Texte intégral
- 1 An Ægrotantes Imaginarii sola diversitate idearum, rejecto omni Remediorum apparatu, sanandi sunt, (...)
1En 1723, un demi-siècle après la création du Malade imaginaire, était soutenue devant la Faculté de médecine de Montpellier une thèse latine sur un sujet qui entre en étrange résonance avec la comédie de Molière : savoir si l’on peut guérir les malades imaginaires sans user de remèdes et en les détournant seulement de leur hantise1. Cette thèse, tout à fait canonique par sa forme, dirigée par le célèbre François Chicoyneau, dont le beau-père Pierre Chirac participait au jury – tous deux futurs médecins du roi Louis XV – sanctionne l’entrée en médecine du concept de « maladie imaginaire » attaché au nom de Molière :
- 2 « Hic tractandum suscipimus hanc speciem Melancholiæ, qua qui laborant, sani licet et optime valent (...)
Nous envisageons de traiter ici cette catégorie de mélancolie par laquelle ceux qui en sont travaillés, quoique tout à fait sains et bien portants, se jugent pourtant sans en démordre atteints de quelque maladie grave et mortelle parce qu'ils éprouvent certaines affections physiques bénignes, et particulièrement des maux de tête momentanés ; ou bien ceux qui, considérant les faiblesses éphémères et légères auxquelles la nature humaine est communément sujette comme des maladies insignes et redoutables, pensent leur dernier jour arrivé et de même ne cessent jamais soit de gémir et de larmoyer en implorant le secours de la médecine, soit de déplorer leur sort comme s’il était désespéré, en s’abîmant dans de tristes et profondes méditations, mais n’en sont pas moins habitués à élire un mode de vie malsain et inopportun pour éviter ce mal qu’il redoutent tellement : bref, ceux qu’il est commun de dénommer malades imaginaires2.
2Cette mélancolie, dont la description des effets s’applique par bien des traits au cas d’Argan, se situe dans un curieux porte-à-faux entre corps et esprit, entre lubie et pathologie. L’auteur s’arrange de cette ambiguïté en attribuant le statut de « cause prochaine » à l’anxiété obsessionnelle de tomber malade, qui pousse les patients à courir éperdument après les médecins et la médecine sans jamais s’estimer guéris, à s’inventer involontairement (on n’ose dire inconsciemment !) des symptômes ou à tenir pour symptômes de simples désagréments de santé sans caractère morbide. Quant à la « cause matérielle » – car il en faut quand même une pour expliquer cette maladie sans maladie, en un temps où il ne peut être déjà question de névrose et de psychose –, on la cherchera dans la constitution fragile de certaines fibres nerveuses composant la matière cérébrale : leur prédisposition naturellement fragile et excitable les rend propres à recevoir et propager l’obsession de la maladie et de la mort. Les petites douleurs de tête dues aux mouvements de ces fibres ébranlées par les idées noires qu’elles-mêmes favorisent sont interprétées par le malade comme des symptômes pathologiques. L’anxiété qui en découle crée de nouvelles secousses dans le cerveau. Ainsi se développe une mélancolie hypocondriaque qui dément l’étymologie de sa dénomination, puisqu’il n’y est plus question de bile noire ni d’hypocondres, mais seulement d’une tête trop faible.
3Certes, le lien avec la maladie imaginaire d’Argan n’étant pas explicitement attesté dans la thèse, on pourrait considérer la rencontre entre elle et la dernière comédie de Molière comme une application plutôt qu’une clef. Mais cinquante ans plus tard, la fameuse Nosologie de Boissier de Sauvages dissipera le doute : on y découvre, parmi les catégories de la mélancolie désormais réduite à des manifestations psychologiques accompagnées de désordres physiologiques d’origine mentale ou tout simplement imaginaires, une variété baptisée « Melancholia argantis. Maladie imaginaire », qui renvoie explicitement, à travers la thèse de Montpellier, au théâtre de Molière :
- 3 François Boissier de Sauvages, Nosologia methodica sistens morborum classes, genera et species, jux (...)
Les malades imaginaires, que Molière a si bien joués, sont ceux qui, se portant très bien, s’imaginent à tout moment être sur le point de mourir, à cause de quelques légères incommodités qu’ils ressentent, ce qui les rend tristes, mélancoliques, de mauvaise humeur envers leurs médecins, et les oblige à vivre dans la solitude, où ils ne font que gémir et déplorer leur malheur du matin au soir ; ou bien ils suivent un régime de vie extravagant qui altère leur santé, et les expose à une infinité de maladies plus dangereuses que celles dont ils cherchent à guérir3.
