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Synthèses historiographiques

Histoire économique et histoire des techniques (xve-xviiie siècle)

Economic History and History of Technology (xvth-xviiith centuries)
Liliane Hilaire-Pérez et Catherine Verna
p. 13-30

Résumés

S’il est courant de rappeler ce que l’histoire des techniques doit à l’histoire des sciences, le dialogue avec l’histoire économique a été tout aussi riche et structurant. Inscrit dans l’héritage des Annales, il s’est déployé à la lumière de l’histoire de la consommation et de l’économie de la connaissance. Les périodes médiévale et moderne ont été un laboratoire. La mise en valeur de la pluralité des modes de production et des ressources des sociétés anciennes a permis d’interroger les temporalités et de montrer la coexistence des générations techniques, mettant en cause toute linéarité des transformations techniques.

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Texte intégral

  • 1 Philippe Braunstein, « Pour une histoire économique et sociale des techniques », dans Roger Guesner (...)
  • 2 Denis Woronoff, Histoire de l’industrie en France, Paris, Le Seuil, 1994, p. 8.

1Dans un article intitulé « Pour une histoire économique et sociale des techniques » paru en 1998, Philippe Braunstein expliquait que « toute réflexion sur l’organisation économique de la vie sociale demeure insatisfaisante, si elle ne prend pas en compte les processus, l’outillage et les capacités humaines, sans lesquelles il n’est pas de production industrielle, pas de catégorie professionnelle, pas de maîtrise du marché1. » Un même constat apparaissait chez Denis Woronoff dans Histoire de l’industrie en France, en 1994 : si l’histoire de l’industrie avait privilégié celle des produits et des profits, elle s’était aussi donné de « nouvelles ambitions », « aller au plus près du processus productif », une démarche servie par l’archéologie industrielle2. Ces appels font date car il est plus courant de rappeler ce que l’histoire des techniques doit à l’histoire des sciences. Ainsi, en 1998, les Annales publiaient un dossier intitulé « Des “Social Studies of Science” à l’histoire des techniques », postulant un renouveau de l’histoire des techniques sous les auspices de la sociologie des sciences et de la Social Construction of Technology.

  • 3 Maurice Daumas, Le cheval de César ou le mythe des révolutions techniques, Paris, Éditions des Arch (...)
  • 4 « Il n’est sans doute pas de secteur de la vie médiévale où un autre trait de mentalité : l’horreur (...)

2Une autre filiation a cependant bien cheminé. Les historiens de l’économie, à l’avant-scène des interrogations sur les temporalités, ont mis en valeur la pluralité des modes de production et la coexistence des générations techniques, critiquant le modèle de succession des « systèmes techniques » et des « révolutions techniques3 ». Ils ont restitué avec finesse les ressources des sociétés anciennes dites archaïques et les vertus de la répétition, source de maîtrise technique, voire d’innovation. Dans ce contexte historiographique, la période médiévale a occupé une place majeure depuis la remise en cause de la sentence de Jacques Le Goff selon laquelle le Moyen Âge était caractérisé par un refus de l’innovation dans le domaine des techniques4. Si les social studies ont orienté le regard vers des lieux de savoir, l’histoire économique et sociale a brisé un tabou, celui de la linéarité des transformations techniques.

3C’est à la lueur de ces questionnements que l’étude des territoires de l’industrie et celle des circulations techniques se sont développées, comme des observatoires de la discordance des temps. C’est aussi cette sensibilité aux rythmes et à la durée qui a permis à l’histoire économique et sociale de poser à neuf la question de l’invention et de l’innovation. C’est enfin cette approche qui permet d’ouvrir l’histoire de l’environnement aux temps de la technique.

Temporalités et territoires

4Tout en rappelant les acquis de l’histoire économique, on entend ici mettre en valeur les résonances avec l’histoire des techniques qu’il s’agisse de la pluralité des modes de production et de la coexistence de générations techniques ou de la mise en cause des modèles diffusionnistes de circulations des techniques.

Les techniques et les modes de production

5Loin de tout modèle linéaire, les études actuelles soulignent l’imbrication, depuis le Moyen Âge, entre industrie, production artisanale urbaine et production rurale (appelée à tort proto-industrie puisque, selon les régions, elle ne donna pas nécessairement lieu à une industrialisation).

  • 5 Jean-Michel Minovez, Catherine Verna et Liliane Hilaire-Pérez (dir.), Les industries rurales dans l (...)
  • 6 Philippe Braunstein, « L’industrie à la fin du Moyen Âge, un objet historique nouveau ? » (1998), d (...)
  • 7 Ibid.
  • 8 Mireille Mousnier (dir.), L’artisan au village dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, Presse (...)
  • 9 Catherine Verna, Le temps des moulines. Fer, technique et société dans les Pyrénées centrales (xiii(...)

