Introduction
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- 1 Jules Romains, Knock, II, 1, Paris, Gallimard, 1924, collection Folio, 1972, p. 62.
- 2 Ibid., I, scène unique, p. 31.
- 3 Ibid., didascalie liminaire de l’acte III, p. 110.
1Le 15 décembre 1923 était créée à la Comédie des Champs-Élysées, dans une mise en scène de Louis Jouvet, la pièce la plus célèbre de Jules Romains : Knock ou le triomphe de la médecine. Bien loin du comique de la réplique devenue culte « Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous gratouille ?1 », il s’agissait d’une pièce grinçante, qui présentait la médecine comme une pratique fondamentalement lucrative, où l’intérêt du malade est subordonné à celui du médecin. Romains y dressait le portrait en acte d’un homme au cynisme froid dont la devise est « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent2 » et qui parvient à convaincre la population du canton où il s’installe du bien fondé de ses méthodes et de la nécessité de créer une clinique rutilante où s’étalent « les nickels, les ripolins et les linges blancs de l’asepsie moderne3 ».
- 4 Molière, Le Malade imaginaire, III, 3, dans Œuvres complètes, dir. Georges Forestier et Claude Bour (...)
2Un siècle plus tard, on célébrait dans le monde entier le quatrième centenaire de la naissance du dramaturge que ses contemporains considéraient à ce point comme le spécialiste de la satire de la médecine que, dans Le Malade imaginaire, Béralde proposait à son frère Argan, pour le « désennuyer », de le « mener voir un de ces jours représenter une des Comédies de Molière sur [le] sujet [de la médecine]4 ».
3Trois ans avant cet événement, la maladie et la médecine s’étaient installées au cœur de nos vies avec l’épidémie de Covid-19. L’ensemble de l’humanité était susceptible d’être contaminée et de diffuser le virus, bien portants comme « personnes à risque » rapidement sommés de se faire vacciner et, quelles qu’aient été alors l’urgence sanitaire et la réalité des risques, la question pouvait se poser de la part des intérêts financiers et politiques qui commandaient les décisions imposées et de l’indépendance de la médecine à l’égard de l’industrie pharmaceutique mondiale. Mais Molière n’était plus là et personne ne composa alors de comédie pour incarner ces enjeux et tenter d’opérer une catharsis par le rire.
4C’est, en tout cas, dans ce contexte très particulier qu’est né le colloque-festival sur les scènes de médecine destiné à célébrer Molière en cette année du quadricentenaire de sa naissance. Organisé par l’Institut de recherche sur la Renaissance, l’âge Classique et les Lumières (IRCL, UMR 5186 sous la triple tutelle du CNRS, de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 et du ministère de la Culture), en partenariat avec la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, Le Printemps des comédiens, festival international de création théâtrale à Montpellier, et la Faculté de médecine de Montpellier, il s’est tenu du 26 au 28 mai 2022. Cette collaboration institutionnelle s’est d’emblée imposée. La première édition du Printemps des comédiens en 1987 fut en effet dédiée à Molière et Le Malade imaginaire y fut joué. Modèle et pilier du théâtre populaire défendu par le festival, le dramaturge est resté, avec Shakespeare, l’un des auteurs qui y est le plus souvent programmé. Le sujet, à la croisée du théâtre de l’époque moderne et des humanités en santé, s’avérait tout aussi pertinent pour l’IRCL qui développe d’une part la recherche-création sur des corpus européens du XVIe au XVIIIe siècles, notamment dans le cadre de son dispositif « Résidences d’artistes en laboratoire scientifique », et avec le soutien du ministère de la Culture, d’autre part un pôle de recherche émergent en « Humanités, médecine, santé » au prisme de cette même période historique. Le partenariat avec la Faculté des Lettres de Sorbonne Université a permis à la communauté de chercheurs et d’artistes réunis d’échanger autour du Malade imaginaire, création 2022 du « Théâtre Molière Sorbonne » dirigé par Georges Forestier, dans une mise en scène historiquement informée. Enfin, le partenariat patrimonial et scientifique avec la Faculté de médecine de Montpellier, plus ancienne faculté de médecine toujours en exercice en Europe puisqu’elle a fêté ses 800 ans en 2020, visait à valoriser son patrimoine unique (musée d’anatomie, archives et fonds anciens) en lien avec Molière, dont les pièces à sujet médical se nourrissent des controverses doctrinales qui opposent les facultés de médecine de Paris et de Montpellier dès la fin du XVIe siècle. Le prestige de la Faculté de Médecine de Montpellier apparaît d’ailleurs dans la gravure anonyme du XVIIe siècle, « Habit de médecin », conservée au Musée Carnavalet et mise à l’honneur en couverture de ce numéro d’Arrêt sur scène. Trois noms sont inscrits au bas de la robe qui y est représentée : Gordon (Bernard de Gordon), Arnaud (de Villeuneuve), Joubert (Laurent), tous trois médecins du Moyen Âge et du XVIe siècle représentatifs de l’École de Montpellier.
