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Résumé

Programme de l’année 2022-2023 : Rituels et sacrifices dans les inscriptions royales assyriennes.

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Texte intégral

1La conférence de l’année 2022-2023 portait sur l’étude de la notion de rituel et de sacrifice à partir de la documentation commémorative assyrienne pour en étudier plus en détail la terminologie en croisant leurs données avec d’autres sources contemporaines que le monde assyrien nous livre. Compte tenu du temps imparti et de l’ampleur du sujet, il s’agissait surtout d’étudier les contextes d’apparition de certains de ces termes et de sensibiliser les auditeurs aux difficultés de définition que cela entraine.

2En raison de la disparité des niveaux des différents auditeurs, chaque conférence était structurée de manière générale de la façon suivante. Dans une première partie, les auditeurs avancés travaillaient un texte au plus près de l’original (copie, photographie), pour en produire une première transcription, les moins avancés travaillaient sur la transcription produite précédemment par les auditeurs avancés pour en produire une traduction. Dans une seconde partie, les deux groupes travaillaient sur le texte principal de l’année.

  • 1 G. Frame, The Royal Inscriptions of Mesopotamia. Babylonian Period, vol. 2. Rulers of Babylonia fro (...)

3Ce document était une petite stèle1, très fameuse, représentant le roi assyrien, Aššurbanipal portant le panier de terre, et une inscription relatant la rénovation de l’Ekarzagina, sanctuaire du dieu Ea, situé dans l’Esagil, le temple de Marduk à Babylone. Ce texte bien conservé permettait aux auditeurs de travailler grâce à une photographie de bonne qualité, comme s’il s’agissait de l’original. Ils purent aussi se familiariser avec certaines graphies spécifiques liées à la nature du support, la pierre, ainsi qu’à des graphies purement babyloniennes. Par ailleurs, dans ce texte un passage a été particulièrement commenté, celui où Aššurbanipal précise avoir, suite à ses diverses rénovations « remis à leur place les rites (par-ṣi) et rituels (ki-du-de-e) [selon la] tradition (comme [ils étaient faits] dans l’ancien (temps) ». Il s’agissait donc de contextualiser un peu ces deux termes, dont il était clair qu’ils apparaissaient dans le contexte du service du temple.

  • 2 F. M. Fales & J. N. Postgate, Imperial Administrative Records, part II. Provincial and Military Adm (...)
  • 3 F. M. Fales & J. N. Postgate, Imperial Administrative Records, part I. Palace and Temple Administra (...)
  • 4 Le passage pose d’ailleurs un problème de traduction car kannu désigne aussi bien un vase que son s (...)

4Les premiers cours ont porté sur l’analyse de deux passages de deux tablettes administratives néo-assyriennes provenant du tell de Kujunjik afin de sensibiliser les auditeurs aux problèmes de traductions. En effet, le premier texte2 répertorie des Babyloniens travaillant à des copies de tablettes et le second3 un mémorandum sur l’ameublement d’un temple. Nous avons pu commenter le fait que dans le premier texte, le terme de dullu était traduit par « travail » ce qui est son sens habituel, tandis que dans le second le passage : 1 kan-nu dul₆-li est quant à lui traduit par « 1 vase / support-kannu, (pour le) rituel »4. La traduction est influencée par le contexte, car, même si le sens de la ligne n’est pas clair, la notion de rituel n’est utilisée que parce qu’il est question d’une divinité. En effet, le terme de dullu désigne le travail, l’activité, et donc dans certains contextes peut désigner fort logiquement un rituel. Or, rien ici ne permet de supposer que nous soyons dans un contexte de rituel. Le même type d’ambiguïté existe avec le verbe epêšu « faire », qui peut aussi être traduit de la même façon, lorsque le contexte s’y prête.

  • 5 A. K. Grayson & J. Novotny, The Royal Inscriptions of Sennacherib, King of Assyria (704-681 BC), pa (...)

