de l’art en raison du caractère très cursif de l’écriture. L’un des procès concernait l’entourage de Philibert Delorme et n’avait jamais été pris en compte dans les études sur l’architecte. Jules Guiffrey, pourtant, avait été sur sa piste. Ayant trouvé dans les délibérations capitulaires de Notre-Dame du mois de janvier 1570 des mentions faisant état d’un vol survenu dans la maison canoniale occupée par Delorme au cloître Notre-Dame et de la nécessité de faire mener les investigations par le bailli et chambrier lai du chapitre, et non par la justice du Châtelet, il avait « demandé des éclaircissements aux fonds judiciaires des Archives nationales », mais n’en avait obtenu aucun1. Sans doute les archivistes s’étaient-ils contentés de rechercher dans les fonds de la justice criminelle de la barre du chapitre, conservés de façon très lacunaire pour cette période dans la sous-série Z2, sans penser que le procès pouvait avoir été jugé en appel par le Parlement. Le nom de l’architecte, il est vrai, n’y est jamais mentionné, sinon dans le témoignage de l’une des accusées qui déclare « qu’elle a congneu l’abbé d’Ivry y a XXX ans ». Celle-ci, Françoise Gallon, a pu être identifiée avec certitude comme la personne qui est appelée Françoise Ballon dans l’édition du testament de Philibert Delorme publiée par Anatole de Montaiglon2. Sous son nom officiel, à un emplacement où le greffier indique souvent un surnom ou un pseudonyme, figurent deux mentions « Madame Françoise » et « Ma. Combraille ». On savait que Philibert Delorme avait entretenu une relation d’amitié avec Renaud de Combrailles, chantre du chapitre de Notre-Dame, mort, lui, en 1568, mais la présence de ce patronyme s’expliquait mal ici et pouvait faire douter de la lecture. On a donc pu, à cette occasion, attirer l’attention des étudiants sur la nécessité de mener des recherches complémentaires dans d’autres fonds pour parvenir à déchiffrer les plumitifs qui sont souvent sibyllins car ils se réfèrent à un procès en première instance dont on n’a plus trace. Ici, c’est le trésor des chartes (Arch. nat, JJ 266) qui a fourni la solution, grâce à un acte de légitimation obtenu en décembre 1568 par Françoise Gallon pour les cinq enfants qu’elle avait eus de Renaud de Combrailles, bien que celui-ci fût prêtre. C’était donc bien « Madame Combraille » qu’il fallait lire, ce qui laisse supposer que la liaison était de notoriété publique. Philibert Delorme, qui avait reçu les ordres, avait d’ailleurs lui aussi eu deux enfants avec une nièce de l’orfèvre parisien Balthazar Vachet.
- 3 Guy-Michel Leproux, « Un vol au domicile mortuaire de Philibert Delorme », Documents d’histoire par (...)
2L’interrogatoire de Françoise Gallon, qui avait soigné l’architecte dans les derniers mois de sa vie, ainsi que ceux des autres accusés, notamment le neveu du défunt, Martial Burlet, fils de Jeanne Delorme, ont été transcrits avec les étudiants. Ils apportent des éléments intéressants non seulement sur l’entourage de l’architecte au moment de sa mort, mais également sur certains aspects de la personnalité et de la fortune de celui-ci3.
- 4 Arch. nat., X2A 925.
3D’autres procès impliquant des artistes ont été étudiés au cours de l’année, comme celui du peintre Claude Oudin, accusé d’avoir séduit et enlevé la femme de son ancien maître en 1564. Pour ce rapt, il risquait la peine de mort. Sa déposition permet de reconstituer une partie de sa carrière : originaire de Troyes, il avait travaillé deux ans et demi à Paris dans l’atelier de Guyon Ledoulx, puis était parti quelque temps à Anvers avant de revenir dans la capitale française où il s’était fait recevoir à la maîtrise4. C’est un cas intéressant, et qui n’est sans doute pas isolé, de peintre français ayant reçu une partie de sa formation dans les Flandres. De même, le procès de Gabriel de Herne, soupçonné de sodomie, nous renseigne sur les tensions qui pouvaient exister à Lyon dans les années 1580 entre peintres néerlandais et italiens. D’autres noms relevés dans les plumitifs ont permis de préciser certains aspects de la vie ou de la carrière d’artistes connus par ailleurs. Enfin, on s’est intéressé à une affaire de diffamation publique impliquant en 1570, à la suite d’une plainte déposée par le procureur Antoine Badran, plusieurs membres de la confrérie de la Passion. L’un des accusés était Jérôme Lejeune, avant qu’il ne devienne le poète officiel de celle-ci. Les interrogatoires des différents protagonistes ont fourni un éclairage nouveau sur les intermèdes comiques joués sur la scène de l’hôtel de Bourgogne en certaines occasions. Plusieurs séances, au second semestre, ont donc été consacrées au répertoire de la confrérie dans la seconde moitié du xvie siècle.
Notes
1 Jules Guiffrey, « Philibert Delorme et Pierre Lescot. La date de leur mort (8 janvier 1570-10 septembre 1578) », Nouvelles archives de l’art français, 3e série, 8 (1892), p. 129-141.
2 Benjamin Fillon et Anatole de Montaiglon, « Philibert et Jean Delorme architectes (1554-1570) », Archives de l’art français, 2e série, 2 (1862), p. 314-336. L’original du document n’est plus localisé.
3 Guy-Michel Leproux, « Un vol au domicile mortuaire de Philibert Delorme », Documents d’histoire parisienne, no 25 (2023), p. 5-14.
4 Arch. nat., X2A 925.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Guy-Michel Leproux, « Histoire de Paris », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 155 | 2024, 352-353.
Référence électronique
Guy-Michel Leproux, « Histoire de Paris », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 155 | 2024, mis en ligne le 13 juin 2024, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/7235 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11t4c
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page