6Dans le monde rural, la continuité est forte entre époque moderne et Moyen Âge, et il convient de souligner la créativité et le dynamisme des campagnes sur le temps long, non sans interroger la notion même d’industrie, irréductible au seul processus de mécanisation du xixe siècle5. Comme le rappelait Ph. Braunstein, pour le Moyen Âge et la Renaissance, « l’industrie existe avant l’industrie » dans ces « lieux intercalaires » où s’installent forges, fonderies, tanneries, papeteries6. Une production massive prend aussi place dans l’espace domestique, par exemple pour le filage dans l’Angleterre du xviiie siècle. Il faut donc adopter une définition extensive de l’industrie, « une production quantitativement importante, régulière, de qualité constante, qui dépasse le marché local7 ». Cette acception ouvre sur une variété de formes : artisans au village ; ouvriers-paysans à domicile8 ; entreprises seigneuriales et princières, telle la saline de Salins-les-Bains ; industries tenues par des notables locaux – soit le kausystem, désignant la part d’autonomie de petits entrepreneurs, parfois par l’intermédiaire de communautés rurales comme celle de la vallée de Vicdessos dans les Pyrénées ariégeoises qui obtient l’exploitation exclusive du minerai de fer par charte comtale au xive siècle9.

  • 10 Carlo M. Belfanti, « A chain of skills : the production cycle of firearms manufacture in the Bresci (...)

7Cette diversité des formes industrielles à la campagne recouvre une palette de compétences techniques. Certains historiens ont insisté sur la pluri-activité et d’autres sur la déqualification massive, d’autres encore sur les savoir-faire spécialisés – en rien l’apanage des villes. Cette mosaïque de situations laisse entrevoir l’intérêt d’une étude des compétences locales : les fabricants d’acier de la région de Brescia à la fin du Moyen Âge devenus fabricants d’armes à l’époque moderne ; les forgeurs ariégeois du xive au xviiie siècle qui pérennisent grâce à l’endogamie, des savoir-faire de haut niveau10.

  • 11 Charles F. Sabel, Jonathan Zeitlin (dir.), World of possibilities. Flexibility and mass production (...)
  • 12 S. R. Epstein, Maarten Prak (dir.), Guilds, Innovation and the European Economy, 1400-1800, Cambrid (...)

8Une même logique de réhabilitation des compétences et des habiletés techniques court dans l’historiographie récente de l’artisanat urbain. L’histoire économique, soucieuse de restituer les alternatives au mode de production centralisé, a mis en valeur les dynamiques urbaines, « municipalistes », ayant promu les petites unités de production11. Les corporations (ou Métiers au Moyen Âge) sont au cœur de la démonstration12. Souvent caricaturées dans l’historiographie, elles sont réhabilitées comme des dispositifs de formation et de transmission des savoir-faire et comme outils de gestion des migrations et des circulations de savoirs. Les métiers participent d’une créativité technique qui marque les villes en Europe depuis la fin du Moyen Âge car l’interdiction de l’innovation par le métier peut se doubler d’un soutien à cette même innovation par le biais de financements concédés par les membres du métier, mais à l’extérieur des murs de la ville : c’est le cas du moulin foulon à la fin du Moyen Âge.

  • 13 Sylvie Caucanas, Rémy Cazals (dir.), Du moulin à l’usine. Implantations industrielles du xe au xxe  (...)
  • 14 Pamela O. Long, Artisan/Practitioners and the Rise of the New Sciences, 1400-1600, Corvallis, Orego (...)

9Il faut, en effet, savoir déjouer les apparences et ne pas se laisser abuser par les images que construisent les institutions. Plusieurs historiens, à partir du renouveau constitué par l’histoire de la consommation au xviiie siècle, ont montré que sous l’effet de la demande, les activités artisanales se sont transformées : intensification technique, innovation plurielle (modèles, matériaux, outillage, communication visuelle, marketing), déploiement de la division du travail, complexification des apprentissages. Des brassages de compétences incessants placent les artisans au cœur de la recomposition des identités de métiers en termes opératoires. De même, si l’historiographie a longtemps opposé artisanat et industrie, les interférences sont de plus en plus avérées. L’industrie n’a pas attendu le colbertisme ni l’avènement de la vapeur pour se déployer en Europe, comme on l’a souligné à propos des campagnes, équipées de mines, de forges et de toutes sortes de moulins industriels depuis le Moyen Âge. Du moins, peut-on distinguer la concentration technique, motivée par les logiques énergétiques qui ont façonné les vallées industrielles13, de la concentration d’ouvriers, la « manufacture réunie » selon l’Encyclopédie, promue par les politiques mercantilistes. Ici également, les historiens des techniques posent la question des savoirs. Mines, arsenaux, usines et manufactures sont considérés comme des lieux de savoir, favorisant l’interaction entre les entrepreneurs, les techniciens, la main-d’œuvre, mais aussi les savants et les experts au service des autorités. Ces sites sont des « trading zones » dès le Moyen Âge, à la manière des arsenaux de Venise et d’Innsbruck, des mines de cuivre de l’Erzgebirge et du Tyrol, des mines d’argent en Alsace et d’alun près de Rome, lieux de production et d’expérimentation au service des autorités14.

