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Résumé

Programme des années 2021-2022 et 2022-2023 : I. Les collections d’antiques. — II. Documents récemment publiés.

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Texte intégral

1La première conférence, consacrée aux collections d’antiques, a commencé par l’examen du phénomène de la collection à la basse époque hellénistique. Le rassemblement de sculptures dans des maisons déliennes témoigne d’un collectionnisme antique. Certaines de ces œuvres étaient anciennes et attribuées à des sculpteurs célèbres, comme Praxitèle, dont une effigie était installée à la place d’honneur, bien visible, au rez-de-chaussée de la maison de l’Hermès à Délos, sans qu’on puisse en déterminer le sujet. Dans la même maison, une statuette d’Aphrodite aux jambes drapées, sommairement sculptée, qui adopte le schéma de la Cnidienne, constitue un modeste écho de l’art du même Praxitèle. La vogue des variantes de la Cnidienne témoigne à l’époque hellénistique du goût de la clientèle pour ce maître du second classicisme et des textes expriment la fascination qu’exerçaient ses créations. Ces variantes sont des créations qui jouent sur les références au modèle célèbre, comme la Vénus Médicis, dont le sculpteur, Cléomène fils d’Apollodôros, connu par sa signature regravée à l’époque moderne, date de la fin de l’époque hellénistique.

2Les tableaux étaient aussi objets de collection, conservés en tant que tels, comme l’illustre une anecdote rapportée par Plutarque (Vie d’Aratos, 13, 2-5) à propos d’un tableau d’Apelle. Aratos, que le tyran de Sicyone avait cherché à tuer à l'âge de sept ans, « après avoir libéré sa cité, avait aussitôt détruit les images (eikones) des tyrans » mais il hésite à détruire un tableau d’Apelle qui représente l’un de ces tyrans en char et le peintre Néalcès l’exhorte à « faire la guerre aux tyrans, pas à ce qui appartient aux tyrans » ; le tableau est alors retouché pour remplacer la figure du tyran par une palme ; il ne reste plus de visible que les pieds du tyran, que le peintre omet d’effacer.

3Des témoignages littéraires attestent le goût pour la collection : le recueil des poèmes de Posidippe de Pella regroupe notamment dans une même section, les Andriantopoiika, des épigrammes qui se rapportent aux portraits de sculpteurs célèbres. Dans la section des Lithika, consacrée aux pierres semi-précieuses, le travail du poète correspond à celui du graveur spécialisé en glyptique. Ces épigrammes font aussi écho aux descriptions de la tente qui aurait été érigée peut-être en 280/279 à Alexandrie et de la procession de Ptolémée II (Athénée, Deipnosophistes, V, 196 a-197 c et 197 c-203 b), pour exalter le pouvoir lagide :

sur les piliers de la galerie étaient placées cent figures de marbre, œuvres des meilleurs sculpteurs. Entre les colonnes, des peintures d’artistes de l’École de Sicyone alternaient avec toutes sortes d’images sélectionnées, de tuniques brodées d’or et de splendides manteaux, portant les uns les effigies des rois, les autres des représentations mythiques.

  • 1 J.-M. Luce, « Les trois Thries et la “colonne des danseuses” à Delphes », Pallas, 57 (2001), p. 111 (...)

4Callixène mentionne aussi à l’intérieur de la tente des trépieds delphiques et des nymphes : un parallèle est fourni à Delphes par la colonne des Danseuses, qui seraient trois nymphes où Jean-Marc Luce a proposé de reconnaître les Thries, nymphes du Parnasse honorées à Delphes1.

5Le goût des Romains pour la collection d’œuvres d’art grec présente plusieurs facettes. La première est liée à la conquête de l’Orient grec. C’est en ce sens qu’on commente le vers Horace dans l’épître à Auguste (Épîtres II 1, 156-157),

Graecia capta ferum victorem cepit et artes Intulit agresti Latio,

La Grèce vaincue conquit son farouche vainqueur et apporta les arts au Latium campagnard.

6L’exposition publique des statues rapportées dans le butin des généraux vainqueurs permet la diffusion de cet art. Mais d’autres préfèrent les garder dans un cadre privé, ce dont témoigne notamment le discours de Caton l’ancien intitulé Pour que le butin soit rendu au domaine public (Uti praeda in publicum referatur). Les copies romaines d’époque impériale obéissent aussi à des choix culturels, comme le montrent les collections de portraits sculptés d’hommes de lettres.

7La collection antiquaire reçoit sa forme moderne dans le Recueil d’antiquités égyptiennes, étrusques, grecques et romaines du comte de Caylus, publié à Paris en sept volumes, entre 1752 et 1767. Dans ses notices, la description prime sur l’attribution et l’identification. Caylus est aussi en matière d’esthétique le champion du retour à l’antique. L’affrontement entre Diderot et Caylus a d’abord pris la forme des polémiques érudites associées aux antiquaires, mais il s’est surtout joué sur le terrain des idées : Caylus incarne la figure de l’amateur, pour lequel le cabinet est indispensable pour la connaissance et la reconnaissance, alors que les philosophes prônent un enthousiasme quasi divin pour l’antique. La collection des amateurs d’antiquités trouve une forme plus modeste avec la collection Delepierre, un cabinet d’amateur de monnaies et d’archéologie, qui a rejoint par donation en 1966 la Bibliothèque nationale de France, où est conservée la collection Caylus, léguée à Louis XV.