4La proximité évidente de ces données symptomatiques avec celles de l’ancienne mélancolie s'accompagne ensuite d’une distinction avec les signes de celle-ci :
Cette maladie diffère de l’hypocondrie, en ce que ceux qui en sont atteints, ne souffrent aucun mal réel, au lieu que les hypocondriaques sont sujets à plusieurs symptômes fâcheux, tels que les flatuosités, les rapports acides, les spasmes, lesquels étant compliqués avec l’espèce dont nous parlons, sont cause qu’on les confond ensemble, quoique mal à propos4.
- 5 Ibid., p. 356-357.
- 6 « Le Malade imaginaire de Molière, chef-d’œuvre de comique, ne représente qu'une ébauche imparfaite (...)
5Autrement dit, si les angoisses des malades imaginaires sur leur santé hantent aussi les mélancoliques hypocondriaques, ces derniers seuls sont véritablement atteints d’une affection viscérale et présentent d’autres signes effectivement pathologiques qu’on ne trouvera pas chez les mélancoliques argantiformes, désespérément sains et bien portants. Semblance n’est pas similitude… Aussi le traitement adapté à cette maladie non pathologique se limitera-t-il à la persuasion, la distraction, l’activité, le déplacement de l’esprit du malade sur d’autres sujets que celui de sa santé, bref toute chose propre à « dissiper l’idée qui cause sa maladie5 ». On notera l’attribution de la maladie imaginaire à une « idée » : cette formulation esquisse une étape décisive qui ne sera franchie qu’un demi-siècle plus tard par Pinel théoricien de l’hypocondrie névropathique6.
6Or il se trouve que la mélancolie, et tout particulièrement sous sa forme hypocondriaque, n’avait rien d’inconnu pour le poète comique ni pour son théâtre. Comme on le sait, la huitième scène du premier acte de Monsieur de Pourceaugnac présente dès 1669 un exposé très informé, par un médecin « qui sait la médecine à fond », sur les
- 7 Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 5 et 8 dans Molière, Théâtre complet, éd. Charles Mazouer, Pa (...)
trois espèces de cette maladie, que nous nommons mélancolie, ainsi appelée non seulement par les Latins, mais encore par les Grecs ; ce qui est bien à remarquer pour notre affaire : la première, qui vient du propre vice du cerveau ; la seconde, qui vient de tout le sang, fait et rendu atrabilaire ; la troisième, appelée hypocondriaque, qui est la nôtre, laquelle procède du vice de quelque partie du bas-ventre, et de la région inférieure, mais particulièrement de la rate, dont la chaleur et l'inflammation porte au cerveau de notre malade beaucoup de fuligines épaisses et crasses, dont la vapeur noire et maligne cause dépravation aux fonctions de la faculté princesse7.
- 8 Sur la nosographie de la mélancolie hypocondriaque, on verra notre Molière et la maladie imaginaire(...)
7S’en déduit que le patient est fou, de cette folie que la pathologie de l’hypocondrie répute en général se porter sur un objet précis et prendre la forme d’une idée fixe, d’une obsession exclusive, sans que le reste du jugement soit nécessairement affecté par cet égarement ciblé8. Voilà qui conviendrait fort bien à l’analyse du cas d’Argan, de manière effective en l’occurrence, alors que Pourceaugnac, comme on sait, n’est supposé fou que par la mystification dont il est victime. La mélancolie d’Argan, obsédé de sa santé et affolé de sa maladie, l’une et l’autre devenues le centre obsessionnel de ses pensées et de ses actions, offrirait ainsi son pendant hypocondriaque à la variante érotique ou hystérique du même mal qui avait déjà été diagnostiqué chez Lucinde, l’héroïne de L’Amour médecin, en 1665 : M. Macroton y imputait la maladie feinte par la jeune fille à une
- 9 Molière, L’Amour médecin, II, 5, t. III, p. 71.
va-peur. fu-li-gi-neu-se. et. mor-di-can-te. qui. lui. pi-co-te. les. mem-bra-nes. du. cer-veau. Or. cet-te. va-peur. que. nous. nom-mons. en. grec . at-mos. est. cau-sée. par. des. hu-meurs. pu-tri-des. te-na-ces. et. con-glu-ti-neu-ses. qui. sont. con-te-nues. dans. le. bas. ven-tre9.
8À quoi son acolyte M. Bahys ajoutait : « Comme ces humeurs ont été là engendrées, par une longue succession de temps, elles s’y sont recuites, et ont acquis cette malignité, qui fume vers la région du cerveau10 ». L’origine utérine de la mélancolie dite « érotique » fait ainsi pendant à l’origine abdominale de la variante hypocondriaque. Pour bonne mesure, Clitandre déguisé viendra au dernier acte de la même pièce opposer à cette lecture de bas en haut, du « bas-ventre » au cerveau, le cheminement inverse du mal mimé par la jeune fille :
Et par la science que le Ciel m’a donnée, j’ai reconnu que c’était de l’esprit qu’elle était malade, et que tout son mal ne venait que d’une imagination déréglée, d’un désir dépravé de vouloir être mariée11.