5Le présent numéro est issu du dialogue croisé entre chercheurs et artistes qui a eu lieu à Pézenas et Montpellier durant ce colloque-festival. Les thèmes de la maladie et de la médecine offraient une prise singulière sur l’œuvre de Molière, permettant d’évaluer son éventuelle actualité et de voir si le dramaturge pouvait nous aider à penser notre présent. Entre le début des années 1660 et l’année 1673, Molière a, en effet, composé quatre comédies (Le Médecin volant, L’Amour médecin, Le Médecin malgré lui et Le Malade imaginaire) dans lesquelles la médecine constitue un motif structurant, fournissant personnel et actions dramatiques ainsi que scènes topiques. À ces quatre « comédies médicales » s’ajoutent deux autres pièces qui comportent une séquence médicale d’amplitude variée, Le Festin de Pierre (connue plus tard sous le titre de Dom Juan) et Monsieur de Pourceaugnac. Comédies-ballets ou pièces exclusivement parlées, en un ou trois actes, ces comédies constituent un ensemble, voire un cycle parfaitement reconnaissable et doté d’une cohérence et d’une unité remarquables, qui tiennent à des raisons tant thématiques que dramatiques. Elles mettent en débat les conceptions contemporaines en matière de médecine et proposent aux spectateurs des schémas comiques, des types de scènes et de personnages qui proviennent des dramaturgies espagnole et italienne et dont les adaptateurs et imitateurs de Molière, en France, en Angleterre et dans l’Europe entière, s’inspireront ou s’émanciperont.
6Il semblait dès lors pertinent de chercher à évaluer jusqu’à quel point Molière était redevable, pour la composition de ses scènes de médecine, à des traditions théâtrales antérieures, mais aussi jusqu’à quel point il avait influencé après sa mort, en France et dans l’espace européen, les pièces médicales ou mettant en scène des médecins et des malades. On pouvait, par ailleurs, se demander quelle était la singularité du propos de Molière sur la médecine et la maladie au regard de celui de ses contemporains, mais également quelles étaient les raisons qui expliquaient la multiplication, en France et dans toute l’Europe, des pièces à sujet médical, aux XVIIe et XVIIIe siècles et dans quelle mesure ces pièces offraient une représentation des débats médicaux contemporains ou de la médecine du temps.
- 5 On pourra également citer, même s’il ne s’agit pas d’un ouvrage scientifique Molière, L’Amour médec (...)
7Ces interrogations font écho à celles qui sont au cœur d’un nombre toujours plus important de travaux, monographies, ouvrages collectifs ou anthologies de textes littéraires et médicaux, tant les relations entre littérature et médecine intéressent les chercheurs, depuis plusieurs décennies mais plus encore aujourd’hui. Pour l’époque moderne, on peut songer, aux côtés d’anthologies ou de bibliographies telles que les textes sur l’hystérie réunis par Jean-Christophe Abramovici (Les Hystériques. En attendant Freud, Paris, Jérôme Million, 2022) ou ceux sur l’obstétrique auxquels s’est intéressée Valérie Worth-Stylianou (Les Traités d’obstétrique en langue française au seuil de la modernité. Bibliographie critique des Divers travaux d’Eustache Rösslin (1536) à l’Apologie de Louise Bourgeois sage-femme (1627), Genève, Droz, 2007), à l’ouvrage de Jérôme Laubner sur la vérole (Vénus malade. Représentations de la vérole et des vérolés dans les discours littéraires et médicaux en France, (1495-1633), Genève, Droz, 2023) ainsi qu’au numéro de la Revue d’histoire littéraire de la France intitulé « Littérature et médecine (XVIe-XXe siècles). Les mots et les maux » (4-2020). Concernant les rapports entre littérature et médecine en Grande-Bretagne, on peut citer les travaux de Sophie Vasset, qu’il s’agisse de Décrire, Prescrire, Guérir (Hermann, 2011), de l’histoire culturelle des eaux thermales (Murky Waters, Manchester University Press, 2022), ou encore de l’histoire et la représentation du ventre et des viscères (Bellies, Bowels and Entrails in the Eighteenth Century, avec Sylvie Kleiman-Lafon et Rebecca Anne Barr, Manchester University Press, 2017). On peut y ajouter le numéro de la revue Études anglaises consacré aux « notions épidémiques » (1-2022), également coordonné par Sophie Vasset, et qui fait la part belle à l’époque moderne, et le numéro de la revue Études Epistémè sur La Guérison dans la Grande-Bretagne de la première modernité (XVIe-XVIIIe siècles) co-dirigé par Paula Barros et Florence March, à paraître en 2024. Les relations entre théâtre et médecine, la manière spécifique dont le