Ecdotique des textes latins antiques
Résumé
Programme de l’année 2019-2020 : I. Qu’est-ce qu’une édition critique ? Quel est son rapport avec la technique d’un côté et, de l’autre, le vrai ? Quel lien unit la « science » des éditions critiques avec le reste de la « philologie classique » et les sciences de l’Antiquité et notamment les études historiques et littéraires ? — II. Exercices critiques : auteurs variés, en fonction des intérêts et demandes des auditeurs. — III. Histoires de grands critiques : Louis Havet.
Texte intégral
- 1 Voir notre édition commentée de la monobiblos de Properce, Huelva, 2020, p. 23-25.
- 2 Heidegger à propos de l’Antigone de Sophocle (Holzwege, dans la « Gesamtausgabe », V, 1977, p. 26).
- 3 L’édition des Épîtres procurée par F. Navarro Antolín (Madrid, 2002) ne nous a pas été disponible e (...)
- 4 Il s’en faut, bien sûr, que ses intuitions soient toujours justes. Ainsi, il blâme la « répétition (...)
1La conférence a elle aussi souffert, et beaucoup, des conséquences de l’épidémie de grippe chinoise. Conservant notre esprit « critique » et faisant contre mauvaise fortune bon cœur, nous avons choisi d’étudier un texte « classique » dont la beauté est étrange et le destin à bien des égards, y compris sous celui de l’ecdotique antique et de ses avatars médiévaux1, remarquable : à la fois très connu et trop peu, peut-être inachevé ou privé de sa fin par un accident de transmission, c’est malgré son auteur (tout antique qu’il soit, le titre ars poetica n’est pas original) qu’il devint une sorte de bréviaire de l’esthétique classique, bien que la technique d’exposition heurtée et déroutante réponde peu aux canons du classicisme et qu’ici ou là semble sourdre le surréalisme avant la lettre, sur le mode de la négation et du refus dans le célèbre tableau du début. L’ars illustre combien, en s’écartant de son milieu originel, une œuvre antique, même « dans la meilleure édition critique »2, peut cesser d’être ce qu’elle fut. Nous avons pris pour base le texte de la troisième édition (1995) de la Teubneriana procurée par Shackleton Bailey et, pour le texte des vers que nous citons mais qui ne font pas l’objet de l’examen critique, nous renvoyons à l’apparat de cette édition. Chaque leçon que nous examinerons ici est donnée par toute la tradition directe, ce qui implique que, en présence de variantes de la tradition directe, Shackleton Bailey a choisi la variante qui, à nos yeux, est la meilleure ; pour mesurer, du point de vue de l’emendatio, le progrès accompli par Shackleton Bailey, il n’est que de consulter la Teubneriana rivale de Borzsák (1984). Shackleton Bailey fut le premier éditeur contemporain à bousculer une vulgate beaucoup plus fautive qu’on ne voulait ou pouvait l’admettre, peut-être parce qu’elle est ancienne : nombre de fautes de la tradition directe se trouvent dans la tradition indirecte3. Nous verrons qu’il reste à faire des progrès non négligeables, aussi (et ce fut pour nous une surprise) sous le rapport de la prise en compte des imitations ou allusions des auteurs anciens. Le volumineux commentaire de C. O. Brink (Cambridge, 1971) rassemble beaucoup d’informations mais escamote trop souvent les difficultés, et pas seulement celles qui mettent en jeu la critique verbale. Il nous a été moins utile que le commentaire plus sommaire de Lucian Müller (Prague, Vienne, Leipzig, 1893), qui affronte un nombre élevé de problèmes avec perspicacité et parfois une pénétration signalée4. Nous avons aussi consulté notamment le commentaire très rapide de N. Rudd (série « green and yellow », Cambridge, 1989). Il semble manquer un commentaire au moins aussi bien informé bibliographiquement que celui de Brink mais qui déploierait les qualités de Müller au meilleur de sa forme tout en retenant ce qu’il y a de positif, mais cela seul, dans les approches littéraires les plus récentes. C’est demander, surtout aujourd’hui, beaucoup. Le lecteur est averti que nous n’avons pas ici fait les efforts systématiques fournis l’an dernier à propos de Perse pour vérifier si les conjectures que nous publions n’ont pas été anticipées. Nous nous excusons en faisant valoir l’exemple des exercitationes criticae d’Édouard Tournier et des « notes critiques » de Louis Havet, tous deux directeurs d’études et « Textkritiker » de haute volée. Le directeur dédie ces pages à la mémoire de J.-L. Ferrary, disparu en août 2020, sans lequel notre conférence n’existerait pas, pour ne rien dire des autres titres de reconnaissance du directeur à l’endroit de l’historien soucieux de philologie.
28 Serpit humi tutus nimium timidusque procellae.
2Le poète trop timoré risque, argue Horace, d’être terre à terre. Le sens réclame non tutus « (trop) à l’abri » mais cautus. La séquence tutus et intra spem ueniae cautus (v. 266-267), « restant à l’abri et se maintenant prudemment dans les limites de l’acceptable », ne montre nullement l’équivalence sémantique de tutus et de cautus.
42-44 Ordinis haec uirtus erit et uenus, aut ego fallor,
ut iam nunc dicat iam nunc debentia dici,
pleraque differat et praesens in tempus omittat.
- 5 Pour les références précises à la tradition indirecte, nous renvoyons ici et, dans la suite, tacite (...)
3Une confusion semble responsable de la substitution de pleraque (aussi lu par Servius5) au mot que l’argumentation d’Horace paraît appeler, cetera.
45-48 Hoc amet, hoc spernat promissi carminis auctor.
In uerbis etiam tenuis cautusque serendis
dixeris egregie, notum si callida uerbum
reddiderit iunctura nouum.
- 6 Prague, Vienne, Leipzig, 1891, p. 52-53. Selon Marquardt, La vie privée des Romains, trad. Henry, I (...)
- 7 L. Apuleii opera omnia, II, Leipzig, 1842, p. 16-18.
- 8 Dictionnaire de K. E. Georges, 1913 ; voir notre commentaire de 2010 à Stace, siluae, 1,3,11.
- 9 Voir L. Havet, Mélanges latins (Extrait des Mélanges de la société de linguistique, VI,1), Paris, 1 (...)
- 10 Voir notre note à Stace, siluae, 2,6,70 en ajoutant un renvoi à J. Perrot, Les dérivés latins en -m (...)
- 11 Aucun rapport étymologique entre coma avec o bref et como >*co-emo. Voir l’analyse étymologique et (...)
- 12 Je dois la mention de ce texte remarquable à l’amitié de J. Yvonneau : ἔστι μοι | πατρίδ’ ἀρχαίαν κ (...)
- 13 Selon Rutherford, op. et loc. cit., « κτείς can also mean the bridge of a λύρα ». Mais Hésychios al (...)
- 14 Voir J. Schmidt, Kritik der Sonantentheorie, Weimar, 1895, p. 4-5 (κτενός >*πκτενός).
- 15 Voir H. Lommel, « “Kämmen” und “Frisieren” in einigen indogermanischen Sprachen », Zeitschrift für (...)
- 16 Voir M. L. West, Indo-European Poetry and Myth, Oxford, 2007, p. 36-38, évoquant πλέκω chez Pindare (...)
- 17 Mulcere appartient à une famille de mots qui peut signifier diverses qualités de toucher, comme le (...)
- 18 Voir A. Kerkhecker, Callimachus’ Book of Iambi, Oxford, 1999, p. 24-25.
4Shackleton Bailey a, croyons-nous, tort de construire le passage ainsi que reproduit ci-dessus : le v. 46 doit se rapporter au v. 45, que l’on garde l’ordre transmis (en supprimant la ponctuation forte après 45 et en l’introduisant après 46) ou que l’on transpose le v. 46 avant le v. 45. Promissi carminis auctor, « both “the author of a promised poem” and “the guarantor of a promised poem”. The idea is that, to produce a poem to which one is committed, one has to be selective » (Rudd). Mais l’éclectisme s’impose au poète indépendamment de toute promissio (le passage, opéré par Rudd, de « promised » à « to which one is committed » est-il d’ailleurs légitime ?) et la pertinence de promissi (aussi lu par Servius), de quelque manière qu’on l’explique, est problématique : nous sommes d’accord avec L. Müller sur ce point du moins. Un mot relatif à l’esthétique littéraire conviendrait, comme le montrent serm., 1,10,64-66, fuerit Lucilius, inquam, comis et urbanus, fuerit limatior idem quam rudis et Graecis intacti carminis auctor, et aussi ars, 243 (dans un passage étudié plus bas), tantum de medio sumptis accedit honoris. Nous risquons un vocable rarissime et très susceptible de se corrompre en une forme d’un composé de mitto, praemulsi « trimmed », l’équivalent en quelque sorte de « limé », « poli ». Le TLL X.2.726,66-68 cite la glose praemulcere (premulgare ms.) siue lucernam spiritu (spiritus ms.) ardentem siue calamum scribentem et renvoie à l’interprétation de W. M. Lindsay « trim ». Nous rapprochons de praemulcere pris au propre et figurément ellychnium ou licinium emungere « moucher la mèche » et emunctus métaphorique : cf. Quintilien, inst. or., 12,10,17, Attici limati quidam et emuncti ; Horace a emunctae naris, serm., 1,4,8, sur quoi on verra L. Müller6. De praemulsa lucerna en regard de praemulsum carmen on peut aussi rapprocher concinnata lucerna (Vitruve, 8,1,5) et concinnata eloquentia (Sénèque, de ben., 7,8,2). Avec praemulsi ou promulsi, permulsi (παραψήχειν, καταψήχειν), la métaphore pourrait être capillaire : voir, sur praemulsus et promulsus, G. F. Hildebrand7 à Apulée, flor., 3,10 et comparer l’expression comas permulcere « glattstreichen »8. On trouve à partir de Properce (1,16,41), Horace, Ovide le tour carmen deducere, d’après filum deducere, verbe qui s’emploie aussi au sens de « peigner » : Stace (siluae, 1,2,111) dit pingui crinem deducere amomo, et, la métrique l’eût-elle permis, il aurait pu employer là permulcere, comme le suggère 1,3,11 (avec notre note). Venance Fortunat (epist., 1) semble jouer sur les deux mots carmen (> *canmen9), « chant », et carmen a carendo, « peigne de cardeur »10. Le latin dit comptae comae11 et compta oratio. Du côté grec, un fragment papyrologique de Pindare (215a,5-7 S.-M.) publié en 1961 (P. Oxy. 2448 fr. 1) évoque, en style « dithyrambique » (selon la remarque d’un scholiaste, P. Oxy. 2449), le « peigne des Piérides » au moyen duquel, si nous comprenons bien, le locuteur « coiffe », c’est-à-dire célèbre, son « antique patrie » (Thèbes ?) comme une « blonde chevelure de jeune fille »12. La métaphore surprend moins si, d’un côté, l’on considère que κτείς peut désigner un des éléments composant la lyre13 et que, de l’autre, l’on tienne compte du lien entre la famille de κτείς14, pecten, πέκω, pecto, et les mots du sens et du type de πλέκω, plecto, necto15 ainsi que de la métaphore indo-européenne du tissage poétique16. Denys d’Halicarnasse (de comp. uerb., 25) dit de Platon διαλόγους κτενίζων καὶ βοστρυχίζων (ψήχειν et ses composés, fondamentalement différents de mulcere17, etc., ne sont pas utilisés en ce sens figuré : noter chez Callimaque fr. 191,11 Pf., ἄδικα βιβλία ψήχει, « il gratte, griffonne des livres impies »18). De quelque manière qu’on l’entendît, praemulsi ressortirait à un type de métaphore attesté. Dans le ms. F des Florides au passage mentionné, praemulsis est écrit « ᵱmulsis » et l’éditeur G. Krüger (Berlin, 1865) mentionne une conjecture promissis !
52-53 Et noua fictaque nuper habebunt uerba fidem si
Graeco fonte cadent, parce detorta.
