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Résumé

Programme de l’année 2016-2017 : Recherches sur les artistes parisiens, XVe-XVIIe siècles.

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Texte intégral

  • 1 Guy-Michel Leproux, Le théâtre à Paris au XVIe siècle, Paris, Institut d’histoire de Paris, 2 (...)

1On s’est attaché, cette année, à étudier le rôle des peintres dans les représentations théâtrales parisiennes du xvie siècle. Les sources permettant de documenter la conception et l’exécution des décors des mystères organisés à Paris sous le règne de François Ier sont peu nombreuses1. À défaut de documents iconographiques, on a examiné avec les étudiants et les auditeurs un certain nombre d’actes notariés susceptibles d’éclairer la question. L’un d’entre eux nous apprend, par exemple, que le décor d’une Passion jouée à Suresnes en 1540 s’inspirait de celui qui avait été utilisé l’année précédente à Paris à l’hôtel de Flandre. Ainsi, pour le Paradis, les peintres devaient « faire tourner toutes les gezarchyes en la maniere que tournoyent celles du Paradis quant la Passion fut jouee en ceste ville de Paris, ou myeulx ». Dans les deux cas, il s’agissait donc de cercles chargés d’anges se mouvant autour de Dieu le Père, comme à Valenciennes en 1547, spectacle dont une miniature de Hubert Cailleau nous a conservé une image assez précise. Les marchés passés avec les maçons et les charpentiers ne mentionnent généralement que le Paradis et l’Enfer, les autres lieux où se situait l’action étant figurés par des toiles peintes, qui relevaient de la compétence du peintre, comme celles que Louis Calogne exécuta pour le Mystère de saint Blaise joué à Arcueil en 1540. Les « tapisseries » de la Passion parisienne de 1539 étaient aussi, probablement, des peintures sur toile.

2Le terme générique de « peintre », employé dans la plupart des textes relatifs à des représentations théâtrales, recouvrait des compétences diverses. La fourniture des grandes toiles figurées, ainsi que le modelage puis le moulage en plâtre ou en papier de figures en ronde bosse correspondaient à la production habituelle de beaucoup de peintres parisiens, mais, pour les spectacles, il fallait également prendre en charge tous les trucages, qui exigeaient des connaissances plus spécialisées, notamment en pyrotechnie pour le fonctionnement de l’Enfer. Les « feintes », dont la liste était établie par le directeur du jeu, constituaient en effet l’un des éléments les plus importants des mystères. Pour les mettre en œuvre, il fallait parfois avoir recours à plusieurs artistes et artisans. Ainsi, en 1509, à Romans, les décors et les feintes avaient été confiés à un peintre d’Annonay réputé, Thomas Thévenot. Il fut aidé par Guigo le cartier, ainsi que par d’autres artisans, notamment Amieu Grégoire, probablement serrurier, chargé des ouvrages en fer, tandis que pour les mécanismes plus complexes, on fit appel à un horloger, lui aussi d’Annonay. À Châteaudun, en 1510, au peintre Guillaume Brudeval fut adjoint Perrinet Rifflart, lui aussi peintre mais, surtout, « gouverneur de l’Enfer ». Tous deux étaient certainement des spécialistes de ce type d’ouvrages : le premier fut appelé d’Évreux, le second de Beaugency.

3On trouvait, à Paris, des artistes spécialisés dans ce domaine, et il ne semble pas qu’il ait jamais été nécessaire d’en faire venir de l’extérieur. En 1509, pour le Mystère de saint Laurent de Thiais, celui qui fut appelé, Jean Viare, demeurait dans la capitale, rue de la Vieille Monnaie. La représentation ne devant durer que quelques jours, il n’eut pas à construire de décors en dur et même l’Enfer était représenté sur des toiles peintes. Il était aussi chargé de l’exécution des mannequins destinés aux scènes de décollation et de la fourniture d’un certain nombre d’accessoires comme des étendards, des perruques et des fausses barbes. Pour des spectacles plus ambitieux, les organisateurs avaient souvent recours, comme en province, à plusieurs intervenants différents. Au travail du « peintre » pouvaient collaborer des artisans qui pratiquaient un métier en apparence assez éloigné. Ainsi c’est à un tourneur de bois, Étienne Lefèvre, que s’adressèrent les organisateurs d’un mystère joué au faubourg Saint-Honoré en 1540 pour mettre en œuvre les feintes conçues par le fatiste Jean Louvet. L’artisan devait fournir tous les matériaux, y compris « toutes painctures qui seront necessaires avoir pour construire ung Paradis et ung Enfer pour servir audict mistere, et autres paintures durant ledict jeu convenables pour lesdictz misteres ». Il s’engageait aussi à livrer de la poudre et des fusées pour l’Enfer. Faubourg Saint-Marcel, la même année, le maçon Hardouin Corivault fit pour le Mystère de saint Christophe les échafauds, le Paradis et l’Enfer, et fournit également un gibet.