théâtre représente la médecine et les professions et pratiques qui lui sont apparentées, mais aussi la théâtralité ou la théâtralisation de la médecine font l’objet de deux ouvrages collectifs récents : Théâtre et médecine. De l’exhibition spectaculaire de la médecine à l’analyse clinique du théâtre (dir. Florence Filippi et Julie de Faramond, Épistemocritique, « Actes de colloques », 2016) et Théâtre et charlatans dans l’Europe moderne (dir. Jennifer Ruimi, Éric Négrel et Beya Dhraïef, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, collection Registres, 2018). Quant à la critique relative aux comédies moliéresques à sujet médical, à leurs sources, à leur fonctionnement comme à leur interprétation, elle doit beaucoup aux travaux de Patrick Dandrey (La Médecine et la maladie dans le théâtre de Molière (t. I : Sganarelle et la médecine ou De la mélancolie érotique ; t. II : Molière et la maladie imaginaire ou De la mélancolie hypocondriaque), Paris, Klincksieck, 1998) mais aussi au renouvellement du discours sur l’hétérodoxie moliéresque tel qu’il se donne à lire notamment dans le Molière dramaturge libertin d’Anthony McKenna (Paris, Champion, collection Essais, 2005) et dans l’édition des Œuvres complètes du dramaturge dirigées par Georges Forestier et Claude Bourqui (Paris, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 2010)5.
8La singularité du présent numéro tient toutefois à la dimension européenne de l’enquête, mais aussi à l’échelle à laquelle nombre de contributions analysent les pièces à sujet médical, à savoir celle de la scène et, en l’occurrence, de ce que l’on peut définir comme une scène de médecine. Elle tient en outre à la place qu’on a voulu donner à Molière, comme passeur entre une tradition théâtrale qui lui préexiste et un corpus européen qui s’élabore après sa mort et jusqu’à la fin du XVIIIe siècle.
9Or ni le théâtre de Molière ni celui de ses devanciers et continuateurs ne s’écrivent en dehors du réel et, en l’occurrence, d’un paysage médical en mutation.
I. Un paysage médical en mutation
10C’est ce que montre la contribution d’Évelyne Berriot-Salvadore, qui rappelle que si le XVIe siècle a tenté d’ordonner les nombreux « ordres soignants » (Ambroise Paré), en définissant des hiérarchies entre corps et en condamnant l’exercice illégal de la médecine, les luttes entre les trois groupes professionnels essentiels que sont les chirurgiens, les apothicaires et les médecins, se poursuivent à l’époque de Molière. La médecine traditionnelle, qui recommande de saigner et de purger, s’efforce en outre de résister au développement de la pharmacopée, tandis que les facultés de Paris et de Montpellier, mais également les médecins de la Faculté et ceux de la Cour se querellent avec virulence. Par ailleurs, les savoirs médicaux et les découvertes récentes – comme celle, essentielle, de la circulation du sang par Harvey en 1628 – trouvent dans les cercles savants et les milieux mondain de nouveaux espaces de discussion et de diffusion, ce qui n’a bien sûr pas échappé à Molière et à ses contemporains et qui nourrit leur théâtre. De tels infléchissements affectent d’autres pays, comme le rappellent localement certaines contributrices : en Angleterre, après la création du College of Physicians en 1518, un événement décisif sur le plan institutionnel est, en 1660, la fondation de la Royal Society for the Improvement of Natural Knowledge, dont de nombreux médecins du College of Physicians deviennent membres (Florence March et Alice Marion-Ferrand). Dans le Portugal du XVIIIe siècle, de nouvelles techniques comme la iatromécanique ou l’inoculation de la variole ont des répercussions dans les pièces à sujet médical, tout comme la tentative de réforme du cursus médical à l’université de Coimbra en 1772 (Marie-Noëlle Ciccia). La littérature médicale n’est, de son côté, pas imperméable à la fiction théâtrale, et tout particulièrement moliéresque : Patrick Dandrey, qui analyse depuis plusieurs décennies le dialogue entre le théâtre de Molière et la médecine, étudie ainsi l’entrée en médecine du concept de « maladie imaginaire » au début des années 1720, maladie sans maladie, fondée sur une disjonction entre le corps et l’esprit, catégorie qui se précise en 1763 avec la description de la « melancholia argantis » dans la Nosologie de Boissier de Sauvages. Il confronte ce faisant le savoir médical relatif à cette « vraie » maladie imaginaire aux « fausses » maladies imaginaires ainsi qu’aux représentants d’une médecine imaginaire qui peuplent le théâtre de Molière.