5Donc, objecte Müller, ne seront reçus que les néologismes dérivés du grec (les calques) ? Silence des commentateurs et des éditeurs. Müller lit très intelligemment, à la place de si, également lu par Servius, seu, c’est-à-dire, si nous voyons juste (car l’interprétation de Müller, qui ne s’explique pas très clairement, semble quelque peu différente), habebunt fidem noua fictaque nuper uerba uel, si Graeco fonte cadent, parce detorta uerba, « seront reçus les néologismes de source purement latine ou, s’ils coulent de source grecque, les mots qu’on aura dérivés de cette source non sans faire preuve de modération ». Sur cet usage idiomatique de siue / seu, voir Housman, Classical Papers, p. 853.
63-68 Siue receptus
terra Neptunus classes Aquilonibus arcet,
regis opus, sterilisue †diu palus† aptaque remis
uicinas urbes alit et graue sentit aratrum,
seu cursum mutauit iniquum frugibus amnis
doctus iter melius : mortalia facta peribunt.
- 19 Voir T. Bergk, Augusti rerum a se gestarum indicem, Göttingen, 1873, p. 12 n. 3 ; L. Quicherat, « H (...)
- 20 Quicherat, p. 279.
- 21 Markland nous a précédé (p. 263 de son édition des Suppliantes d’Euripide, Londres, 1763) !
6Le vers 65 est faux (la finale de palus est longue, quoi qu’en aient Priscien et Servius, qui invoquent ce passage19) et diu, que « des manuscrits présentent écrit au-dessus de la ligne »20, a l’air d’un oiseux bouche-trou. Nous suggérons que le vers a subi une diorthose extrêmement maladroite à la suite de la disparition de PVLS- derrière PALVS : sterilisue palus pulsataque remis (cf., entre autres, Octauia, 315, resonant remis pulsata freta). Cette conjecture21 nous paraît supérieure aux corrections que cite Shackleton Bailey, sterilisue diu lama aptaque remis (Delz, faisant fond sur la substitution du mot rare au mot fréquent et maintenant l’oiseux diu) et sterilisue palus prius aptaque remis (Bentley, mais prius est inutile et apta remis paraît faible).
88 Cur nescire pudens praue quam discere malo ?
- 22 Voir ses Kleine Schriften, IV, p. 565.
- 23 Nous signalons une hyperbate beaucoup plus audacieuse dans notre note aux v. 416-418. Sur la libert (...)
- 24 TLL X.2.2479,15 ss.
- 25 « As for Axius and the 12,000, he has his nerve! » traduit Shackleton Bailey (Cambridge, 1968), qui (...)
7Dans ce vers qui ne critiquerait pas que les mauvais poètes avec justesse, nous considérons comme nécessaire la correction de Wilamowitz publiée en 188422 et, à notre connaissance, jamais acceptée, Cur praue nescire pudens quam discere malo ?, « pourquoi préféré-je l’ignorance honteuse à l’acquisition décente du savoir ? ». Le texte transmis (aussi lu par Jérôme) empêche la mise en rapport indispensable, tant du point de vue du sens du passage que de son style, de pudens avec discere23. C’est le seul exemple de pudens chez Horace ; pudenter (epist., 1,17,44 ; ars, 51 et, par conjecture douteuse, 40) ne se trouve chez lui qu’au sens de l’adverbe correspondant à pudibundus, pudicus (contraire : impudens, trois fois dans les Odes) et non au sens que doit avoir pudens dans praue pudens « animé d’une fausse honte ». Plus généralement, pudens qualifie d’ordinaire celui qui agit décemment, non celui qui agit d’une manière honteuse et moralement condamnable. En dehors du passage d’Horace, on ne cite24 comme exceptions dans la littérature classique au sens large que Cicéron, att., 10,15,4, Axius de duodecim milibus pudens !25, et, à propos d’Œdipe, Stace, theb., 1,684, oculosque pudentes, où J. B. Hall (Newcastle, 2007) admet la correction excellente cadentes de Damsté. Il faut retirer le passage de Cicéron, où pudens « honnête » est ironique et équivaut par antiphrase à impudens. Revenons à Horace. Il est clair qu’il manque à discere le symétrique antithétique de la qualification praue affectée à nescire. « False shame makes them seem to prefer amateur status », dit d’une manière fallacieuse Brink, pour qui – il fallait pouvoir l’écrire – la correction de Wilamowitz « does not improve the verse ». Mais l’idée que les « poètes » dont Horace critique l’impéritie sont incompétents par « fausse honte » est absurde : leur incompétence est honteuse (praue), voilà tout. C’est ce que redit Horace v. 416-418.
119-122 Aut famam sequere aut sibi conuenientia finge.
Scriptor †honoratum† si forte reponis Achillem,
impiger, iracundus, inexorabilis, acer
iura neget sibi nata, nihil non arroget armis.
- 26 Latomus, 54, 1995, p. 612.
- 27 S. Sørensen, Classica et mediaevalia, 55, 2004, p. 144, trouve que honore actum (Campbell) « makes (...)
- 28 Voir l’excellente analyse de A. Tegge, Studien zur lateinischen Synonymik. Ein Beitrag zur Methodik (...)
8La ponctuation qui fait de scriptor un rejet et rapporte ce mot à sequere et à finge nous paraît de loin préférable. Shackleton Bailey cite la peu enthousiasmante conjecture adoratum « supplié » (Delz), qu’il fait suivre de la note à la fois peu instructive et déprimante alii alia. Watt26 défend, contre son propre inventeur (Nisbet), inornatum, mais carm., 4,9,30-31, non ego te meis chartis inornatum silebo, « je ne te laisserai pas, en ne t’évoquant pas, privé d’illustration dans mes écrits », ne prouve pas du tout qu’ici inornatum peut renvoyer à la privation d’honneur dont Achille se plaint dans l’Iliade et qu’évoquait censément ici Horace avant qu’un copiste ne lui fît dire le contraire de ce qu’il disait. Brink et Watt écartent à juste titre honore orbum (Postgate)27. Selon Watt, c’est, pour le sens, cette piste qu’il faut suivre. Nous croyons qu’il faut plutôt suivre l’autre piste indiquée par Brink et chercher une épithète reprenant famam sequere : c’est, si l’on joue sur la polysémie de fama, l’Achille rendu célèbre, immortalisé par la tradition qu’il s’agit de remettre en scène et de « resservir ». Or honoratum « qui s’est vu conférer un honneur ou des honneurs » n’est pas propre à exprimer cette idée, que rend honestatum28. Telle est la correction que nous recommandons. C’est à tort, observe justement Brink, qu’on a prétendu illustrer honoratum = fama celebratum en citant Cicéron, de diu., 1,88, Amphiaraum autem sic honorauit fama Graeciae deus ut haberetur, ce qui signifie en réalité, comme traduisit très justement Félix Gaffiot en 1910, « l’opinion en Grèce entoura Amphiaraüs de tant d’honneurs qu’il passait pour un dieu ». Opposer par exemple Pline, pan., 4,5, Enituit aliquis in bello, sed obsoleuit in pace : alium toga, sed non et arma honestarunt.
128-130 †Difficile est† proprie communia dicere, tuque
rectius Iliacum carmen diducis in actus
quam si proferres ignota indictaque primus.
- 29 Il lui consacre, en plus des pages où il expose son interprétation du texte transmis (« creation of (...)
- 30 Il est tout à fait abusif de fonder sur un sens juridique de communia, « les choses qui ne sont la (...)
- 31 Nous reprenons l’expression de Boileau (cf. Brink, p. 433).
9« This verse [128] has been described as one of the hardest in Latin literature » (Brink29). « Il est difficile de s’approprier des sujets appartenant à un stock disponible et il est (donc) plus raisonnable de débiter en actes l’Iliade que d’exposer des sujets entièrement originaux ». Le défaut de suite, bien que trop souvent non vu, passé sous silence ou escamoté au moyen de rendus captieux et forcés, est pourtant manifeste et criant. Nous disons souvent à nos auditeurs que trop de latinistes préfèrent expliquer, si le contexte l’exige trop manifestement, par « chat » le mot qui signifie ordinairement « chien » plutôt qu’envisager une corruption verbale : communia est parfois expliqué a nullo ante occupata et tractata (Desprez, 1691)30 ! Brink ne comprend pas autrement. Shackleton Bailey incrimine difficile est et suggère praestiterit, qui, imagine-t-il, aurait été perdu devant proprie et arbitrairement remplacé par difficile est. Mais il faut, ce semble, une affirmation plus forte que « il serait préférable de dire d’une manière individualisée des sujets préexistants et disponibles » et, malgré les blandices superficielles du rapprochement antithétique proprie communia, le mot fautif paraît plutôt être communia, au lieu duquel nous proposons non publica ou, puisque publica apparaît au v. 131, non peruia, en nous souvenant des auia Pieridum… loca nullius ante trita solo de Lucrèce. Difficile est proprie non publica / peruia dicere : « il est difficile de “s’approprier par le tour qu’on lui donne”31 un sujet entièrement original » ; suit l’énoncé des conditions de l’appropriation de sujets non originaux, publica materies priuati iuris erit, si… (131 ss.).
169-174 Multa senem circumueniunt incommoda, uel quod
quaerit et inuentis miser abstinet ac timet uti,
uel quod res omnis timide gelideque ministrat,
dilator, spe †longus†, iners <p>auidusque futuri,
difficilis, querulus, laudator temporis acti
se puero, castigator censorque minorum.
- 32 Cf. epist., 2,1,145, Fescennina per hunc inuecta (inuenta mss, corr. Politien) licentia morem.
- 33 Mais voir K.-D. Fischer et S. Sconocchia, « Nuovi excerpta Scriboniani tra tardo antico e medioevo (...)
- 34 J. G. F. Powell, The Classical Quarterly, 34, 1984, p. 240-241.
- 35 Harvard Studies in Classical Philology, 89, 1985, p. 169.
10Les commentateurs considèrent que quaerit (v. 170) est mis pour acquirit (simplex pro composito), « he is acquisitive » (Rudd), mais, si cela est exact, inuentis ne paraît pas être le mot juste, qui serait plutôt inuectis32 « ce qu’il a engrangé » (on dit frumenta inuehere, pecuniam in aerarium inuehere). Le vers 172 recèle une crux (mal circonscrite par Shackleton Bailey) qui dépare le génial tableau des quatre âges. Ayant eu, de notre côté, idée qu’Horace avait écrit splenosus, synonyme peut-être non attesté ailleurs33, et néanmoins impeccable, de lienosus et de spleneticus, splenicus, nous nous avisâmes que la conjecture avait déjà été publiée en 198434 et que, chose très regrettable, Shackleton Bailey, qui ne la mentionne pas dans son édition, l’écarte dans un article35. Il objecte que, si l’on s’en rapporte à la seule tradition antique, splenosus (« rateleux ») ne saurait être associé qu’au rire (cf. Perse 1,12, sum petulanti splene – cachinno ou, si cachinno est un substantif, sum petulanti splene cachinno), pratiquement le contraire de ce qui convient au passage. Mais, selon Abū Bakr al-Rāzī (ixe s.), Doutes sur Galien (p. 185 Koetschet [Berlin, Boston, 2019]), « Galien dit que la plupart de ceux-là (i.e. des mélancoliques) sont malades de la rate, et c’est bien le cas [des hypocondriaques] ». Galien, loc. aff., 5,7, VIII p. 342 Kuehn, évoque en effet les σπληνώδεις d’un point de vue qui corrobore la restitution que nous recommandons dans le passage d’Horace.
240-243 Ex noto fictum carmen sequar, ut sibi quiuis
speret idem, sudet multum frustraque laboret
ausus idem : tantum series iuncturaque pollet,
tantum de medio sumptis accedit honoris.
- 36 Ainsi Müller et K. Latte, Kleine Schriften, Munich, 1968, p. 890 et 892.
- 37 Signalons, contre la thèse présumée fausse, d’importantes pages de Wilamowitz, inconnues apparemmen (...)
- 38 Voir Brink au v. 220 : « carmine is here applied to tragedy, as is carmen 240 to satyric drama ».
- 39 Voir Ernesti, Lexicon technologiae Latinorum rhetoricae, Leipzig, 1797, p. 171 ; TLL VI.1.763,19-25 (...)
- 40 Revue de Philologie, 78, 2004, p. 68-69 (cité dans l’article étique du TLL IX.3.504,13 ss.).
