Navigation – Plan du site

AccueilNuméros123. La comédie médicale chez Moliè...Profession médecin : de la scène ...

3. La comédie médicale chez Molière et ses contemporains

Profession médecin : de la scène moliéresque à la querelle des Anciens

Léo Stambul

Résumés

S’il est évident que les comédies médicales de Molière participent de la querelle des Anciens, il est moins certain de savoir dans quel parti le dramaturge se situe. Alors qu’on aurait tendance à le situer du côté des Modernes par la satire des facultés occultes issues de la science aristotélicienne, les critiques que lui adresse Perrault sèment le doute. La comparaison avec les critiques que Fontenelle exprime contre la médecine des Anciens ferait alors apparaître que Molière critique certes les Anciens, mais met paradoxalement en scène les succès de la médecine occulte et les effets psychosomatiques des cures propres aux doctrines anciennes. La satire médicale moliéresque montre alors au fond que la querelle porte moins sur le progrès technique de la médecine, dont le dramaturge, en bon sceptique, doute fortement, que sur la question du rôle social de la médecine, considérée comme une pratique professionnelle, voire comme un jeu d’acteur.

Haut de page

Texte intégral

« […] la médecine a fait quelques petits progrès dans ses connaissances depuis Molière, mais aucun dans son vocabulaire. » (Proust, Sodome et Gomorrhe, ii, 1).

1Preuve évidente de pédanterie, la remarque proustienne rappelle encore d’emblée aux lecteurs d’aujourd’hui que Molière reste associé dans notre mémoire culturelle à la remise en cause du progrès des sciences médicales. Dès le xviie siècle, la scène de médecine chez Molière participe en effet de la querelle des Anciens et des Modernes aux côtés d’autres textes critiques et satiriques contre les médecins, comme ceux de La Bruyère, farouche partisan des Anciens :

  • 1  Jean de La Bruyère, Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, xiv, « De quelques usages », § 65, 1 (...)

Il y a déjà longtemps que l’on improuve les médecins, et que l’on s’en sert ; le théâtre et la satire ne touchent point à leurs pensions ; ils dotent leurs filles, placent leurs fils aux parlements et dans la prélature, et les railleurs eux-mêmes fournissent l’argent. Ceux qui se portent bien deviennent malades ; il leur faut des gens dont le métier soit de les assurer qu’ils ne mourront point. Tant que les hommes pourront mourir, et qu’ils aimeront à vivre, le médecin sera raillé, et bien payé1.

  • 2  Voir le portrait de Carro Carri, Les Caractères, xiv, § 68, p. 547-549.

2Ayant lui-même raillé les médecins dans certaines de ses remarques2, La Bruyère ne fait pas de distinction générique ou formelle entre « le théâtre et la satire » : l’un et l’autre sont des armes égales pour remettre en cause l’autorité du médecin, que La Bruyère présente d’abord comme un statut social au sein d’un circuit d’échanges économiques. Sous sa plume, médecin est avant tout un « métier », une profession de vendeur de croyances, qui troque des biens matériels contre des certitudes et des conduites mentales. De fait, aucun aspect concret du métier, aucune pratique médicale réelle n’est évoquée, à la différence de ce que fait Molière qui s’amuse à faire voir concrètement sur scène des actes médicaux historiquement datés, voire obsolètes. Une telle différence explique sans doute pourquoi la satire médicale chez Molière relève intuitivement de l’histoire des savoirs et de la querelle des Anciens, mais cette différence ne doit pas minorer la parenté des deux critiques.

3D’un point de vue méthodologique, cette remarque liminaire implique de considérer la scène de médecine chez Molière non pas seulement comme une étape importante du développement et de la cristallisation d’un topos théâtral, avec ses péripéties et ses caractères traditionnels, mais aussi comme un argument polémique à l’intérieur de la querelle des Anciens. Il s’agira donc présentement de sortir la scène moliéresque de l’histoire des formes littéraires pour l’insérer dans une série de textes relevant de l’histoire des idées – non pas alors pour faire une histoire des idées abstraite, mais pour observer comment ce débat d’idées a informé la représentation de la pratique médicale en tant que profession.

  • 3  Voir François de Callières, Histoire poétique de la guerre nouvellement déclarée entre les Anciens (...)
  • 4  Voir Michael Call, « The Battle for Molière’s Corpse/Corpus », Theatre, fiction and poetry in the (...)

4Du point de vue du contexte, force est de constater néanmoins que le rôle de la scène médicale moliéresque dans la querelle des Anciens est problématique, puisque Molière est déjà mort en 1674, quand commence véritablement le début des hostilités. Surtout, ainsi que le soulignait déjà Callières dans son récit allégorique de la querelle des Anciens et des Modernes, Molière est un transfuge qui ouvre des points de passage imprévus entre les deux camps ennemis3. Comme l’a montré la critique depuis, Molière est un de ces auteurs difficilement classables dans les coordonnées de la querelle des Anciens et les deux partis ont su capter simultanément son héritage4.

5On se propose ainsi d’étudier cet apparent consensus et les renversements inattendus que la scène de médecine moliéresque a produits chez les partisans des Anciens et des Modernes qui l’instrumentalisent, afin de complexifier un peu plus les enjeux de leur querelle. S’il paraît facile de montrer dans un premier temps que Molière fut un adversaire patenté de l’ancienne médecine et des Anciens, il faut néanmoins tâcher de rendre compte des critiques imprévues que Perrault, chef de file des Modernes, a lancé contre les scènes de médecine de Molière, afin de tenter de comprendre dans un dernier temps de quoi la satire médicale moliéresque pourrait être le nom.

Molière, médecin moderne ?

  • 5  Molière, L’Amour médecin, ii, 2 (Œuvres complètes, éd. Georges Forestier et Claude Bourqui, Paris, (...)
  • 6  Molière, L’Amour médecin, ii, 4 (Œuvres complètes, t. 1, p. 619).
  • 7  Molière, Le Malade imaginaire, ii, 5 (Œuvres complètes, t. 2, p. 676).
  • 8  Molière, Le Malade imaginaire, ii, 6 (Œuvres complètes, t. 2, p. 682-683).

6L’un des aspects les plus évidents des comédies médicales de Molière est que les vrais médecins qui y sont raillés sont des partisans obtus de la médecine ancienne. L’Amour médecin fait notamment voir ces docteurs entêtés d’autorités, au premier rang desquels Tomès, qui en appelle toujours à ce qu’« Hippocrate dit5 » – « no-tre. Maî-tre. Hip-po-cra-te » renchérirait Macroton – parce qu’il ne faut jamais « être d’un autre avis que son Ancien6 ». Semblablement, dans Le Malade imaginaire, les Diafoirus se présentent eux-mêmes comme attachés « aveuglément aux Opinions de nos Anciens », ne voulant ni « comprendre ni écouter les raisons et les expériences des prétendues découvertes de notre siècle, touchant la Circulation du sang et autres opinions de même farine7. » La fameuse réplique d’Angélique à Diafoirus fils, qui proposait de l’« enlever par force de la maison », entérine alors clairement les positions : « Les Anciens, Monsieur, sont les Anciens, et nous sommes les gens de maintenant8. » Face à l’attitude rétrograde du partisan des Anciens, Molière place une jeune héroïne féminine, privée de latin et de science, mais aspirant à des relations entre hommes et femmes plus civiles, fondées sur la galanterie, laquelle est traditionnellement associée à la culture des Modernes.