10Les manufactures sont enfin des lieux de coordination de l’information et de rationalisation de la production. Au xviiie siècle en France, elles participent des projets de réforme que mène l’administration du commerce sous l’égide de Daniel-Charles Trudaine (1703-1769). Dans la soierie, Jacques Vaucanson (1709-1782), inspecteur des manufactures, doit uniformiser la production en s’appuyant sur de grands établissements de tirage et de moulinage des fils de soie. Devenu académicien (1746), il se lance dans l’invention de métiers, de tours à tirer la soie et de machines-outils à l’hôtel de Mortagne – dépôt officiel de machines à sa mort, en 1782, et noyau des collections du Conservatoire des arts et métiers.

11Ces perceptions de l’industrie, mettant en avant les dynamiques spatiales, ont renforcé l’attention pour la territorialité des savoirs techniques, non sans interroger avec acuité le thème des circulations techniques.

Les circulations techniques

  • 15 Immanuel Wallerstein, The Modern World-System, New York, Academic Press, 1974, 1980 ; Fernand Braud (...)
  • 16 Liliane Hilaire-Pérez, Catherine Verna, « Dissemination of technical knowledge in the Middle Ages a (...)

12L’histoire économique a longtemps favorisé une compréhension linéaire, diffusionniste et européanocentrée des circulations techniques, entendues comme transferts, en lien avec l’idéologie qui a sous-tendu la notion de développement. Ces approches se sont doublées de représentations hiérarchisées de l’espace, entre centres et périphéries, métropoles et colonies, techniques dominantes et dominées, au cœur du modèle d’Immanuel Wallerstein et des économies-mondes de Fernand Braudel15. Les renouvellements historiographiques ont puissamment remis en cause ces approches et permis d’ouvrir un champ de recherche dont la vitalité est actuellement indéniable16.

  • 17 Philippe Braunstein, « Maîtrise et transmission des connaissances techniques au Moyen Âge », Histor (...)

13Déjà Paul Bairoch, historien de l’économie, et Nathan Rosenberg, historien des techniques industrielles, s’étaient opposés à cette approche unifiante et réductrice. Selon eux, l’analyse historique suggérait que les transmissions techniques étaient des processus incertains et complexes, bien éloignés de toute vision homogénéisatrice. La notion même de circulation a ainsi été confrontée et préférée à celles de dissémination, transmission et communication, en raison de l’attention qu’elles ouvraient aux interactions, aux négociations et aux reconfigurations qui sous-tendent les appropriations, les hybridations, les refus et les échecs. Un corpus de connaissances et de méthodes s’est ainsi constitué, dans l’échange entre historiens de l’économie et des techniques. La diffusion technique est apparue comme irréductible à tout principe d’universalité. Ph. Braunstein réfutait clairement « une histoire universelle générale17 ». Ses remarques étaient nourries de la critique du modèle diffusionniste qui aboutissait à la reconstitution de transferts artificiels, en particulier d’Orient en Occident, par l’intermédiaire épique des Croisades. La question du moulin à vent est un bon exemple de ce type de schéma simplificateur.

  • 18 Paul A. David, « Clio and the economics of QWERTY », American Economic Review, 1984, 75-2, p. 332-3 (...)

14La réflexion a participé de la remise en cause d’approches internalistes. Des relectures essentielles ont permis de faire émerger le rôle des apprentissages, des transmissions, des usages et des choix qui commandent les investissements sociaux dans telle technique et construisent son efficacité. La question des contextes est devenue centrale en histoire des techniques et ce tournant a placé les savoirs en première ligne. À ce stade, la convergence a été complète avec l’histoire économique qui, dans la recherche des facteurs de la croissance, a privilégié les savoirs et la culture dans la création de richesses, en écho avec l’affirmation des études sur l’économie de la connaissance et sur la « dépendance du sentier » (path dependency)18.