11Horace doit viser ici non le sujet36, mais, comme le veut Brink, le style : « c’est en marchant sur les traces de la phraséologie existante que je rechercherai la phraséologie nouvelle » (cf. epist., 2,2,143, uerba sequi fidibus modulanda Latinis, où aussi sequi est simplex pro composito ; ars, 46-48 transcrits plus haut). Mais carmen est ambigu et vague au point, croyons-nous, d’autoriser un doute sur cette leçon. Le flou de carmen est peut-être même insidieux. En effet, s’il n’existe pas de drame satyrique romain et qu’Horace n’ait pas considéré qu’il y en eut un sous l’appellation d’Atellane37, carmen38 semble présenter l’inconvénient de pouvoir suggérer l’existence d’une tradition de drame satyrique romain : ex noto (carmine) fictum carmen sequar. Ce danger n’existe pas avec un mot désignant le style. Dans ce sens, filum, perdu après fictum et remplacé par un bouche-trou, serait idiomatique, cicéronien et horatien39 : cf. epist., 2,1,225, tenui deducta poemata filo ; serm., 1,10,43-44, forte epos acer ut nemo Varius ducit. Un mot rare et très exposé à la corruption, nemen, pourrait traduire avec la même métaphore la même idée : cf. Ausone, Mosella, 396, mollia subtili nebunt mihi carmina filo Pierides (il dit ailleurs, 15,66-67 p. 125 Green, trinum dicendi genus est : sublime, modestum et tenui filo). Nous avons naguère conjecturé nemen pour carmen chez Ovide, met., 6,582, où il est question de la toile tissée par Philomèle, et discuté d’autres cas possibles de corruption de nemen40. Verbum (cf. v. 47) n’est peut-être pas exclu.
244-247 Siluis deducti caueant, me iudice, Fauni
ne uelut innati triuiis ac paene forenses
aut nimium teneris iuuenentur uersibus umquam
aut immunda crepent ignominiosaque dicta.
- 41 Educti (Ribbeck) pour deducti nous semble une amélioration certaine. Opposer induxit (Peerlkamp, co (...)
- 42 « Im Verkehr des Marktes (öffentlichen Lebens) gewitzigt » explique très bien le dictionnaire de Ge (...)
- 43 Voir S. P. Oakley (Oxford, 2005, p. 247) à Tite-Live, 9,19,3.
12Passage, croyons-nous, plus ou moins mal entendu41. Une structure chiastique ABB’A’ paraît faire se correspondre, d’un côté, innati triuiis (A) et immunda crepent ignominiosaque dicta (A’), et, de l’autre, forenses42 (B) et nimium teneris iuuenentur uersibus (B’). Ac paene (v. 245), idiomatique pour marquer une gradation entre deux qualifications d’un individu ou d’un groupe, paraît faire mauvais ménage avec la division de ce groupe en deux sous-groupes distincts chacun caractérisé par une qualification exclusive de l’autre. Nous ne connaissons pas de passage similaire dans la littérature latine. Mais en réalité nous n’avons pas ici la formule de gradation ac paene : ac relie uelut innati triuiis et paene forenses, qui équivaut, comme l’explique justement, sur ce point, L. Müller, à uelut foro innutriti. Les deux caractérisations, disjointes aux v. 246-247, sont conjointes au v. 245, selon un idiotisme43 emblématisé par le pindarique ὄλβος ἔμπαν τὰ καὶ τὰ νέμων (pyth., 5,55) et dont la méconnaissance a entraîné le regret de ne pas trouver aut à la place de ac.
251-258 Syllaba longa breui subiecta uocatur iambus,
pes citus ; unde etiam trimetris accrescere iussum
nomen iambeis, cum senos redderet ictus,
primus ad extremum similis sibi. †Non ita pridem†
tardior ut paulo grauiorque ueniret ad auris,
spondeos stabilis in iura paterna recepit
commodus et patiens, non ut de sede secunda
cederet aut quarta socialiter.
- 44 Mot horatien (carm., 3,15,10).
13« In charity to H. one resorts to daggers », dit Rudd. Ce serait en effet faire injure à Horace que de lui attribuer la conception d’un caractère relativement récent de la substitution du spondée à l’iambe aux pieds impairs du trimètre. Brink fait justice des tentatives, initiées par Henri Weil, de sauver non ita pridem (aussi lu par Marius Plotius Sacerdos) en le rattachant à ce qui précède. Shackleton Bailey cite et Rudd critique à juste titre la correction comiter idem (Delz). Mais Rudd a, croyons-nous, tout à fait tort de penser qu’il faut une indication chronologique telle que « soon afterwards ». Si idem nous paraît très plausible, nous préférons concitus44 idem : « rapide, le même trimètre, afin de frapper l’oreille d’un rythme un peu plus lent et pesant, accepta les spondées imposants en lieu et place des iambes légitimes primitifs ».
292-294 ………… carmen reprehendite quod non
multa dies et multa litura coercuit atque
perfectum deciens non castigauit ad unguem.
- 45 The American Journal of Philology, 120, 1999, p. 425.
- 46 Édition commentée de Perse, Berlin, 1843, p. 94-95.
14Shackleton Bailey rejette la variante praesectum, que défend en 1999 A. J. D’Angour45 en la rapportant non, comme faisaient en général les défenseurs de praesectum, à unguem mais à carmen : « just as a statue or a poem, whittled down from a shapeless mass until its features appear in finely worked detail, might be described as praesectum ad unguem, so an individual whose intellectual or physical characteristics convey the impression of flawlessness might be complimented without undue elaboration as factus ad unguem [serm., 1,5,32-33] ». Mais si, emboîtant le pas à Otto Jahn46, D’Angour montre que ad unguem signifie non « à l’épreuve de l’ongle » mais « en faisant attention au moindre détail », il oublie de montrer que praeseco, qui, selon lui, serait appliqué par métaphore au poème, est approprié à la statuaire. L’auteur de l’article praeseco du TLL (X.2.834,71 ss.), écrit en 1991, fait une rubrique particulière pour le passage d’Horace et entend, par praesectum sc. carmen, limando praecisum, breuiatum. En réalité, praeseco – comme le montre, malgré son auteur, l’article du TLL – est tellement approprié à unguis que, croyons-nous, il doit s’agir de la correction pseudo-savante d’un grammairien qui voulait, à tort, rattacher à unguem le participe adjectivé en entendant « à l’épreuve de l’ongle coupé court », idée problématique qui a néanmoins trouvé des partisans convaincus. Le grammairien lisait peut-être perfectum écrit de manière à pouvoir être interprété comme un composé de secare, avec de surcroît une abréviation de per sujette à confusion avec prae. C’est à mauvais escient qu’on appliquerait au cas qui nous occupe, pour défendre praesectum, le principe lectio difficilior potior. Perfectum est proleptique : « un poème qu’il n’a pas poli dans le moindre détail de façon à le rendre parfait ». Il suffit de remplacer perfectum ainsi entendu par praesectum pour s’aviser de l’inadéquation de ce mot et de l’infériorité de cette variante. Ad unguem se rapporte à castigauit ; dans l’autre passage cité par D’Angour, ad unguem se rapporte à factus : on se gardera de mettre perfectum sur le même plan que factus.
319-322 Interdum speciosa locis morataque recte
fabula nullius ueneris, sine pondere et arte,
ualdius oblectat populum meliusque moratur
quam uersus inopes rerum nugaeque canorae.
- 47 Carm., 3,6,32 ; epist., 1,18,32 ; pretiosus + abl. dans TLL X.2.1203,55 ss. Confusion pretiosus / s (...)
- 48 Voir Ernesti, Lexicon, p. 293-294.
15Si les loci (« epigrams, sententiae » d’après Brink ; « moral observations » Rudd) rendent une pièce speciosa, comment la même pièce peut-elle être présentée comme dépourvue d’aucune sorte de beauté, nullius ueneris ? Nous subodorons, malgré la locution locis speciosis chez Quintilien, inst. or., 7,41,1, une confusion entre speciosa (spetiosa F γ z, d’après Keller 1925) et pretiosa, mot horatien dont la construction avec l’ablatif est connue47. Nous ne pouvons prendre sur nous de reproduire ci-dessus la « Verschlimmbesserung » de Shackleton Bailey, qu’il introduit dans son texte, sed pondere inerti à la place de sine pondere et arte, car sine pondere (ἐνεργείᾳ, ἐμφάσει48) paraît très bon (cf. epist., 2,2,112).
- 49 Havet (Manuel, § 917) n’aurait pas dû citer ce passage pour illustrer le type de faute auquel la fo (...)
347-360 Sunt delicta tamen, quibus ignouisse uelimus ;
nam neque chorda sonum reddit quem uult manus et mens,
[poscentique grauem persaepe remittit acutum]
Nec semper feriet quodcumque49 minabitur arcus.
Verum ubi plura nitent in carmine, non ego paucis
offendar maculis, quas aut incuria fudit
aut humana parum cauit natura. Quid ergo est ?
Vt scriptor si peccat idem librarius usque,
quamuis est monitus, uenia caret ; ut citharoedus
ridetur, chorda qui semper oberrat eadem :
sic mihi qui multum cessat, fit Choerilus ille,
quem bis terue bonum cum risu miror ; et idem
indignor quandoque bonus dormitat Homerus.
Verum operi longo fas est obrepere somnum.
- 50 Housman, Classical Papers, p. 159, n’est pas le seul à le voir.
- 51 Voir ars, 11 et 264 ; serm., 2,4,5 ; epist., 1,5,10, | dat ueniam.
- 52 Comparer serm., 2,7,23 avec la note de P. Lejay (Paris, 1911). Nous découvrons que, dans son éditio (...)
- 53 Nous citons plus bas (note au v. 395) un exemple de faute par souvenir intempestif. Ce type de faut (...)
16Il est nécessaire de reproduire tout le passage pour rendre compréhensible la révocation en doute de la leçon indignor (v. 359) dans un vers célébrissime, sans susciter l’ire des lecteurs de l’ars religieusement attachés à la paradosis. Il est difficile d’admettre50 qu’Horace ait pu déclarer que les absences d’Homère le révoltent après avoir expliqué 1) que l’humaine nature rend véniels certains défauts, et 2) ce encore plus quand (comme chez Homère) des qualités plus nombreuses et plus considérables font oublier ces défauts, et 3) après avoir contreposé au cas d’Homère celui du mauvais poète dont les rares succès occasionnent à Horace un étonnement moqueur. Nous suggérons que la logique du passage et même la décence (car indignor implique une immodestie et une ingénérosité que rien ne permet d’attribuer à Horace) appellent le contraire de indignor, à savoir ignosco (cf. v. 347) ou do ueniam51 (noter, au sein d’un chiasme, la correspondance uenia caret ~ do ueniam, ridetur ~ cum risu miror). Bel exemple d’« erreur polaire », peut-être favorisée par cum risu miror et et idem, mots où l’on crut voir, au lieu de l’opposition qu’ils expriment idiomatiquement52, l’indication d’une continuité comportementale. Il est aussi possible que indignor soit dû au souvenir intempestif53 d’epist., 2,1,69-78, passage avec lequel le nôtre présentait des analogies peut-être dangereuses :
Non equidem insector delendaue carmina Liui
esse reor, memini quae plagosum mihi paruo
Orbilium dictare ; sed emendata uideri
pulchraque et exactis minimum distantia miror,
inter quae uerbum emicuit si forte decorum,
si uersus paulo concinnior unus et alter,
iniuste totum ducit uenditque poema.
Indignor quidquam reprendi, non quia crasse
compositum illepideue putetur, sed quia nuper,
nec ueniam antiquis, sed honorem et praemia posci.
- 54 Quaestiones Horatianae criticae, thèse de Cologne, 1846, p. 27-29. Le jeune homme de vingt-huit ans (...)
- 55 Les « parallèles » qu’allègue Keller 1925 présentent des datifs sensiblement différents, fessis gen (...)
- 56 La « reprise », qui est en fait une « faute par anticipation », Si plosoris eges aulaea manentis et (...)