9Et voilà comment une maladie de l’imagination venait rendre compte ici d’une maladie déjà « imaginaire » – puisqu’il s’agit en l’occurrence d’un stratagème.
- 12 Felix Lope de Vega Carpio, Comedia famosa del Acero de Madrid, 1618. Éd. et trad. Aline Bergounioux (...)
10Reste que ce mal imaginaire se trouve calquer la pathologie réelle qui pourrait bien menacer une jeune fille nubile, privée de mari par l’autorité d’un père qui veut la garder pour lui, et sa dot avec. Cet effet allusif, cette circularité de la feinte et de la réalité, que souligne le motif inventé par Clitandre (« un désir dépravé de vouloir être mariée »), avait été abondamment exploité et développé par la tradition ibérique d’où est issue la trame comique de la feinte malade visitée par son amant (ou par le valet de celui-ci) déguisé en médecin. On la rencontre notamment dans la comédie de Lope de Vega El Acero de Madrid, rattachée au réseau que la tradition italienne avait tourné en scénario dell’arte sous la forme du Medico volante aux multiples ramifications12. Et de fait, outre L’Amour médecin, les deux autres pièces de Molière taillées dans cette veine – Le Médecin volant et Le Médecin malgré lui – laissent affleurer elles aussi des allusions explicites à cet effet circulaire d’une maladie feinte prenant le masque de la réelle affection, hystérique, érotique ou chlorotique, que son subterfuge sert à conjurer. C’est déjà une esquisse du rapport encore plus ambigu entre réalité et illusion, erreur, feinte et fiction, qu’incarnera le personnage d’un malade imaginaire, par l’intégration effective du mystificateur dans le corps et l’esprit du mystifié pris de bonne foi au piège de sa propre feinte.
- 13 Charles Le Boulanger de Chalussay, Élomire hypocondre ou les médecins vengés, 1670. Éd. Georges Cou (...)
11Encore faudrait-il ajouter à cette corolle d’ambiguïtés fécondes la comédie satirique Élomire hypocondre due à un pamphlétaire nommé Charles Le Boulanger de Chalussay13. Publiée un an après Monsieur de Pourceaugnac, peut-être écrite et diffusée bien auparavant, sans qu’on puisse donc savoir laquelle des deux pièces répondit à l’autre, elle présentait Molière comme un mélancolique hypocondriaque, autrement dit un malade imaginaire, dont les ennuis de santé, allusion possible sinon probable à des bruits désobligeants qui couraient déjà Paris à ce propos, auraient procédé d’une angoisse obsessionnelle entretenue par ses déboires matrimoniaux et par une pente naturelle à la folie. Il n’est pas impossible que le personnage d’Argan ait été conçu par bravade pour répliquer à cette satire dans les termes mêmes qu’elle avait posés.
- 14 Le Malade imaginaire, I, 5, t. V, p. 809.
- 15 Lucien Febvre, Le Problème de l’incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais, Paris, Albin Mi (...)
12En somme, on peut supposer que le schéma pathologique de la mélancolie hypocondriaque, dans une conception vulgarisée et affadie, un peu comme aujourd’hui on peut parler en langage courant de complexe, d’inconscient ou de paranoïa sans valider pour autant les thèses de Freud, s’imposait presque intuitivement et spontanément pour silhouetter un personnage obsédé par la crainte d’être malade et enragé de médecine jusqu’à se croire malade sans l’être – et tout en l’étant tout de même un peu, comme le lancera à Argan Toinette excédée : « Oui, vous êtes fort malade, j’en demeure d'accord, et plus malade que vous ne pensez14 ! » Nous avons appris, de Lucien Febvre et Michel Foucault notamment15, que l’outillage mental définit les conditions de possibilité de penser à une époque donnée, dans le cadre de l’épistémè du moment. Où Molière pouvait-il trouver l’outil le plus adéquat pour donner consistance au cas très particulier d’un homme s’illusionnant de bonne foi sur son propre corps, sur ses propres sensations ? D’un homme qui conclut la récapitulation de ses médecines du mois passé en ces termes :
- 16 Le Malade imaginaire, I, 1, t. V, p. 795-796.
Si bien donc, que de ce mois j’ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements; et l’autre mois il y avait douze médecines, et vingt lavements. Je ne m’étonne pas, si je ne me porte pas si bien ce mois-ci, que l'autre16.
- 17 Ibid., III, 6, p. 953.
13Un homme qui, en revanche, accablé des foudres de M. Purgon lui promettant mille morts pour avoir différé un lavement, s’écrie : « Ah! mon Dieu ! je suis mort. Mon frère, vous m'avez perdu. […] Je n’en puis plus. Je sens déjà que la médecine se venge17 ». Car il ne contente pas de le penser ou de le croire : il le sent !
- 18 Ces cas sont répertoriés notamment par André Du Laurens, à la charnière entre XVIe et XVIIe siècles (...)
