Étude du paysage culturel et conservation du patrimoine en Asie
Résumé
Programme de l’année 2020-2021 : I. Vue d’ensemble des paysages culturels et de la conservation du patrimoine en Asie. — II. Études de cas. — III. Intervenants internationaux invités.
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Texte intégral
1Cette série de dix conférences, pour l’année universitaire 2020-2021 de la section des Sciences historiques et philologiques, a vu le jour grâce aux encouragements de l’académicien et professeur Henri-Paul Francfort de l’Institut de France, et du professeur Jean-Michel Mouton de l’EPHE. Ces conférences s’intègrent également dans le programme conjoint du master d’Études asiatiques de l’EPHE, de l’EHESS, et de l’École française d’Extrême-Orient (EFEO). Elles étaient ouvertes aux chercheurs, aux auditeurs libres et aux étudiants. Initialement prévues en présentiel, elles ont été, du fait d’un contexte sanitaire compliqué, reprogrammées en visio-conférence (via l’application Teams). Ceci posé, ce fut une réelle satisfaction d’accueillir la présence de chercheurs et d’étudiants de l’EPHE, de l’EHESS et de l’EFEO, ainsi que des chercheurs, conservateurs et étudiants de plusieurs laboratoires de recherches, d’unités d’enseignements, ainsi que de prestigieux musées :
- — le Creops (Centre de recherche sur Extrême-Orient de Paris-Sorbonne) ;
- — le laboratoire CNRS-UMR 7041 « Archéologies et sciences de l’Antiquité (Arscan), Archéologie de l’Asie centrale » à l’université Paris Nanterre ;
- — le laboratoire CNRS-UMR Ausser 3329, Ipraus (Institut parisien de recherche : architecture, urbanistique, sociétés) à l’École nationale supérieure d’architecture Paris Belleville ;
- — le laboratoire d’Archéologie et de conservation des vestiges architecturaux, Craterre, de l’École nationale supérieure d’architecture de Grenoble ;
- — le programme master « Stratégies muséales et gestion de projet » et le séminaire « Route de la soie » de l’Institut catholique de Paris ;
- — et les prestigieux établissements que sont :
- – le musée Guimet,
- – le musée du Louvre,
- – le musée Quai Branly,
- – et la Cité d’architecture et du patrimoine.
2Au programme 2020-2021, j’ai proposé d’étudier différentes catégories de sites. Il s’agissait là d’une approche multidimensionnelle et d’une interprétation interdisciplinaire – de réfléchir à l’étude du paysage culturel et à la conservation du patrimoine en Asie à partir de travaux sur l’histoire de l’art, l’archéologie, la géographie, le paysage, l’urbanisme, l’anthropologie et le patrimoine culturel. Les sites envisagés trouvaient leur origine dans une fenêtre temporelle allant de la période médiévale à la période prémoderne, et géographiquement se situaient aux confluences du monde chinois, de l’Asie centrale, de l’Asie du Sud et des Routes de la soie.
I. Vue d’ensemble des paysages culturels et de la conservation du patrimoine en Asie
3Une seule phrase, tirée de l’Introduction à la peinture de paysage de Zong Bing 宗炳, sert de référent à toutes les analyses sur le paysage en Chine : Zhi yu shan shui zhi you er qu ling 至於山水 質有而趣靈 « Quant aux montagnes et aux eaux tout en possédant une forme matérielle, elles tendent vers le spirituel. » (Zong Bing 宗炳 (375-443). « Hua shanshui xu, Introduction à la peinture du paysage (ca 430) », dans Zhongguo hualun leibian. Essais sur la peinture chinoise, Taipei, 1975, p. 583) [Roland Lin, Rêve de jade : les jades paysagers de l’ère Qianlong, Paris, 2006].