17Horace revendique ici le droit d’être indulgent envers les Anciens à la place de l’obligation de leur tresser des couronnes : notre correction do ueniam lui fait faire là usage du droit réclamé. On objectera que ignosco ou do ueniam est condamné et indignor garanti par le vers final, « mais il est permis au sommeil de gagner <l’auteur d’> une œuvre de longue haleine ». Nous tenons ce vers pour une interpolation postérieure à la perpétration de la faute indignor. Déjà, à la suite de C. Hammerstein54 et lui aussi sans révoquer en doute indignor, L. Müller considère le vers 360 comme inauthentique, en faisant remarquer à très juste titre qu’il pourrait excuser non seulement Homère mais Choirilos. En effet, si Horace est indulgent pour les menus défauts d’une belle œuvre de longue haleine, l’auteur de l’interpolation généralise l’indulgence à toute œuvre de longue haleine, ce qui ruine l’exposé d’Horace. La phraséologie operi longo obrepere somnum, tout impeccable que soit le tour somnus obrepit, semble d’ailleurs très gauche55 et fâcheusement ambiguë, car on pourrait comprendre que c’est le lecteur que le sommeil atteint ! L’interpolation présumée se trouvait déjà dans le texte lu par Jérôme (epist., 84,8), qui, appliquant à Origène le propos d’Horace, cite le v. 360 et transcrit le v. 359 sous la forme interdum magnus dormitat Homerus en laissant indignor de côté, parce que, présume-t-on, il joint et idem indignor à cum risu miror et prend quandoque pour l’adverbe et non (cf. carm., 4,1,17 et 4,2,34) la conjonction de subordination. Housman, Classical Papers, p. 160, se fonde sur le témoignage de Jérôme pour restituer à Horace cum risu miror et idem indignor. Quondam nauos (« énergique ») dormitat Homerus. Ce n’est guère heureux (et l’on pourrait retourner contre Housman l’un de ses bons mots en disant qu’Horace lui restituerait sa restitution), car – pour ne rien dire de cum risu miror et idem indignor – désolidarisée de ce qui précède, la proposition « il arrive à Homère de dormir » vient comme un cheveu sur la soupe. Mais la reprise de bonus, qui plaît à Brink, est très suspecte (Housman critique d’ailleurs la condescendance de l’expression « le bon Homère », et l’interprétation de bonus dans un sens élogieux nous semble forcée). Il y a peut-être « faute par persévérance »56 : nous suggérons ignosco/do ueniam quando magnus dormitat Homerus (Homère est magnus en serm., 1,10,52). On nous dira que l’épaisseur historique acquise par le texte transmis le rend plus intéressant que le texte restitué : nous répondrons que la perpétuation d’une erreur même consacrée est contraire à toute science.
385-389 Tu nihil inuita dices faciesue Minerua ;
id tibi iudicium est, ea mens. Siquid tamen olim
scripseris, in Maeci descendat iudicis auris
et patris et nostras nonumque prematur in annum
membranis intus positis.
- 57 L’identification du père et de ses deux fils nous paraît exagérément disputée. J. Ferriss-Hill, Hor (...)
- 58 Tamen est « a frequent metrical stop-gap », dit M. D. Reeve, Maia, 22, 1970, p. 7 à propos d’Ovide, (...)
18Nous nous étonnons véhémentement que personne ne semble relever, dans ce passage célèbre (au point d’aveugler les critiques ?), l’indélicatesse, opposée à tous les ménagements dont Horace entoure les deux jeunes frères et leur illustre père57, et l’illogisme de tamen. En effet nous ne voyons pas comment, sans recourir à des artifices d’exégèse ou de traduction émollients, tamen pourrait ne pas impliquer que tout ce que pourra écrire l’aîné des deux garçons le sera inuita Minerua et à rebours de son iudicium et de sa mens. Or il est censé ne rien faire, ne rien écrire qui aille contre ces garde-fous. Et comment croire qu’Horace lui demande de soumettre à la critique des essais tarés dès l’origine ? Il y a donc négligence d’écriture non moins fâcheuse qu’incroyable – ou faute de texte. Dans ce cas, tamen58 remplace peut-être l’élément libet (abrégé « l3 ») qui suivait quid : citons, dans la dizaine d’occurrences du pronom et de l’adjectif composés dans toute l’œuvre d’Horace, serm., 1,9,12-13, cum quidlibet ille | garriret ; ars, 10, quidlibet audendi semper fuit aequa potestas. Le sens demeure celui-ci : « tout ce que tu écriras, soumets-le aux bons juges ».
391-393 Siluestris homines sacer interpresque deorum
caedibus et uictu foedo deterruit Orpheus,
dictus ob hoc lenire tigres rabidosque leones.
19Pour justifier la coordination par -que les commentateurs prennent sacer et interpres soit pour deux adjectifs soit pour deux substantifs (sacer équivaut alors censément à sacerdos, et l’on allègue Threicius sacerdos chez Virgile, aen., 6,645). Nous suggérons que sacer comble le trou laissé par la disparition, après hominES, de os, ou que sacer, mot régulièrement abrégé, développe le reliquat s de os. Le monosyllabe après la penthémimère ne gêne pas Horace. Nous ne trouvons, dans la littérature latine classique, aucun exemple de l’alliance de os et de interpres, mais cette alliance est toute naturelle, comme on voit par ces passages : Ovide, rem., 489-490, siquid Apollo utile mortales perdocet ore meo ; met., 14, 692, ore meo praesentem eum crede precari ; Sénèque le Rhéteur, contr. 1 praef. 9, uoluntas diuina hominis ore enuntiata. L’état de poète d’Orphée donne évidemment à os une pertinence spéciale.
394-401 Dictus et Amphion, Thebanae conditor urbis,
saxa mouere sono testudinis et prece blanda
ducere quo uellet. Fuit haec sapientia quondam,
publica priuatis secernere, sacra profanis,
concubitu prohibere uago, dare iura maritis,
oppida moliri, leges incidere ligno.
Sic honor et nomen diuinis uatibus atque
carminibus uenit.
- 59 Latomus, 36, 1977, p. 975. Lieberg évoque Heidegger et il est effectivement difficile de ne pas fai (...)
- 60 Nous avons naguère (« Huelva Classical Monographs », X, 2018, p. 58), à la suite de A. Palmer, cons (...)
- 61 Autres exemples chez J. Apitz, Coniectanea in Q. Horatii Flacci Satiras, Berlin, 1856, p. 30. Négli (...)
- 62 Pour la confusion preces / fides (« foi »), voir notre note à Properce, 1,1,16.
20On reprend traditionnellement ob hoc (v. 393) avec dictus et Amphion, etc. Housman (Classical Papers, p. 157-159) a critiqué ce procédé et, afin de fournir aux vers 395-396 (jusqu’à uellet) l’équivalent de ob hoc, il supprime la ponctuation forte après uellet, change haec en huic et quondam en quando. On peut comprendre que cette solution n’ait séduit personne (ni Brink ni Shackleton Bailey ne l’évoquent). L’attribution spécifique à Amphion de tous les six éléments définissant la sapience est un des défauts de la correction de Housman. Il n’en reste pas moins que le problème vu par lui existe et qu’en faisant comme si de rien n’était les commentateurs postérieurs manquent à leurs obligations : la reprise de ob hoc est tout à fait forcée et il manque un lien explicite entre l’évocation des pouvoirs surnaturels attribués à Amphion en tant que poète et la définition de la sapience du temps passé, sapience civilisatrice qui, selon le rationalisme d’Horace, explique l’attribution très ancienne de pouvoirs surnaturels à la poésie. « Dans un passage intéressant de l’Art Poétique, écrit G. Lieberg, il (Horace) attribue à la sapientia des diuini uates, qui ont été pour lui les précurseurs de la philosophie, la fondation de la civilisation humaine »59. Il suffit peut-être de substituer au superfétatoire adverbe quondam le relatif quo<rum>, qui renvoie à Orphée et Amphion et prépare la généralisation (diuinis uatibus) qu’effectue Horace à la fin du passage. Keller 1925 cite avec à-propos Platon, Lysis, 214a, οὗτοι (les poètes) γὰρ ἡμῖν ὥσπερ πατέρες τῆς σοφίας εἰσὶν καὶ ἡγεμόνες. Quondam ne serait qu’un renchérissement fautif60 de fuit, peut-être dû à la position inhabituelle du relatif. Mais quiconque se souvient de carm. saec., 9, Alme Sol, curru nitido diem qui (fin de vers)61, ne saurait contester la place de quorum (quorum à la fin de l’hexamètre est un contre-rejet dans epist., 1,15,45). Au vers 395, prece blanda est dû au souvenir intempestif d’epist., 2,1,135, docta prece blandus. Fide (« corde »)62 est une correction palmaire de Peerlkamp, même si, à notre connaissance, aucun éditeur ne l’admet. Housman, Classical Papers, p. 46 et 157, l’accepte. La fin énonce en toute clarté l’idée directrice que c’est leur action civilisatrice, effet de la sapience, qui valut aux uates leur prestige et leur renom de poètes. Nous soupçonnons qu’il faut lire non Sic, mais Hinc, reprise rhétoriquement efficace de haec (sapientia).
401-407 …………….. Post hos insignis Homerus
Tyrtaeusque mares animos in Martia bella
uersibus exacuit, dictae per carmina sortes
et uitae monstrata uia est et gratia regum
Pieriis temptata modis ludusque repertus
et longorum operum finis — ne forte pudori
sit tibi Musa lyrae sollers et cantor Apollo.
- 63 Voir aussi epist., 2,1,208.
- 64 Recueil des passages dans le TLL IX.1.301,76 ss. Le rédacteur inclut ars, 176 (avec une erreur de c (...)
- 65 Riemann (Revue de Philologie, 12, 1888, p. 105 ; Syntaxe latine revue par Lejay et Ernout, Paris, 1 (...)
- 66 L’erreur du rédacteur s’explique peut-être parce qu’il joint bizarrement le v. 176 non à ce qui sui (...)
- 67 Manque chez Leena Löfstedt, dont nous avions utilisé avec profit l’an dernier, à propos de Perse, l (...)
- 68 Housman, Classical Papers, p. 158, l’a très bien vu.
- 69 Ainsi Latte, Kleine Schriften, p. 894.
- 70 Voir Corssen, Origines, p. 124-132 ; F. Leo, Geschichte der römischen Literatur, I, Berlin, 1913, p (...)
21Le célèbre incipit de carm., 4,9, Ne forte credas interitura…63, paraît formé d’une proposition finale qui se rapporte à tout ce qui suit ou plutôt à l’acte locutoire posé et non explicité : il s’agit là d’un idiotisme grec et latin64 que l’on rend en suppléant un verbe déclaratif, « je te le dis pour que… », « ceci / cela dit pour que ». D’où l’idée fausse des grammaires scolaires65 et de Brink, p. 242, qu’il y a ellipse. Il faut, contre Brink et le TLL66, distinguer le cas de ne forte au v. 176 de l’ars : Ne forte seniles mandentur iuueni partes pueroque uiriles. Semper in adiunctis aeuoque morabimur aptis. L. Müller a finement vu que ne forte introduit là un « selbständiges Verbot »67. Ici, la proposition ne forte pudori… Apollo (v. 406-407), « <tout cela dit> pour éviter que d’aventure la poésie ne te cause un sentiment de honte », semble rayonner rétrospectivement sur toute la section que représentent les v. 391-40668, l’idée étant que la poésie sous toutes les formes évoquées est ennoblie par son rôle civilisateur et donc qu’il n’y a aucune honte à être ou vouloir être poète. Faute de disposer d’un moyen de ponctuation entièrement satisfaisant, nous faisons précéder d’un tiret la proposition introduite par ne forte. Il y a une difficulté qui vaut on s’y arrête. Quel est le rapport entre ludus et longorum operum finis ? Brink voit dans et une conjonction épexégétique : « on inventa le drame, qui célébrait la fin des longs travaux », et nous pensons qu’il a raison contre ceux qui, par exemple, rapportent le second syntagme à la poésie lyrique69 (symposiaque). Mais comme Horace évoque la poésie grecque, c’est inconsidérément qu’on explique, comme font Brink, Rudd et bien d’autres, ce passage de l’ars à la lumière d’epist., 2,1,139-155. Il s’agit en effet là de la poésie qui délassait le paysan romain après de durs travaux rendus supportables spe finis et qu’Horace envisage dans son évolution : il y eut un stade primitif (Fescennina licentia70), puis uertere modum formidine fustis ad bene dicendum delectandumque redacti (Müller tient le dernier hexamètre pour une interpolation chrétienne !). En réalité, tout en évoquant la poésie dramatique grecque, Horace joue, non sans humour, croyons-nous, sur deux sens du mot latin ludus, « délassement » et « drame ». En restant dans le champ hellénique et toujours avec un peu d’humour (c’est-à-dire en jouant, cette fois-ci, sur le sens de operum), on peut illustrer ludusque repertus et longorum operum finis au moyen de ce passage de l’ars relatif au drame satyrique : Mox etiam agrestes Satyros induxit (nudauit mss, corr. Peerlkamp) et asper incolumi grauitate iocum tentauit eo quod illecebris erat et grata nouitate morandus spectator functusque sacris et potus et exlex (221-224).