  • 9  Voir M. Call, « The Battle for Molière’s Corpse/Corpus », art. cit., p. 56 : « […] Molière becomes (...)

7En cela, Molière apparaît tout à fait en accord avec la position et le ton que Perrault adopte au début de son premier Parallèle9 :

  • 10  Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde les arts et les sciences(...)

On croyait encore autrefois que pour bien savoir la Physique il n’était point nécessaire d’étudier la Nature ni sa manière d’opérer, que les expériences étaient choses frivoles et qu’il suffisait de bien entendre Aristote et ses Interprètes ; que la Médecine ne s’apprenait point à voir des malades, à faire des dissections, à examiner les causes et les effets des maladies, ni les vertus et les propriétés des remèdes, mais seulement à lire et à bien apprendre par cœur les plus beaux endroits d’Hippocrate et de Galien […]10.

  • 11  Molière, L’Amour médecin, ii, 5 (Œuvres complètes, t. 1, p. 621).
  • 12  Molière, La Critique de L’École des femmes, 6 (Œuvres complètes, t. 1, p. 506).
  • 13  Voir Charles Perrault, Critique de l’opéra, ou examen de la tragédie intitulée Alceste ou le triom (...)

8Chez Perrault comme chez Molière, la condamnation de la médecine ancienne est fondée sur la distinction entre la « Nature » et les autorités, que Bahys dans L’Amour médecin vénère au point de détourner le fameux aphorisme hippocratique « Experimentum periculosum11 ». Une telle opposition n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’argument de Molière dans La Critique de L’École des femmes qui distingue le plaisir et le « bon sens naturel » du public d’avec l’autorité livresque d’« Aristote et Horace12 » – argument que Perrault reprend à son tour dans la querelle d’Alceste13, mais qui n’est pas spécifique aux Modernes, puisque nombre de partisans des Anciens le soutiennent indistinctement.

9Un tel consensus toutefois ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’enjeux réels à prendre position contre les autorités et la médecine ancienne. Il faut en effet replacer ces textes dans le contexte des années 1670, qui voient éclater à nouveau une querelle sur l’enseignement de la science cartésienne à l’université de Paris (mais aussi à celles d’Angers et de Caen), qui aurait eu le projet de dresser une requête officielle pour renouveler l’interdiction de l’enseignement de Descartes au profit d’Aristote. Dans l’espoir, dit-on, d’en contrer l’enregistrement par le Parlement de Paris, la requête fut parodiée par François Bernier, disciple de Gassendi et ami de Molière :

  • 14  François Bernier, Requête des Maîtres ès Arts, Professeurs, et Régents de l’Université de Paris pr (...)

[Il vous plaise ordonner] Que le Cerveau déposera la qualité qu’il a usurpée du principe des nerfs, et qu’elle sera rendue au cœur, nonobstant toutes les oppositions de Madame Autopsie à ce contrariantes.

Que les sieurs Kerkerin, et Sténon jetteront dans la rivière tous les instruments anatomiques, seront réputés pour innovateurs et perturbateurs du corps humain […].

Que le sang ne circulera plus, et que le cœur ne lui ouvrira plus la porte pour entrer au poumon.

Que le foie se remettra à son premier office de faire le sang sans que le cœur lui ose plus disputer ledit office, et que le chyle l’ira trouver tout droit par la veine porte sans s’amuser à aller monter vers les jugulaires, nonobstant aussi les oppositions expérimentales de Monsieur Pecquet […]

Que les moulins ne tourneront plus ni par le vent, ni par l’eau, mais par une faculté tornative, de même que le cœur et les artères ne se meuvent et font le pouls que par une faculté pulsifique14.

  • 15  Molière, Le Malade imaginaire, iii, 3e intermède (Œuvres complètes, p. 713).
  • 16  Voir Jacques Rohault, Traité de physique, Paris, Veuve Charles Savreux, 1671, t. 1, préface, n.p. (...)

10Par le blâme paradoxal des médecins modernes que sont Kerkerin, Sténon et Pecquet, la requête parodique ridiculise la médecine ancienne et raille la théorie aristotélicienne des facultés, « faculté tornative » et « faculté pulsifique » qui annoncent la « virtus dormitiva15 » du bachelierus du Malade Imaginaire et reprend les critiques de Rohault dans sa Physique16. Or, dans l’avis liminaire d’« Alithophile », l’ami du vrai, Bernier explicite les circonstances de rédaction et fait publiquement le lien avec Molière et Boileau :

  • 17  Il s’agit de Claude Morel, docteur de Sorbonne farouchement hostile au jansénisme, que ses adversa (...)
  • 18  Fr. Bernier, Avis d’« Alitophile au lecteur », dans Requête des Maîtres ès Arts, p. 4.

Le Sieur Boil[eau] qui s’est rendu si célèbre par ses belles Satires, voyant retourner les Suppôts de l’Université avec assez de mécontentement de ce qu’ils n’avaient pu rien obtenir du Parlement, s’avisa pour les consoler de leur faire expédier un Arrêt tel quel […].

On m’avait dit que le sieur Molière observait toutes les démarches de ces Messieurs, & qu’il se proposait de démêler toutes leurs intrigues dans une Comédie qu’il préparait pour le divertissement de la Cour. Il avait entre autres un Acteur avec de grandes mâchoires qui représenterait merveilleusement l’Original17.

Mais on me vient d’avertir qu’il a changé de dessein sur ce qu’il a appris que le corps de l’Université ne prenait aucune part à ces brouilleries, et que les plus éclairés avaient fait connaître aux autres que ces mouvements philosophiques ne provenaient que par le moyen de deux ou trois Émissaires, qui étant secrètement poussés par les ennemis jurés de l’Université tâchaient d’engager cet illustre corps dans une entreprise capable de le décréditer par toutes les nations18.

  • 19  Voir Claudine Nedelec, « L’invention du burlesque : de Marc Fumaroli à Boileau, aller et retour », (...)
  • 20  Il faut noter à ce sujet qu’à l’occasion de la querelle des deux Iphigénie, Pierre Perrault rappel (...)

11Publiée sous le manteau mais largement diffusée, la plaquette satirique joue sur l’actualité littéraire pour contrecarrer par le burlesque le sérieux de la requête19. Mais si l’effet d’annonce fait signe vers Les Femmes savantes ou Le Malade imaginaire et place Molière parmi les adversaires de l’aristotélisme, le remords final complexifie quelque peu la question20. Non qu’il faille croire que Molière ait eu réellement plus de respect pour l’université que Boileau. Mais il est bien probable que leurs intentions satiriques aient divergé, car dans l’Arrêt burlesque que Boileau publie en réponse à la requête parodique, le blâme paradoxal de la médecine moderne se retourne, comme chez Bernier, en éloge implicite de cette dernière :

  • 21  Nicolas Boileau, Arrêt donné en la Grand’Chambre du Parnasse, en faveur des Maîtres-ès-Arts, Médec (...)