La « forme matérielle » ou extérieure de « la montagne (shan) et de l’eau (shui) » est donc considérée comme l’élément majeur du paysage. Elle tend vers (er qu) l’esprit, ce qui marque l’orientation vers la spiritualité (ling). L’essence de la représentation du paysage pour le lettré (chinois) n’est pas prioritairement de reproduire la forme des éléments naturels, mais d’en saisir l’esprit, manifestant ainsi la volonté de dépasser la nature et l’intention d’aller au-delà et de se situer entre le macrocosme et le microcosme. (Traduction française de Nicole Vandier-Nicolas, Esthétique et peinture de paysage en Chine : des origines aux Song, Paris, Klincksieck, 1982, p. 64-65.)
4Le paysage renvoie, à la fois, à un mode d’appréhension visuel de l’environnement qui nous entoure et également à cet environnement en tant que tel. Les paysages, qu’ils aient une valeur esthétique ou non, constituent le cadre de notre vie quotidienne ; ils sont familiers et le concept de paysage établit un lien entre les êtres humains et la nature, en reconnaissant leur interaction avec l’environnement. La notion même de paysage est hautement culturelle et il peut paraître superflu de parler de paysages culturels ; mais le qualificatif « culturel » sert à souligner l’interaction humaine avec l’environnement et la présence de valeurs culturelles matérielles et immatérielles dans le paysage. Le géographe américain d’origine allemande, Carl O. Sauer, a développé le concept de paysage culturel dans son ouvrage The Morphology of Landscape (Berkeley, 1925, p. 19-53). Cette approche faisait du paysage un espace de traits naturels, modifiés et influencés par des forces culturelles. Elle comportait des valeurs immatérielles et des expressions culturelles qui n’apparaissaient pas immédiatement, comme la littérature, la poésie, la peinture et la photographie, les rituels et la production traditionnelle. Les valeurs clés d’un territoire paysager pouvaient donc être estimées au trébuchet de la recherche et documentées grâce à des signes de connexions associatives. Chaque peuple a une relation spécifique, physique et associative avec son environnement, qui est ancrée dans sa culture, sa langue, ses sources de revenu, son sens de l’existence et son identité, qui est inséparable de son rapport avec la terre. Elles sont aussi influencées par beaucoup d’autres facteurs liés à l’histoire de chaque peuple, ses relations avec ses voisins, sa structure sociale. Les spécialistes de la géographie humaine définissent un paysage culturel comme « un produit concret et caractéristique de l’interaction entre une communauté humaine donnée, réunissant certains potentiels et préférences culturelles, et un ensemble particulier de conditions naturelles. C’est un patrimoine de nombreuses périodes d’évolution naturelle et de nombreuses générations d’effort humain. » (Wagner et Miskell, d’après une citation de P. Fowler, « Cultural Landscape. Archaeology, Ancestors and Archives », dans G. Hajós, éd., Monument-Site-Cultural Landscape Exemplified by the Wachau, Vienne, 1999, p. 56).
5La démarche proposée était centrée sur l’étude du paysage culturel et de la conservation du patrimoine en Asie au travers d’études de textes historiques (documents anciens, modernes et contemporains – documents et documentations photographiques), cartes SIG, rapports de fouilles archéologiques et projets patrimoniaux récents (principalement des années 1990 jusqu’à nos jours), d’analyses des préoccupations actuelles des relations Culture-Nature ainsi que du besoin de compréhension et de mise en valeur de ce grand territoire et lieu de mémoire dans le contexte contemporain (Mechtild Rössler et Roland Lin, « Cultural Landscape in World Heritage Conservation and Cultural Landscape Conservation Challenges in Asia », Built Heritage, 3 [2018], p. 3-26). L’objectif était de démontrer que la sauvegarde et la gestion du paysage culturel en Asie devraient être placées au cœur des quatre approches simultanées culturelle-historique-naturelle-territoriale.