416-418 An satis est dixisse « ego mira poemata pango.
Occupet extremum scabies ; mihi turpe relinqui est
et quod non didici sane nescire fateri ».
22Horace oppose au coureur ou à l’aulète chez qui le travail est la condition du succès le poète qui croit pouvoir s’en tirer en faisant fond sur le seul génie qu’il s’attribue. La leçon autorisée nunc (satis est dixisse) ne convient pas mais Shackleton Bailey n’a pas été heureux en lui substituant an : c’est non ou nec (deteriores) qui s’impose. L’objet de cette note est de regretter, comme nous le fîmes l’an dernier à propos de Perse, l’incurie qui prévaut chez les éditeurs en matière de ponctuation, car il est évident que les propositions débutant respectivement par ego et mihi ne sont pas dites par le même locuteur. « Pour moi il est honteux d’être laissé en arrière et d’avouer ma parfaite ignorance d’une chose que je n’ai pas apprise » est dit par Horace, tandis qu’il prête la phrase précédente au poète prétentieux. C’est ce qui devrait être incarné dans la ponctuation. De semblable manière les éditeurs rendraient service au lecteur en ponctuant les v. 29-30 ainsi : qui uariare cupit rem, prodigialiter, unam delphinum siluis appingit, fluctibus aprum, car, par l’effet d’une hyperbate très expressive, prodigialiter modifie appingit et non uariare. Une autre possibilité est de s’abstenir, dans ce cas, de toute ponctuation, le pire parti étant de ponctuer après unam seulement.
422-425 Si uero est unctum qui recte ponere possit
et spondere leui pro paupere et eripere artis
litibus inplicitum, mirabor si sciet inter-
noscere mendacem uerumque beatus amicum.
- 71 Voir E. Levy, Sponsio, fidepromissio, fideiussio. Einige Grundfragen zum römischen Bürgschaftsrecht (...)
23Plus un riche poète est généreux, plus il doit s’attendre à trouver des critiques flagorneurs. L’interprétation de leui au sens de « dépourvu de garantie financière » ne paraît reposer sur rien d’autre que la nécessité de faire un sort à cet adjectif, pour lequel Shackleton Bailey cite la conjecture uelit, qui introduit un mot au moins inutile après possit « ait les moyens de… ». Nous préférons restaurer le terme technique reo, dont l’absorption par spondeRE a pu entraîner l’invention d’un bouche-trou inepte : spondere reo pro paupere, « se porter caution pour un débiteur aux ressources insuffisantes »71 ; nous rapprochons, malgré la différence du sens de reus ici et là, carm., 4,1,14, pro sollicitis non tacitus reis.
431 Vt qui conducti plorant in funere dicunt
et faciunt prope plura dolentibus ex animo, sic
derisor uero plus laudatore mouetur.
24Shackleton Bailey mentionne et aurait pu adopter la correction quae conductae, car il doit s’agir de pleureuses, bien qu’Horace ait peut-être, par souci de symétrie et de généralisation, masculinisé un rôle féminin. Il est surprenant de voir le flatteur (adsentator) désigné par le mot derisor, « le railleur est plus ému que le laudateur sincère ». Albert prend le mot au sens où il apparaît en epist., 1,18,10-11, imi derisor lecti, « celui qui est payé pour rire et faire rire » (γελοιαστής), mais il est évident que ce sens ne convient pas ici. Nous suggérons que derisor est une faute pour adrisor, mot rarissime, attesté chez le seul Sénèque (epist., 27,7, diuitum… adrisor, « flatteur des riches »). Derisum est employé avec un à-propos parfait au v. 452.
437 Numquam te fallant †animi sub uulpe† latentes.
- 72 Housman, Classical Papers, p. 161, fait ce qu’il peut pour rendre plausible son anguis sub uepre la (...)
- 73 Il vaut la peine de citer en entier un texte trop souvent rapproché parcellairement, Platon, resp., (...)
- 74 Voir M. Noussia-Fantuzzi, Solon the Athenian, the Poetic Fragments, Leyde, Boston, 2010, p. 334-335 (...)
- 75 « Allusion à la fable de l’âne revêtu de la peau du lion » (Lejay).
- 76 Mnemosyne, 48, 1920, p. 159-160.
- 77 Horace utilise ce mot carm., 3,12,11. Rapprocher ἑλκτέον ἐξόπισθεν chez Platon : le locuteur cherch (...)
- 78 Comparer, avec notre commentaire, Properce, 1,11,6, Ecquis in extremo <pectore> restat amor ? à la (...)
25Shackleton Bailey mentionne la conjecture de Peerlkamp sub amica pelle (mais latentes appelle un substantif de référence) et la sienne propre, gladii sub ueste, que l’on peut se passer de discuter. Tout doit, croyons-nous, malgré Housman, qui le nie pour promouvoir une conjecture à peine moins fantaisiste72, partir de l’imitation de Perse, lequel avait, suggérons-nous, sous les yeux un texte horatien non encore altéré : Pelliculam ueterem retines et fronte politus astutam uapido seruas sub (v. l. in, leçon de P α) pectore uulpem (sat., 5,117 = ars, 437, peut-être avec un petit clin d’œil arithmologique)73. Celui qui se laisse flatter ne fait pas autre chose que les Athéniens accusés par Solon (fr. 11,5-6 West2) de suivre les discours trompeurs de Pisistrate et de se laisser mener là où le renard les conduit74. L’imitation de Perse, s’il faut la suivre autant que nous le pensons, semble devoir exclure la conjecture numquam te fallant uulpes sub pelle latentes (Ribbeck), car la « peau » (pelliculam ueterem retines) est précisément ce qui est censé appartenir à l’être primitif et authentique. Il est vrai qu’inversement la peau est l’apparence qui dissimule l’intériorité dans serm., 2,1,64-65, detrahere et pellem nitidus qua quisque per ora cederet, introrsum turpis ; epist., 1,16,45, introrsum turpem, speciosum pelle decora (imité par Perse, 1,4,14, summa nequiquam pelle decorus)75. Mais, si tel était le cas dans le vers de l’ars, on attendrait une épithète de pelle indiquant la nature de la peau et analogue à celle que nous trouvons dans une épigramme relative à Tibère traduite du hollandais en latin par J. J. Hartman76, istum uitare leonem quis poterat sic uulpina sub pelle latentem ? Le passage-source corrobore chez Perse la variante sub. Nous suggérons chez Horace numquam te fallat latitans77 sub <pectore> uulpes. Si nous avons rencontré le vrai, nous sommes ici en présence d’une de ces fautes complexes (remaniements occasionnés par des fautes mécaniques, en l’occurrence la chute de PEctore devant uulPEm78) que constate et théorise Havet dans son Manuel et sur lesquelles nous n’avons de cesse d’appeler l’attention des auditeurs de la conférence, car ce type de faute est souvent négligé, voire, en ces temps de défaut de transmission du savoir et d’obscurantisme « postmoderne », nié.
441 et male tornatos incudi reddere uersus.
- 79 Ajoutons Aristophane, aues, 491, τορνευτολυρασπιδοπηγοί. À en croire H. Blümner, Technologie und Te (...)
- 80 « Dire à un Poëte, remettez sur l’enclume ces vers qui sont mal tournez, c’étoit à son avis [il s’a (...)
- 81 Animadversiones in Richardi Bentleii notas et emendationes ad Q. Horatium Flaccum, La Haye, 1721, p (...)
- 82 Un passage de Symmaque, epist., 1,3,2, Unus aetate nostra monetam Latiaris eloquii Tulliana incude (...)
- 83 Voir M. Schuster, « Mörikes Verhältnis zu Horaz und Tibull », Bayerische Blätter für die Gymnasials (...)
- 84 De Callimachi Cydippa, Leipzig, 1863, p. 19 n. 1.
- 85 Voir TGL VIII col. 2313 D s. v. τορνεύω ; Pott, Etymologische Forschungen, II.3, Detmold, 1869, p. (...)
- 86 Pyth., 1,86, ἀψευδεῖ δὲ πρὸς ἄκμονι χάλκευε γλῶσσαν. Voir E. Meusel, Pindarus Indogermanicus, Berli (...)
- 87 Voir Colin Austin et S. Douglas Olson en leur édition commentée oxonienne de 2004, p. 305. Si τόρ(ν (...)
- 88 Voir Dilthey, p. 19, selon qui l’expression figurait déjà chez Callimaque et est à ce titre reprise (...)
- 89 Dans son commentaire du livre II, Cambridge, 2005, p. 979.
- 90 Classical Papers, p. 252 (1893).
- 91 Housman connaissait incudere : voir S. J. Heyworth dans D. Butterfield et C. Stray (éd.), A. E. Hou (...)
- 92 Callimachea, II, Leipzig, 1873, p. 171.
- 93 Mauriz Schuster – ô surprise ! – soutient incudere dans l’article de 1929 mentionné ci-dessus. Ses (...)
- 94 Selon Dilthey, c’est Callimaque que vise Horace.