5Le deuxième texte5 abordé, est un passage d’une inscription du souverain assyrien Sennacherib décrivant les caractéristiques de la ville de Ninive, expliquant pourquoi il décida d’en faire sa capitale. Le document a été étudié à partir d’une des copies anciennes du textes faites aux plombs d’imprimerie et de la photographie du cylindre, pour que les auditeurs puissent se faire une idée de la fiabilité relative des copies d’origine. La structure du texte a tout particulièrement été commentée car elle permet de comprendre quelles étaient certaines des conceptions savantes de l’époque.

61En ce jour, Ninive, le mâhâzu splendide, la ville aimée de la déesse Eštar, où (ša) à l’intérieur existe la totalité des rites-kidudû des dieux et des déesses ;

62fondation éternelle, base immémoriale dont (ša) le plan depuis les origines a été dessiné avec l’écriture des cieux, et dont les connexions étaient manifestes ;

  • 6 Ce passage trouve un parallèle très intéressant dans le « manuel de l’exorciste : KAR 44 rev. 7-8. (...)

63un lieu « sophistiqué », résidence du secret où (ša) se mélangent tout ce qui appartient au travail compétent (= artisanat), à l’ensemble des rites-pelludû, et les trésors du Lalgar6 ; […]

6Le texte daté du début du règne du souverain est rédigé sur un cylindre d’argile, sur lequel chaque ligne correspond à une unité de sens. Chacune est structurée de la même façon : une première partie, puis le pronom relatif ša introduisant la seconde partie conséquence de la précédente. Ainsi, il est possible par exemple de déduire que Ninive est un mâhâzu car s’y trouve les kidudû des dieux et des déesses, qu’il s’agit d’une fondation éternelle, car son plan existait dès les temps immémoriaux dans les cieux et qu’il n’y avait qu’à savoir déchiffrer ces signes pour le lire. Enfin, la dernière phrase définit la notion de savoir car le lieu sophistiqué et la résidence du secret (= le lieu du savoir spécialisé / savant) sont à mettre en lien respectivement avec le travail compétent c’est-à-dire l’artisanat et de l’autre les rites et les trésors du lalgar, c’est-à-dire les savoirs « intellectuels ». En effet, le lalgar serait une sorte d’apsu cosmique, sachant que l’apsu, les eaux souterraines, est le lieu de résidence du dieu Ea, divinité de la connaissance. Ce texte illustre aussi les difficultés de traduction de certains termes traduits par rites, car il est parfaitement clair ici qu’ils ne se situent pas au même niveau.

  • 7 Voir sa réédition récente par M. J. Geller, « The Exorcist’s Manual KAR 44 », dans U. Steinert (éd. (...)

7Pour aborder plus en détail la question des rites-kidudû, nous avons étudié un passage les mentionnant dans le fameux texte KAR 44, plus connu sous le nom de « manuel de l’exorciste »7, document connu en plusieurs exemplaires qui liste les textes qui doivent être maîtrisés par l’exorciste compétent. Le texte précise qu’après avoir acquis toutes les connaissances qui précèdent :

37Par la suite, (à l’aide) des listes lexicales-ṣâtu, des traductions et des synonymes, 38tu apprendras (la façon) de faire de la recherche dans les rites-kidudû en sumérien et en akkadien (…)

8Outre l’intérêt d’illustrer le fait que les listes lexicales, de traductions ou de synonymes sont les socles de la connaissance, ce passage montre que ses fameux rites pouvaient contenir des informations difficiles d’accès au premier abord.

  • 8 Pour une étude de cette question voir J. Cale Johnson et M. J. Geller, The Class Reunion — An Annot (...)

9L’étude de ce texte était aussi l’occasion de familialiser les auditeurs avec les complexités du savoir mésopotamien. En effet, le premier item de la ligne 37 est níg-zi-gál edin-na8 qui signifie en mot à mot « les créatures de la steppe ». Or, les textes savants montrent que ce terme désigne un type de commentaire, sous forme de liste. Les auditeurs ont ainsi pu étudier les passages afférents de la liste lexicale bilingue nabnîtu « physique » permettant de le déduire.