II. Études de cas
6J’étudie, en tant qu’historien de l’art et urbaniste, l’importance du paysage culturel, et plus largement de la « conservation du patrimoine » en Asie, des différentes catégories de sites (de ruines architecturales / monumentales au jardin archéologique, de l’objet singulier au territoire). Cette recherche a une forte dimension exploratoire à partir d’une étude empirique (s’appuyant sur l’observation et l’expérience) mais aussi théorique, méthodologique et interdisciplinaire. Trois études de cas ont été proposés lors de ces conférences 2020-2021 : le paysage culturel de la région de Jetyssou « Sept-Rivières » (entre le Kazakhstan et le Kirghizistan) ; l’approche du corridor patrimonial et paysage culturel ; et le paysage culturel du corridor patrimonial de Chang’an-Tianshan traversant la Chine, le Kazakhstan et le Kirghizistan.
Paysage culturel de la région de Jetyssou « Sept-Rivières » (entre le Kazakhstan et le Kirghizistan)
7la région de Jetyssou « Sept-Rivières » (entre le Kazakhstan et le Kirghizistan), une région fertile de prairies, de steppes, de forêts et de hautes montagnes autour du (lac) Issyk Koul, avec un approvisionnement abondant en eau provenant des montagnes, possède les routes terrestres les plus clairement dessinées depuis les bords des montagnes de Tian-shan en direction de l’ouest. L’association de l’agriculture et du commerce a conduit au développement de villes et de cités prospères, qui perdurèrent plusieurs siècles, et a établi des contacts entre différents peuples, comme les Saka, Ousun, Turcs, Iraniens, Khitan, Mongols et Chinois Han. Les sites étaient souvent fortifiés. Certains étaient de grandes villes (ou cités) : Suyab (Ak-Beshim, au Kirghizistan), cité de Balasagun (Burana, au Kirghizistan), cité de Nevaket (Krashya Rechka, au Kirghizistan), et Kayalyk (au Kazakhstan). D’autres étaient des établissements commerciaux de plus petite taille : Talgar, Aktobe, Kulan, Ornek, Akyrtas, Kostobe. Karamergen (au Kazakhstan), qui présentent encore de nos jours des murs et des tours encore debout, était un poste-frontière fortifié sur l’ancien delta du fleuve Ili et était le point de transit pour gagner ce qui est aujourd’hui le Kazakhstan central et l’Europe orientale, en utilisant ce qui a été maintenant identifié comme le corridor de Balkhash. Beaucoup de cités présentaient des dimensions considérables, comme Ak-Beshim (Suyab), Krashya Rechka (Nevaket) avec une citadelle de 100 hectares et des murs longs de 20 km, et Akyrtas recélant les vestiges de plusieurs grands palais et caravansérails de grès rouge. Toutes témoignent de la façon dont des peuples nomades se tournèrent vers l’agriculture sédentaire et le commerce. Plusieurs possédaient des systèmes complexes de captage de l’eau et d’irrigation avec des tuyaux et des réservoirs en céramique. Les sites reflètent les principaux pouvoirs qui régnèrent sur cette zone entre le iie siècle av. J.-C. et le xvie siècle apr. J.-C. et l’influence des idées issues de l’Est et de l’Ouest, y compris le zoroastrisme, le manichéisme, le christianisme nestorien, le bouddhisme et l’islam. Kayalyk présente les vestiges d’une église manichéenne, tandis que la cité de Balasagun (site de Burana), la capitale du Khaganat oriental de l’État islamique turcique, est une cité médiévale islamique planifiée des xe-xive siècles dotée d’un minaret de 24 mètres de hauteur (paragraphes inspirés du rapport d’évaluation d’Icomos 2014 sur le dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial des Routes de la soie : le réseau de routes de l’axe Chang’an-Tian-shan).