Que même sans l’aveu d’icelui [Aristote], [une inconnue nommée la Raison] aurait changé et innové plusieurs choses en et au-dedans de la Nature, ayant ôté au Cœur la prérogative d’être le principe des nerfs, que ce Philosophe lui avait accordée libéralement et de son bon gré, et laquelle Elle aurait cédée et transportée au Cerveau. Et ensuite, par une procédure nulle, de toute nullité, aurait attribué audit Cœur la charge de recevoir le chyle appartenante ci-devant au Foie ; comme aussi de faire voiturer le Sang par tout le corps, avec plein pouvoir audit Sang d’y vaguer, errer et circuler impunément par les veines et artères, n’ayant autre droit ni titre pour faire lesdites vexations que la seule Expérience, dont le témoignage n’a jamais été reçu dans lesdites Écoles. […]. Plus, par un attentat et voie de fait énorme contre la Faculté de Médecine, se serait ingérée de guérir, et aurait réellement et de fait guéri quantité de fièvres intermittentes, comme tierces, double-tierces, quartes, triple-quartes, et même continues, avec vin pur, poudres, écorce de Quinquina, et autres drogues inconnues audit Aristote et à Hippocrate son devancier, et ce sans saignée, purgation ni évacuation précédente ; ce qui est non seulement irrégulier, mais tortionnaire et abusif ; ladite Raison n’ayant jamais été admise ni agrégée au Corps de ladite Faculté, et ne pouvant par conséquent consulter avec les Docteurs d’icelle, ni être consultée par eux, comme Elle ne l’a en effet jamais été21.

  • 22  Voir Delphine Reguig, Boileau poète. « De la voix et des yeux », Paris, Classiques Garnier, 2016, (...)
  • 23  Molière, Le Festin de Pierre, iii, 2 (Œuvres complètes, t. 2, p. 874).

12Derrière le blâme d’Aristote, c’est bien la « Nature » et, via l’« Expérience », la « Raison » elle-même qui se trouvent valorisées chez Boileau. Par son rationalisme propre22, le chef de file des Anciens devient ainsi un promoteur des innovations médicales et des remèdes modernes, là où Molière, sans doute plus sceptique et plus « impie en médecine23 » se montre plus réticent à défendre la dignité des médecins, si ce n’est plus enclin à la détruire. Dans cette reconfiguration de la querelle, la plaquette satirique révèle l’absence de Molière presque plus que sa présence.

Le Molière parallèle de Perrault

  • 24  Voir Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes où il est traité de l’astronomie, de (...)
  • 25  Voir Charles Perrault, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle : avec leurs (...)

13Quoiqu’on la trouve sous la plume de Boileau et de Molière, la critique de la théorie aristotélicienne des facultés est assurément un argument en faveur des Modernes, et Perrault, mortel ennemi de Boileau, avait mis en scène de son côté le duel entre Aristote et Descartes, afin de mieux asseoir la supériorité de la science moderne, que ce soit dans ses Parallèles24 ou dans le portrait qu’il consacre à Descartes dans ses Hommes illustres25. Toutefois, à chaque fois qu’il s’agit de mettre en avant la modernité de la médecine, Perrault dénonce la virulence de la satire médicale de Molière, au point d’ouvrir son parallèle consacré à la médecine par un règlement de comptes avec le dramaturge :

  • 26  Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, t. 4, p. 231-234.

L’abbé.
[…] comme la Médecine est celui de tous les Arts qui s’acquiert davantage par l’expérience, il est naturel de croire que les Modernes en savent plus que les Anciens. […] Il est vrai que la Comédie de nos jours s’en est bien divertie ; elle ne s’est pas contentée de jouer les mauvais Médecins, comme elle a joué les faux braves, et les faux savants. Elle a traité de ridicule la Médecine en elle-même, ce qu’elle n’a jamais fait de la valeur et de la science, en quoi je ne crois pas que Molière puisse jamais être excusé.

Le Président.
Je ne sais pas à la vérité comment Molière l’entendait ; car s’il y a de méchants Médecins, il faut nécessairement qu’il y en ait de bons ; s’il y a une fausse Médecine, il faut qu’il y en ait une véritable : mais il en a été suffisamment puni, lorsqu’au lieu d’écouter la Médecine sur le mal dont il était pressé, il est mort en se moquant d’elle. Si Molière avait vécu du temps de Galien ou d’Hippocrate, il n’en aurait pas usé de la sorte, et il faut s’en prendre à la différence infinie qu’il y a entre nos Médecins et ces grands Hommes de l’Antiquité.

Le Chevalier.
Molière se serait moqué de Galien et d’Hippocrate, et d’Esculape même ; il n’avait dessein que de faire rire, et comme les noms de ces anciens Médecins étaient apparemment beaucoup plus vénérables de leur temps même que ne le sont aujourd’hui ceux de nos Médecins les plus célèbres, il aurait encore pris plus de plaisir à les tourner en ridicule suivant le génie de la Satire, qui préfère toujours pour plaire au Peuple les noms illustres à ceux qui ne le sont pas26.

14La condamnation de Molière par le personnage de l’abbé, porte-parole de Perrault, repose sur une distinction à l’intérieur du corps médical satirisé entre bons et mauvais médecins, entre vrais et « faux savants ». Pour mettre en valeur sa position supposée médiane, Perrault met en scène un dissensus entre le personnage du président, entiché des Anciens, qui identifie de façon ridicule les bons médecins à Galien et Hippocrate, et le personnage du chevalier, défenseur outré des Modernes. Or, la réaction du chevalier souligne qu’il s’agissait moins chez Molière d’une querelle entre Anciens et Modernes que d’une forme de scepticisme radical envers toutes les formes de savoir dogmatique, lequel tend à balayer les Anciens comme les Modernes, mais aussi l’orthodoxie religieuse, à laquelle la satire d’« Esculape même » fait peut-être malicieusement allusion.

15On retrouve d’ailleurs de façon significative ce même argument dans le portrait que Perrault fait de Molière dans ses Hommes illustres, où la distinction des bons médecins d’avec les mauvais est placée sous le signe de la religion :

  • 27  Charles Perrault, Les Hommes illustres, p. 80.

Il attaqua encore les mauvais Médecins par deux Pièces fort Comiques, dont l’une est le Médecin malgré lui, et l’autre le Malade imaginaire. On peut dire qu’il se méprit un peu dans cette dernière Pièce, et qu’il ne se contint pas dans les bornes du pouvoir de la Comédie ; car au lieu de se contenter de blâmer les mauvais Médecins, il attaqua la Médecine en elle-même, la traita de Science frivole, et posa pour principe qu’il est ridicule à un Homme de vouloir en guérir un autre. La Comédie s’est toujours moquée des Rodomonts et de leurs rodomontades ; mais jamais elle n’a raillé, ni les vrais braves, ni la vraie bravoure ; Elle s’est réjouie des Pédants et de le Pédanterie, mais elle n’a jamais blâmé, ni les Savants, ni les Sciences. Suivant cette règle il n’a pu trop maltraiter les Charlatans et les ignorants Médecins, mais il devait en demeurer-là et ne pas tourner en ridicule les bons Médecins, que l’Écriture même nous enjoint d’honorer27.

16Cette distinction entre bons et mauvais médecins, entre « savants » et « pédants » est la réponse que Perrault oppose à la satire de la médecine en général dont il a trouvé la formulation chez Molière lui-même. On lit en effet dans les répliques métathéâtrales du Malade imaginaire la formulation de cette distinction entre satire des médecins et satire de la médecine en générale :

  • 28  Molière, Le Malade imaginaire, III, 3 (Œuvres complètes, t. 2, p. 727).

Argan.
C’est un bon impertinent que votre Molière avec ses Comédies, et je le trouve bien plaisant d’aller jouer d’honnêtes gens comme les Médecins.

Béralde
.
Ce ne sont point les Médecins qu’il joue, mais le ridicule de la Médecine.