- 19 Jonathan A. Tobert et Connie B. Newman, « The nocebo effect in the context of statin intolerance »,(...)
14Nous disposons aujourd’hui de l’observation et de la théorisation de l’effet placebo pour le premier exemple cité, de l’effet nocebo pour le second. Molière semble les anticiper quand il met en scène les effets délétères du cercle vicieux dans lequel Argan s’est enfermé : se faire soigner parce qu’il se craint, se croit et se veut malade, par narcissisme égocentrique et infantilisant ; se vouloir malade pour le plaisir rassurant de se faire soigner, par dévotion superstitieuse et gourmande envers les dieux de la médecine et leurs rites. Mais ces effets avaient été observés, analysés et théorisés depuis la plus lointaine antiquité par Rufus d’Éphèse, Ætius, Galien ou Alexandre de Tralles, qui les avaient répertoriés comme des manifestations de la mélancolie, imputables à la dégénérescence d’une ou l’autre des humeurs naturelles en atrabile peccamineuse. On allait répétant invariablement à leur suite les cas célèbres de l’homme qui se croyait décapité et auquel on faisait retrouver sa tête en l’accablant d’un couvre-chef de plomb qui la lui meurtrissait, excellent motif pour lui de se plaindre de l’avoir retrouvée ; ou celui de la femme qui croyait avoir avalé un serpent ou des grenouilles et qu’on traitait par un émétique en jetant à son insu l’animal incriminé dans le bassin contenant ses vomissures18. Montaigne avait repris le propos dans une optique satirique et voulait y voir la preuve que les médecins n’ont de rôle curatif que sur l’imagination égarée des malades. Dans une perspective inverse, le dernier grand analyste de la mélancolie, Robert Burton, en 1621, en avait tiré argument en faveur de la puissance de cet art jusque sur l’esprit, avant que l’effet placebo ne soit scientifiquement théorisé par Henry K. Beecher au milieu du XXe siècle19.
15Dans ses Trois Livres sur les affections hypocondriaques, en 1617, le célèbre Paolo Zacchia avait décrit en des termes, qui préludent à ceux de Molière, le délire de ces malheureux qui
- 20 Paolo Zacchia, De Affectionibus hypocondriacis libri tres, italico idiomate primum ab author conscr (...)
ou en attachant une importance immodérée à des choses de peu d’influence sur leur santé, ou en craignant des choses qui ne méritent pas d’être craintes, ou en attachant une créance et une confiance inconsidérées à n’importe quel médicament et à n’importe quel ignorant et faisant l’essai de tous, ou au contraire en retirant leur confiance à tous les médicaments et à tous les médecins, même les plus capables, ou en inscrivant dans leur crâne des idées fixes si puissamment enracinées que tous les Cicéron, tous les Démosthène de la terre ne sauraient les leur ôter de la tête, ou de n’importe quelle autre manière propre à chacun, témoignent que l’humeur mélancolique abondant en eux perturbe et empêche en quelque sorte leur esprit sur un point précis ou sur tous à la fois de saisir ce qui est vrai et bon20.
- 21 Nous en avons traité dans Les Tréteaux de Saturne. Scènes de la mélancolie à l’époque baroque, Pari (...)
16Sauf que pour Molière, imputer ces conduites, qui définiraient assez bien le comportement d’Argan, à la bile noire, c’est tout justement « le roman de la médecine ». Il n’est d’ailleurs pas le seul en son temps à mettre en doute ce « roman » et à chercher un passage du Nord-Ouest pour se dégager de l’atrabile obligée : nombre d’esprits pionniers, rendus sceptiques envers le galénisme par les découvertes modernes et ainsi devenus sensibles aux limites herméneutiques des explications par l’humeur noire, sentaient d’intuition depuis la fin de la Renaissance le besoin d’un autre modèle, mieux fondé, pour concevoir ce que nous analyserions sans peine aujourd’hui comme des cas d’autosuggestion fantasmée, ou du moins morbide. Et au premier chef les hallucinations délirantes qui hantent sorcier(e)s et possédé(e)s : renvoyés au rouet du pacte diabolique, de la simulation volontaire ou de la pathologie mélancolique pour expliquer les divagations de religieuses hystériques ou de sorciers persuadés d’être allés au sabbat, plusieurs médecins, moralistes ou juristes, dès la fin de la Renaissance, ont tâché d’ouvrir des voies nouvelles à l’interprétation des délires de l’imagination qui divague, en creusant dans le modèle de la mélancolie hypocondriaque le sillon d’une analyse qui prélude à celles plus tardives de Chicoyneau ou Boissier de Sauvages21.
- 22 Thomas Sydenham, Dissertatio epistolaris ad Guglielmum Cole, Londres, W. Kettilby, 1682, repris dan (...)