11Pour compléter ce paysage, une lecture-promenade sur le thème « Molière et la littérature médicale » a convié le public à revisiter le site historique de la Faculté de médecine en faisant dialoguer patrimoine matériel et immatériel. Conçue par Évelyne Berriot-Salvadore et Béla Czuppon, elle a pris forme au cours d’une résidence de la compagnie de théâtre La Baignoire à l’IRCL. C’est également dans le cadre du partenariat patrimonial et scientifique de l’IRCL avec la Faculté de médecine de Montpellier, noué grâce à Évelyne Berriot-Salvadore, que s’est tenue dans le même temps l’exposition « Livres et instruments de médecine au temps de Molière ». Issue de la collaboration du service de coopération documentaire interuniversitaire, de la Bibliothèque universitaire historique de médecine et du Musée de la pharmacie Albert Ciurana, elle invitait à imaginer le contexte médical de la Renaissance et de l’époque moderne à partir d’amorces fournies par des objets, des textes et des gravures.
II. Les scènes médicales dans le théâtre européen avant Molière
12Qu’en est-il de l’exploitation dramatique de ce contexte médical en France et en Europe ? Si Molière, familier des cercles médicaux et des controverses qu’ils entretiennent, s’en inspire directement pour ses comédies à sujet médical, il puise également dans l’héritage dramatique européen. Les quatre études panoramiques qui composent cette section proposent de traverser les corpus dramatiques italien (Patrizia de Capitani et Cécile Berger), espagnol (Christophe Couderc) et britannique (Janice Valls-Russell) de la fin du XVIe et du premier XVIIe siècle par le prisme de la figure du médecin. Il en découle plusieurs constats qui invitent, sinon à renouveler le discours scientifique sur les scènes médicales du théâtre européen avant Molière et leur influence sur sa comédie, du moins à le mettre en perspective et à le préciser. S’il est acquis que le théâtre italien, notamment la commedia dell’arte, et le théâtre du Siècle d’Or espagnol constituent un réservoir de personnages, de ressorts et de situations comiques, de lazzi et de clichés rhétoriques que Molière et ses contemporains empruntent et adaptent pour la scène française, il s’avère que les manifestations dramatiques et spectaculaires du sujet médical sont relativement peu différentes en Angleterre. Les représentations du médecin et de la médecine relèvent ainsi d’une culture européenne commune, dont les conventions et lieux communs sont retravaillés en fonction des singularités des auteurs, des dramaturgies et des scènes nationales, comme des horizons d’attente des publics.
13La fonction du médecin étant encore mal définie au XVIe et dans le premier XVIIe siècle, il en découle une plasticité du personnage et des situations qui l’impliquent. Dans les corpus britannique, italien et espagnol, la figure du médecin se diffracte dans une constellation de personnages qui inclut le pédant (le dottore dans la commedia dell’arte), le « physicien » (fisico en Italie, physician en Angleterre), le charlatan, le nécromant, l’apothicaire et l’arracheur de dents. La dimension protéiforme du médecin va de pair avec sa dilution dans l’économie dramatique et scénique des pièces. Qu’il s’agisse du théâtre italien, espagnol ou anglais, la figure du soignant, ou son envers, l’imposteur, reste cantonnée à un rôle secondaire. Les scènes à sujet médical constituent des développements ponctuels de l’intrigue, qu’il s’agisse de la commedia erudita ou de la commedia dell’arte en Italie, du théâtre bref (l’entremès) ou long (la comedia) du Siècle d’or espagnol. Le médecin se caractérise à la fois par une présence relativement faible dans les pièces, toutes catégories génériques confondues, et par le fait qu’il est source de comique.
14Selon Patrizia de Capitani, le type du médecin, reconnaissable par son costume et sa rhétorique conventionnels établis par la commedia dell’arte, apparaît sur la scène régulière italienne dans les années 1550. Le médecin fait ainsi une brève apparition dans Lo Ipocrito de l’Arétin, jouée à Venise en 1542, puis tout au long de Gl’Inganni de Niccolò Secchi, qu’il était prévu de représenter à Milan devant Philippe II d’Espagne en 1548. Il est alors bien caractérisé, même s’il ne possède pas encore de nom propre. De manière générale cependant, le médecin reste un personnage marginal, source d’un comique bas et codifié. Il est ainsi prétexte à des développements scatologiques, lorsqu’il s’agit d’examiner l’urine et les selles des patients, et sexuels, lorsque des personnages se déguisent en médecin pour vivre leurs amours clandestines, le masque révélant parfois paradoxalement des troubles de la sexualité.