Argan.
C’est bien à lui à faire de se mêler de contrôler la Médecine ; voilà un bon nigaud, un bon impertinent, de se moquer des consultations et des ordonnances, de s’attaquer au Corps des Médecins, et d’aller mettre sur son Théâtre des personnes vénérables comme ces Messieurs-là28.

  • 29  Voir Georges Forestier et al., notice du Malade imaginaire, dans Œuvres complètes, t. 2, p. 1561-1 (...)
  • 30 Voir Bénédicte Louvat et al., notice de L’Amour médecin, dans Œuvres complètes, t. 1, p. 1419-1422.

17Même si la réplique du raisonneur Béralde, incriminée par Perrault, n’a été publiée qu’en 168229, il faut néanmoins lui redonner la valeur argumentative qu’elle devait avoir dans le contexte de la satire moliéresque. Cette distinction, que Perrault a lue comme une attaque contre la médecine moderne, paraît en effet avoir permis à Molière, ou à ses éditeurs, de feindre de ne pas faire de satire ad hominem contre des médecins particuliers, afin de lutter contre la tentation des lectures à clés qui avaient couru depuis L’Amour médecin et qui avaient donné à penser que Molière avait voulu diffamer des « personnes vénérables30 ».

18Pourtant, dans les replis de l’argumentation polémique, il faut noter que Molière avait entre-temps mobilisé le même argument dans l’affaire Tartuffe. On lit assurément dans la préface une proposition paradoxalement très proche de celle de Perrault en faveur de la médecine en général :

  • 31 Molière, Préface du Tartuffe (Œuvres complètes, t. 2, p. 95).

La médecine est un art profitable, et chacun la révère comme une des plus excellentes choses que nous ayons ; et cependant il y a eu des temps où elle s’est rendue odieuse, et souvent on en a fait un art d’empoisonner les hommes. […] On sépare toujours le mauvais usage d’avec l’intention de l’art ; et, comme on ne s’avise point de défendre la médecine pour avoir été bannie de Rome, ni la philosophie pour avoir été condamnée publiquement dans Athènes, on ne doit point aussi vouloir interdire la comédie pour avoir été censurée en de certains temps31.

  • 32  Voir Marc Fumaroli, « La Querelle de la moralité du théâtre au xviie siècle », Bulletin de la soci (...)
  • 33  Sur cet effet de contextualisation de la querelle vis-à-vis du paradigme médical, il faut se souve (...)
  • 34  Voir Molière, Le Tartuffe, i, 5 et v, 1 (Œuvres complètes, t. 2, p. 112-113 et 174-175).

19Cette apologie de la médecine, peu congruente avec la réplique métathéâtrale de Béralde, doit, elle aussi, être replacée dans le contexte de la querelle du Tartuffe et plus largement dans celui de la querelle sur la moralité du théâtre32. Molière recourt au paradigme médical, dans lequel il faut « séparer toujours le mauvais usage d’avec l’intention de l’art », pour défendre le bon usage de la comédie, comme art capable de moraliser la représentation des crimes et des vices au nom du Castigat ridendo. Mais la défense de « l’intention de l’art » semble minée par l’ironie si l’on se souvient combien l’écart entre une pratique réelle et la direction d’intention est dénoncé dans Le Tartuffe. Dès lors, replacé dans le contexte de la satire médicale33, cet argument du Tartuffe paraît bien ironique puisqu’il semble ne viser que l’excès de dévotion alors que Molière attaquait sans doute la dévotion en général – tout comme le raisonneur Cléante qui passe pour libertin ne cesse d’appeler à distinguer les vrais et les « faux dévots34 ».

20Dans ces conditions, la potentielle ironie contenue dans l’éloge de la médecine par Molière n’aura sans doute pas échappé à Perrault. Ce dernier termine en effet son parallèle en dénonçant à nouveau l’argumentation moliéresque, qu’il renverse en montrant que le simple fait de considérer la médecine du point de vue de l’usage et non de l’intention plaide de fait en faveur de la modernité médicale :

  • 35  Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, t. 4, p. 256-257.

Le Président.
[…] que font vos Médecins ? Purgare, Segnare, Clysterium donare.

Le Chevalier
.
Cela nous a fait rire dans Le Malade imaginaire, et la vision qu’a eue Molière a réussi ; mais il n’est point vrai que la Médecine d’aujourd’hui se renferme dans des bornes aussi étroites que celles que l’on lui veut donner, et quand cela serait, que pourrait-on en inférer contre la Médecine ? Il ne faut que souffler et remuer les doigts pour jouer de la flûte, est-ce à dire, M. le Président, qu’il n’y a rien de plus aisé que d’en jouer en perfection, et qu’il n’y a pas une grande différence entre un mauvais flûteur et les illustres Philbert, et Descoteaux, qu’on ne peut ouïr sans en être enchanté35 ?

  • 36  Voir Bénédicte Louvat, Molière. L’Amour médecin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Malade imaginaire, N (...)

21Contre le comique de répétition, par lequel la satire moliéresque fige les médecins dans des pratiques mécaniques archaïques36, Perrault propose d’appréhender la médecine non comme un savoir dogmatique, pétrifié dans la tradition antique, mais comme un art de transformation pratique du réel, une technè au sens fort du terme. Or, un tel déplacement épistémologique, qui fait converger l’art médical avec les arts libéraux et qui légitime la comparaison de la médecine avec la musique instrumentale, permet à Perrault de mettre en avant l’idée de perfectibilité du geste technique par la pratique. Les médecins modernes seront donc ipso facto de bons médecins à partir du moment où ils mettent à profit leur expérience pratique pour perfectionner leur art, indépendamment de tout dogmatisme.

  • 37  Voir Jeanne Morgan Zarucchi, « L’inimitié Perrault-Boileau et “Le corbeau guéri par la cigogne” », (...)

22Cependant, cette dernière comparaison avec les autres arts prend elle aussi un autre relief quand on replace l’argumentation de Perrault dans le contexte de sa querelle avec Boileau37. On peut en effet lire cet éloge de la perfectibilité de l’art médical comme une réponse à la violente satire que Boileau avait faite de son frère, le médecin et architecte Claude Perrault, au début du quatrième chant de L’Art poétique :

  • 38  Nicolas Boileau, L’Art poétique, iv, 1-24 (Œuvres complètes, p. 180).

Dans Florence jadis vivait un médecin,
Savant hâbleur, dit-on, et célèbre assassin.
Lui seul y fit longtemps la publique misère :
Là le fils orphelin lui redemande un père ;
Ici le frère pleure un frère empoisonné.
L’un meurt vide de sang, l’autre plein de séné ;
Le rhume à son aspect se change en pleurésie,
Et par lui la migraine est bientôt frénésie.
Il quitte enfin la ville, en tous lieux détesté.
De tous ses amis morts un seul ami resté
Le mène en sa maison de superbe structure :
C’était un riche abbé, fou de l’architecture.
Le médecin d’abord semble né dans cet art.
Déjà de bâtiments parle comme Mansart :
D’un salon qu’on élève il condamne la face ;
Au vestibule obscur il marque une autre place ;
Approuve l’escalier tourné d’autre façon,
Son ami le conçoit et mande son maçon.
Le maçon vient, écoute, approuve et se corrige.
Enfin, pour abréger un si plaisant prodige,
Notre assassin renonce à son art inhumain ;
Et désormais, la règle et l’équerre à la main,
Laissant de Galien, la science suspecte,
De méchant médecin devient bon architecte38.

