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Résumés des conférences

Histoire de la médecine : maladies, malades, praticiens

Joël Coste
p. 320-322

Abstract

Programme de l’année 2018-2019 : I. Histoire de la nosologie médicale. — II. Les thérapeutiques thermales en France (XVIe-milieu XVIIe siècle).

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Full text

1I. La première conférence (Histoire de la nosologie médicale) a été consacrée à l’étude de la production nosologique de la médecine occidentale au xixe siècle. L’influente Nosographie philosophique de Philippe Pinel (1745-1826), qui a connu six éditions entre 1798 à 1818, a d’abord été analysée dans ses rapports avec la philosophie médicale de l’auteur : néo-hippocratique avec de forts accents vitalistes, mais aussi localisatrice et anti-humoraliste, parcimonieuse sinon expectante en matière de thérapeutique, et attentive à la dimension populationnelle. Enrichi en genres et en espèces de maladies, dont le nombre a presque doublé au fil des éditions, mais également rendu plus rigoureux sinon « linnéen » par l’addition des définitions et des caractères essentiels, le tableau nosologique construit par Pinel s’est avéré d’une qualité bien supérieure à sa réputation dans l’historiographie. Avec l’avancée dans le siècle, les tableaux nosologiques produits ont montré une adhésion décroissante de leurs auteurs au projet ou à la tradition de Boissier de Sauvages et de Linné et de leurs premiers successeurs comme Sagar et Vitet (voir le rapport de l’année 2017-2018) : 1) l’approche symptomatique stricte a été abandonnée au profit d’approches mixtes et principalement physio-pathologiques et anatomopathologiques, suivant les nouvelles connaissances ou les modes du moment ; 2) les descriptions ont été progressivement séparées de la présentation des tableaux ; et 3) la rigueur de la composition de ceux-ci a fortement décru avec l’abandon de la méthode linnéenne et, dans le meilleur des cas, avec la seule recherche de similitudes au sein de « familles » de maladies « se ressemblant ». Dans le même temps, des débats animés concernèrent les différentes approches de la catégorisation mais aussi la pertinence même de l’entreprise nosologique, qui a été remise en question par des auteurs comme Rush (1746-1813) ou Cabanis (1757-1808) ou encore comme Broussais (1772-1838) ou Piorry (1794-1879) en relation, pour ces deux derniers, avec la promotion de « systèmes » rejetant la notion même de maladies. Les limites d’une catégorisation sur un critère unique, seule rigoureuse d’un point de vue logique, ont été rapidement admises, comme les limites propres des approches étiologique, anatomo-pathologique ou physio-pathologique. Au cours de ces débats, les particularités des problèmes de classification en médecine clinique ont été soulignées : les maladies ne sont pas des « êtres naturels », certaines maladies chroniques ou compliquées ou certaines souffrances semblent moins « essentielles » que d’autres ; parallèlement les références à l’histoire naturelle et à la botanique régressèrent. Au mitan du siècle, le débat nosologique se déplaça d’ailleurs de la médecine clinique vers la santé publique, stimulé par la nécessité pour cette dernière de disposer de statistiques sanitaires, notamment de causes de décès, fiables et permettant des comparaisons dans le temps et l’espace. Aux congrès internationaux de statistique de Bruxelles en 1853 et de Paris en 1855, deux approches de la classification des maladies s’opposèrent, celles de l’anglais William Farr (1807-1883) et celle du suisse Marc-Jacob d’Espine (1806-1860) : la première à usage général (pour l’évaluation de la mortalité et de la morbidité) recourant comme critères de classification au caractère épidémiologique des maladies, à l’étiologie et au mécanisme et ensuite à la partie affectée ; la seconde, plus clinique, tournée vers l’analyse des décès et recourant à la durée (soudaine, aigue, chronique) puis à la nature inflammatoire ou spécifique des affections. Si un accord a été obtenu pour reconnaître les exigences d’opérationnalité, de standardisation de la nomenclature et de révision régulière pour suivre l’évolution des connaissances médicales, ainsi que sur les catégories des affections de causes externes (violentes), des affections congénitales ou particulières aux âges de la vie (premier, dernier, parturition), la convergence a été impossible pour les toutes les autres catégories. À la génération suivante toutefois, dans un contexte d’évolution rapide des connaissances médicales, notamment sur les maladies infectieuses, c’est l’approche de William Farr qui fut principalement reprise par Jacques Bertillon (1851-1922), dont la classification ou « nomenclature » fut adoptée par 26 états, dont les États-Unis, à l’occasion de sa première « révision » à Paris en 1900.