15Dans ce contexte, Cécile Berger opère un plan rapproché sur le masque du dottore dans la commedia dell’arte des XVIe et XVIIe siècles en prenant l’exemple du Dottor Graziano dans Il Teatro delle favole rappresentative, volume de canevas publié par Flaminio Scala en 1611. Cet essai de typologie vise à établir la grammaire comique verbale et scénique du masque pédant et ridicule, cible de la satire. Il s’avère que le dottore ne relève pas de la figure du médecin stricto sensu. Prenant plutôt pour modèle le médecin de rue, il se décline en savant, nécromant ou charlatan. Pour Cécile Berger, l’association de la médecine et de la fiction théâtrale dans ces canevas résulte d’une rencontre urbaine bien réelle entre deux groupes sociaux qui ont partie liée dans l’illusion : les comédiens des places publiques et l’arracheur de dents usant de remèdes miraculeux.
16La scène espagnole du Siècle d’Or joue de ressorts satiriques, burlesques et farcesques similaires pour représenter le médecin, comme le montre le portrait-robot, modulable selon les auteurs, les pièces et les catégories génériques, qu’en trace Christophe Couderc. Là encore, le médecin se voit cantonné à des rôles secondaires dans les intrigues, probablement du fait de son statut professionnel et en dépit de la professionnalisation du théâtre à la fin du XVIe siècle. Le personnage est employé à faire rire, le rôle échouant donc systématiquement au valet comique, le gracioso. Christophe Couderc postule que cette assignation au comique est héritée de l’entremès, qui informe significativement la culture théâtrale commune, en particulier la comedia. C’est dans les conventions de l’entremès que la comedia puise les caractéristiques scéniques du médecin, tels sa barbe et les objets qui lui sont associés, et les situations dramatiques qui l’impliquent, par exemple les scènes de consultation à connotation érotique. Jargonnant, ignorant et cupide, généralement âgé – la barbe le qualifiant de barbon – le personnage campe paradoxalement un médecin qui tue. Dans ce panorama des scènes de médecine du théâtre du Siècle d’Or, Christophe Couderc met en exergue deux pièces, El amor médico de Tirso de Molina et El médico de su honra de Calderón de la Barca, où la médecine joue un rôle structurel qui dépasse les stéréotypes pour inviter le spectateur à réfléchir à l’institution médicale, à la fonction sociale du médecin et à ses pratiques, et à la place des femmes dans la profession. Il montre les liens directs entre le répertoire espagnol et celui de Molière, à travers une séquence de la seconde journée de La venganza de Tamar de Tirso de Molina qui inspire au dramaturge français deux scènes de L’Amour médecin.
17Explorant un vaste corpus de pièces de la Renaissance anglaise composées entre 1580 et 1610 par Thomas Middleton, Christopher Marlowe, George Chapman et William Shakespeare, Janice Valls-Russell propose une typologie des scènes de médecine axée autour de trois grandes catégories : les scènes d’imposture qui se trament autour d’un faux médecin, d’un faux patient ou d’un malade malgré lui ; celles qui constatent l’impuissance de la médecine ; celles, enfin, qui promeuvent une médecine réparatrice. Ces scènes ont pour point commun la figure du médecin autour desquelles elles s’organisent et qu’elles diffractent, contribuant à définir ce que l’on pourrait appeler une dramaturgie européenne de la figure médicale. Janice Valls-Russell rappelle fort justement l’héritage classique du théâtre européen des XVIe et XVIIe siècles qui puise notamment dans le répertoire comique de Plaute. Comme dans les pièces italiennes et espagnoles, le motif médical revêt sur les scènes anglaises une dimension métathéâtrale qui nourrit la satire. Pseudo-médecins et pseudo-patients changent d’identité, usant de masques et de déguisements dans un jeu de rôles qui frappe d’illusion l’univers médical tout entier. Le monde de la médecine n’est donc pas seulement représenté comme fictionnel, il est dénoncé comme fictif. La figure du médecin impuissant n’est qu’une autre déclinaison de la satire médicale à l’œuvre dans ce corpus de scènes. Pourtant, au-delà du comique qu’elle suscite le plus souvent, la figure du médecin a parfois valeur de métaphore, tantôt du souverain au chevet de son royaume, tantôt de l’illusionniste, de l’homme de théâtre qui purge et restaure par la catharsis tragique ou comique, là où le médecin échoue. Le personnage du médecin thaumaturge n’est-il pas une célébration de l’art du théâtre qui met en exergue davantage encore dans ces scènes l’imposture de la médecine ?