  • 19 Ph. Dillmann, L. Hilaire, C. Verna (dir.), L’acier en Europe avant Bessemer, op. cit.

15Dans ces conditions, s’est posée la question de l’identification des techniques dans ces processus. Quelles ressources et quelles échelles pour repérer des techniques anciennes qui ont rarement été enregistrées ou codifiées et dont les adaptations ont été multiples ? Pour le Moyen Âge, l’apport de l’archéologie a permis la reconstitution de procédés et de chaînes opératoires à partir d’une enquête sur la matière et sur l’objet. Comment interpréter les dénominations de produits et de procédés portant des origines géographiques, des noms de fabricants ou des marques distinctives, dans des économies où la sophistication des appellations participe de stratégies complexes d’identification des produits ? Ainsi, une recherche collective, précise et sur le temps long, a révélé la complexité des désignations, les filiations et les copies autour d’un produit phare des marchés : l’acier19.

  • 20 Alida Clemente, « Innovation in the capital city : central policies, markets and migrant skills in (...)

16Enfin, les problèmes de repérage s’appliquent aussi aux trajets des techniques. Si les échecs furent fréquents, les circuits éclatés et les détours le furent tout autant : la manufacture de porcelaine de Capodimonte à Naples au xviiie siècle attire à la fois des spécialistes d’Italie du Nord (dessinateurs) et de l’espace germanique (orfèvres), ainsi que des potiers, faïenciers et architectes de Naples et de son arrière-pays – mettant en cause le modèle centre/périphérie20. Loin d’être homogène, la circulation des savoirs a pu être plus intense dans certains lieux. Pour le Moyen Âge, ce n’est pas un hasard si les chantiers ou les mines d’argent constituent souvent un observatoire privilégié pour reconstituer les circulations : ils sont un espace exceptionnel de condensation de techniques, où se croisent les compétences, les savoirs et les hommes qui les portent, dans un contexte politique et financier favorable.

  • 21 K. Davids, B. de Munck (dir.), Innovation and Creativity, op. cit.
  • 22 Monique Bourin, François Menant, Lluis To Figueras (éd.), Dynamiques du monde rural dans la conjonc (...)

17Dans tous les cas, la circulation de techniques repose sur une synergie de moyens, matériels, commerciaux, culturels qui en font un processus complexe, à haut risque. Cela justifie que les pouvoirs publics aient mis sur pied des dispositifs de gestion des mobilités, à un moment où les savoirs, peu codifiés, ne circulent qu’avec leurs porteurs. Ces approches sont centrales dans les travaux récents visant à restituer la créativité des villes et se concentrant sur les liens entre citoyenneté, migrations et circulations techniques21. Peut-être pour le Moyen Âge, le renversement des questionnements scientifiques et historiographiques réside-t-il dans la place accordée aux petites villes et aux bourgs dans la diffusion de l’innovation, autour d’une notabilité des campagnes particulièrement active22. S’il ne s’agit pas de pointer une « révolution artisanale » à la fin du Moyen Âge, dans le but de conforter le modèle de la Petite Divergence et une nouvelle téléologie de la révolution industrielle, il convient de prendre la mesure des questionnements sur les savoirs techniques dans les thématiques phares de l’histoire économique.

18Cette remarque vaut aussi bien pour l’histoire de l’innovation, longtemps portée par l’histoire économique et de plus en plus ouverte à l’étude culturelle des techniques.

Invention et innovation

  • 23 Joseph Schumpeter, The Theory of Economic Development; an Inquiry into Profits, Capital, Credit, In (...)
  • 24 Kristine Bruland, Keith Smith, « Les transitions technologiques à grande échelle dans l’histoire et (...)
  • 25 Charles Freeman, Luc Soete, The Economics of Industrial Innovation, Londres, Routledge, 1997.
  • 26 Paul Mantoux, La Révolution industrielle en Angleterre au xviiie siècle, Paris, G. Bellais, 1905 ; (...)

19L’histoire des techniques a été marquée par Joseph Schumpeter (1883-1950) pour qui la clef des cycles longs résidait dans les innovations radicales permises par les investissements d’entrepreneurs dans des techniques de pointe23. Si Schumpeter a cependant hésité à rapporter les techniques au processus de croissance24, ses successeurs leur ont attribué un rôle moteur25. Ce déterminisme croisait d’autres représentations, héritées de la notion de révolution industrielle depuis le xixe siècle et véhiculées par les ouvrages de Paul Mantoux et de David S. Landes26. Le progrès technique, héroïsé, était associé à des inventeurs de génie et les inventions devenaient les agents de transformations cataclysmiques de l’économie.

