Philologie arabe
Résumé
Programme de l’année 2018-2019 : I. Questions de lexicographie arabe médiévale. — II. Nature, environnement et représentation du monde.
Texte intégral
- 1 Al-Šayzarī, Nihāyat al-rutba fī ṭalab al-ḥisba, Freiberg, 2014, p. 183-205.
- 2 Al-Šayzarī, Nihāyat al-rutba fī ṭalab al-ḥisba, Freiberg, 2014, p. 90-111.
- 3 M. Levey, The Medical Formulary or Aqrābādhīn of al-Kindī, Madison, 1966, p. 225-345.
1La première partie de la conférence a abordé la lexicographie en mettant en perspective les instruments de travail à notre disposition, anciens et modernes, ainsi que leurs limites. Pour illustrer leur emploi, nous avons repris la lecture de passages du manuel de ḥisba d’al-Šayzārī à partir du chapitre consacré aux « éducateurs des jeunes garçons » jusqu’à la fin de l’ouvrage1. Le dernier chapitre étant d’ailleurs une énumération sans transition de domaines ou de situations que l’auteur n’a pas abordés dans le corps de son texte, il y alterne des paragraphes avec un vocabulaire plus spécifique, comme les instruments de musique, avec des développements plus généraux comme le comportement que le muḥtasib doit avoir quand il est amené à réprimander un cadi. Comme nous avions commencé la lecture de l’ouvrage au chapitre traitant des tisserands, nous avons repris le texte en amont, à partir du chapitre consacré aux pharmaciens (ṣayādila) puis aux parfumeurs (‘aṭṭārīn)2, ce qui nous permit de nous arrêter sur le vocabulaire technique. En particulier pour identifier les matières végétales ou animales qui sont mentionnées dans les compositions, l’ouvrage de base fut le glossaire réalisé par Martin Levey en annexe de son édition de l’Aqrābāḏīn d’al-Kindī3, qui rassemble 319 termes, dont une étymologie est proposée pour la plupart. Par ailleurs, l’ouvrage étant dû à Abū Yūsuf Ya‘qūb ibn Isḥāq al-Kindī (ca 185/801 – 252/866), l’occurrence du terme technique que l’on y trouve est dans la plupart des cas la plus anciennes conservée.
- 4 E. García, « Les traités de Ḥisba andalous : un exemple de matière médicale et botanique populaires (...)
2L’objectif de cette lecture commentée n’était pas de donner une interprétation historique ou sociologique à ce manuel de ḥisba, mais bien de l’utiliser comme corpus fermé pour étudier le vocabulaire des realia, généralement négligé par les dictionnaires médiévaux. Cet exercice s’inscrit au sein d’études4 semblables menées ailleurs.
- 5 R. Blachère et J. Sauvaget, Règles pour éditions et traductions de textes arabes, Paris, 1953.
- 6 Ṣalāh al-Dīn Al-Munaǧǧid, « Règles pour l’édition de textes arabes », MIDEO, 3 (1956), p. 359-374.
- 7 J. J. Witkam, « Establishing the Stemma: Fact or Fiction », Manuscripts of the Middle East, 3 (1988 (...)
- 8 P. La Spisa, « Perspectives ecdotiques pour textes en moyen arabe : L’exemple des traités théologiq (...)
3Quant à l’ecdotique, la conférence débuta par la lecture commentée des textes théoriques concernant l’édition commençant par celui déjà ancien de Régis Blachère et Jean Sauvaget5, puis celui de Ṣalāḥ al-Dīn Munaǧǧid6, balancé par la vision critique de Witkam7 ainsi que la mise au point de Paolo la Spisa8 à propos du moyen arabe.
- 9 G. Ferrand, « Le Tuḥfat al-albāb d’Abū Ḥāmid al-Andalusī al-Ġarnāṭī, édité d’après les mss 2167, 21 (...)
- 10 F. Tauer, « Annotation critiques au texte du Tuḥfat al-albāb d’Abū Ḥāmid al-Māzinī édité par G. Fer (...)
- 11 J. Hunwick et R. S. O’Fahey, Arabic Literature of Africa, 6 vol., Leyde, 1993-2015 ; U. Rebstock, M (...)