L’approche du corridor patrimonial et paysage culturel
8L’étude des Routes de la soie est particulièrement complexe en raison de la très vaste étendue géographique et chronologique que couvrent ces réseaux d’itinéraires. Pour soutenir les pays participant au projet de proposition d’inscription en série des Routes de la soie, le Conseil international des monuments et des sites (Icomos) a été chargé, sous la direction du Centre du patrimoine mondial de l’Unesco et en étroite collaboration avec les États asiatiques concernés, de mener une étude thématique axée sur l’exploration de ces itinéraires à l’apogée des Routes de la soie, soit du iie siècle av. J.-C. jusqu’au xvie siècle apr. J.-C. Le but de cette étude était de documenter l’ampleur, la diversité et les chronologies complexes de ces itinéraires en retraçant les mouvements des empires et des peuples face à des climats, des sols et des écologies très variés. L’étude adoptait une approche cartographique de type « corridor », en identifiant les principaux centres de peuplement et en explorant les paysages qui reliaient ceux-ci, en déterminant les itinéraires probables, puis en élargissant ces derniers afin de tracer des couloirs de mouvement (cf. Tim Williams, Roland Lin Chih-Hung et Gai Jorayev [éd.], Final Technical Report on the results of the Unesco – Japanese Funds-in-Trust project: Support for Silk Roads World Heritage Sites in Central Asia [Phase II], April 2015 – November 2019, Institute of Archaeology, University College London [UCL], Londres, décembre 2020 ; Tim Williams, Roland Lin Chih-Hung, Gai Jorayev [éd.], Final Technical Report on the results of the Unesco – Korean Funds-in-Trust Project: Support for the Preparation for the World Heritage Serial Nomination of the Silk Roads in South Asia, 2013-2016, Londres, Institute of Archaeology, 2016 ; et Roland Lin Chih-Hung, Yuri Peshkov, Dimitry Voyakin et Madjer Massanov [éd.], Results of the Unesco – Japanese Funds-in-Trust project: Support for documentation standards and procedures of the Silk Roads World Heritage serial and transnational nomination in Central Asia 2011-2014 [en anglais et en russe], Unesco et Archaeological Expertise Kazakhstan, Almaty, Paris, Almaty, 2014). Cette approche a permis d’englober un plus large éventail de sites et de refléter l’impact qu’ont eu ces mouvements sur le paysage, avec, par exemple, le développement de postes, de forts, de ponts, de petites villes, de sites religieux et de systèmes agricoles. Les Routes de la soie ont ainsi généré de remarquables manifestations d’une importance globale dans les domaines de l’économie, de la société, de l’histoire, de la culture, de l’environnement et du territoire. Les types de monuments, sites et paysages culturels se trouvant tout le long des routes de la soie peuvent être divisés en plusieurs catégories : 1) Infrastructures (facilitant le commerce et le transport) ; 2) Production (de biens commerciaux) ; 3) Aboutissements (tels que villes commerciales, centres urbains, sanctuaires religieux et spirituels, tombeaux, lieux de pèlerinage, et espaces associés aux événements politiques, échanges d’idées, de langues, de musique, de danse, de poésie, etc.) [cf. T. D. Williams, « The Silk Roads: An Icomos Thematic Study », Icomos, 2014].
Paysage culturel du corridor patrimonial de Chang’an-Tianshan traversant la Chine, le Kazakhstan et le Kirghizistan
9En 2014, après des années de préparation, les Routes de la soie du corridor Chang’an-Tianshan ont été inscrites sur la Liste du patrimoine mondial. Ce tronçon de 5 000 km du vaste réseau des Routes de la soie est un site transnational traversant la Chine, le Kazakhstan et le Kirghizistan. Il s’étend de Chang’an / Luoyang, la capitale centrale de la Chine des dynasties Han et Tang, à la région de Jetyssou, « Sept-Rivières » (entre le Kazakhstan et le Kirghizistan) en Asie centrale. Ce corridor a pris forme entre le iie siècle av. J.-C. et le ier siècle apr. J.-C. ; il a été utilisé jusqu’au xvie siècle, reliant de nombreuses civilisations et facilitant des échanges à longue distance en matière de commerce mais aussi de croyances religieuses, de connaissances scientifiques, d’innovations technologiques, de pratiques culturelles et artistiques. Trente-trois éléments / sites sont proposés / inclus dans ce réseau / corridor de routes, comprenant des capitales et des ensembles de palais de divers empires et royaumes de Khans, des établissements commerciaux, des temples de grottes bouddhistes, des voies antiques, des tours balises, des sections de la Grande Muraille, des fortifications et des édifices religieux. Ils constituent l’un des premiers « corridors » culturels et patrimoniaux inscrit sur la Liste du patrimoine mondial, incarnant les principes de diversité culturelle, de patrimoine et de coopération pacifique soutenus par l’Unesco et la Convention du patrimoine mondial (paragraphes inspirés du Rapport d’évaluation d’Icomos 2014 sur le dossier de nomination à la liste du patrimoine mondial des Routes de la soie : le réseau de routes de l’axe Chang’an-Tian-shan).