26Shackleton Bailey ne cite aucune autre leçon. C’est, supposons-nous, qu’il a été persuadé par Brink, qui veut réfuter Bentley et montrer que tornatos n’est pas improprement dit d’objets métalliques. Parmi les passages qu’il allègue et que mit doctement en exergue Carlo Fea, Vitruve, 10,7,3, emboli masculi torno politi, et Symmaque, epist., 1,4, (epigrammata) bono metallo cusa torno exigi nescierunt, sont ou semblent être probants79. Mais de ce que des objets métalliques étaient passés au tour il ne s’ensuit pas qu’Horace a pu dire d’objets « mal tournés » qu’ils devaient repasser sur l’enclume. S’ils doivent y repasser, c’est qu’ils sont passés une première fois sur l’enclume et non au tour. Pour éviter la contradiction80, on est obligé de prendre male tornatos non littéralement mais au sens du français moderne « mal tournés », c’est-à-dire « mal faits ». Or cet emploi semble sans parallèle en latin. Sauvera-t-on tornatos en y voyant une dissonance intentionnelle destinée à incarner dans le vers le défaut visé par Horace ? Mais ce défaut est la mauvaise facture du vers, non l’impropriété du vocabulaire. Brink rejette la conjecture de François Guyet formatos – que défend contre la conjecture « paléographique » de Bentley ter natos son pourfendeur Cunningham81 – après avoir cité Sidoine, epist., 9,13,2, Horatiana incude formatos Asclepiadeos. Formari est le mot propre pour les objets métalliques passés sur l’enclume. Il est possible que Sidoine, qui se souvient du vers d’Horace, ait lu dans son texte d’Horace formatos, qui serait donc une variante antique. Il faut sinon l’adopter, du moins la mentionner comme telle ou pouvant être telle et non seulement comme conjecture moderne82. Porphyrion, allégué par Guyet, utilise le tour male formatum pour expliquer les v. 446-447 (avec tornatos dans le lemme) : significat ac notat (atra nota Pauly) uersum male formatum ; on notera son commentaire à notre passage : hoc est denuo uersus scribere, quo modo ferramentum male productum redditur in incudem, ut ibi formetur (tornetur Pauly). Tornatos, en lui-même impeccablement dit de vers83, serait-il, à l’instar de praesectum discuté plus haut, une correction pseudo-savante ? Le salut de la leçon tornatos pourrait bien venir d’un vers de Properce, 2,34,43, Incipe iam angusto uersus includere torno, si le génial Karl Dilthey84 a raison d’y lire incudere, car le vers de Properce illustrerait alors le mélange des métaphores et la neutralisation de la différence entre tornus, tornare et incus, incudere. La confusion non inconnue du monde hellénophone, non réservée aux copistes et assez naturelle85, entre les mots de la famille de τορεύω (caelare, ciseler) et ceux de la famille de τορνεύω (tornare), deux subdivisions d’une même famille en fait, atténue un peu l’audace du rapprochement, chez des poètes latins avides de métaphores, de tornus, tornare et de incus, incudere. L’enclume est déjà métaphorique chez Pindare86, la métaphore du τόρνος littéraire apparaît chez Aristophane et Platon, celle du ciselage (orchestique plutôt que poétique) dans la tradition textuelle d’Aristophane, thesm., 986, τόρευε πᾶσαν ᾠδήν87. Mais si là Bentley a raison de lire τόρνευε, la métaphore du ciselage littéraire apparaît certainement dans une très célèbre épigramme de Crinagoras où l’Hécalè de Callimaque (Test. 4 Hollis) est qualifiée de τορευτὸν ἔπος88. Éditeurs et commentateurs, même l’ami Heyworth, gardent includere mais, loin d’illustrer cette leçon, les « parallèles » que fait valoir P. Fedeli89 la condamnent, car il y a un abîme entre les tours parfaitement limpides uersu, uersibus uerba includere, uerbis sententiam includere et l’extravagant torno uersus includere. Hélas, Housman90 se range du mauvais côté : il s’est, comme tant d’autres, persuadé qu’Aulu-Gelle, noctes, 9,8,3, (sententiam) detornatam inclusamque uerbis his paucissimis, constituait « a striking and decisive piece of external evidence » en faveur de includere (contre, il est vrai, la variante fautive et isolée componere91). Ce passage d’Aulu-Gelle, Dilthey l’a vu et dit, n’a avec celui de Properce qu’un rapport limité. Otto Schneider, l’éditeur de Callimaque92, avait sur incudere un jugement moins fourvoyé : nescio an praestet. Nous sommes plus affirmatif93 : Properce corrobore tornatos chez Horace et Horace incudere chez Properce. Lucian Müller est sinon le seul, du moins un des très rares éditeurs de Properce à accepter, dans son édition de 1870, incudere, comme il le rappelle fièrement en 1893. Müller tient Horace, epist., 2,2,91-92, « Mirabile uisu caelatumque nouem Musis opus », pour une critique formulée à l’encontre de Properce94 : en ars, 441, Horace reprend-il non sans malice la métaphore plus ou moins incohérente de Properce, 2,34,43 ?
Notes
1 Voir notre édition commentée de la monobiblos de Properce, Huelva, 2020, p. 23-25.
2 Heidegger à propos de l’Antigone de Sophocle (Holzwege, dans la « Gesamtausgabe », V, 1977, p. 26).
3 L’édition des Épîtres procurée par F. Navarro Antolín (Madrid, 2002) ne nous a pas été disponible et nous le regrettons. R. Tarrant prépare une édition globale pour « OCT ». L’édition « Budé » des Épîtres, due à F. Villeneuve, ne marque ni régression ni progrès : disons, puisqu’il s’agit d’Horace, qu’elle se situe (elle n’est pas la seule) dans une mediocritas non aurea.
4 Il s’en faut, bien sûr, que ses intuitions soient toujours justes. Ainsi, il blâme la « répétition » inoffensive uersus reprehendet inertes, culpabit duros (v. 445-446) et suggère le faiblard curabit sans s’aviser que culpabit reprend le vocabulaire de la critique verbale et littéraire romaine d’inspiration alexandrine. On s’en avise en consultant non les commentaires de l’ars mais le traité de Johann von Wowern de studiis veterum, Hambourg, 1604, p. 140-141 !
5 Pour les références précises à la tradition indirecte, nous renvoyons ici et, dans la suite, tacitement, au riche appareil de testimonia du tome II de l’édition d’Horace procuré par O. Keller et amici, Iéna, 1925.
6 Prague, Vienne, Leipzig, 1891, p. 52-53. Selon Marquardt, La vie privée des Romains, trad. Henry, II, Paris, 1893, p. 295 n. 3, le bec en saillie contenant la mèche, rostrum, a pu aussi s’appeler nasus « comme dans les pots et les coupes ».
7 L. Apuleii opera omnia, II, Leipzig, 1842, p. 16-18.
8 Dictionnaire de K. E. Georges, 1913 ; voir notre commentaire de 2010 à Stace, siluae, 1,3,11.
9 Voir L. Havet, Mélanges latins (Extrait des Mélanges de la société de linguistique, VI,1), Paris, 1885, p. 22-23, d’après une explication qui, pour carmen et germen (> *genmen), se trouve déjà chez Valpy, An Etymological Dictionary of the Latin Language, Londres, 1828, p. 71, et, pour germen, dans la première édition de la Vergleichende Grammatik de Bopp, Berlin, 1833, p. 1113.
10 Voir notre note à Stace, siluae, 2,6,70 en ajoutant un renvoi à J. Perrot, Les dérivés latins en -men et -mentum, Paris, 1961, p. 49-50 notamment, selon qui carmen « peigne », attesté chez Claudien et par le passage de Venance seulement (mais voir la note de notre commentaire à Stace), « peut n’avoir qu’une existence virtuelle, pouvant répondre à carmino comme pecten à pectino ».
11 Aucun rapport étymologique entre coma avec o bref et como >*co-emo. Voir l’analyse étymologique et sémantique de Pott, Etymologische Forschungen, II.4, Detmold, 1870, p. 212.
12 Je dois la mention de ce texte remarquable à l’amitié de J. Yvonneau : ἔστι μοι | πατρίδ’ ἀρχαίαν κτενὶ Πιερίδ[ων | ὥ]στε χαίταν παρθένου ξανθ̣[. Voir, sur le passage, I. Rutherford, Pindar’s Paeans, Oxford, 2001, p. 389. L’éditeur princeps, E. Lobel, hésite entre « sa » et « ta patrie » et suggère la supplétion d’un verbe tel que κοσμεῖν, qui se dit aussi bien de la patrie qu’on rehausse de louange que de la chevelure, mais avec ce verbe le peigne est, comme l’entend R. Nünlist (Poetologische Bildersprache in der frühgriechischen Dichtung, Stuttgart, Leipzig, 1998, p. 226), l’ornement de la chevelure (cf. fr. 94b,48) et non, ce qui nous paraît plus plausible, l’instrument avec lequel on la coiffe. Le supplément communément cité après ξανθ[ὰν (plus probable que le génitif) est ἀγάλλειν (van Groningen), qui, semble-t-il, suppose aussi la fonction ornementale du peigne. Nous suggérons πέκεσθαι (le colon est censément fait de trois mètres trochaïques) : cf. Callimaque, lavacrum Palladis, 31-32, οἴσετε καὶ κτένα οἱ παγχρύσεον, ὡς ἀπὸ χαίταν πέξηται, λιπαρὸν σμασαμένα πλόκαμον, avec le commentaire de A. W. Bulloch, Cambridge, 1985, p. 141-142, qui rapproche le modèle homérique. Le moyen πέκεσθαι (cf. latin comas pector) suppose, à moins d’une neutralisation de la diathèse, que le locuteur « coiffe » sa patrie.
13 Selon Rutherford, op. et loc. cit., « κτείς can also mean the bridge of a λύρα ». Mais Hésychios allégué par Rutherford explique κτένια par τῶν κιθαρῶν οἱ ὑπερέχοντες ἀγκῶνες, donc « horns », « cornes », « bras » (cf. Karl von Jan, Die griechischen Saiteninstrumente, progr. du lycée de Sarreguemines, Leipzig, 1882, p. 27 n. 50 et p. 28 n. 54) et non « bridge » (μαγάς, byz. καβάλη, « chevalet »), signification d’ailleurs exclue pour le passage d’Ératosthène auquel Rutherford renvoie aussi. Le sens de « plectre » est bien connu pour le latin pecten, cf. TLL X.1.903,59-77 ; Dracontius, Romulea, 7,31 p. 31 Zwierlein, et quatiant dulces Museo pectine chordas.
14 Voir J. Schmidt, Kritik der Sonantentheorie, Weimar, 1895, p. 4-5 (κτενός >*πκτενός).
15 Voir H. Lommel, « “Kämmen” und “Frisieren” in einigen indogermanischen Sprachen », Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, 53, 1925, p. 309-311.
16 Voir M. L. West, Indo-European Poetry and Myth, Oxford, 2007, p. 36-38, évoquant πλέκω chez Pindare ; C. Scheidegger Lämmle, « Einige Pendenzen. Weben und Text in der antiken Literatur », dans H. Harich-Schwartzbauer (éd.), Weben und Gewebe in der Antike, Oxford, 2015, p. 167-208.
17 Mulcere appartient à une famille de mots qui peut signifier diverses qualités de toucher, comme le montre mulcare « brutaliser », et, cette diversité affecte mulcere lui-même davantage que les dictionnaires ne le disent : voir Pott, Etymologische Forschungen2, II.4, Detmold, 1870, p. 568-569, et J. P. Postgate, The American Journal of Philology, 3, 1882, p. 329-332, lequel voit en Mulciber le « Porteur de marteau » (mulserat est une variante fausse pour urserat chez Ennius, ann., 217 Skutsch, exemple à retirer). Il est, en soi et au vu de Catulle, 66,53, impellens nutantibus aera pennis (Zéphyr), ridicule de rendre par « caresser » Cicéron, aratea, 88, igniferum mulcens tremebundis aera pennis (Aquila). Le rapprochement d’Ovide, met., 8,823-824, Lenis adhuc somnus placidis Erysichthona pennis mulcebat, est avant tout formel.
18 Voir A. Kerkhecker, Callimachus’ Book of Iambi, Oxford, 1999, p. 24-25.
19 Voir T. Bergk, Augusti rerum a se gestarum indicem, Göttingen, 1873, p. 12 n. 3 ; L. Quicherat, « Horace a-t-il fait une faute de quantité ? » dans ses Mélanges de Philologie, Paris, 1879, p. 275-280.
20 Quicherat, p. 279.
21 Markland nous a précédé (p. 263 de son édition des Suppliantes d’Euripide, Londres, 1763) !
22 Voir ses Kleine Schriften, IV, p. 565.
23 Nous signalons une hyperbate beaucoup plus audacieuse dans notre note aux v. 416-418. Sur la liberté extrême de l’ordre des mots dans les poèmes hexamétriques d’Horace, voir le chapitre intitulé « L’arbitraire dans la place des mots » chez A. Cartault, Études sur les Satires d’Horace, Paris, 1899, p. 268-282, et, plus bas, notre analyse du vers 396.
24 TLL X.2.2479,15 ss.
25 « As for Axius and the 12,000, he has his nerve! » traduit Shackleton Bailey (Cambridge, 1968), qui explique « Axius was evading his obligations, like Dolabella in 373 (xiv.18). I o hominem impudentem ! Kal. Ian. debuit, adhuc non soluit ».
26 Latomus, 54, 1995, p. 612.
27 S. Sørensen, Classica et mediaevalia, 55, 2004, p. 144, trouve que honore actum (Campbell) « makes good and easy sense as regards the palaeography ». Nous ne savons pas ce que veut dire au juste « offrir un sens valable et aisé du point de vue de la paléographie », mais nous savons une chose : honore actum n’est qu’une conjecture « paléographique » peu claire pour le sens et d’une laideur insigne quant à l’expression.
28 Voir l’excellente analyse de A. Tegge, Studien zur lateinischen Synonymik. Ein Beitrag zur Methodik des Gymnasialunterrichts, Berlin, 1886, p. 340. Il se fourvoie néanmoins en ajoutant, sans doute en pensant au passage d’Horace, à l’explication « daher wir auch honestare durch “verherrlichen” übersetzen », la précision « was honorare nur dichterisch ist ». Il est, surtout dans un ouvrage d’enseignement, malencontreux de mettre sur le compte de la poésie un prétendu usage aussi contraire à la langue. C’est, bien sûr, aujourd’hui encore une pratique courante : elle condamne l’enseignement qui s’y livre et ose ensuite prétendre que le latin, ainsi enseigné, apprend la rigueur intellectuelle. Sous la plume de W. Ehlers (1940), le TLL VI.3.2948,64-66 (fere idem quod fama celebratus) ne fait pas mieux. Tegge et Ehlers ont derrière eux, il est vrai, une longue tradition d’abus et d’errements chez les commentateurs de toutes les nations où on lit Horace dans le texte.