  • 39 Voir Nicolas Boileau, L’Art poétique, i, 4 (Œuvres complètes, p. 157).

23En se moquant du mauvais médecin devenu bon architecte, Boileau opérait un rapprochement comique de ces deux arts, mais présupposait que les dons que l’un et l’autre requéraient étaient nécessairement innés. À l’image de l’art poétique pour lequel il prétend qu’il faut être né39, la médecine et les beaux-arts apparaissent donc chez Boileau comme des pratiques figées dont les praticiens sont soit bons, soit mauvais, mais bien peu susceptibles de se perfectionner. En regard, la défense de la perfectibilité de l’art médical par Perrault vise à modifier en profondeur les termes du débat dans lequel la satire moliéresque était mobilisée.

La modernité médicale comme leurre

  • 40  Voir Jocelyn Royé, La Figure du pédant de Montaigne à Molière, Genève, Droz, 2008, p. 125 et suiva (...)
  • 41  Voir Déborah Blocker, « Territoires de savoirs et espaces de temporalités : le sublime de Boileau (...)

24Dans l’enchevêtrement de ces revirements argumentatifs, et dès lors que l’on met au jour les enjeux non plus seulement scientifiques et esthétiques, mais aussi théologiques et sociaux qui sous-tendent les positions des partisans des Anciens comme des Modernes, il semble difficile de comprendre de quoi la satire médicale moliéresque peut être le nom. À la question de savoir si Molière était un adversaire de la médecine moderne, on a voulu répondre que le dramaturge entendait se moquer, non pas des médecins anciens ou modernes, mais de la pédanterie en général, en tant qu’elle est une usurpation de savoir40. De fait, la critique de Perrault, qui accuse Molière d’avoir confondu savants et pédants, est un leitmotiv des partisans des Anciens comme des Modernes, lesquels se retournent l’accusation les uns contre les autres41. On lit ainsi chez Boileau :

  • 42  Nicolas Boileau, Réflexion critique sur le sublime, v (Œuvres complètes, p. 515-516).

[…] un Pédant, selon [M. Perrault], est un savant nourri dans un Collège, et rempli de Grec et de Latin, qui admire aveuglément tous les Auteurs anciens ; qui ne croit pas qu’on puisse faire de nouvelles découvertes dans la Nature, ni aller plus loin qu’Aristote, Épicure, Hippocrate, Pline […]. Voilà l’idée du Pédant qu’il paraît que Mr P[errault] s’est formée. Il serait donc bien surpris si on lui disait : qu’un Pédant est presque tout le contraire de ce tableau : qu’un Pédant est un homme plein de lui-même, qui, avec un médiocre savoir décide hardiment de toutes choses : qui se vante sans cesse d’avoir fait de nouvelles découvertes ; qui traite de haut en bas Aristote, Épicure, Hippocrate, Pline ; qui blâme tous les Auteurs anciens […]42.

  • 43  Voir Larry Norman, « La Querelle des Anciens et des Modernes, ou la métamorphose de la critique », (...)
  • 44  Voir Claudine Nédélec, « Haro sur le pédant » [1998], Les Dossiers du Grihl, 2007, URL : https://j (...)

25En accusant Perrault d’être un Zoïle moderne, Boileau cherche à déplacer les enjeux de la querelle et à émanciper la pédanterie de la question du rapport aux sources antiques et aux autorités, allant même jusqu’à minorer les Anciens peu lus tels Bartole ou Macrobe43. Poussant le renversement jusqu’à valoriser les « nouvelles découvertes dans la Nature », comme il le faisait dans L’Arrêt burlesque, Boileau fait ainsi du pédant un individu figé dans des formes de discours et non dans des contenus de savoir, ce qui permet de mettre dans un même sac les Perrault et les Diafoirus44. Dans les deux cas, un même manque d’aptum et de sens de la nuance, un même orgueil fortifié par des croyances, empêchent les individus d’apprécier la complexité du réel et les replis de la nature.

26Replacé dans cette perspective, Molière apparaît bien aux yeux des partisans des Modernes comme un auteur qui non seulement se moque des autorités antiques, mais qui met aussi en avant un rapport sain au réel et à la nature. À cette fin, dans le dialogue des morts que Fontenelle lui consacre, Molière se voit mis en parallèle et opposé au fantasque Paracelse qui n’étudiait que des chimères :

  • 45  Bernard de Fontenelle, Nouveaux dialogues des morts, « Dialogues de morts modernes », ii, « Parace (...)

Molière.
[…] Vous sautiez ainsi par-dessus les Hommes que vous ne connaissiez pas, pour aller aux Génies ? […] On dirait que l’esprit humain a tout épuisé, quand on voit qu’il se forme des objets de sciences qui n’ont peut-être aucune réalité, et dont il s’embarrasse à plaisir ; cependant il est sûr que des objets très réels lui donneraient, s’il voulait, assez d’occupation. […] J’estime bien plus ceux qui ne comprennent point ces mystères-là, que ceux qui les comprennent ; mais malheureusement la Nature n’a pas fait tout le monde capable de n’y rien entendre.

Paracelse.
Mais vous qui décidez avec tant d’autorité, quel métier avez-vous donc fait pendant votre vie ?

Molière.
Un métier bien différent du votre. Vous avez étudié les vertus des Génies ; et moi, j’ai étudié les sottises des Hommes45.

  • 46  Voir Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, t. 4, p. 245-246 : « L’Abbé. Il y a (...)

27Face au philosophe extravagant qui étudie les génies, Fontenelle place Molière du côté des vrais Modernes, soucieux d’être utile et de faire progresser la connaissance du cœur humain de ses contemporains, en étudiant la réalité concrète de la nature humaine, comme pourrait le faire dans son domaine le médecin moderne idéal d’un Perrault46.

  • 47  Voir Larry Norman, The Shock of the Ancient : Literature and History in Early Modern France, Chica (...)
  • 48  Sur le médecin Érasistrate, qui guérit le prince Antiochus de son amour mélancolique pour sa jeune (...)

28Toutefois, cette image d’un Molière physionomiste, pétri de bon sens et fin observateur du réel, n’est-elle pas finalement plus compatible avec la pensée des partisans des Anciens qu’avec celle des Modernes ? Au-delà de la question d’un simple rapport aux autorités antiques, il faut en effet garder à l’esprit que la querelle des Anciens fut aussi l’occasion de faire le bilan critique des ambitions rationalistes de la science cartésienne. Contre la propension de l’esprit moderne à rationaliser le monde et à en faire l’anatomie, les partisans des Anciens ont voulu mettre en avant le choc du sublime antique, opposant le je-ne-sais-quoi au savoir positif et la fascinante obscurité des Anciens à la clarté méthodique des Modernes47. Or, au-delà de la seule littérature, ce retournement de la querelle, qui met en avant les mystères archaïques des Anciens, semble pouvoir aussi concerner la médecine. Dans son dialogue des morts consacré à la médecine ancienne et moderne, Fontenelle met ainsi en parallèle Harvey et Érasistrate48, sans pour autant donner une victoire claire au médecin moderne :

  • 49  Bernard de Fontenelle, Nouveaux dialogues des morts, « Dialogues de morts anciens, avec des modern (...)