  • 9 F. Reynolds, The Babylonian Correspondence of Esarhaddon and Letters to Assurbanipal and Sin-šarru- (...)

10Enfin, nous avons étudié une lettre9 dans laquelle le rédacteur s’adressant au roi, lui rappelle que les rites-parṣû qui sont mis par écrit dans « l’art du scribe » appartiennent à une certaine tradition et sont ceux qui correspondent à ce dont le roi a besoin. Ce texte, malheureusement mal conservé illustre bien que les parṣû sont une procédure écrite, et surtout l’importance du savoir écrit et de la tradition pour les savants mésopotamiens.

11La dernière séance de l’année s’est délocalisée au Collège de France pour y être consacrée à la lecture de textes cunéiformes sur des moulages de tablettes découvertes sur le site d’Ougarit conservés dans ses archives. Cela a permis aux auditeurs de se confronter aux difficultés de lecture sur originaux, pratique indispensable pour l’épigraphiste.

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Notes

1 G. Frame, The Royal Inscriptions of Mesopotamia. Babylonian Period, vol. 2. Rulers of Babylonia from the Second Dynasty of Isin to the End of Assyrian Domination (1157-612 BC), Toronto, Buffalo, Londres, 1995, p. 199-202, texte B.6.32.2.

2 F. M. Fales & J. N. Postgate, Imperial Administrative Records, part II. Provincial and Military Administration, Helsinki, 1995 (SAA 11), p. 98, texte 156.

3 F. M. Fales & J. N. Postgate, Imperial Administrative Records, part I. Palace and Temple Administration, Helsinki, 1992 (SAA 7), p. 128, texte 117.

4 Le passage pose d’ailleurs un problème de traduction car kannu désigne aussi bien un vase que son support. En l’absence de déterminatif il est difficile de se prononcer, néanmoins, comme dans toutes les attestations de ce terme dans les textes administratifs assyriens il semble s’agir d’un support de vase, on se demandera s’il ne s’agit pas ici aussi d’un support de vase.

5 A. K. Grayson & J. Novotny, The Royal Inscriptions of Sennacherib, King of Assyria (704-681 BC), part I, Winona Lake, 2012 (RINAP 3/1), p. 67, texte 4 l. 61-65.

6 Ce passage trouve un parallèle très intéressant dans le « manuel de l’exorciste : KAR 44 rev. 7-8. Voir à ce sujet M. J. Geller, « The Exorcist’s Manual KAR 44 », dans U. Steinert (éd.), Assyrian and Babylonian scholarly Text Catalogues. Medecine, Magic and Divination, Boston, Berlin, 2018 (BAM 9), p. 308.

7 Voir sa réédition récente par M. J. Geller, « The Exorcist’s Manual KAR 44 », dans U. Steinert (éd.), Assyrian and Babylonian scholarly Text Catalogues. Medecine, Magic and Divination, Boston, Berlin, 2018 (BAM 9), p. 292-312.

8 Pour une étude de cette question voir J. Cale Johnson et M. J. Geller, The Class Reunion — An Annotated Translation and Commentary on the Sumerian Dialogue Two Scribes, Leyde, Boston, 2015 (CM 47), p. 8-10.

9 F. Reynolds, The Babylonian Correspondence of Esarhaddon and Letters to Assurbanipal and Sin-šarru-iskun from Northern and Central Babylonia, Helsinki, 2003 (SAA 18), p. 171, texte 204 : r. 5-10.

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Pour citer cet article

Référence papier

Lionel Marti, « Histoire et philologie de la Mésopotamie »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 155 | 2024, 18-20.

Référence électronique

Lionel Marti, « Histoire et philologie de la Mésopotamie »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 155 | 2024, mis en ligne le 13 juin 2024, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/6750 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/11t36

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Auteur

Lionel Marti

Chargé de conférences, École pratique des hautes études-PSL — section des Sciences historiques et philologiques

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CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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