29 Il lui consacre, en plus des pages où il expose son interprétation du texte transmis (« creation of new subjects is hard », pour difficile est proprie communia dicere !), un appendice spécial (p. 432-440) où il recense les explications de ses prédécesseurs. Il n’y mentionne pas la révocation en doute du texte transmis par L. Müller et n’avance pas d’un pouce, malgré la débauche d’érudition et d’encre.
30 Il est tout à fait abusif de fonder sur un sens juridique de communia, « les choses qui ne sont la propriété de personne », l’idée qu’ici ce mot désigne « les sujets inventés de toutes pièces » – ainsi M. Albert dans un commentaire de 1886 publié chez Hachette, après de nombreux autres et notamment Dacier, que, dans une controverse jadis célèbre, critique à juste titre Charles de Sévigné sans lui-même pouvoir s’extraire des difficultés du texte transmis.
31 Nous reprenons l’expression de Boileau (cf. Brink, p. 433).
32 Cf. epist., 2,1,145, Fescennina per hunc inuecta (inuenta mss, corr. Politien) licentia morem.
33 Mais voir K.-D. Fischer et S. Sconocchia, « Nuovi excerpta Scriboniani tra tardo antico e medioevo », Rivista di filologia e di istruzione classica, 136, 2008, p. 296 : « plenosus : è errore per lienosus, i.e. lienosos, o per splenosus ».
34 J. G. F. Powell, The Classical Quarterly, 34, 1984, p. 240-241.
35 Harvard Studies in Classical Philology, 89, 1985, p. 169.
36 Ainsi Müller et K. Latte, Kleine Schriften, Munich, 1968, p. 890 et 892.
37 Signalons, contre la thèse présumée fausse, d’importantes pages de Wilamowitz, inconnues apparemment de Brink et non reproduites dans les Kleine Schriften du maître, Göttingische gelehrte Anzeigen, 159, 1897, p. 506-513, extraites d’un compte rendu vitriolé du livre au titre signifiant de A. Dieterich, Pulcinella, pompejanische Wandbilder und Römische Satyrspiele, Leipzig, 1897. Dans le chapitre sur l’Atellane de son livre de jeunesse Origines poesis Romanae, Berlin, 1846, p. 151-159, W. Corssen insiste sur les analogies entre Atellane et drame satyrique grec et notamment (p. 155) sur une analogie qu’aurait reconnue Horace et que ferait apparaître l’emploi du mot Fauni (v. 244), c’est-à-dire Fauni Italici, dans la section relative au drame satyrique. Mais, selon L. Müller, là Fauni n’est qu’une catachrèse non signifiante pour Satyri. D’après Latte, op. cit., p. 889-895, le développement d’Horace sur le drame satyrique dépend d’une source hellénistique relative au drame satyrique de la haute époque hellénistique.
38 Voir Brink au v. 220 : « carmine is here applied to tragedy, as is carmen 240 to satyric drama ».
39 Voir Ernesti, Lexicon technologiae Latinorum rhetoricae, Leipzig, 1797, p. 171 ; TLL VI.1.763,19-25 et 763,88-764,20 (an 1917) ; H. Lackenbacher, « Zur Etymologie von filum », Glotta, 12, 1922, p. 127-137 et 160, spéc. p. 136. F. Fröhde (Beiträge zur Kunde der indogermanischen Sprachen, 1, 1877, p. 249), précédé par le sanscritiste John Peile en 1872, et J. Schmidt (Die Pluralbildungen der indogermanischen Neutra, Weimar, 1889, p. 144) pensaient que filum au sens de « forme » est un mot différent de filum « fil » et apparenté à figura, *figs-lum (Schmidt). De là la partition opérée par le rédacteur de l’article du TLL, qui range bizarrement dans des rubriques différentes tenui deducta poemata filo (Horace) et trinum dicendi genus est : sublime, modestum et tenui filo (Ausone). On admet aujourdhui, avec Lackenbacher et contre Fröhde, que l’idée de contexture ou de « pro-fil », suffit à rendre compte de tous les sens et emplois de filum, aussi Plaute, merc., 755, satis scitum filum mulieris « une beauté de femme » (rendu « un beau brin de femme » par Ernout-Meillet, en illustration de la thèse défendue par Lackenbacher et à laquelle ils ne se rallient pas tout à fait) et Lucrèce, 5,572, forma quoque hinc solis debet filumque uideri.
40 Revue de Philologie, 78, 2004, p. 68-69 (cité dans l’article étique du TLL IX.3.504,13 ss.).
41 Educti (Ribbeck) pour deducti nous semble une amélioration certaine. Opposer induxit (Peerlkamp, corrigeant la leçon transmise nudauit) au v. 221. Shackleton Bailey adopte induxit mais ne cite même pas educti.
42 « Im Verkehr des Marktes (öffentlichen Lebens) gewitzigt » explique très bien le dictionnaire de Georges.
43 Voir S. P. Oakley (Oxford, 2005, p. 247) à Tite-Live, 9,19,3.
44 Mot horatien (carm., 3,15,10).
45 The American Journal of Philology, 120, 1999, p. 425.
46 Édition commentée de Perse, Berlin, 1843, p. 94-95.
47 Carm., 3,6,32 ; epist., 1,18,32 ; pretiosus + abl. dans TLL X.2.1203,55 ss. Confusion pretiosus / speciosus ibid. 1200,56 ss.
48 Voir Ernesti, Lexicon, p. 293-294.
49 Havet (Manuel, § 917) n’aurait pas dû citer ce passage pour illustrer le type de faute auquel la forme quoi (en l’occurrence quoicumque) est sous-jacente, car il y a ellipse et latine et horatienne, soit de ferire (Brink) soit de se ferire (Müller) ou plutôt de se percussurum esse (le participe futur tiré de ferire n’est pas classique). Müller remarque finement que la construction avec le datif ne fait pas justice au sens de minari ici.
50 Housman, Classical Papers, p. 159, n’est pas le seul à le voir.
51 Voir ars, 11 et 264 ; serm., 2,4,5 ; epist., 1,5,10, | dat ueniam.
52 Comparer serm., 2,7,23 avec la note de P. Lejay (Paris, 1911). Nous découvrons que, dans son édition-traduction annotée (Leipzig, 1858), L. Döderlein ajoute un point d’interrogation, mais cela ne suffit pas et il a tort d’écarter au profit de indignor sa propre conjecture indigner, « et moi je me révolterais à chaque fois qu’Homère dort ? ». C’est ingénieux. Notre sentiment est que et idem et ce subjonctif forment un mouvement artificiel (opposer le v. 265, Idcircone uager scribamque licenter ?) et peu en harmonie avec le futur précédant, non ego paucis offendar maculis, mais nous pouvons nous abuser. Nous préférons deux présents de l’indicatif coordonnés.
53 Nous citons plus bas (note au v. 395) un exemple de faute par souvenir intempestif. Ce type de fautes est moins rare qu’on ne croit.
54 Quaestiones Horatianae criticae, thèse de Cologne, 1846, p. 27-29. Le jeune homme de vingt-huit ans attaque le vers dans une philippique un peu brouillonne, mais on louera d’autant plus sa perspicacité que tant d’érudits rassis et expérimentés n’y voient que du feu.
55 Les « parallèles » qu’allègue Keller 1925 présentent des datifs sensiblement différents, fessis genis, uictis ocellis, lacrimis (avec inrepere). Keller signale des variantes, opere longo (non métrique), opere in longo : l’interpolateur avait-il écrit opere in longo ? Le florilegium Nostradamense a ignoscere à la place de obrepere !
56 La « reprise », qui est en fait une « faute par anticipation », Si plosoris eges aulaea manentis et usque sessuri donec cantor « uos plaudite » dicat (154-155), loin de choquer tous les éditeurs et commentateurs d’aujourd’hui, plaît à certains. Non moins gênante que la répétition est l’idée, impliquée par le texte transmis, d’un plosor qui pourrait ne pas attendre le lever du rideau marquant, selon l’us romain, la fin de la pièce. Celui qui pourrait partir avant la fin ne peut être que le spectator (cf. 223-224, grata nouitate morandus spectator), d’où l’on rétablit, avec une parataxe expressive, Spectatoris eges… dicat ? Aetatis cuiusque notandi sunt tibi mores ! Peerlkamp et Meineke ont vu le vrai.
57 L’identification du père et de ses deux fils nous paraît exagérément disputée. J. Ferriss-Hill, Horace’s Ars Poetica, Family, Friendship, and the Art of Living, Princeton, 2019, p. 100-106, cède à la facilité consistant à conclure qu’Horace s’adresse imprécisément aux Pisons comme à une « particular class of person: Rockfellers or Kennedys, Morgans or Mellons, Clintons or Bushes ». Nous nous en tenons aux pages éclatantes de C. Cichorius, Römische Studien, Leipzig, Berlin, 1922, p. 337-341, et à l’article « The Sons of Piso the Pontifex » des Roman Papers de Syme, III, p. 1226-1232 (cf. The Augustan Aristocracy, Oxford, 1986, p. 379-381 ; le chapitre XXIV illustre « Piso the Pontifex »). Le maior iuuenum d’Horace serait le C. Calpurnius L. f. Piso dont une épigramme d’Apollonide de Nicée (XXVI Gow-Page = anth. pal., 10,19) est censée célébrer la première pogonotomie.
58 Tamen est « a frequent metrical stop-gap », dit M. D. Reeve, Maia, 22, 1970, p. 7 à propos d’Ovide, Hér., 16,223, où tamen n’a pas de sens. Dans carmen de bello Actiaco (P. Herc. 817), col. VIII,1-2, nec urbem | opsidione tamen, le mot tamen est, pensons-nous, une faute pour premunt.
59 Latomus, 36, 1977, p. 975. Lieberg évoque Heidegger et il est effectivement difficile de ne pas faire le parallèle entre le positionnement d’Horace et celui du philosophe qui écrit par exemple « Das Denken ist die Urdichtung, die aller Poesie voraufgeht » (Holzwege, dans la « Gesaumtausgabe », V, 1977, p. 328). Sur uates, « ursprünglich und ihrem Wesen nach von einer Göttheit inspirierte Seher » (cf. vieil irl. fáith), « Wahrsager » et depuis Varron « Dichter », voir R. Schmitt, Dichtung und Dichtersprache in indogermanischer Zeit, Wiesbaden, 1967, p. 302-306.