III. Intervenants internationaux invités
10Comme cela a déjà pu être mentionné, mes conférences étaient initialement prévues en présentiel, mais dans un contexte sanitaire des plus particuliers, ces conférences ont donc été reprogrammées en visio-conférence (via l’application Teams). La technologie de la visio-conférence a permis l’invitation de trois collègues internationaux qui m’ont fait la joie et l’honneur de co-présenter avec moi des projets de préservation du patrimoine et du paysage culturel en Asie.
11Lors de la conférence du 23 avril 2021, j’ai pu d’accueillir le professeur Michael Jansen, de l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle, spécialiste en histoire et archéologie des civilisations de l’Indus et de l’Asie centrale, pour présenter avec moi (en anglais) le « Paysage culturel de la vallée de Bâmiyân, Afghanistan & paysage culturel du Gandhara ». Le professeur Michael Jansen a étudié l’architecture et l’histoire urbaine à l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle (Allemagne) jusqu’en 1973. En 1974, il est allé à l’université de Rome pour poursuivre ses études, où il a étudié l’histoire urbaine et l’archéologie. En 1976, il a étudié l’archéologie de l’Asie du Sud à l’université de Delhi et à l’Archaeological Survey of India (ASI). En 1979, il a obtenu son doctorat à Aix-la-Chapelle en présentant une thèse sur l’Architecture de la culture Harappa. De 1978 à 1987, il a été chef du projet de recherche « Mohenjo-Daro » en collaboration avec Günter Urban. De 1988 à 1993, il a été chargé de cours à l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle. Et il est nommé professeur d’histoire urbaine à l’université RWTH d’Aix-la-Chapelle à partir de 1994. Ses principaux intérêts de recherche incluent la culture de l’Indus (Mohenjo-Daro), l’architecture coloniale en Asie du Sud, l’archéologie et l’architecture en Asie du Sud-Est et centrale. Le professeur Michael Jansen a contribué à et coordonné avec plusieurs musées pakistanais et internationaux l’exposition itinérante Gandhara – l’héritage bouddhiste du Pakistan de 2008 à 2011 en Allemagne, en France, au Pakistan et aux États-Unis, etc. Le professeur Jansen travaille avec l’Unesco pour la campagne de sauvegarde de Mohenjo- Daro au Pakistan, pour la conservation du patrimoine des routes de la soie d’Asie centrale (au Kazakhstan, au Kirghizistan et au Tadjikistan) et pour le projet de schéma directeur culturel du paysage culturel de la vallée de Bâmiyân en Afghanistan.