2II. La seconde conférence (Les thérapeutiques thermales en France, xvie-milieu xviie siècle) a poursuivi l’étude des premiers textes de la littérature médicale thermale imprimée dans l’aire française (voir le rapport de la conférence 2017-2018), et a tout particulièrement considéré la « science médicale thermale » qui prévalait alors. L’analyse a porté tout d’abord sur le « cadre de référence » des auteurs, les connaissances mobilisables et celles effectivement mobilisées pour répondre aux questions posées par le thermalisme médical. Il s’est agi avant tout d’auteurs antiques, de médecine (Galien, Hippocrate, Celse, Paul d’Égine, Dioscoride, Oribase) ou d’histoire naturelle (Aristote, Pline, Sénèque) ; les auteurs médicaux médiévaux, notamment italiens, ont en revanche été peu utilisés, bien moins que les auteurs du xvie siècle, allemands (Andernach, Solenander) ou italiens (Falloppio, Viotti da Clivolo et surtout Bacci). Parmi les auteurs modernes d’histoire naturelle, les « érudits », comme Agricola et dans une moindre mesure J. C. Scaliger ont été davantage mentionnés que les « chercheurs » comme Palissy. Suivant une méthodologie développée au cours des précédentes conférences (voir les rapports des années 2015-2016 et 2016-2017), les problèmes dits « de premier niveau », rencontrés par la médecine lors de la pratique thermale, ont d’abord été analysés : les propriétés physiques et médicales des eaux et leur justification, les genres et espèces d’eau, la formalisation des indications, les modalités d’usage (dont l’usage à distance), l’évaluation de l’efficacité et de la sécurité, les thérapeutiques associées et le régime de vie, la prévention et le traitement des complications. Ensuite, ont été analysés les problèmes dits « de second niveau », relevant de l’épistémologie de la science médicale thermale : les théories et modèles utilisés en recherche thérapeutique, les inférences, l’analyse de la causalité, notamment des complications des traitements, l’expérimentation et la « découverte » (ou plutôt l’« invention ») des sources thermales. Ces analyses ont permis de constater que des réponses complètes avaient été apportées par les médecins de l’aire française aux problèmes posés par l’essor du thermalisme médical ou « de soin » dès le milieu des années 1580 (avec des auteurs comme Ghérinx et Pidoux) mais surtout au début des années 1600, au moment où les usages thérapeutiques des eaux et les sites thermaux se développaient fortement en France. Ainsi, les indications des différents usages des eaux et des bains furent reliées, quoique parfois laborieusement, aux propriétés physiques et au contenu minéral, contribuant à faire progressivement entrer les eaux dans la « règle commune » des prescriptions thérapeutiques, à l’instar des médicaments. Des règles d’usage furent également précisées, en vue d’une utilisation la plus large possible, mais néanmoins surveillée pour les situations les plus dangereuses, qui furent rapidement identifiées, comme les « rétentions » d’eau. Il est toutefois à noter que l’expérimentation est restée inhabituelle pour l’étude des effets des eaux sur la santé alors que celle-ci a été progressivement enrichie ou affinée pour l’étude des caractéristiques chimiques et physiques, parfois qualifiée d’« anatomie » des eaux : c’est en effet un empirisme d’observation plutôt qu’expérimental qui a caractérisé les premiers auteurs de la médecine thermale de l’aire française. Mais, contrairement à la production italienne à laquelle de nombreux auteurs universitaires de réputation européenne contribuèrent, la littérature thermale française est souvent restée de qualité moyenne, en marge de la production médicale universitaire.

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References

Bibliographical reference

Joël Coste, “Histoire de la médecine : maladies, malades, praticiens”Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 151 | 2020, 320-322.

Electronic reference

Joël Coste, “Histoire de la médecine : maladies, malades, praticiens”Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [Online], 151 | 2020, Online since 09 July 2020, connection on 03 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/3941; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.3941

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Joël Coste

Directeur d'études, École pratique des hautes études — section des Sciences historiques et philologiques

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