Les relectures

  • 27 Maxine Berg, « Revisions and revolutions : technology and productivity change in manufacture in eig (...)

20Les mises en cause de ces représentations ont été fortes dès l’entre-deux-guerres. J. H. Clapham et Abbott Payson Usher montraient que la modernisation avait été lente et incomplète au cœur même de l’Angleterre industrielle et limitée à des secteurs pionniers – coton, sidérurgie au coke. Cette approche gradualiste, opposant des secteurs innovants au reste de l’économie immobile ou archaïque, fut elle-même critiquée27. Une autre image de la révolution industrielle s’est dessinée : celle d’un bouleversement massif de l’organisation du travail, non limité à la mécanisation, affectant toutes les couches du monde du travail et revêtant de multiples visages, selon les régions, selon les secteurs. La territorialité des techniques est sortie renforcée par ces travaux, soulignant moins le conservatisme de certains secteurs que la multiplicité des voies de l’innovation, y compris au cœur des techniques dites traditionnelles, en lien avec le succès de la notion de « dépendance du sentier » chez les économistes.

  • 28 C. Verna, Le temps des moulines, op. cit. ; Philippe Bernardi, Catherine Verna, « Travail et Moyen (...)

21De telles approches ont eu un impact majeur bien en amont. L’histoire médiévale a été l’un des creusets d’élaboration de nouveaux modèles de compréhension du changement technique28. Il a fallu, en priorité, justifier scientifiquement l’usage même de la notion d’innovation. Dans un second temps, les enquêtes, en particulier à petite échelle, ont fait partie de la remise en cause du modèle schumpéterien de rupture radicale. En même temps, les historiens ont enfin rencontré les techniques, interrogé les pratiques inventives, le sens de l’invention pour les contemporains et les modes de validation sociale, économique, politique de la nouveauté qui construisent son efficacité, en rien limitée à un passage linéaire de l’invention à l’innovation.

Les pratiques inventives

  • 29 Joel Mokyr, The Lever of Riches. Technological Creativity and Economic Progress, Oxford, Oxford Uni (...)

22Parmi les tentatives pour modéliser le changement technique, l’histoire économique a convoqué les analogies avec le vivant afin de souligner le rôle de l’adaptation et des inventions incrémentielles et leurs liens avec les macro-inventions, la coexistence de la nouveauté avec des techniques anciennes, la pérennité de techniques validées par l’usage – dites path-dependant –, l’hybridation comme source majeure d’invention etc.29

  • 30 Jacques Guillerme, L’art du projet. Histoire, technique, architecture, textes réunis par Hélène Vér (...)
  • 31 Dietrich Lohrmann, « Les moulins d’un ingénieur allemand en Italie, vers 1425 », dans Paola Galetti(...)

23Il serait excessif d’y voir un seul apport de l’histoire économique. L’histoire des techniques a bénéficié de réflexions essentielles venues de la philosophie30. L’ouvrage d’Hélène Vérin sur les ingénieurs de l’Europe moderne constitue une étape cruciale. Philosophe et historienne, l’auteure mettait en valeur la pensée de synthèse, comparative, analogique, substitutive et combinatoire des ingénieurs – leur ingenium. Un procès continu de mémorisation, de rapprochement, de sélection, d’adaptation et d’agencement était à la source de l’invention – bien loin du paradigme de la science appliquée. Au xve siècle, les ingénieurs, dans le domaine exemplaire des techniques hydrauliques, furent à l’origine de traités techniques qui se présentent comme une synthèse des innovations techniques antiques et médiévales, combinée au processus d’invention par le recours à l’imagination créatrice : on pense à Taccola ou bien à Konrad Gruter, moins connu31. Le carnet (à l’image de celui de Villard de Honnecourt) est autant à interroger que le traité offert au prince.

  • 32 Denis Woronoff, « Le quotidien des techniques : de la répétition aux aménagements », dans Michèle M(...)
  • 33 Jean Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises, une industrie à la montagne (...)