  • 2 Je donne ici à ante la valeur d’un adverbe, « avant », ce qui évite de modifier la date de l’arrivé (...)

8La seconde conférence a examiné certains thèmes connexes. Mme Paulette Pelletier-Hornby, conservateur au musée du Petit Palais à Paris, a présenté, le 10 décembre 2021, « le miroir Strozzi de Sovana : un cas d’école ». La fabrication des statues en bronze a été traitée à partir de sources littéraires : la comparaison entre poète et bronzier, traditionnelle à l’époque hellénistique dans les épigrammes grecques, met en relief la création de l’œuvre d’art ; ces textes ne décrivent pas dans le détail les différentes étapes du processus de fabrication, mais fixent l’attention sur le modelage de la forme originale et la finition du bronze, comme le montre une épigramme de Posidippe de Pella (63 A-B) sur le portrait de Philitas de Cos. Des textes à caractère technique mettent au contraire l’accent sur la prouesse dans des réalisations exceptionnelles. Un passage de Pline l’Ancien (Histoire Naturelle, XXXV, 152) donne l’antériorité au modelage de l’argile sur l’art de couler le bronze, si on le comprend exactement en introduisant une ponctuation forte2 :

Sunt qui in Samo primos omnium plasticen invenisse Rhoecum et Theodorum tradant ; multo ante Bacchiadas Corintho pulsos, Damaratum vero ex eadem urbe profugum, qui in Etruria Tarquinium regem populi Romani genuit, comitatos fictores Euchira, Diopum, Eugrammum ab iis Italiae traditam plasticen.

Il se trouve des gens pour prétendre que c’est à Samos que Rhoecus et Théodorus inventèrent, les premiers de tous, l’art plastique ; il appert que, bien avant, les Bacchiades furent chassés de Corinthe, que Damaratus, à coup sûr, avait fui la même ville, lui qui, en Étrurie, engendra Tarquin, le roi du peuple romain, que l’accompagnèrent les modeleurs Euchir, Diopus et Eugrammus et que par eux a été transmis à l’Italie l’art plastique.

9Pline l’Ancien, loin de faire une erreur, comme on le croit d’ordinaire, utilise ici la chronologie pour dénoncer l’incohérence de ceux qui datent du vie siècle av. J.-C. l’invention de la « plastique » à Samos, alors même que cette « plastique » a été introduite en Italie un bon siècle plus tôt ; la plastique désigne l’art du modelage.

  • 3 P. Gallo, « Les faux pharaonica d’Alexandrie : reliquats du grand commerce international d’antiquit (...)

10Les sources littéraires fournissent aussi des renseignements précieux sur le Phare d’Alexandrie. Les Ægyptiaca trouvés dans la ville posent des problèmes particuliers, car ce sont, pour certains, des importations modernes, où étaient situés des magasins de commerçants qui y faisaient converger des antiquités venues de toute l’Égypte3. Mais c’est aussi par Alexandrie qu’ont transité dans l’Antiquité des antiquités à destination de Rome, en particulier des obélisques d’Héliopolis. Enfin, les statues colossales trouvées dans les fouilles de Jean-Yves Empereur et d’Isabelle Hairy près du Phare ont-elles appartenu au paysage d’Alexandrie ? Cela paraît probable au moins pour les plus importantes, deux très grandes statues colossales en granit, hautes de douze mètres environ. Un bout de l’Égypte était présent dans l’Antiquité à Alexandrie.

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Notes

1 J.-M. Luce, « Les trois Thries et la “colonne des danseuses” à Delphes », Pallas, 57 (2001), p. 111-128.

2 Je donne ici à ante la valeur d’un adverbe, « avant », ce qui évite de modifier la date de l’arrivée en Italie de Démarate, et je modifie sur ce point la traduction que j’avais proposée en remerciant Dominique Briquel d’avoir attiré mon attention sur ce point : F. Queyrel, « Modelage de l’argile (Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, XXXV, 152) et fabrication des grands bronzes (Posidippe, 63 A-B) », dans S. Descamps-Lequime, V. Jeammet (dir.), Pratiques d’ateliers dans la Grèce et l’Égypte anciennes. Du coroplathe au bronzier, actes du colloque de la SFAC, Paris, 12 mars 2016, Lille, Paris, 2023 (Archaiologia), p. 88-91. Pline avait annoncé ce développement vers le début de son livre, où il cite Cornelius Nepos (XXXV, 16). On consultera l’étude de O. de Cazanove, « La chronologie des Bacchiades et celle des rois étrusques de Rome », MEFRA, 100, 2 (1988), p. 615-648, en particulier p. 638-640.

3 P. Gallo, « Les faux pharaonica d’Alexandrie : reliquats du grand commerce international d’antiquités (xviiie-xxe siècle) », dans M.-D. Nenna (éd.), Alexandrina 5, Alexandrie, 2020 (Études Alexandrines 50), p. 21-54.

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Pour citer cet article

Référence papier

François Queyrel, « Archéologie grecque »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 155 | 2024, 149-151.

Référence électronique

François Queyrel, « Archéologie grecque »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 155 | 2024, mis en ligne le 13 juin 2024, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/6937 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11t3q

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Auteur

François Queyrel

Directeur d’études, École pratique des hautes études-PSL — section des Sciences historiques et philologiques

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CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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