Histoire de la médecine : maladies, malades, praticiens
Abstract
Programme de l’année 2020-2021 : I. Définitions et causes de maladie(s) dans la médecine occidentale. — II. Les thérapeutiques thermales en France (XVIe-milieu XVIIe siècle).
Full text
1I. La première conférence (Définitions et causes de maladie(s) dans la médecine occidentale) s’inscrit dans la continuité des travaux conduits ces dernières années sur la nosologie et la classification des maladies (voir les rapports des années 2014-2015, 2016-2017, 2017-2018, 2018-2019 et 2019-2020). La conférence se donne pour objectif d’étudier les théorisations et les pratiques de définition et de mise en relation causale en pathologie dans la tradition médico-philosophique de l’Antiquité au xxie siècle, et ainsi de considérer les première et troisième des trois principales opérations de la connaissance sur la maladie : identifier, comparer et classer, expliquer. Après des aperçus des conceptions mythico-magiques de la maladie chez Homère et Hésiode ainsi que de la médecine des temples, les fragments doxographiques pertinents des auteurs préhippocratiques et présocratiques (Héraclite d’Éphèse, Alcméon de Crotone, Empédocle d’Agrigente, Démocrite d’Abdère) et des médecins de l’Anonyme de Londres ont été analysés, en préambule de l’étude de la Collection Hippocratique, particulièrement riche en conceptions causales. Le rejet du divin dans l’explication des maladies et de toute forme causalité immanente ou transcendante à la nature (dieux, démons, esprits) opérée par les médecins hippocratiques a été particulièrement souligné et vivement contrasté aux conceptions et aux pratiques en vigueur au même moment en Égypte, en Mésopotamie et dans les pays scythes. Les très importants apports platoniciens et aristotéliciens à la définition et à la causalité des maladies ont ensuite été analysés, de même que les débats des écoles médicales de l’Antiquité hellénistique et romaine, dont on a rappelé qu’elles s’étaient opposées principalement sur l’utilisation des causes des maladies et particulièrement des causes cachées en pratique médicale. La sagacité et la subtilité des contributions empiriques (Ménodote de Nicomédie, Théodas de Laodicée) et, dans une moindre mesure, méthodiques (Soranos d’Éphèse, Caelius Aurelianus), à la réflexion sur la définition et les causes des maladies a été mise en évidence, malgré la médiocrité de certaines éditions et traductions de textes en langues modernes, ayant pour plusieurs d’entre elles escamoté ou obscurci cette subtilité.
2II. La seconde conférence (Les thérapeutiques thermales en France, xvie-milieu xviie siècle) s’est conclue en 2020-2021 par l’étude des dernières questions posées par les premiers textes de la littérature médicale thermale imprimée dans l’aire française (voir les rapports de la conférence 2017-2018 et 2018-2019). Les réactions, de nature émotionnelle (étonnement, admiration et émerveillement), suscitées par les phénomènes thermaux ont d’abord été analysées, et il a été montré que le merveilleux « naturel » et le merveilleux religieux ne pouvaient pas être étudiés de manière indépendante ; et que le christianisme, qu’il fût lié ou non au culte des saints, était resté très présent sur les sites thermaux pendant toute la période considérée, encadrant les pratiques collectives (processions, pèlerinages, messes) mais aussi individuelles (vœux, dons, etc.) des buveurs et des baigneurs. Par ailleurs, les eaux thermales confirmèrent dans l’espace français leur pouvoir « poètogène », qui avait été illustré dès l’époque romaine avec Claudien ou Ovide : celui-ci se manifesta notamment au xvie siècle dans les poèmes de Joachim Camerarius l’Ancien (1500-1574) et de Raymond de Massac (ca 1550 – ca 1620) qui exaltaient les eaux mais aussi les autres éléments associés (feu et terre notamment) ainsi que les sites naturels et les paysages, avec un sentiment voire un lyrisme de la nature. Les concepts de l’histoire des sens et de l’anthropologie sensorielle ont ensuite été mobilisés pour appréhender les expériences sensorielles occasionnées par le thermalisme : des expériences fortes et variées, que l’on peut qualifier de « primaires » pour les différentes dimensions thérapeutiques (boissons, bains, douches, etc.) mais aussi « secondaires » pour l’immersion dans la nature des sites thermaux et des lieux traversés lors des voyages thermaux. Les formes spécifiques des divertissements, principalement collectifs, qui permettaient de rompre la monotonie des séjours thermaux ont été ensuite analysées : négociés dans un contexte de réforme religieuse et de hiérarchisation sociale croissante où les élites (curiales, aristocratiques et aisées) se démarquaient de manière ostensible des usages populaires, ces divertissements relevaient d’un véritable « art de vivre aux eaux » réactivant le modèle romain de séjour balnéaire associant soins du corps, distractions, rencontres et dépaysement. Enfin, les nombreux conflits et polémiques ayant marqué le premier thermalisme français ont été examinés. Ils pouvaient opposer des médecins et des soignants d’un même site, des soignants de sites en concurrence (comme Vichy et Bourbon), ou encore des adeptes de l’eau thermale naturelle à ceux de l’eau artificielle ou, plus souvent, à ceux de l’eau commune et aux sceptiques. Pendant toute la période considérée par l’étude, la monarchie resta attentive aux conflits liés aux pratiques thermales (qu’elle contrôla progressivement par l’intermédiaire de la surintendance des eaux et des intendances des eaux locales) mais aussi aux conflits doctrinaux dans lesquels elle intervint même directement : un « coup de majesté » de Louis XIII fit ainsi cesser (transitoirement, il est vrai) le débat qui s’était animé à la faculté de Paris en 1633 sur les questions de l’efficacité et de la dangerosité de la prise des eaux thermales et réaffirma (avec un effet durable) la prééminence des médecins de Cour sur ceux des facultés pour le contrôle intellectuel du champ thérapeutique.
References
Bibliographical reference
Joël Coste, “Histoire de la médecine : maladies, malades, praticiens”, Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 153 | 2022, 367-368.
Electronic reference
Joël Coste, “Histoire de la médecine : maladies, malades, praticiens”, Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [Online], 153 | 2022, Online since 13 June 2022, connection on 02 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/5614; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.5614
Top of pageCopyright
The text and other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.
Top of page