24À un autre niveau, poser la question des rythmes de la croissance permettait d’ouvrir la possibilité d’une histoire attentive à la lenteur des transformations, à la coexistence de générations techniques, dans un monde du travail dominé par la répétition, où l’innovation n’offrait pas toujours d’avantages comparatifs32. Le cheminement des techniques en société, leur validation par des communautés humaines devenaient des paramètres essentiels pour les historiens, privilégiant ainsi l’étude des sites par rapport au récit linéaire. L’examen de la sidérurgie, sur le temps long, constitue une parfaite illustration de ce phénomène. Le procédé de réduction directe (correspondant à l’atelier désigné couramment comme « forge à la catalane » pour la période moderne) s’est maintenu jusqu’au xixe siècle dans certaines régions d’Europe. Ce procédé qui permet de produire du fer dans un bas foyer à partir du minerai et du charbon de bois, directement et sans passer par l’intermédiaire de la fonte, était encore il y a une vingtaine d’années considéré par les historiens de l’économie comme un procédé archaïque, contrairement au procédé de réduction indirect (production du fer à partir de la fonte) attesté à partir de la fin du xiiie siècle et au xive siècle en Rhénanie et dans les Alpes italiennes, du xve siècle avec la filière wallonne qui se diffuse ensuite en Normandie, en Grande-Bretagne pour faire la conquête de l’Europe. La réduction directe semblait perdurer par défaut dans certains territoires voués à l’immobilisme tels les Pyrénées. Les travaux à partir des sources ont remis en cause cette interprétation. Le procédé de réduction directe n’est pas immobile du Moyen Âge au xixe siècle. De la mouline, ferrière, martinet du Moyen Âge à la forge à la génoise puis à la forge à la catalane, les différents ateliers offrent successivement des appareillages techniques qui illustrent une adaptation en continu de la gestion de la force hydraulique dans le domaine de la réduction directe. Le fer en barre couramment livré n’est en aucun cas un produit bas de gamme mais, tout au contraire, un matériau hétérogène, rassemblant du fer et de l’acier, et qui conserve une place de choix jusqu’au cœur du xviiie siècle sur les marchés européens33. Alors que la sidérurgie au coke a été magnifiée comme un marqueur de la révolution industrielle, les historiens ont mis en valeur les combinaisons avec les techniques au charbon de bois. La sidérurgie française repose au xixe siècle sur le binôme bois-charbon (le bois pour les hauts fourneaux, le charbon pour l’affinage). Le système ancien est longtemps viable et permet des hauts rendements grâce à une série de perfectionnements (sciage, carbonisation, formes des hauts fourneaux).

25Ainsi la métallurgie illustre bien la pluralité des voies de l’industrialisation, selon les territoires et les cultures techniques. Le progrès technique apparaît diffus et complexe. Il est aussi irréductible aux seules recherches d’économie de coût de revient.

Innovation, marchés, qualité

26La mise à distance des récits fondateurs de l’industrialisation s’est accompagnée d’une attention croissante au rôle de la demande et à l’essor des marchés, et non plus aux seuls facteurs de l’offre. Les apports de l’histoire de la consommation et des échanges ont joué un rôle majeur dans la compréhension des logiques inventives. Si l’intensification des circulations marchandes, et donc celle des produits, des personnes et des informations a été cruciale dans l’innovation, c’est encore plus l’analyse du rôle des marchés comme lieux de négociation des produits et des qualités qui a fait émerger un pan de la culture technique et mis à jour des logiques d’innovation.

  • 34 Maxine Berg, « Product innovation in core consumers industries in eighteenth-century Britain », dan (...)
  • 35 Maxine Berg, Luxury and Pleasure in Eighteenth-century Britain, Oxford, Oxford University Press, 20 (...)

27L’importance des marchés et leur ouverture, la diversité des produits vendus, échangés, transportés au Moyen Âge ont concouru à une relecture de l’économie médiévale et de l’impact des marchés sur la production. Bien sûr, les marchands animant le « grand commerce », les échanges à partir des cités italiennes, les foires depuis celles de Champagne restituaient la puissance des places commerçantes et des échanges internationaux. Ce que la recherche récente a mis davantage en valeur, c’est le maillage des marchés ruraux et l’importance des marchés secondaires, la consommation rurale sinon paysanne et celle de la bourgeoisie des cités et des petites villes. Dans ce prisme élargi des échanges, on comprend mieux le développement de la « nouvelle draperie » ; on saisit mieux la diffusion des produits lointains à forte valeur ajoutée au cœur des campagnes et dont l’histoire des techniques a restitué la complexité d’élaboration : les couteaux de Lombardie, les faux de Styrie, les verres à la mode vénitienne. Au xviiie siècle, période d’essor consumériste sous l’impulsion des classes moyennes urbaines, se développe une « croissance smithienne ». Radicalement différente de l’économie industrielle, elle repose sur la conjonction de multiples formes d’innovation : outillage, matériaux, modèles, motifs et améliorations de qualité (maniabilité, portabilité, précision)34. En Angleterre, les biens de consommation qui allient des formes inédites et des matériaux imitatifs tels les alliages de cuivre sont dits « new invented ». Les dynamiques d’imitation sont portées au plus haut point. L’intensité des copies, de l’« import blending » est au cœur de l’impérialisme anglais en Asie et du processus de modernisation35. L’intensification des copies et des circulations techniques depuis le Moyen Âge dans de nombreux domaines de production avive la concurrence et la recherche de protection des inventeurs.