17On n’en citera qu’un exemple, parce qu’il est le plus célèbre dans l’histoire médicale et qu’il consone avec le cas d’Argan tout en s’en distinguant : celui du médecin britannique Thomas Sydenham, qui au début des années 1680, dans sa Lettre à Guillaume Cole, combinera les acquis de la physiologie mécaniste et de l’iatrochimie pour renouveler la nosographie de l’hystérie féminine et de son pendant, l’hypocondrie masculine, au terme des réflexions et polémiques suscitées sur le sujet durant les décennies 1660-1680, en s’inscrivant dans le sillage de Thomas Willis, théoricien des maladies du réseau nerveux22. Sydenham décrit l’hystérie naguère attribuée à la bile noire comme un « désordre ou mouvement irrégulier des esprits animaux » émis par le cerveau affaibli. Leurs impulsions désordonnées peuvent susciter dans n’importe quel endroit du corps, pris pour scène des fureurs de l’esprit, des manifestations ou des affections apparemment morbides, en réalité fictives : il s’agit de maladies-Protée, de pathologies-Caméléon, pour reprendre les images de l’auteur, qui font le patient mimer involontairement des souffrances organiques et des désordres physiologiques qu’il ressent mais qui n’ont pas de consistance pathologique et se résorbent dès la crise passée. La moitié des maladies observées par les médecins, selon lui, relèvent de ce théâtre d’ombres qui transforme le corps en scène comique ou tragique pour les intrigues tramées par l’esprit, première victime de sa propre imposture. Comme il fallait pourtant interpréter et justifier par quelque explication physiologique cette dramaturgie psychologique, le médecin novateur impute cet affolement des esprits animaux à la faiblesse constitutive des fibres du cerveau labourées et affaiblies par le ressassement d’une obsession ou d’un chagrin opiniâtres. C’est un retour en cercle vicieux de l’ancienne étiologie organique et physiologique au sein du champ à peine entrevu de la névrose. Il n’empêche que la hardiesse de l’hypothèse, sa phraséologie imagée, l’écho involontaire mais indéniable qu’elle fait pour nous à la maladie imaginaire d’Argan, illustrent le déblocage de la pensée qui se produit alors et que répercute le personnage d’Argan.
- 23 Jean Starobinski a analysé la même contradiction à propos du scepticisme médical de Montaigne, qui (...)
18Revenons en effet à Molière élaborant le cas de son malade imaginaire à partir d’exemples observés ou à partir d’une méditation intime sur son rapport à son propre corps affaibli par la maladie, ou simplement à partir d’une intuition morale au fort ressort comique. Il aura pu appuyer son observation ou son invention, sans bien sûr y acquiescer, sur le socle conceptuel de la mélancolie hypocondriaque dont il avait récité très exactement la doctrine dans Monsieur de Pourceaugnac. Elle affleure implicitement à la surface du diagnostic et du traitement infligés à Argan par ses médecins, même si leur ridicule évident, leurs contradictions et la diatribe de Béralde réputent cela sans ambiguïté pour des billevesées23. Après tout, c’est ce que font Sydenham ou Chicoyneau en glissant leurs pensers nouveaux dans le cadre ancien de la pathologie mélancolique dont ils ne conservent que la forme et le vocabulaire. Reste que ni l’un ni l’autre ne saute déjà le pas d’attribuer la maladie imaginaire à la pensée seule, d’en faire avant l’heure une autosuggestion hallucinée : ils attribuent à la faiblesse de la matière cérébrale, dans une conception mécaniste de la médecine inspirée par la neurologie naissante, l’affaiblissement du jugement qui égare l’esprit du sujet sur l’état ce que lui est le plus proche, de ce que lui est consubstantiel – son propre corps.
19Ce solipsisme distingue la folie d’Argan de toutes celles que la comédie de Molière a débusquées à la pointe de cette épée qu’est le ridicule. Car l’égarement du malade imaginaire ne porte pas sur des objets, des valeurs, des biens, des idées qui demeurent en situation d’altérité par rapport à lui-même, comme le sont pour Cathos et Magdelon la préciosité, pour Arnolphe la fidélité matrimoniale, pour Orgon la dévotion, pour Dom Juan le plaisir sensuel, pour Alceste la sincérité, pour Harpagon l’argent, pour M. Jourdain la naissance aristocratique ou pour Philaminte le savoir, tous figurés ou figurables par des êtres ou des objets extérieurs à eux-mêmes et suscitant leur appétit. L’idée fixe d’Argan le conduit à éprouver intimement une sensation fausse sur son propre corps, l’état et le ressenti de son propre corps, dans le rapport le plus intime qui soit, de soi à soi. Tous les autres s’égarent sur la réalité et la valeur de leur unique objet de convoitise et de culte ; lui s’égare sur la sensation qu’il éprouve au cœur de lui-même. Et l’expliquer, dans les termes où Molière et son époque pouvaient penser cela, relevait presque de l’aporie : comment concevoir intellectuellement la cause raisonnée d’une maladie sans pathologie, d’une rouerie sans mauvaise foi, d’une illusion des sens sur la sensation de soi, quand on ne trouvait pour en rendre compte d’autres voies que la pente incertaine de la mélancolie, en passe sinon en train de faire long feu, ou les intuitions prématurées de la névropathie cérébrale, qui demeure dans les limbes ?