III. La comédie médicale chez Molière et ses contemporains
18Consacrées pour l’une aux scènes de médecine chez les contemporains de Molière, pour l’autre aux scènes de médecine moliéresques, les contributions de Lise Michel et de Bénédicte Louvat peuvent se lire en regard l’une de l’autre. Lise Michel recense ainsi, dans le théâtre français parlé des années 1640-1690, 28 pièces comportant des scènes de médecine. Il s’agit majoritairement de comédies, qui présentent plusieurs configurations selon que l’on a affaire à de vrais ou de faux malades et à de vrais ou de faux médecins. Ces scènes font place à des motifs récurrents, qu’il s’agisse de la prise de pouls, de l’évocation des matières ou du recours au latin macaronique. Elles entretiennent en outre des liens réguliers avec l’actualité médicale et il y est donc question de la circulation du sang, des débats autour de l’antimoine et de l’opposition entre la médecine empirique et la médecine officielle ou la médecine chimique et la médecine galénique.
19En apparence, rien ne distingue vraiment ces scènes de médecine de celles que l’on trouve dans les six pièces de Molière déjà nommées. Mais précisément, et comme le montre Bénédicte Louvat, la singularité moliéresque tient d’abord au nombre de comédies médicales ou à séquence médicale de son œuvre. Elle s’explique en outre par l’absence de vrais malades, auxquels se substituent de faux malades ou des malades par force ; face à eux se dressent de vrais ou de faux médecins, mais la configuration privilégiée par le dramaturge est celle qui confronte de vrais médecins à de faux malades, comme dans L’Amour médecin ou Le Malade imaginaire. Enfin et surtout, la singularité la plus remarquable est d’ordre idéologique, et tient au recouvrement du thème de la médecine par celui de la religion, consécutif à l’interdiction des représentations du Tartuffe en 1664. Pour Molière, la médecine est, avec la religion, l’une des plus grandes impostures qui soient parmi les hommes.
20Cette originalité de la voix moliéresque se fait entendre au sein de la querelle des Anciens et des Modernes, comme l’analyse Léo Stambul. La querelle ne commence véritablement qu’après la mort de Molière, mais ses protagonistes, en l’occurrence Boileau et Perrault, tentent d’y annexer Molière. Or si le dramaturge ne cesse de pourfendre les Anciens, à l’instar de Perrault et du camp des Modernes, il n’est pas pour autant un défenseur de la médecine moderne, et pourrait reprendre à son compte un certain nombre des traits lancés par Boileau dans son Arrêt burlesque. C’est que Molière professe un scepticisme radical à l’égard de tout savoir dogmatique et qu’avec lui, ce sont les coordonnées de la querelle sur la modernité médicale qui se déplacent, quittant le champ du rapport au savoir, qu’il soit ancien ou moderne, pour celui du rapport au réel.
21Parce qu’elle est l’œuvre testament de Molière, parce qu’elle synthétise tous les traits de la satire de la médecine essaimés dans l’œuvre depuis près de dix ans, parce qu’elle compte le plus grand nombre de médecins de tout son théâtre, parce que son auteur est mort au sortir de sa quatrième représentation, Le Malade imaginaire occupe une place de choix dans le corpus des pièces médicales et, partant, dans le présent numéro. Georges Forestier retrace l’aventure éditoriale de la pièce, dont le texte était en phase de rodage au moment de la mort de Molière, en montrant que le « vrai » Malade imaginaire, publié à partir des manuscrits des acteurs et le plus proche de la version jouée en février 1673, est celui qui a été édité en 1675 avec l’autorisation d’Armande Béjart, et non la version de 1682, parue dans les œuvres posthumes du dramaturge et présentée pourtant comme la seule authentique. Judith le Blanc et Jacqueline Razgonnikoff s’intéressent quant à elles au traitement que les metteurs en scène ont réservé, depuis les années 1990, aux intermèdes de cette comédie-ballet. Alors qu’on a longtemps joué la pièce sans son prologue et en substituant des compositions originales à la musique de Charpentier, un mouvement a été initié en 1990 par le trio formé par Jean-Marie Villégier, William Christie et Francine Lancelot, qui reviennent à la musique de Charpentier, geste reconduit en 2022 par Vincent Tavernier, Hervé Niquet et Marie-Geneviève Massé.
22Une table ronde a permis de réunir les protagonistes de deux entreprises cousines, qui ont permis ces dernières années de faire entendre Molière autrement. La mise en scène de L’École des femmes coordonnée par Pierre-Alain Clerc et Mickaël Bouffard, qui a donné lieu à un spectacle créé en 2015 et représenté jusqu’en 2018 ; celle du Malade imaginaire dirigée par Georges Forestier et Mickaël Bouffard au sein du Théâtre Molière Sorbonne et présentée tout au long de l’année 2022 dans le cadre de la célébration du quatrième centenaire de la mort de Molière. L’une et l’autre relèvent de ce qu’on appelle aujourd’hui la démarche « historiquement informée », formule qui s’est substituée, notamment chez les universitaires et praticiens insérés dans des réseaux de recherche, à la « déclamation baroque » conçue par Eugène Green et développée par Benjamin Lazar.