Innovation, institutions et politisation de la technique

  • 36 Maarten Prak, Jan Luiten van Zanden, Technology, Skills and the Pre-Modern Economy in the East and (...)

28L’analyse des dispositifs institutionnels de soutien à la formation et à l’invention en Europe, sur le long terme, reste un thème fort de la recherche36. Par bien des voies, ces approches ont rencontré les préoccupations des économistes et des historiens de l’économie soucieux de mettre en valeur les dynamiques institutionnelles de l’économie. Ces synergies ont permis d’affiner la compréhension des modes de régulation qui président à l’émergence d’économies de la connaissance.

  • 37 François Caron (dir.), Les brevets. Leur utilisation en histoire des techniques et de l’économie, P (...)
  • 38 Christine MacLeod, Inventing the industrial revolution. The English patent system, 1660-1800, Cambr (...)
  • 39 Robert Allen, « Collective invention », Journal of Economic Behaviour and Organization, 4, 1983, p. (...)
  • 40 Dominique Foray, Liliane Hilaire-Pérez, « The economics of open technology: collective organization (...)
  • 41 Maxine Berg, Kristine Bruland, « Culture, institutions and technological transitions », dans id.(...)

29La table ronde de 1984 fut un jalon, incitant à considérer la complexité de l’institution brevet37. L’approche était comparatiste et trans-périodes, permettant pour la première fois de saisir l’histoire de l’exclusivité sur la longue durée, du Moyen Âge (Philippe Braunstein) à l’époque contemporaine, en passant par le temps fort de la Révolution française (Marie-Angèle Hermitte). Les travaux de Christine MacLeod montrant la lente construction du système des patents et leurs usages multiples, résonnaient avec l’analyse contextualisée des privilèges au xviiie siècle38. Les économistes pointaient aussi les débats sur l’efficacité des brevets, en comparaison d’autres mécanismes incitatifs. En lien, se sont développés des travaux sur l’invention collective, soit l’analyse des dispositifs de circulation immédiate et de partage des inventions dans un réseau de professionnels et d’usagers. Ce thème, familier depuis les travaux de Robert Allen39, a croisé l’intérêt des historiens des techniques pour les « savoirs ouverts », l’open technique40. Le monde des corps de métier apportait un exemple probant, tant dans cet univers les questions de transmission de savoirs se posaient avec acuité. La mise en cause de l’image des corporations comme rétives à l’innovation est devenue un classique de l’histoire de l’innovation. Plus largement, l’intérêt s’est porté sur les médiations institutionnelles de l’invention. L’enjeu était d’échapper au déterminisme technique en reconnaissant « le besoin d’une économie politique du changement technique41 ».

  • 42 Steven L. Kaplan, Le pain, le peuple et le roi ; La bataille du libéralisme sous Louis XV (1976), P (...)
  • 43 L. Hilaire-Pérez, L’invention technique, op. cit. ; Philippe Minard, La fortune du colbertisme. Éta (...)
  • 44 Jacques Guillerme et Jan Sebestik, « Les commencements de la technologie » (1968), Documents pour l (...)

30Si le Moyen Âge a pu, à juste titre, être considéré comme la période de naissance des brevets à Venise (1474), les études actuelles montrent que l’institutionnalisation de l’invention ne doit pas cacher la prise en main effective et efficace de l’innovation par les pouvoirs seigneuriaux et royaux, identifiable dans les sources dès le xiiie siècle. Le recrutement et la protection des techniciens dans le domaine de la métallurgie des non-ferreux, le soutien financier et l’accès aux droits d’usage dans le domaine de la sidérurgie et tant d’autres exemples sont des points acquis pour les xive et xve siècles. Cette politisation de la technique était aussi le point de vue du moderniste Steven L. Kaplan, considérant les techniques, tels les procédés de mouture du blé, comme encastrées dans les politiques réformatrices de l’État éclairé42. Cette approche a révélé la montée d’une administration technicienne, appuyée sur des experts, en France, dans le Saint-Empire ou en Prusse, censée rationaliser la production43. C’est le creuset de l’économie politique et du caméralisme, à la fois corps de pratiques et théorisations de l’action administrative. La rationalisation des savoirs sur les ressources et les moyens de les exploiter est à l’origine d’une science de la technique, « la technologie », associée à Johann Beckmann, auteur de l’Entwurf der allgemeinen Technologie (1806). Si l’apport des philosophes des techniques fut crucial dans la réhabilitation de ce sens oublié de la technologie, les historiens de la pensée économique y ont aussi contribué, tel Jean-Claude Perrot analysant l’utopie technologique de Goyon de La Plombanie44.