- 24 Voir notre Molière ou l’esthétique du ridicule, Paris, Klincksieck, 1992, 2e éd., « Librairie Klinc (...)
20La réponse à cette énigme herméneutique, nous irons la chercher dans la nature complexe de la lubie que Molière a prêtée à son personnage. Nous avons proposé voici longtemps déjà de distribuer les folies qui rendent ridicules les grands égarés de son théâtre entre les deux pôles de l’égarement et de l’obsession, autrement dit de l’hallucination et de l’illusion, et nous lui avons emprunté les termes de « chimère » et de « marotte » pour désigner respectivement ces désordres24. Comme M. Jourdain, par exemple, associait une marotte aristocratique avec une chimère de métamorphose par la singerie des mœurs de cour d’abord, ensuite par une promotion illusoire en mamamouchi du Grand Turc, de même et plus complètement Argan combine une marotte de la santé et une confiance chimérique en une médecine qui ne l’est pas moins, jusqu’à sa propre métamorphose finale en médecin pour rire qui accomplit la révélation de cet art à son statut de pantalonnade. Mais le personnage d’Argan accomplit ce montage de manière autrement incisive et profonde que celui du Bourgeois gentilhomme : d’abord parce que les profiteurs et mystificateurs qui abusaient M. Jourdain sont devenus ici, en la personne de MM. Purgon ou Diafoirus, les premières victimes, aveugles et opiniâtres, de leur propre imposture ; et que l’hypocondriaque persuadé de la réalité de son « mal », comme il l’appelle, s’est convaincu qu’il est malade et se sent tel, quand M. Jourdain, lui, pouvait tout au plus singer sans l’accomplir un statut que sa naissance, pour jamais, marquerait du sceau de l’approximation. Mais surtout, il appert que la maladie imaginaire d’Argan associe en une circularité parfaite sa marotte de santé et sa chimère de médecine, au point d’inverser en réciprocité l’une en l’autre : son obsession de la santé, sa marotte de médication, s’est tournée en une délectation narcissique et perverse pour le statut de malade (imaginaire), véritable chimère morbide ; en échange, son culte d’un savoir illusoire et chimérique est devenu si obsessionnel qu’il s’est projeté en une marotte « iatrophile » qui ne lui fait voir la réalité qu’à travers le prisme médical et y réduire la diversité du monde et de la vie, en transformant sa femme en garde-malade, en donnant sa fille à un carabin, en s’entourant de médicastres et en finissant par se métamorphoser en médecin de pacotille.
- 25 Par Thomas Willis dans le De Cerebri anatome: cui accessit nervorum descriptio et usus, Londres, ty (...)
- 26 « La nature d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est to (...)
21Et c’est dans cette conjonction sans préséance entre maladie et médecine, tout aussi imaginaires l’une que l’autre, que nous irons donc chercher la clef de son personnage. L’agent pathogène sans être pathologique qui expliquera sa toquade, le responsable de sa maladie imaginaire, qui tient sur la scène comique l’emploi du Prince des ténèbres chez les inquisiteurs, la fonction de la bile noire dans le roman antique et moderne de la médecine ou le rôle de la matière cérébrale aux fibres affaiblies chez les novateurs, experts en la toute récente « neurologie » (le terme venait d’être forgé25) – ce noir suborneur de la santé rationnelle et morale d’Argan, ce sera tout simplement son médecin, de noir vêtu comme un démon, de propos délétère et acide comme l’atrabile et responsable de la faiblesse mentale du bonhomme par l’obsession de la maladie que suscite sa présence permanente et débilitante. Par rapport au modèle médical de la mélancolie hypocondriaque sur lequel a pu être structuré faute de mieux le cas d’Argan, la comédie a opéré deux révisions radicales : elle montre un Argan heureux dans son angoisse, heureux de son angoisse, qui se veut malade et en jouit ; et elle reporte la cause du mal sur le médecin : si la plupart des hommes meurent de leurs remèdes, comme le professe Béralde26, n’est-ce pas aussi qu’ils sont malades de la médecine – de leur médecin ? Le cercle vicieux de la maladie et de la médecine imaginaires, bouclé par la comédie, se projette dans la réalité sous la forme d’un autre, qui tient un peu de la magie et qu’illustre la conviction de bien des patients réellement malades : rendre leur médecin et la médecine responsables du mal qui ne veut pas guérir. Dès lors, supprimons les médications et nous guérirons par le seul effet de la nature… C’est la leçon extrême de Béralde, c’est le rôle de pharmakos rempli par Argan et c’est un argument bien éloquent en faveur de l’hypothèse que Le Malade imaginaire fut écrit par un malade bien réel, vaincu et emporté par son rôle.
