Culture et vulgarisation dans la France médiévale
Résumé
Programme de l’année 2020-2021 : I. Une œuvre, des manuscrits : les traductions d’Aristote par Nicole Oresme. — II. Mémoire et encyclopédisme dans les textes en français médiéval.
Plan
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I. Une œuvre, des manuscrits : les traductions d’Aristote par Nicole Oresme
1Une nouvelle thématique avait été abordée l’année dernière, autour des traductions d’Aristote par Nicole Oresme. En effet, elles apparaissent comme une référence de la traduction médiévale et un tournant dans l’usage du français, outre le rôle de Nicole Oresme dans la pensée et la culture de l’époque de Charles V. Mme Aurora Panzica, n’ayant pu prononcer sa conférence l’année dernière, a pu le faire cette année sur « “Une belle ymaginacion que j’ay autrefoys pensee” : les auto-références dans le Livre du ciel et du monde de Nicole Oresme ». À partir de l’examen approfondi des manuscrits latins, elle a pu faire une nouvelle lecture du Livre du ciel et du monde, en montrant comment Nicole Oresme utilise ses propres citations et fait évoluer des réflexions menées dans ses tous premiers commentaires. Les autres séances ont permis aussi d’approfondir le travail de traducteur de Nicole Oresme, par comparaison avec ceux de l’entourage de Charles V et en particulier d’examiner le travail sur le mot : c’est évidemment la question bien connue des fors moz, mais aussi l’emploi des termes déjà attestés ou non en français, pour mesurer en quoi la traduction peut être un témoin de pratiques, d’innovations, d’implantations ou de tentatives sans lendemain. Enfin on s’est intéressé à la pratique de la glose, spécialement pour un domaine particulièrement novateur à l’époque de Nicole Oresme, celui de la musique, en raison de son importance dans Le livre du ciel et du monde.
II. Mémoire et encyclopédisme
2Pour la troisième année, la thématique « Mémoire et encyclopédisme » a été continuée, l’année précédente ayant été perturbée par la pandémie. On s’est intéressé à la période qui a succédé à celle du xiiie siècle considérée comme l’apogée de l’encyclopédisme médiéval. Si la forme du miroir aux princes n’est plus aussi reprise, même si les œuvres existantes continuent à être lues et diffusées jusqu’au xvie siècle, d’autres formes existent en latin comme en français : un début d’inventaire a donc été élaboré où l’on a pu voir que les traductions et adaptations d’encyclopédies ont une large place comme les versions françaises du Secret des Secrets (5 aux xive et xve siècles), outre la traduction de Jean Corbechon. Les formes allégoriques sont nombreuses, mis d’autres apparaissent souvent mélangées à des récits, des fictions sous d’autres types d’écriture. La Salade d’Antoine de la Salle a été entre autres l’objet d’études de deux séances, l’une autour de la structure et du manuscrit 653 du musée de Chantilly, pour voir spécialement le jeu entre l’illustration et le texte, avec une insertion d’un développement géographique et d’un autre sur la botanique, la seconde sur l’écriture du vrai dans la fiction. Une autre forme encyclopédique est celle de l’Archiloge Sophie (composée aux environs de 1400), parfait exemple d’une encyclopédie mémorielle des savoirs médiévaux mais aussi d’une transformation aussi bien de l’écriture que des enjeux de l’œuvre. Elle présente l’originalité d’associer trois domaines peu fréquemment associés dans les miroirs aux princes : philosophie morale, rhétorique et grammaire et enfin mathématiques. Les passages convenus et répétés dans les encyclopédies françaises sont transformés ou disparaissent au profit d’une œuvre où la sagesse est à la fois éthique, art de l’éloquence et connaissance des nombres, dans une construction qui fait référence explicitement à Boèce, rappelle la translatio studii, mais est en rupture avec les schémas classiques des encyclopédies médiévales, qu’elles suivent l’ordre de la Genèse ou l’ordo artium. On saisit ainsi que la fin du Moyen Âge, loin d’avoir tari la veine encyclopédique, la continue en la renouvelant.
3Trois autres séances ont apporté d’autres éclairages sur des modalités d’écriture de l’encyclopédie, l’une avec une conférence de Marco Maulu (université de Sassari) présentant une autre écriture, celle de Ramon Lull dans le Livre des Merveilles, où la narration devient le fil de l’exposé encyclopédique et où la visée est finalement moralisante. La seconde a permis à Rafal Perkowski, doctorant, de présenter ses travaux, notamment sur l’astronomie dans la traduction de Jean Corbechon, le Livre de proprietés de choses. Enfin Emmanuelle Kuhry (CNRS) a présenté ses travaux sur le Compendium philosophiae en montrant comment la compilation combine sources aristotéliciennes et sources cisterciennes.
4L’encyclopédisme est aussi circulation d’un savoir pour une mémorisation : le jeu d’échec est l’une des représentations qui contribuent à organiser et mettre en scène un savoir dans une présentation dynamique, au gré des parties, comme on a pu le voir avec une série d’œuvres qui en proposent des utilisations didactiques et non pas seulement moralisantes. Isabelle Draelants (IRHT-CNRS) a aussi présenté ses recherches actuelles sur les insectes, en montrant comment les encyclopédistes mêlent mémoire des Anciens et thématiques nouvelles.
5Le semestre s’est achevé, en débordant au-delà du Moyen Âge, à partir de deux livres récents : la traduction française du livre d’Ann Blair, Tant de choses à savoir, Paris, Seuil, 2020 et le livre de Violaine Giacomotto-Charra, La philosophie naturelle en langue française, Genève, Droz, 2020, qu’elle a présenté lors d’une séance de la conférence. Le séminaire s’est terminé par l’examen comparatif de plusieurs manuscrits de Jean Corbechon, du début à la fin de la tradition manuscrite, ce qui permettait de voir la part des copistes dans la transmission d’un savoir.
Pour citer cet article
Référence papier
Joëlle Ducos, « Culture et vulgarisation dans la France médiévale », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 153 | 2022, 281-282.
Référence électronique
Joëlle Ducos, « Culture et vulgarisation dans la France médiévale », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 153 | 2022, mis en ligne le 13 juin 2022, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/5778 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.5778
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