12Pour la conférence du 28 mai 2021, j’ai pu d’accueillir le professeur Robin Coningham, de l’université de Durham, afin de co-présenter (en anglais) « Between the Ganga and the Himalayas: Exploring Tilaurakot-Kapilavastu and the natal landscape of the Buddha in Nepal ». Le Teraï népalais est une ceinture alluviale traversée par plusieurs grands fleuves, qui coulent vers le sud depuis les collines de Siwalik aux contreforts de l’Himalaya, avant de finalement fusionner en aval avec le fleuve Ganga. Peu peuplée aux xviiie et xixe siècles de notre ère, la forêt dense, les prairies, les broussailles et les marécages l’ont vue fonctionner comme une zone tampon informelle entre les hégémonies du Raj au sud et les Hill States au nord. Elle fut défrichée régulièrement pour l’agriculture depuis le xixe siècle de notre ère, jusqu’à la découverte du lieu de naissance du Bouddha Gautama à Lumbini en 1896 qui annonça l’exploration archéologique intensive du Teraï. Suivant la méthodologie de la géographie historique déjà pratiquée par l’Archaeological Survey of India (ASI), les pionniers ont identifié de nombreux lieux historiques cités par les moines chinois, Faxian et Xuanzang, lors de leurs pèlerinages au milieu du premier millénaire de notre ère. Bien que connu depuis plus de 120 ans, un programme décennal, parrainé par l’Unesco et débuté en 2011, de marches sur le terrain, d’enquêtes géophysiques et de fouilles ciblées a jeté un nouvel éclairage sur le caractère des anciennes territoires du paysage natal du Bouddha, maintenant connu sous le nom de région du Grand Lumbini. Cette conférence résumait ces découvertes et se concentrait sur la manière dont le travail de terrain sur le site de Tilaurakot-Kapilavastu a révolutionné notre compréhension du processus d’urbanisation dans le Teraï à partir de 1300 avant notre ère, ainsi que sur les défis de la protection du patrimoine face à la montée exponentielle de l’ère moderne – le pèlerinage bouddhique.
13La conférence du 29 juin 2021 a accueilli le professeur Yukio Nishimura 西村幸夫, professor emeritus de l’université de Tokyo et professor de l’université Kokugakuin du Japon, qui a présenté avec moi (en anglais) « Ideas of “Cultural Landscape” in Japan and Bhutan ». L’idée de « paysage culturel » au Japon trouve ses racines d’une part dans l’influence chinoise sur la façon dont l’environnement est considéré comme un « paysage », et d’autre part dans l’idée japonaise de relation unique entre la beauté des paysages et l’histoire culturelle des sites. Nous avons également proposé à la réflexion de l’audience des exemples de paysage au Bhoutan afin d’envisager la manière d’interpréter la signification culturelle de ces paysages montagneux en écho avec la vie quotidienne, spirituelle et religieuse de la population bhoutanaise. Nous avons enfin mis en parallèle les idées japonaises et bhoutanaises de « paysage culturel » afin d’en comprendre les différences et les similitudes. Spécialiste de la planification de la conservation, la conception urbaine physique et la participation des communautés à la planification, le professeur Yukio Nishimura a également participé à l’élaboration de plans de conservation pour un certain nombre de villes historiques à travers l’Asie. Il a également été vice-président du Conseil international des monuments et des sites (Icomos) et président d’Icomos Japon. Il a publié 12 livres en tant qu’auteur unique, dont deux ont été primés, Urban Conservation Planning (2005) et Urban Conservation and Urban Design (1997). Son dernier livre s’intitule Dix leçons que j’ai apprises des villes (2019). Le professeur Yukio Nishimura a travaillé avec l’Icomos et l’Unesco en tant qu’expert et conseiller lors de multiples missions d’évaluation du patrimoine mondial, de suivi réactif, de conseil et a été consultant et expert principal pour les sites du patrimoine mondial de l’Unesco dans toute l’Asie, notamment en Chine, en Inde, au Japon, au Kirghizistan, en Corée, en Birmanie, au Népal et au Vietnam. Depuis 2014, Yukio Nishimura participe chaque année en tant qu’expert principal pour le Centre du patrimoine mondial de l’Unesco et pour le gouvernement royal du Bhoutan participant à l’atelier national annuel pour l’identification, la compréhension, l’interprétation, la conservation et la gestion du paysage culturel en Bhoutan.
Pour citer cet article
Référence papier
Roland Lin Chih-Hung 林志宏, « Étude du paysage culturel et conservation du patrimoine en Asie », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 153 | 2022, 45-51.
Référence électronique
Roland Lin Chih-Hung 林志宏, « Étude du paysage culturel et conservation du patrimoine en Asie », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 153 | 2022, mis en ligne le 10 juin 2022, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/5094 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.5094
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