HervÉ.
Il semble qu’on ait refondu tout l’Homme. Voyez combien notre Médecine moderne doit avoir d’avantages sur la vôtre. […]

Érasistrate.
J’avoue que les Modernes sont meilleurs Physiciens que nous, ils connaissent mieux la Nature ; mais ils ne sont pas meilleurs Médecins, nous guérissions les Malades aussi bien qu’ils les guérissent. […] Il ne s’agissait point de nouveaux conduits, ni de nouveaux réservoirs ; ce qu’il y avait de plus important à connaître dans le Malade, c’était le cœur49.

  • 50  Bernard de Fontenelle, Digression sur les Anciens et les Modernes, 1688 (éd. Anne-Marie Lecoq, La (...)
  • 51  Voir Marc-André Bernier, « Scepticisme et rhétorique du parallèle dans les Nouveaux dialogues des (...)
  • 52  Voir Frédéric Charbonneau, « Parallèles et symétries. Postérité du dialogue fontenellien », dans P (...)

29En farouche adversaire du dogmatisme des Anciens, Fontenelle met en avant la médecine moderne, car la science médicale, par ses raisonnements et ses expériences empiriques, « se perfectionne avec une extrême lenteur, [mais] se perfectionne toujours50 ». Pourtant, après avoir ridiculisé Érasistrate et ses connaissances rudimentaires du corps humain, Fontenelle, en sceptique accompli51, conclut sur un « match nul52 » du point de vue de la guérison effective des malades. Les pratiques médicales archaïques d’Érasistrate, qui ressemblent plutôt à de la psychologie spontanée, regagnent en pertinence, quoiqu’elles ne soient pas susceptibles de progrès. Comme l’indique le personnage d’Érasistrate, la connaissance des mystères insondables du « cœur » et de l’état psychique et émotionnel du malade est indispensable dans ces cas où le rationalisme de la médecine moderne s’avère inutile. Or, ce mécanisme de guérison archaïque est précisément celui que Molière met en scène dans L’Amour médecin, où le personnage de Clitandre se présente comme un médecin de l’âme :

  • 53  Molière, L’Amour médecin, iii, 5 (Œuvres complètes, t. 1, p. 628).

Clitandre.
Monsieur, mes remèdes sont différents de ceux des autres : Ils ont l’émétique, les saignées, les médecines, et les lavements : Mais moi, je guéris par des paroles, par des sons, par des lettres, par des talismans, et par des anneaux constellés53.

  • 54  Voir Patrick Dandrey, L’Amour médecin de Molière ou le mentir-vrai de Lucinde, Paris, Klincksieck, (...)

30Rapproché des sciences occultes, le savoir médical de Clitandre repose sur une approche psychologique intuitive et irrationnelle, à l’image de la théorie de la « sympathie » qu’il convoque juste après. Indépendamment de la réalité de la maladie, cette médecine archaïque et basique est cependant présentée, avec force ironie, comme paradoxalement efficace face à la mélancolie érotique54, car cette maladie de l’esprit peut être détectée par l’observation fine et avisée du patient et par une simple prise du pouls, comme c’était précisément le cas chez Érasistrate. Dès lors, si Molière a indéniablement mis en scène l’échec des médecins qui ont aveuglément épousé le parti des Anciens, il a néanmoins fait triompher son héros par le biais de la médecine ancienne, en tant que pratique sensible et non-rationnelle de ces cures qui explorent l’obscurité de la psyché humaine.

31Dans cette perspective, il est possible alors d’en déduire que ce qui condamne les médecins aux yeux de Molière n’est pas leur adhésion à la médecine antique en elle-même, mais leur adhésion à un dogme au détriment de la sensibilité et du contact affectif avec le malade, lequel est potentiellement conçu comme une pratique ancienne et occulte. Ainsi, avec Molière, les coordonnées de la querelle sur la modernité médicale changent, puisque ce n’est plus tant une question de rapport au savoir (ancien ou moderne), qu’une question de rapport au réel. On peut de là en conclure que, derrière la critique de la médecine comme pédanterie, Molière fait une critique de la médecine comme profession, au sens que Bergson a donné à cette notion dans son analyse du comique moliéresque :

  • 55  Henri Bergson, Le Rire. Essai sur la signification du comique, 1899, éd. Paris, P.U.F., 1940 [2006 (...)

[La comédie] fait parler l’avocat, le juge, le médecin, comme si c’était peu de chose que la santé et la justice, l’essentiel étant qu’il y ait des médecins, des avocats, des juges, et que les formes extérieures de la profession soient respectées scrupuleusement. […]. Le souci constant de la forme, l’application machinale des règles créent ici une espèce d’automatisme professionnel, comparable à celui que les habitudes du corps imposent à l’âme et risible comme lui55.

32L’analyse approfondie des scènes de médecine de Molière montre qu’au fond c’est bien la dimension professionnelle de leur pratique qui tient les vrais médecins moliéresques ridiculement éloignés de la nature, de la complexité et de la souplesse du vivant si chères à Bergson.

  • 56 Henri Bergson, Le Rire, p. 136.
  • 57  Molière, L’Amour médecin, 1666, ii, 5 (Œuvres complètes, t. 1, p. 622).
  • 58  Molière, L’Amour médecin, 1666, ii, 4 (Œuvres complètes, t. 1, p. 619).

33Ainsi, en définitive, alors que les récupérations partisanes de la satire médicale par les défenseurs des Anciens et des Modernes brouillent les cartes, la notion de profession se révèle particulièrement heuristique pour appréhender la comédie médicale moliéresque. D’abord, parce que la notion de profession permet de saisir la mécanique de l’« endurcissement professionnel56 » qui fige comiquement les médecins dans les « règles57 » et les « formalités58 » de leur métier. Ensuite, parce que la profession est une pratique sociale qui peut s’imiter et s’usurper à volonté, surtout si l’on met en scène des personnages d’imposteurs dont le jeu d’acteur fera éclater l’hypocrisie des vrais médecins et leurs postures de pseudo-savants. Enfin, parce que la notion de profession, au sens de profession de foi, rappelle que l’esprit endurci des médecins est un esprit avant tout obnubilé par une croyance. La médecine appréhendée comme une profession permet donc de mettre en scène le trafic des croyances et des certitudes, celles que l’on possède jalousement et celles que l’on vend sans vergogne, comme l’évoquait La Bruyère, et de faire un lien avec la profession de comédien elle-même, par l’articulation de l’art théâtral et du métathéâtre.

Haut de page

Notes

1  Jean de La Bruyère, Les Caractères ou les mœurs de ce siècle, xiv, « De quelques usages », § 65, 1688-1696 (éd. Emmanuel Bury, Paris, Librairie générale française, 1995, p. 547).

2  Voir le portrait de Carro Carri, Les Caractères, xiv, § 68, p. 547-549.

3  Voir François de Callières, Histoire poétique de la guerre nouvellement déclarée entre les Anciens et les Modernes, Paris, Pierre Aubouin et al., 1688, p. 143-146.

4  Voir Michael Call, « The Battle for Molière’s Corpse/Corpus », Theatre, fiction and poetry in the French long seventeenth century, dir. William Brooks et Rainer Zainer, Bern, Peter Lang, 2007, p. 47-59, p. 48 : « […] the struggle between Ancients and Moderns is at least in part a struggle over Molière’s legacy. […] However, what is, if not entirely unique, at least rare in Molière’s case is the prestige and esteem that the playwright enjoyed among participants from both sides of the querelle. » Voir aussi dans le même volume Larry Norman, « Was Molière a Modern ? », p. 233-246, p. 235 : « Molière is a playwright of dialogical exuberance, not a card-carrying polemicist (at least not for causes other than his own). »

5  Molière, L’Amour médecin, ii, 2 (Œuvres complètes, éd. Georges Forestier et Claude Bourqui, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2 volumes, 2010, t. 1, p. 618). Sauf indication contraire, toutes les références moliéresques renvoient à cette édition.