IV. L’héritage moliéresque dans le théâtre médical européen
- 6 Voir, pour une synthèse récente sur le sujet, le numéro 106 de Littératures classiques (« La premiè (...)
23La fortune du théâtre de Molière en France et au-delà des frontières nationales en fait un vecteur de la construction intellectuelle, culturelle et artistique de l’Europe aux XVIIe et XVIIIe siècles. La réception de son théâtre a été immédiate à l’étranger : ses pièces ont été traduites et adaptées quasi instantanément en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, et dès le XVIIIe siècle au Portugal6.
24Après dix-huit années d’interdiction du théâtre par les Puritains, la période dite de la Restauration qui s’ouvre en 1660 et dont la désignation renvoie au champ sémantique de la médecine voit, entre autres, la nécessité de constituer de nouveaux corpus. Pour répondre à l’urgence, les dramaturges se tournent vers le théâtre européen, vaste réservoir d’intrigues qu’ils adaptent au nouveau goût anglais. Ils s’inspirent ainsi des auteurs élisabéthains, jacobéens et caroléens, de la comedia espagnole, de la comédie italienne et notamment de la commedia dell’arte, du théâtre français contemporain, en particulier de Molière dont l’influence s’avère déterminante dans l’émergence du genre nouveau de la comedy of manners ou comédie de mœurs en prose. Pendant la première décennie de la période, de 1660 à 1670, les dramaturges anglais disposent de dix-neuf pièces de Molière. Il faut compter six ans en moyenne pour qu’une pièce de Molière soit connue et mise à profit outre-Manche. Son théâtre marque en particulier un tournant assez net dans la dramaturgie des scènes de médecine du second XVIIe siècle anglais. Florence March et Alice Marion-Ferrand proposent une étude de cas : les scènes de médecine dans Sir Patient Fancy (1678), comédie d’Aphra Behn, première écrivaine anglaise à vivre de sa plume. Sir Patient Fancy s’inspire de quatre pièces de Molière : deux pièces à sujet médical, Le Malade imaginaire dont Behn conserve peu ou prou le titre et l’intrigue qu’elle enrichit, et L’Amour médecin dont elle garde en particulier la scène de consultation ; Les Femmes savantes et Monsieur de Pourceaugnac. Dans le contexte de crise politique et religieuse qui voit la création de la pièce et qui ravive le traumatisme de l’Interrègne puritain, Behn envisage la relation au spectateur comme la relation du médecin au patient. Elle reprend ainsi à son compte la porosité entre satire de la médecine et satire de la religion qui caractérise la comédie moliéresque, faisant du motif médical un « vecteur de satire multi-directionnelle ». Comme chez Molière, la satire dans Sir Patient Fancy vise davantage l’imposture, le charlatanisme, le dogmatisme et l’absence d’esprit critique que la médecine. La fortune de cette comédie à sujet médical se poursuit sur les scènes britanniques du XVIIIe siècle comme en témoigne, par exemple, The Spleen, or Islington Spa de George Colman (1776).
- 7 Le Médecin volant (1659), Dom Juan (1665), L’Amour médecin (1665), Le Médecin malgré lui (1666), Mo (...)
25Marie-Noëlle Ciccia se penche sur la fortune, au Portugal, du théâtre à sujet médical de Molière dans un contexte de censure et de réforme des études de médecine. Alors que se met en place une politique globale de modernisation du pays, il s’agit, dans les années 1770, de rompre tout à la fois avec l’empirisme, la scolastique jésuite et la superstition pour promouvoir une médecine fondée sur la rationalisation et l’expérimentation, et en faire une discipline scientifique. Entre 1768 et 1771, cinq des six pièces de Molière à sujet médical ou qui comportent des scènes de médecine7 ont été traduites en portugais. La comédie, dont le public est avide, jouant un rôle didactique, la satire de l’imposture et du charlatanisme chez Molière sert les objectifs de la réforme. Mais l’articulation de la médecine et de la religion reste une question sensible au Portugal à la fin du XVIIIe siècle, et la censure veille tout particulièrement à ce que le théâtre portugais des Lumières ne restitue pas les glissements entre satire médicale et satire religieuse qui sont le propre de la comédie moliéresque.