60 Nous avons naguère (« Huelva Classical Monographs », X, 2018, p. 58), à la suite de A. Palmer, considéré quondam comme un bouche-trou chez Ovide, Hér., 20,101. W. Wagner (Rheinisches Museum für Philologie, 21, 1866, p. 484-485) tenait quondam pour « überflüssig » chez Catulle, 66,77-78, dum uirgo quondam fuit et lisait quicum ego, dum uirgo damnis fuit omnibus expers, unguenti Surii milia multa bibi (omnibus expers unguentis una mss). La résurrection papyrologique du poème-source de Callimaque (fr. 110,75-78 Pfeiffer et Harder) enseigne que la chevelure de Bérénice dit regretter le temps où elle buvait les onguents simples (uilia E. Lobel, d’après le grec λιτά) que recevait Bérénice jeune fille, tandis que, coupée du fait du mariage de celle-ci, elle n’a pu boire les onguents parfumés que reçoit l’épouse. Wagner avait raison sur un point : quondam semble superfétatoire (cf. παρθενίη μὲν ὅτ’ ἦν ἔτι), et même, ajoutons-nous, crée une difficulté inaperçue, car si quondam est incontestable dans une subordonnante (cf. Virgile, aen., 5,724-725, Nate, mihi uita quondam, dum uita manebat, care magis), il ne laisse pas d’étonner à l’intérieur d’une subordonnée introduite par dum. Nous suggérons quicum ego, dum uirgo con<sors> fuit, omnibus expers unguentis nuptae, uilia multa bibi, « avec qui, tant que je partageais la vie de la jeune fille, je bus, moi qui devais être privée de tous ceux de l’épouse, beaucoup de simples onguents ». Consors, non attesté chez Catulle, apparaît chez Lucrèce, Cicéron et Varron et est employé par Virgile (nous avons aussi [« Huelva Classical Monographs », X, 2018, p. 60-61] rétabli une occurrence de consors chez Ovide, Hér., 20,200). Le beau distique précédent prépare consors : Non his tam laetor rebus quam me afore semper, afore me a dominae uertice discrucior. Nous désapprouvons les deux suggestions de O. Skutsch dum uirgo quidem erat, muliebribus expers unguentis et dum uirgo quondam, muliebribus expers unguentis : le prix que fait payer l’introduction de la correspondance littérale muliebribus / γυναικείων (μύρων) est à chaque fois trop élevé. Omnibus avec expers n’est qu’une manière idiomatique de dire « entièrement privée » : voir notre note à Stace, silu., 3,2,12 ; Catulle ajoute de son propre chef omnibus et consors au grec sans rien changer au sens. Watt (Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 131, 2000, p. 67-68) refuse uilia (ainsi déjà Axelson) et nuptae et se contente de changer una en nunc iam, mais, outre que le problème posé par quondam demeure non résolu, l’hypothèse d’un abandon par Catulle de l’opposition callimaquéenne si artiste entre les onguents de la jeune fille et ceux de l’épouse ne nous paraît pas plausible. De plus, nunc iam ne convient pas, car, au moment où elle parle, la chevelure est catastérisée, or l’opposition doit être entre l’époque antérieure au mariage de Bérénice et le mariage lui-même.
61 Autres exemples chez J. Apitz, Coniectanea in Q. Horatii Flacci Satiras, Berlin, 1856, p. 30. Négligeant la postposition du relatif dans serm., 1,5,91-92, Shackleton Bailey introduit une parenthèse, (aquae non ditior urna), qui ruine la construction : nam Canusi lapidosus (sc. panis est), aquae non ditior urna qui locus a forti Diomede est conditus olim, c’est-à-dire qui locus aquae urna non ditior, etc., « lieu-dit pas plus riche que l’autre en eau à une urna près ». Cartault, Études sur les Satires d’Horace, p. 273-282 relève tous les passages des Satires contenant un déplacement similaire en attribuant, comme on fait en France, trop d’importance à l’intention stylistique et pas assez à la commodité ponctuelle. Nous adressons le même reproche à de récents travaux français sur la correptio Attica chez les tragiques grecs.
62 Pour la confusion preces / fides (« foi »), voir notre note à Properce, 1,1,16.
63 Voir aussi epist., 2,1,208.
64 Recueil des passages dans le TLL IX.1.301,76 ss. Le rédacteur inclut ars, 176 (avec une erreur de construction), 406 et carm., 4,9,1.
65 Riemann (Revue de Philologie, 12, 1888, p. 105 ; Syntaxe latine revue par Lejay et Ernout, Paris, 19356, p. 659 s. v. « ellipses ») parle d’« ellipse d’une idée intermédiaire à côté d’une proposition finale ».
66 L’erreur du rédacteur s’explique peut-être parce qu’il joint bizarrement le v. 176 non à ce qui suit mais à ce qui précède.
67 Manque chez Leena Löfstedt, dont nous avions utilisé avec profit l’an dernier, à propos de Perse, le livre Les expressions du commandement et de la défense en latin et leur survie dans les langues romanes, Helsinki, 1966.
68 Housman, Classical Papers, p. 158, l’a très bien vu.
69 Ainsi Latte, Kleine Schriften, p. 894.
70 Voir Corssen, Origines, p. 124-132 ; F. Leo, Geschichte der römischen Literatur, I, Berlin, 1913, p. 17 ; P. Lejay, Histoire de la littérature latine des origines à Plaute, Paris, 1923, p. 175-182.
71 Voir E. Levy, Sponsio, fidepromissio, fideiussio. Einige Grundfragen zum römischen Bürgschaftsrechte, Berlin, 1907, p. 40-44. On sait que pauper ne signifie pas exactement « pauvre ». Ce faux-sens peut entraîner une erreur plus grave (cf. Exemplaria Classica, 22, 2018, p. 17-18).
72 Housman, Classical Papers, p. 161, fait ce qu’il peut pour rendre plausible son anguis sub uepre latentis (= angues… latentes) et escamoter le malheureux renard. Ce dernier ne laisse pas de refaire surface.
73 Il vaut la peine de citer en entier un texte trop souvent rapproché parcellairement, Platon, resp., 365c, πρόθυρα μὲν καὶ σχῆμα (πρόσχημα ?) κύκλῳ περὶ ἐμαυτὸν σκιαγραφίαν ἀρετῆς περιγραπτέον, τὴν δὲ τοῦ σοφωτάτου Ἀρχιλόχου (cf. fr. 185,5 West2) ἀλώπεκα ἑλκτέον ἐξόπισθεν κερδαλέαν καὶ ποικίλην. Ἀλλὰ γάρ, φησί τις, οὐ ῥᾴδιον ἀεὶ λανθάνειν κακὸν ὄντα, avec le commentaire de Schleiermacher, Platons Werke, Dritten Theiles erster Band, Berlin, 1828, p. 536 ; les notes de C. E. C. Schneider, Platonis opera (…), Volumen primum Civitatis lib. I.-IIII. continens, Leipzig, 1830, p. 135-136, et l’analyse de G.-J. van Dijk, AINOI, LOGOI, MYTHOI. Fables in Archaic, Classical, and Hellenistic Greek Literature, Londres, New York, Cologne, 1997, p. 332-334. « Als Vorhof also und Aussenseite muss ich rings um mich her einen Abriss der Tugend abschreiben, aber des allerweisesten Archilochos gewinnkundigen und verschlagenen Fuchs muss ich hinterher ziehen. “Aber wird einer sagen, es ist nicht leicht immer verborgen bleiben, wenn man böse ist” » (Schleiermacher). « Behind me I must have on a leash that cunning, subtle fox of which Archilochus, the greatest of all experts, speaks » (Van Dijk).
74 Voir M. Noussia-Fantuzzi, Solon the Athenian, the Poetic Fragments, Leyde, Boston, 2010, p. 334-335. Parmi les quatre interprétations exposées de l’expression ἴχνεσι βαίνει dans ὑμέων δ’ εἷς μὲν ἕκαστος ἀλώπεκος ἴχνεσι βαίνει, seule celle de D. L. Page nous paraît plausible ; nous ne croyons pas qu’elle suppose chez le public de Solon la connaissance de la fable narrée par Babrios, 95 Perry, d’ailleurs non dépourvue d’intérêt pour l’illustration du passage d’Horace. Les hellénistes qui connaissaient la littérature latine (ainsi É.-A. Bétant, Choix de poésies grecques, Genève, 1850, p. 165) citaient Horace et Perse à propos de Solon.
75 « Allusion à la fable de l’âne revêtu de la peau du lion » (Lejay).
76 Mnemosyne, 48, 1920, p. 159-160.
77 Horace utilise ce mot carm., 3,12,11. Rapprocher ἑλκτέον ἐξόπισθεν chez Platon : le locuteur cherche à maintenir le renard derrière lui pour l’empêcher d’être visible et ne pas apparaître tel qu’il est au fond.
78 Comparer, avec notre commentaire, Properce, 1,11,6, Ecquis in extremo <pectore> restat amor ? à la place de Ecquis in extremo ?restat amore locus? ?
79 Ajoutons Aristophane, aues, 491, τορνευτολυρασπιδοπηγοί. À en croire H. Blümner, Technologie und Terminologie, II, Leipzig, 1879, p. 333 n. 6, Iliade, 13, 406-407 se rapporte à cette technique.
80 « Dire à un Poëte, remettez sur l’enclume ces vers qui sont mal tournez, c’étoit à son avis [il s’agit de Malherbe], comme si l’on disoit à un Cuisinier, Cette pièce de bœuf n’est pas assez bouillie, qu’on la remette à la broche » (P. Coste, dans Œuvres d’Horace, traduites (…) par le P. Tarteron, Amsterdam, 1710, II, p. 450).
81 Animadversiones in Richardi Bentleii notas et emendationes ad Q. Horatium Flaccum, La Haye, 1721, p. 214-216. La conjecture de Guyet formatos est publiée dans Observations de Monsieur Ménage sur la langue françoise, II, Paris, 1676, p. 137.
82 Un passage de Symmaque, epist., 1,3,2, Unus aetate nostra monetam Latiaris eloquii Tulliana incude finxisti, inspiré d’ars, 59 et 441, certifie pour ainsi dire la restitution de procudere nummum dans l’évidemment fautif signatum praesente nota producere nomen (v. 59). Il devrait, croyons-nous, figurer dans l’apparat critique au vers concerné, car, selon toute apparence, Symmaque avait lu procudere nummum dans son exemplaire.
83 Voir M. Schuster, « Mörikes Verhältnis zu Horaz und Tibull », Bayerische Blätter für die Gymnasialschulwesen, 65, 1929, p. 229 ; M. P. J. van den Hout, A Commentary on the Letters of M. Cornelius Fronto, Leyde, Boston, Cologne, 1999, p. 115 au mot etornare.
84 De Callimachi Cydippa, Leipzig, 1863, p. 19 n. 1.
85 Voir TGL VIII col. 2313 D s. v. τορνεύω ; Pott, Etymologische Forschungen, II.3, Detmold, 1869, p. 287-289, et les dictionnaires de Frisk et de Chantraine aux mots τορεῖν et τόρνος. Les hellénistes d’aujourd’hui n’évitent pas toujours cette confusion.
86 Pyth., 1,86, ἀψευδεῖ δὲ πρὸς ἄκμονι χάλκευε γλῶσσαν. Voir E. Meusel, Pindarus Indogermanicus, Berlin, Boston, 2019, p. 610-611.
87 Voir Colin Austin et S. Douglas Olson en leur édition commentée oxonienne de 2004, p. 305. Si τόρ(ν)ευε est dit « in reference to the dance that accompanies the song rather than the song itself », le caractère « circulaire » (v. 662, 954, 968) de la danse exécutée par le chœur et le vers précédent ἀνάστρεφ’ εὐρύθμῳ ποδί (985) nous paraissent être en faveur du uerbum tornandi. On objectait (cf. le commentaire de F. V. Fritzsche [Leipzig, 1838, p. 397-399] ad loc.) aussi bien à τόρνευε qu’à τόρευε caelabat en tant que métaphores de la création poétique que le chœur était en train non de composer mais d’interpréter le carmen et l’on se ralliait à l’explication des scholies τορῶς καὶ τρανῶς λέγε τὴν ᾠδήν, explication qu’endossait (Austin et Olson le rappellent) Émile Benveniste mais qui repose sur une confusion inadmissible entre τορεύειν et τορεῖν. Austin et Olson entendent par τόρευε « made elaborate ».
88 Voir Dilthey, p. 19, selon qui l’expression figurait déjà chez Callimaque et est à ce titre reprise par le caelatum opus horatien dont il sera question plus bas et, si nous comprenons bien Dilthey, par le vers de Properce qui nous intéresse. Si l’opinion de Dilthey, telle que nous l’entendons, est juste, il suivrait que Properce a confondu τορεύω et τορνεύω…
89 Dans son commentaire du livre II, Cambridge, 2005, p. 979.
90 Classical Papers, p. 252 (1893).
91 Housman connaissait incudere : voir S. J. Heyworth dans D. Butterfield et C. Stray (éd.), A. E. Housman Classical Scholar, Londres, New York, 2009, p. 13.
92 Callimachea, II, Leipzig, 1873, p. 171.
93 Mauriz Schuster – ô surprise ! – soutient incudere dans l’article de 1929 mentionné ci-dessus. Ses éditions (Teubner) de 1954 et 1958 ont includere.
94 Selon Dilthey, c’est Callimaque que vise Horace.
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Référence papier
Gauthier Liberman, « Ecdotique des textes latins antiques », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 152 | 2021, 150-171.
Référence électronique
Gauthier Liberman, « Ecdotique des textes latins antiques », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 152 | 2021, mis en ligne le 14 juin 2021, consulté le 18 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/4883 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.4883
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