6  Molière, L’Amour médecin, ii, 4 (Œuvres complètes, t. 1, p. 619).

7  Molière, Le Malade imaginaire, ii, 5 (Œuvres complètes, t. 2, p. 676).

8  Molière, Le Malade imaginaire, ii, 6 (Œuvres complètes, t. 2, p. 682-683).

9  Voir M. Call, « The Battle for Molière’s Corpse/Corpus », art. cit., p. 56 : « […] Molière becomes not only a case example of Modern superiority (Perrault’s comparison between Molière and Terence, for example) but also becomes constitutive of a more general culture of modernity – the abbé and the chevalier demonstrate through their citations and paraphrases of Molière a wordly sophistication, good taste, and an engagement with their own cultural surroundings. »

10  Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde les arts et les sciences, Paris, Jean-Baptiste Coignard, t. 1, 1688, p. 94.

11  Molière, L’Amour médecin, ii, 5 (Œuvres complètes, t. 1, p. 621).

12  Molière, La Critique de L’École des femmes, 6 (Œuvres complètes, t. 1, p. 506).

13  Voir Charles Perrault, Critique de l’opéra, ou examen de la tragédie intitulée Alceste ou le triomphe d’Alcide, 1674 : « Cléon. Il faut considérer que les comédies ne sont pas faites pour plaire seulement aux habiles, mais à tous les honnêtes gens que Térence appelle le peuple, et que, suivant son témoignage, elle est parvenue à sa fin, si elle a su leur plaire. Quand un galant homme, qui n’aura jamais lu Aristote ni Horace, me dira qu’une pièce lui a plu, […] je croirai que la pièce que ce galant homme a vue est bonne, et ce témoignage sera plus fort à mon égard, que toutes les raisons des demi-savants. » (éd. William Brooks et al., Alceste, suivi de La Querelle d’Alceste. Anciens et Modernes avant 1680, Genève, Droz, 1994, p. 101).

14  François Bernier, Requête des Maîtres ès Arts, Professeurs, et Régents de l’Université de Paris présentée à la Cour Souveraine de Parnasse : Ensemble l’Arrêt intervenu sur ladite Requête, Delphes, par la Société des Imprimeurs Ordinaires de la Cour de Parnasse, 1671, p. 8.

15  Molière, Le Malade imaginaire, iii, 3e intermède (Œuvres complètes, p. 713).

16  Voir Jacques Rohault, Traité de physique, Paris, Veuve Charles Savreux, 1671, t. 1, préface, n.p. [p. vi-vii]. Voir Jean-Luc Robin, « L’indiscipline de l’Arrêt Burlesque et les deux voies de la légitimation du discours scientifique », Seventeenth-Century French Studies, no 29, 2007, p. 101-111.

17  Il s’agit de Claude Morel, docteur de Sorbonne farouchement hostile au jansénisme, que ses adversaires avaient surnommé « Mâchoire d’âne » et que Boileau venait de railler, en 1668, dans sa Satire viii. À Monsieur M*** Docteur de Sorbonne en le comparant implicitement à un âne (éd. Françoise Escal, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1966, p. 41).

18  Fr. Bernier, Avis d’« Alitophile au lecteur », dans Requête des Maîtres ès Arts, p. 4.

19  Voir Claudine Nedelec, « L’invention du burlesque : de Marc Fumaroli à Boileau, aller et retour », dans Quelques « xviie siècle » : Fabrications, usages et réemplois, dir. Alain Viala, Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, no 28-29, 2002, URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ccrh/1082 (consulté le 7 décembre 2023).

20  Il faut noter à ce sujet qu’à l’occasion de la querelle des deux Iphigénie, Pierre Perrault rappelait que Molière était un champion de la modernité théâtrale, contre l’autorité des connaisseurs, mais faisait néanmoins bien partie de « la cabale » des Anciens (Critique des deux tragédies d’Iphigénie, BnF, Ms fr 2385, dans Alceste, p. 147-150). Voir Larry Norman, « Was Molière a Modern ? », art. cit., p. 235 : « […] Even while praising Molière in the fallout from the ‘Querelle d’Alceste’, Pierre Perrault must admit that the playwright not only imitated and admired Plautus and Terence, but that he was furthermore considered in his time a decided opponent of the Modern cause, indeed even a member of the dreaded Ancient party conspiracy, the ‘Caballe’. »

21  Nicolas Boileau, Arrêt donné en la Grand’Chambre du Parnasse, en faveur des Maîtres-ès-Arts, Médecins et Professeurs de l’Université de Stagire au pays des chimères : pour le maintien de la doctrine d’Aristote, 1671 (dit L’Arrêt burlesque, Œuvres complètes, p. 327-328).

22  Voir Delphine Reguig, Boileau poète. « De la voix et des yeux », Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 115-139.

23  Molière, Le Festin de Pierre, iii, 2 (Œuvres complètes, t. 2, p. 874).

24  Voir Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes où il est traité de l’astronomie, de la géographie, de la navigation, de la guerre, de la philosophie, de la musique, de la médecine, etc., Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1697, t. 4, p. 155-156 : « L’abbé. […] Aristote n’apprend rien du tout. Car de dire par exemple que la chaleur est une qualité qui rend chaud le sujet où elle est ; que l’humidité est une qualité qui le rend humide, il est constant que cela n’apprend rien qu’on ne sache déjà. Mais puisque vous prenez Aristote pour votre Champion, et que vous voulez que je prenne Descartes pour le mien, je consens que le combat ne se donne qu’entre ces deux Philosophes. »

25  Voir Charles Perrault, Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle : avec leurs portraits au naturel, Paris, Antoine Dezallier, 1696, p. 60 : « À l’égard de la Physique, n’étant point content de celle d’Aristote, laquelle explique toutes choses par le moyen des qualités qu’elle donne aux Agents sans se mettre en peine des moyens, dont ces Agents se servent pour opérer, et qui est plutôt une Métaphysique qu’une Physique, [Descartes] trouve des causes mécaniques de tout ce que fait la Nature […]. […] la hardiesse qu’il eut d’établir des Maximes contraires à celles des Anciens, lui suscita des ennemis […]. »

26  Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, t. 4, p. 231-234.

27  Charles Perrault, Les Hommes illustres, p. 80.

28  Molière, Le Malade imaginaire, III, 3 (Œuvres complètes, t. 2, p. 727).

29  Voir Georges Forestier et al., notice du Malade imaginaire, dans Œuvres complètes, t. 2, p. 1561-1566, et son article dans le présent numéro.

30 Voir Bénédicte Louvat et al., notice de L’Amour médecin, dans Œuvres complètes, t. 1, p. 1419-1422.

31 Molière, Préface du Tartuffe (Œuvres complètes, t. 2, p. 95).

32  Voir Marc Fumaroli, « La Querelle de la moralité du théâtre au xviie siècle », Bulletin de la société française de philosophie, no 84/3, 1990, p. 65-97, commenté par Paul Audi, La Riposte de Molière, Paris, Verdier, 2022, p. 44-47.

33  Sur cet effet de contextualisation de la querelle vis-à-vis du paradigme médical, il faut se souvenir que le troisième placet de Molière était malicieusement adressé à son médecin (Œuvres complètes, t. 2, p. 195).