26En France au XVIIIe siècle, les spectacles qui revisitent les scènes médicales du théâtre de Molière permettent de réévaluer, d’une part, le rapport de la société à la médecine, aux médecins et à la maladie, et d’autre part, le théâtre comique qui s’en nourrit. Jennifer Ruimi se penche ainsi sur une parade de société, Le Chirurgien anglais de Charles Collé, jouée en 1748 et publiée en 1774, qui multiplie les emprunts à Molière. Cette forme de théâtre comique inspirée des spectacles de foire exploite les ressorts de la farce et dramatise l’univers médical. Pour autant, la réflexion comique se déplace pour cibler la maladie bien plus que la figure du soignant et la variété de ses déclinaisons. Le statut social des médecins, désormais mondains et reçus dans tous les salons, a évolué, de sorte que le public ne rit plus d’eux, mais avec eux.
27La conférence-concert de Patrick Taïeb et Gabrielle Ordas s’articule autour d’un diptyque d’opéras-comiques qui se fait caisse de résonance de la querelle entre héritiers du Grand Siècle et promoteurs d’un théâtre dit moderne. En 1758, le librettiste Louis Anseaume et le compositeur, chanteur, acteur, Jean-Louis Laruette s’associent pour composer Le Docteur Sangrado, dont le personnage éponyme doit beaucoup à la commedia dell’arte, au Siècle d’Or espagnol et à Molière, et Le Médecin de l’amour, qui préfigure le drame bourgeois, dont l’intrigue fait la part belle au sentiment et le protagoniste s’apparente au type du philosophe. Le texte co-signé par Patrick Taïeb et Gabrielle Ordas vient en appui de la captation du spectacle créé par la Compagnie Théâtre du Matin, dont Gabrielle Ordas assure la direction artistique, pour le colloque-festival international tenu à Montpellier et Pézenas du 26 au 28 mai 2022.
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28Dans le théâtre européen de la première modernité, la médecine apparaît essentiellement comme support et vecteur d’un comique assez bas. Les médecins, de même que les malades, y sont souvent faux, et servent de prétexte à des intrigues fondées sur des jeux de rôles, la confusion ou l’usurpation d’identité, des masques et autres déguisements. Pour cette raison, la médecine et la maladie ont une fonction structurante essentiellement dans la comédie, alors qu’elles sont très peu présentes dans les pièces sérieuses. En outre, le motif médical nourrit la dimension métathéâtrale des pièces qu’il investit et met en perspective, au-delà de l’imposture des soignants et des patients, le phénomène de l’illusion, invitant à réfléchir à la nature même du medium qui le dramatise et le met en scène.
29Dans ce contexte, Molière joue un rôle essentiel de passeur, de carrefour entre des traditions italienne et espagnole en amont, et des répercussions plus largement européennes en aval. Son théâtre, et ses pièces médicales en particulier, sont reprises, adaptées, recyclées, détournées… pour servir de matériau à d’autres pièces qui à leur tour servent de caisse de résonance à l’héritage moliéresque. Si la comédie de Molière se tisse en filigrane dans les représentations dramatiques et scéniques de la médecine et de la maladie, celles-ci restent néanmoins tributaires de la médecine de l’époque, des pratiques, des praticiens et de leur statut social, de la relation du soignant et du malade. La porosité de la satire médicale et religieuse qui caractérise le théâtre moliéresque est exploitée par les dramaturges britanniques de la Restauration, tandis qu’elle fait l’objet de la censure au Portugal à la fin du XVIIIe siècle. Chaque époque, chaque pays européen construit ainsi la spécificité de son théâtre médical à partir d’un réservoir commun de canevas, de situations, de motifs, de personnages types, d’objets et d’éléments de langage, que Molière a en très grande partie contribué à constituer.
Notes
1 Jules Romains, Knock, II, 1, Paris, Gallimard, 1924, collection Folio, 1972, p. 62.
2 Ibid., I, scène unique, p. 31.
3 Ibid., didascalie liminaire de l’acte III, p. 110.
4 Molière, Le Malade imaginaire, III, 3, dans Œuvres complètes, dir. Georges Forestier et Claude Bourqui, Paris, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, 2010, t. II, p. 696.
5 On pourra également citer, même s’il ne s’agit pas d’un ouvrage scientifique Molière, L’Amour médecin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Malade imaginaire, de Bénédicte Louvat en collaboration avec Céline Paringaux, Paris, Atlande, collection Clefs concours, 2006.
6 Voir, pour une synthèse récente sur le sujet, le numéro 106 de Littératures classiques (« La première réception de Molière dans l’espace européen (1660-1780) », dir. Claude Bourqui, Fabrice Chassot et Bénédicte Louvat, 2022).
7 Le Médecin volant (1659), Dom Juan (1665), L’Amour médecin (1665), Le Médecin malgré lui (1666), Monsieur de Pourceaugnac (1669), Le Malade imaginaire (1673).
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Référence électronique
Bénédicte Louvat et Florence March, « Introduction », Arrêt sur scène / Scene Focus [En ligne], 12 | 2023, mis en ligne le 22 mars 2024, consulté le 07 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asf/6220 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asf.6220
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