4L’exercice pratique consista alors dans la lecture et l’édition partielle de l’introduction de la Tuḥfat al-albāb d’Abū Ḥāmid al-Ġarnāṭī (m. 565 / 1169-1170) à partir d’un manuscrit soudanī, conservé à Paris, BNF 5650, f. 135v-138r. Certes l’ouvrage a été édité à par Gabriel Ferrand9 en 1925, édition dont les manquements ont été soulignés et corrigés par Félix Tauer10 vingt-cinq ans plus tard. D’ailleurs, Félix Tauer arrivait à la conclusion que l’ouvrage avait connu trois rédactions différentes et que l’édition de Gabriel Ferrand était une édition composite puisque l’éditeur avait choisi des manuscrits appartenant à des rédactions distinctes. Notre but n’était pas de revenir là-dessus mais plus particulièrement d’observer si, dans sa diffusion au sud du Maghreb l’ouvrage – en tout cas son introduction – avait connu des interpolations particulières. Tout d’abord, la base de données West African Arabic Manuscripts Database dirigée par Bruce Stewart Hall à Berkeley ainsi que la consultation des répertoires bibliographiques11 consacrés à la littérature arabe d’Afrique sub-saharienne nous ont montré l’existence de sept exemplaires de la Tuḥfat al-albāb, répartis entre le Niger et le Mali, sans que l’on puisse expliquer un tel succès. Quant au manuscrit de la BNF 5650, il donnait un texte copié en écriture soudanī en l’occurrence de 19 lignes par page. De manière assez remarquable et régulière, des gloses dans une écriture différente et plus petite ont été portées dans la marge, mais par quelqu’un se trouvant en face du lecteur du texte. Elles sont ainsi à lire en retournant le texte de 180°, on serait tenté de croire qu’elles sont la trace d’un enseignement, d’un commentaire du texte que l’étudiant porta dans la marge alors que le maître lisait et expliquait l’ouvrage. Un nombre restreint sont interlinéaires. Elles explicitent le texte ou donnent des synonymes à certains mots. Ainsi, f. 136v, Mawṣil (Mossoul) est glosé en marge ism mawḍi‘ « toponyme » et au f. 137r, al-ġarīb « fantastique » est glosé par al-‘aǧīb « étrange ». La comparaison des variantes nous a montré que ce manuscrit appartenait à la même famille que le BNF A. 2167.
Notes
1 Al-Šayzarī, Nihāyat al-rutba fī ṭalab al-ḥisba, Freiberg, 2014, p. 183-205.
2 Al-Šayzarī, Nihāyat al-rutba fī ṭalab al-ḥisba, Freiberg, 2014, p. 90-111.
3 M. Levey, The Medical Formulary or Aqrābādhīn of al-Kindī, Madison, 1966, p. 225-345.
4 E. García, « Les traités de Ḥisba andalous : un exemple de matière médicale et botanique populaires », Arabica, 44-1 (1997), p. 76-93.
5 R. Blachère et J. Sauvaget, Règles pour éditions et traductions de textes arabes, Paris, 1953.
6 Ṣalāh al-Dīn Al-Munaǧǧid, « Règles pour l’édition de textes arabes », MIDEO, 3 (1956), p. 359-374.
7 J. J. Witkam, « Establishing the Stemma: Fact or Fiction », Manuscripts of the Middle East, 3 (1988), p. 88-101 ; « The Philologist’s Stone. The Continuing Search for the Stemma », Comparative Oriental Manuscript Studies Newsletter, 6 (2013), p. 34-38.
8 P. La Spisa, « Perspectives ecdotiques pour textes en moyen arabe : L’exemple des traités théologiques de Sulaymān al-Ġazzī », dans L. Zack et A. Schippers (éd.), Middle Arabic and Mixed Arabic. Diachrony and Synchrony, Leyde, 2012, p. 187-208.
9 G. Ferrand, « Le Tuḥfat al-albāb d’Abū Ḥāmid al-Andalusī al-Ġarnāṭī, édité d’après les mss 2167, 2168, 2170 de la Bibliothèque nationale et le ms. d’Alger », Journal Asiatique, 207 (1925), p. 1-148 et p. 193-304.
10 F. Tauer, « Annotation critiques au texte du Tuḥfat al-albāb d’Abū Ḥāmid al-Māzinī édité par G. Ferrand », Archiv Orientální, 18-4 (1950), p. 298-316.
11 J. Hunwick et R. S. O’Fahey, Arabic Literature of Africa, 6 vol., Leyde, 1993-2015 ; U. Rebstock, Maurische Literaturgeschichte, I-III, Würzburg, 2001.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Jean-Charles Ducène, « Philologie arabe », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 151 | 2020, 58-59.
Référence électronique
Jean-Charles Ducène, « Philologie arabe », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 151 | 2020, mis en ligne le 09 juillet 2020, consulté le 16 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/3522 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.3522
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