Territoires et pouvoirs dans l’empire assyrien
Résumé
Programme de l’année 2016-2017 : Au cœur de l’empire, la question du triangle assyrien (suite).
Texte intégral
1La conférence de l’année 2016-2017 poursuivait les travaux entrepris l’année précédente et portait donc sur la question de la constitution du fameux « triangle assyrien », défini par nombre de savants comme l’élément fondamental de l’empire, le cœur territorial ayant servi de support à son extension.
2Or, cette notion est une création conceptuelle moderne, un outil qui devrait permettre de définir le cœur originel de l’empire, mais qui donc n’existait pas en tant que tel dans l’Antiquité. Il faut, bien entendu, la distinguer du mât Aššur, c’est-à-dire le « pays d’Aššur », conception assyrienne du territoire que leur divinité tutélaire donnait à gouverner à l’empereur.
3Nous avons commencé l’année en nous intéressant à la région d’Erbil, à partir de diverses sources. Le premier dossier a consisté en l’étude des briques de fondations du souverain du viie siècle Sennachérib, commémorant la construction de la muraille extérieure de la ville Kilizu l’actuel Qasr Shamamok. Ces documents ont été étudiés à partir de photographies des originaux afin de confronter les auditeurs aux difficultés épigraphiques de tels objets, souvent assez abîmés, dont le soin porté à l’écriture est tout relatif et qui sont parfois les seules sources à notre disposition pour écrire l’histoire d’une région.
4Le deuxième document étudié sur photo fut la statuette dédiée par le scribe Šamši-Bêl à Ištar d’Arbèles, datant probablement du règne d’Aššur-dân Ier, souverain du xiie siècle. Cet objet en bronze nous livre le nom du temple de cette divinité, le Egašankalamma « maison de la Dame du pays ». Le dédicant y précise le poids de l’objet, qui s’il avait été complet aurait permis de mettre en relation les unités de mesure anciennes avec notre système métrique, ainsi que le nom de cette statuette.
5L’analyse de ces deux documents nous a permis d’illustrer la problématique de l’étude du cœur assyrien. Étant fondamentalement la partie originelle de l’empire, la documentation royale, quasiment la seule à disposition, est extrêmement peu loquace, car s’attachant surtout à décrire les hauts faits du souverain, en particulier ses conquêtes qui se déroulent hors du centre de l’empire. C’est pourquoi, nous avons consacré la deuxième partie de la conférence à l’étude de la place que pouvait tenir ce noyau originel dans la rhétorique royale de domination universelle, à partir de l’inscription dite « standard » du souverain du ixe siècle, Aššurnaṣirpal II.
6L’un de nos auditeurs ayant pu visiter le musée de Brooklyn ramena d’excellentes photographies d’une des versions de ce texte (connu en plus de 400 exemplaires) qui y est exposé. Nous avons porté une attention particulière aux problèmes matériel de lecture et à la relation entre écriture et iconographie, car le texte était écrit sur une représentation de génie protecteur, ce qui complique la lecture et amène à s’interroger sur la façon dont le lapicide (qui n’était pas forcément un scribe) a dû s’adapter pour y intégrer les caractères.
7Le texte se compose, comme c’est la norme pour ce type d’inscription, d’une partie de titulature du souverain, suivie d’une description géographique des bornes de l’empire et enfin d’un récit de construction de sa nouvelle capitale Kalhu (l’actuelle Nimrud). Nous nous sommes focalisés sur la description géographique de l’empire qui livre la théorie territoriale telle que souhaite la présenter l’autorité royale. Ainsi, les territoires et les populations se divisent en plusieurs catégories. Les espaces montagneux périphériques sont ceux contre lesquels le roi « tonne » comme le dieu de l’orage, c’est-à-dire qu’il agit sans espérer obtenir la moindre domination durable. Puis il précise les territoires qu’« il a fait s’incliner à ses pieds » qui vont depuis l’autre côté du Tigre jusqu’au Mont Liban notamment. Il faut comprendre qu’il s’agit là de zones comportant des territoires qui se sont soumis à l’autorité, tels que les tributaires. On remarquera que la ville d’Aššur, centre théologique de l’empire, située en rive droite du Tigre s’y trouve donc intégrée. On notera incidemment que toutes les capitales politiques successives de l’empire étaient quant à elles situées en rive gauche. Puis, le roi décrit les territoires anciennement assyriens, perdus par ses prédécesseurs, qu’il a ramené à leurs statuts antérieurs et enfin, des territoires qu’il intègre à l’empire. L’un des intérêts de cette description est de nous livrer en négatif la conception du cœur assyrien, c’est-à-dire la zone qui n’est pas mentionnée dans la description, car étant la composante territoriale originelle. Cette région serait donc celle délimitée à l’ouest par le Tigre, au nord par les sources du Tigre, au sud par le petit Zab et à l’est par les piémonts du Zagros.
8La dernière séance de l’année s’est délocalisée au Collège de France pour y être consacrée à la lecture de textes cunéiformes sur des moulages de tablettes découvertes sur le site d’Ougarit conservés dans ses archives. Cela a permis aux auditeurs de se confronter aux difficultés de lecture sur originaux, pratique indispensable pour l’épigraphiste.
Pour citer cet article
Référence papier
Lionel Marti, « Territoires et pouvoirs dans l’empire assyrien », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 149 | 2018, 25-26.
Référence électronique
Lionel Marti, « Territoires et pouvoirs dans l’empire assyrien », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 149 | 2018, mis en ligne le 05 juillet 2018, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ashp/2174 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/ashp.2174
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