4Un autre maçon, Nicolas Hervé, dit Venise, était un spécialiste des décors de théâtre. En 1540, associé au peintre Antoine Truquet, il conclut avec Girard Vivien, organisateur de la Passion de Suresnes, un marché très détaillé qui prévoyait la totalité des feintes et des décors. Truquet et Hervé y sont qualifiés indistinctement de peintres par le notaire, mais leur rôle était sans doute bien différencié. On peut le constater grâce à un autre acte passé l’année suivante par Nicolas Hervé qui, cette fois, signa seul le contrat avec Vincent Lebauldrez, entrepreneur à Châteauneuf en Gâtinais d’un mystère « de la Resurection, Assencion et Aparition du Saint Esperit aux apostres, Trespasement de Nostre Dame et Vengeance de la Passion ». Le maçon s’engageait à exécuter toutes les feintes, comme l’« ouverture de la mere de Neron », fournir les accessoires, les anges, les animaux, les châteaux et les villes, les créatures infernales, les costumes des diables qui comportaient, comme à Suresnes, des « hures », et les moules pour les mannequins, Lebauldrez fournissant les chiffons ou le papier nécessaire. Le feu de l’Enfer était aussi de sa compétence, mais le contrat lui demandait en revanche de « fournir de paintre et paintures a ses despens pour fere toutes paintures (…) ». À l’artiste « suffisant pour tel entreprise » que Nicolas Hervé devait recruter, revenaient les peintures du « Paradis, chasteaulx, villes et autres choses requises ». Ce peintre sous-traitant n’étant pas nommé dans le document, on ne peut savoir s’il s’agissait encore d’Antoine Truquet.

5Nicolas Hervé avait probablement été aussi responsable des feintes de la Passion parisienne de 1539. En effet, pour la construction du Paradis de Suresnes, Girard Vivien lui demanda de faire aussi bien, sinon mieux, qu’à l’hôtel de Flandre l’année précédente. Il connaissait parfaitement les techniques de pyrotechnie et s’engageait à fournir des «lances a feu, canons, fuzez, biquoquetz, livretz, plombee de feu et aultre feu voullant, serpenteaulx allans et venans si besoing est » et « faire jouer l’Enfer aux jours et heures qu’il appartiendra ».

6Quant à son associé Antoine Truquet, il n’appartenait pas à la corporation parisienne des peintres, mais avait été membre de celle de Saint-Germain des Prés de 1515 à 1522. Il semble avoir fait toute sa carrière dans les faubourgs, puisqu’en 1540 il demeurait à Notre-Dame des Champs. Il avait, lui aussi, une certaine expérience des spectacles et c’est à lui que revint, à Suresnes, la tâche d’engager les musiciens. D’ailleurs, la peinture n’était pas sa seule activité. En 1545, il publia une pièce de vers, les Cris de Paris, pour laquelle il avait sollicité et obtenu un privilège du prévôt de Paris dans lequel il se dit « painctre demeurant a Paris ». Deux des cent sept cris « que l’on crie journellement a Paris, de nouveau composé en rhimme francoyse pour resjouir les esperit » mentionnent les colporteurs vendant de petites farces, qualifiées de « babioles ».