34  Voir Molière, Le Tartuffe, i, 5 et v, 1 (Œuvres complètes, t. 2, p. 112-113 et 174-175).

35  Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, t. 4, p. 256-257.

36  Voir Bénédicte Louvat, Molière. L’Amour médecin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Malade imaginaire, Neuilly, Atlande, 2006, p. 71.

37  Voir Jeanne Morgan Zarucchi, « L’inimitié Perrault-Boileau et “Le corbeau guéri par la cigogne” », xviie siècle, no 156, juillet-septembre 1987, p. 283-289.

38  Nicolas Boileau, L’Art poétique, iv, 1-24 (Œuvres complètes, p. 180).

39 Voir Nicolas Boileau, L’Art poétique, i, 4 (Œuvres complètes, p. 157).

40  Voir Jocelyn Royé, La Figure du pédant de Montaigne à Molière, Genève, Droz, 2008, p. 125 et suivantes.

41  Voir Déborah Blocker, « Territoires de savoirs et espaces de temporalités : le sublime de Boileau aux prises avec quelques “Modernités” », Seventeenth-Century French Studies, no 29, 2007, p. 113-123.

42  Nicolas Boileau, Réflexion critique sur le sublime, v (Œuvres complètes, p. 515-516).

43  Voir Larry Norman, « La Querelle des Anciens et des Modernes, ou la métamorphose de la critique », Naissance de la critique littéraire, dir. Patrick Dandrey, Littératures classiques, no 86, 2015, p. 95-114.

44  Voir Claudine Nédélec, « Haro sur le pédant » [1998], Les Dossiers du Grihl, 2007, URL : https://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/dossiersgrihl/422 (consulté le 7 décembre 2023) : « […] les Diafoirus représentent une pensée figée, qui refuse toute innovation par principe, tout entière fondée sur “l’autorité des Anciens”, c’est-à-dire sur un savoir livresque et entièrement intellectualisé, coupé des réalités physiques, et si dogmatique qu’aucun doute ne vient jamais l’effleurer, et en cela, ils se ridiculisent, ou plutôt ils sont ridiculisés par Molière. On peut remarquer que, dans les autres textes de Molière, le savant ridicule est toujours aristotélicien. […] Comme bien d’autres dottore, entraînés dans l’illusion d’une science universelle, les docteurs en médecine, faute de pouvoir atteindre une science véritable, se gargarisent de mots, se laissent entraîner dans une logorrhée séduisante, mais factice, purement nominaliste, qui fonctionne à vide, sans rapport avec le réel. D’où l’accusation : la médecine ne saurait être qu’une science des mots et non des choses, un “roman”. »

45  Bernard de Fontenelle, Nouveaux dialogues des morts, « Dialogues de morts modernes », ii, « Paracelse, Molière », 1684, éd. Jean Dagen, Paris, Société des textes français modernes, 1971, p. 363-366.

46  Voir Charles Perrault, Parallèle des Anciens et des Modernes, t. 4, p. 245-246 : « L’Abbé. Il y a grande apparence que mieux on connaît la structure du corps humain, que mieux on sait comment se fait le sang, comment il coule dans les veines, comment se font la digestion, la nutrition, l’accroissement, et toutes les autres opérations qui nous font vivre, croître et mouvoir, mieux on connaît les maladies où nous sommes sujets, qui ne naissent la plupart que du désordre qui arrive dans ces opérations naturelles, et plus on est en état d’y pouvoir remédier. »

47  Voir Larry Norman, The Shock of the Ancient : Literature and History in Early Modern France, Chicago, Chicago University Press, 2011, p. 189-190 (trad. Diane Meur, Sous le choc de l’antique. Littérature et histoire dans la France de la première modernité, Paris, Hermann, 2022, p. 242-245).

48  Sur le médecin Érasistrate, qui guérit le prince Antiochus de son amour mélancolique pour sa jeune belle-mère Stratonice, et sur l’importance de ce motif dans la comédie médicale à l’époque de Molière, voir dans le présent numéro l’article de Lise Michel.

49  Bernard de Fontenelle, Nouveaux dialogues des morts, « Dialogues de morts anciens, avec des modernes », v, « Érasistrate, Hervé », p. 187-188.

50  Bernard de Fontenelle, Digression sur les Anciens et les Modernes, 1688 (éd. Anne-Marie Lecoq, La Querelle des Anciens et des Modernes, Paris, Gallimard, 2001, p. 301).

51  Voir Marc-André Bernier, « Scepticisme et rhétorique du parallèle dans les Nouveaux dialogues des morts de Fontenelle », dans Parallèle des Anciens et des Modernes. Rhétorique, histoire et esthétique au siècle des Lumières, Québec, Presses de l’université de Laval, 2006, p. 49-59.

52  Voir Frédéric Charbonneau, « Parallèles et symétries. Postérité du dialogue fontenellien », dans Parallèle des Anciens et des Modernes. Rhétorique, histoire et esthétique au siècle des Lumières, p. 63-77, p. 69 : « Il est clair dans ces conditions que le parallèle doit aboutir à une sorte de match nul : ni progrès, ni décadence ; l’homme est captif de l’éternité. »

53  Molière, L’Amour médecin, iii, 5 (Œuvres complètes, t. 1, p. 628).

54  Voir Patrick Dandrey, L’Amour médecin de Molière ou le mentir-vrai de Lucinde, Paris, Klincksieck, 2006, p. 187-191.

55  Henri Bergson, Le Rire. Essai sur la signification du comique, 1899, éd. Paris, P.U.F., 1940 [2006], p. 41.

56 Henri Bergson, Le Rire, p. 136.

57  Molière, L’Amour médecin, 1666, ii, 5 (Œuvres complètes, t. 1, p. 622).

58  Molière, L’Amour médecin, 1666, ii, 4 (Œuvres complètes, t. 1, p. 619).

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Léo Stambul, « Profession médecin : de la scène moliéresque à la querelle des Anciens »Arrêt sur scène / Scene Focus [En ligne], 12 | 2023, mis en ligne le 22 mars 2024, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asf/5290 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/asf.5290

Haut de page

Auteur

Léo Stambul

Maître de conférences en littérature française du XVIIe siècle à l’université Paul-Valéry de Montpellier, rattaché à l’IRCL (UMR 5186), Léo Stambul est l’auteur de travaux sur la figure de Boileau (Le Régent du Parnasse. Le pouvoir littéraire de Boileau, Classiques Garnier, à paraître) et sur les polémiques de la première modernité (« L’intérêt des méthodes, ou comment écrire l’histoire des querelles littéraires », dans Les Querelles littéraires, Travaux de littérature, no 32, 2019 ; « La querelle des Anciens et des femmes, ou le pouvoir d’un public à la mode », dans Anciens et Modernes face aux pouvoirs, Champion, 2022).
Léo Stambul is a lecturer in 17th-century French literature at Université Paul-Valéry in Montpellier and a member of the IRCL (UMR 5186). He works on the figure of Boileau (Le Régent du Parnasse. Le pouvoir littéraire de Boileau, Classiques Garnier, forthcoming) and has published on the polemics of the early modern period : ‘L'intérêt des méthodes, ou comment écrire l'histoire des querelles littéraires’, in Les querelles littéraires, Travaux de littérature, no 32, 2019 ; ‘La querelle des Anciens et des femmes, ou le pouvoir d'un public à la mode’, in Anciens et Modernes face aux pouvoirs, Champion, 2022.

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search