22Demeure une certitude : c’est que la poésie pense, en parallèle à la science ou à la philosophie, selon ses modalités propres. Complétant et devançant même la nosographie la plus pionnière de son temps, la « maladie des médecins » dont souffre Argan débusque par anticipation ce qu’on nomme aujourd’hui l’effet potentiellement nocebo des traitements médicaux. Quant au remède qui lui est appliqué, lui aussi est tout poétique : c’est le rire, qui détruit l’illusion de la maladie par celle de la médecine ramenée à son statut carnavalesque. Après la consultation guignolesque de Toinette déguisée, le divertissement final constitue la parousie des deux illusions ramenées chacune à l’inanité de l’autre : la métamorphose du malade imaginaire en médecin imaginaire boucle le cercle, le serpent se mord la queue. Cet achèvement de la comédie par le spectacle opère la visualisation de l’idée, incarne en théâtre total la résolution de la question intellectuelle, morale, psychologique et anthropologique posée par la pièce, en pulvérisant chacune des deux illusions par l’autre sous la forme d’un éclat de rire parodique et régénérateur. En renvoyant l’une à l’autre médecine et maladie imaginaires, le divertissement final incarne scéniquement l’effet de pensée et d’action du rire comique dont la portée qu’on disait alors morale, qu’on dirait aujourd’hui anthropologique, atteint à la vertu intellectuelle et herméneutique de la plus haute poésie, celle qui tutoie la science.
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Notes
An Ægrotantes Imaginarii sola diversitate idearum, rejecto omni Remediorum apparatu, sanandi sunt, Montpellier, Vve Honorat Pech, 1723. Thèse soutenue par Georges Imbert sur un développement composé par François Chicoyneau.
« Hic tractandum suscipimus hanc speciem Melancholiæ, qua qui laborant, sani licet et optime valentes, se tamen vel ad leves quosdam corporis affectus, et præsertim momentaneos capitis succussus, gravi quodam lethalique morbo correptos firmiter arbitrantur ; seu qui fugaces quasdam et exiguas prorsus infirmitates, quibus humana natura communiter subjicitur, velut insignia metuendaque malorum genera considerantes, ultimum sibi quolibet instanti fatum imminere reputant, perindeque vel gemebundi, querulo sermone medicam opem implorare, vel sortem suam tanquam desperatam in solitudine, tristibus et profundis meditationibus quasi sepulti, deflere numquam desinunt, nunc vero ad eam quam tantopere reformidant ægritudinem abigendam, pravum quoddam et insulsum vitæ genus eligere consueverunt : Quos omnes, Ægrotantes imaginarios cum vulgo lubet nuncupare. » Ibid., p. 1-2. Notre traduction.
François Boissier de Sauvages, Nosologia methodica sistens morborum classes, genera et species, juxta Sydenham mentem et Botanicorum ordinem, Amsterdam, De Tournes, 5 tomes en 10 vol, 1763. Traduction consultée : Nosologie méthodique ou distribution des maladies en classes, en genres et en espèces, suivant l'esprit de Sydenham et la méthode des Botanistes… traduite sur la dernière édition latine par M. Gouvion, Lyon, Jean-Marie Bruyset, 10 vol., 1772, t. VII, classe VIII, « Folies. Délires. Mélancolie », 4. « Melancolia argantis », p. 352-357, p. 352-353.
Ibid., p. 353.
Ibid., p. 356-357.
« Le Malade imaginaire de Molière, chef-d’œuvre de comique, ne représente qu'une ébauche imparfaite si on le compare avec le morose hypocondriaque, qui réalise sur lui-même toutes les maladies dont on parle et qu'il trouve décrites dans les livres de médecine, qui passe tour à tour d’un éclat de joie convulsive et instantanée, au dernier degré d’abattement et de désespoir, et qui présente alors, non un objet ridicule, mais le spectacle touchant d’un homme toujours souffrant au moral comme au physique, et toujours voisin d’un égarement complet de la raison. » Philippe Pinel (1745-1826), Nosographie philosophique, Paris, Marandan, 2 vol., an VI (1798) ; 5e éd. augmentée, Paris, 1813, 3 vol. Ordre second des « Névroses », deuxième sous-ordre, genre XIII : « Hypochondrie », § III : « Traitement de l'hypocondrie », t. III, p. 89. Sur les textes qui viennent d’être évoqués, on verra notre Molière et la maladie imaginaire ou de la mélancolie hypocondriaque. (La Médecine et la maladie dans le théâtre de Molière-2), Paris, Klincksieck, « Bibliothèque française et romane », 1998, p. 695-710. Repris dans Le « cas » Argan. Molière et la maladie imaginaire, Paris, Klincksieck, « Jalons critiques », 2006, p. 421-436.