7Parmi les peintres employés par les organisateurs des mystères parisiens, un certain nombre étaient aussi « poupetiers ». Ce métier libre qui consistait à fabriquer des jouets, mais également toute sorte de mannequins, notamment ceux destinés aux décors éphémères pour des fêtes, des obsèques, des exécutions en effigie ou des représentations théâtrales, était en effet, au xvie siècle, fréquemment exercé par des peintres ou des sculpteurs. Ainsi, lors de la réception de Charles Quint à Fontainebleau, en décembre 1539, ce sont treize « peintres et pouppetiers » qui furent chargés de mouler des figures en terre, plâtre ou papier mâché. Parmi eux, on trouvait Louis Calogne, ou Coulogne, qui, quelques mois plus tard, fut recruté pour exécuter les décors et les feintes du Mystère de saint Blaise d’Arcueil.

8Une des principales familles de poupetiers à Paris dans la première moitié du xvie siècle était celle des Bachot. Dès 1512, le sculpteur troyen Jacques Bachot avait loué une loge à la foire de Saint-Germain en tant que « poupetier ». À la génération suivante, Jeanne et Louis Bachot, étaient installés à demeure dans la capitale. Jeanne est désignée dans plusieurs textes, elle aussi, comme poupetière. Elle avait épousé un peintre parisien, Jean Rondel, qui lui-même fabriquait, à l’occasion, des mannequins. Quant à Louis Bachot, né en 1513 ou 1514, il figure dans les comptes de l’entrée de Marie de Hongrie à Compiègne en 1538, avec quatre autres peintres parisiens, dont son beau-frère Jean Rondel, pour avoir « faict pluseurs ouvrages et misteres ».

9On s’est ensuite interrogé sur la place des peintres dans l’organisation des spectacles joués à l’hôtel de Bourgogne à partir des années 1550. Parmi les confrères de la Passion identifiés pour le xvie siècle, on trouve un seul d’entre eux, Pierre Dangers, qui fut maître et gouverneur de 1574 à 1576. Il avait reçu plusieurs commandes, sous le règne de Henri II, pour le décor de chariots ou de bardes de chevaux. En 1560, il peignit les orgues de la chapelle de l’hôpital du Saint-Esprit en Grève, dont les volets comportaient des scènes figurées. Il fut aussi employé l’année suivante aux préparatifs de l’entrée de Charles IX, finalement annulée, puis, en 1574, aux obsèques du Roi. Il avait donc les compétences nécessaires pour fournir des décors de théâtre, et même des costumes, comme les quatre affublements de tête que lui fit faire, pour la Mi-Carême 1554, le greffier des juge-consuls Nicolas Clercelier. Son implication dans des spectacles joués à l’hôtel de Bourgogne n’est pas attestée, mais elle est fort probable, notamment en 1574 où il fut avec Guillaume Poussin l’un des deux maîtres qui traitèrent avec la troupe de Pierre Dubu et Jérôme Lejeune. Le dernier acte le mentionnant date d’octobre 1578, et on ne connaît, pendant toute sa période d’activité, aucun autre peintre employé par la confrérie de la Passion.

10Pour les décors de Mabrian, en 1582, ceux-ci firent appel à un jeune artiste qui allait travailler régulièrement pour eux par la suite, Nicolas Vattemen. On s’est efforcé de reconstituer la carrière de l’artiste, qui avait terminé son apprentissage au début des années 1570, et n’avait pas encore accédé à la maîtrise. Il avait déjà des compétences particulières, puisqu’il fut chargé non seulement des peintures, mais aussi des feintes et « artiffices de feu ». Il embaucha un autre peintre pour l’aider, Michel Lebel. Celui-ci était déjà maître, mais il ne devait pas avoir la même expérience du théâtre que Vattemen, qui ne prévoyait de lui reverser que quinze sous par journée, alors que lui-même touchait plus de trois écus. Lebel ne réapparut d’ailleurs pas les années suivantes à l’hôtel de Bourgogne, tandis que Nicolas Vattemen y travaillait encore en 1599.

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Notes

1 Guy-Michel Leproux, Le théâtre à Paris au XVIe siècle, Paris, Institut d’histoire de Paris, 2018 (Sources de Paris).

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Pour citer cet article

Référence papier

Guy-Michel Leproux, « Histoire de Paris »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 149 | 2018, 276-279.

Référence électronique

Guy-Michel Leproux, « Histoire de Paris »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 149 | 2018, mis en ligne le 11 juillet 2018, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/2594 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.2594

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Auteur

Guy-Michel Leproux

Directeur d’études, M., École pratique des hautes études — Section des sciences historiques et philologiques

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