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, I, 5 et 8 dans Molière, Théâtre complet, éd. Charles Mazouer, Paris, Classiques Garnier, 5 vol., 2016-2021, t. IV, 2021, p. 222 et 230-231. Sauf indication contraire, toutes les références à Molière renvoient à cette édition.
Sur la nosographie de la mélancolie hypocondriaque, on verra notre Molière et la maladie imaginaire, p. 109-136, repris dans Monsieur de Pourceaugnac ou le carnaval des fourbes, Paris, Klincksieck, « Jalons critiques », 2006, même pagination.
Molière, L’Amour médecin, II, 5, t. III, p. 71.
Ibid.
Ibid., III, 6, p. 85.
Felix Lope de Vega Carpio, Comedia famosa del Acero de Madrid, 1618. Éd. et trad. Aline Bergounioux, Jean Lemartinel et Gilbert Zonana, El Acero de Madrid. L'Eau ferrée de Madrid, Paris, Klincksieck, 1971. Nous avons développé l’analyse de ces sources et modèles ibériques et italiens dans Sganarelle et la médecine ou de la mélancolie érotique. (La Médecine et la maladie dans le théâtre de Molière-1), Paris, Klincksieck, « Bibliothèque française et romane », 1998. Partiellement repris dans L’Amour médecin de Molière ou le mentir-vrai de Lucinde, Paris, Klincksieck, « Jalons critiques », 2006. Voir aussi, dans le présent numéro, les contributions de Christophe Couderc et Cécile Berger.
Charles Le Boulanger de Chalussay, Élomire hypocondre ou les médecins vengés, 1670. Éd. Georges Couton, Œuvres complètes de Molière, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2 vol., 1971, t. II, p. 1231-1286.
Le Malade imaginaire, I, 5, t. V, p. 809.
Lucien Febvre, Le Problème de l’incroyance au XVIe siècle. La religion de Rabelais, Paris, Albin Michel, « Bibliothèque de synthèse historique », 1942. Michel Foucault, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des Sciences humaines », 1966.
Le Malade imaginaire, I, 1, t. V, p. 795-796.
Ibid., III, 6, p. 953.
Ces cas sont répertoriés notamment par André Du Laurens, à la charnière entre XVIe et XVIIe siècles, dans son Discours des maladies mélancoliques et du moyen de les guérir (1594). On trouvera les références antiques de ces exemples topiques dans l’édition de ce texte par Radu Suciu, Paris, Klincksieck, « Le génie de la mélancolie », 2012, p. 45-46, n. 2 et 3.
Jonathan A. Tobert et Connie B. Newman, « The nocebo effect in the context of statin intolerance », Journal of Clinical Lipidology, vol. 10, fasc. 4, août 2016, p. 739–747. Michel de Montaigne, Essais, i, xxi, « De la force de l’imagination ». Robert Burton, The Anatomy of Melancholy, Oxford, 1621, rééd. New York, Empire State Book Co., 1924, p. 168. Henry K. Beecher, « The powerful placebo », Journal of the American Medical Association, vol. 159, no 17, 24 décembre 1955, p. 1602-1606.
Paolo Zacchia, De Affectionibus hypocondriacis libri tres, italico idiomate primum ab author conscripti, nunc in latinum translati ab Alphonso Khonn,1ère éd. (en italien), 1639, 2e éd. augmentée du livre III, 1644. Nous citons (en la traduisant en français) la traduction latine d’Alphons Khonn, Augsbourg, Vve Görlin, 1671, liv. ii, ch. xxv, p. 540-541.
Nous en avons traité dans Les Tréteaux de Saturne. Scènes de la mélancolie à l’époque baroque, Paris, Klincksieck, « Le génie de la mélancolie », 2003, chap. VII, p. 223-262.
Thomas Sydenham, Dissertatio epistolaris ad Guglielmum Cole, Londres, W. Kettilby, 1682, repris dans les Opera medica, Genève, De Tournes, 2 vol., 1749, t. I, p. 230-284.
Jean Starobinski a analysé la même contradiction à propos du scepticisme médical de Montaigne, qui doit user, faute de mieux, des modèles et des instruments intellectuels d’un savoir contemporain qu’il tient néanmoins pour trompeur et aberrant (Montaigne en mouvement, Paris, Gallimard, 1982).
Voir notre Molière ou l’esthétique du ridicule, Paris, Klincksieck, 1992, 2e éd., « Librairie Klincksieck », 2002.
Par Thomas Willis dans le De Cerebri anatome: cui accessit nervorum descriptio et usus, Londres, typ. J. Flesher, imp. J. Martyn et J. Allestry, 1664.
« La nature d’elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée. C’est notre inquiétude, c’est notre impatience qui gâte tout, et presque tous les hommes meurent de leurs remèdes, et non pas de leurs maladies. » Le Malade imaginaire, III, 3, t. V, p. 935.
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