31C’est aussi un point de jonction avec l’histoire du gouvernement des ressources, l’un des thèmes clés de l’histoire environnementale, domaine en plein essor et nouveau lieu d’interférence entre l’histoire économique et l’histoire des techniques.

Techniques, économie et environnement

  • 45 Fabien Locher, Grégory Quénet, « L’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’u (...)

32Si l’histoire environnementale est associée à un creuset américain né d’un militantisme dénonçant l’impact désastreux de la croissance capitaliste sur la planète, et si l’on peut retracer l’histoire de ce courant par une multiplication de ses objets et une articulation croissante à différentes traditions historiques, les liens avec l’histoire des techniques ne sont pas une évidence45.

Quelle place pour les techniques ?

  • 46 F. Locher, G. Quénet, « L’histoire environnementale », op. cit., p. 15.

33Il est plus facilement admis que l’intégration de l’histoire environnementale à l’histoire est passée par la reconnaissance du caractère socialement construit de la nature, générant « un consensus, au nom de la convergence avec l’histoire sociale, de la prise en compte de la matérialité, ou encore d’une histoire du pouvoir46 ». L’économie et les techniques n’apparaissent pas directement dans cette historiographie, sauf en termes d’histoire des nuisances, des déchets, des pollutions et des risques, dans le cadre d’études d’histoire urbaine, principalement à l’époque dite industrielle.

  • 47 Ibid., p. 35.

34Cette perception admise ne saurait refléter la diversité et l’ampleur diachronique des études à l’interface des techniques, de l’économie et de l’environnement. Fabien Locher et Grégory Quénet reconnaissent que l’histoire environnementale étant devenue l’histoire des « assemblages hommes-nature » et de « la co-construction des sociétés et de leur(s) environnement(s), on y trouvera une attention particulière portée aux sciences et aux techniques47 ». C’est probablement en ce sens que les recherches se développent actuellement.

  • 48 Alice Ingold, « Écrire la nature. De l’histoire sociale à la question environnementale ? », Annales (...)
  • 49 Catherine Verna, « Fer, bois, houille : forge hydraulique et gestion des combustibles (Pyrénées-Lan (...)

35Il suffit de penser à la question des ressources et des aménagements en histoire des techniques, qui ne se confond pas avec une survalorisation de l’action de l’homme sur la nature. Il s’agit, d’une part, d’étudier les modes de gouvernance au nom de la puissance et du profit48, et leurs impacts sur les rapports à la nature – un processus dans lequel l’histoire des techniques, ainsi que celle des marchés et des approvisionnements jouent un rôle certain49. D’autre part, il faut prendre la mesure d’un courant soucieux de restituer les traces de l’intervention humaine alors que la plupart des techniques, banales et oubliées, comme le charbonnage ou les aménagements hydrauliques dans l’espace rural ont disparu et que les écrits (chartes de privilèges, traités, édits, contentieux) montrent leurs limites pour accéder aux gestes et aux savoir-faire. La connaissance des actions de l’homme sur les milieux, celle des contextes, des représentations et des légitimations qui les rendent possibles ou non font de plus en plus partie des recherches environnementales.

Les ressources

  • 50 I. Wallerstein, The Modern World-System, op. cit.
  • 51 Edmund Burke III, Kenneth Pomeranz (dir.), The Environment and World History, Berkeley, University (...)
  • 52 Mark Elvin, The Retreat of the Elephants : an Environmental History of China, New Haven, Yale Unive (...)
  • 53 C. Verna, « Fer, bois, houille », op. cit ; id., Le temps des moulines. op. cit.

36La question des ressources, de leur prélèvement et de l’échange inégal est devenue un thème clé de l’histoire globale, qui a ainsi rejoint l’histoire environnementale, sans que cela ne soit une réelle nouveauté puisque l’exploitation des richesses des périphéries par les pays colonisateurs était au cœur du modèle d’I. Wallerstein50. Les approches récentes, comme celle de Kenneth Pomeranz, poursuivent la démonstration mettant en lumière les politiques « développementalistes » et les stratégies de contournement des nuisances industrielles par les États colonisateurs via une forme de délocalisation vers les pays dominés51. En ce sens, la dimension globale de l’histoire environnementale est peut-être celle qui place d’emblée les techniques et les politiques économiques au premier plan. Ce n’est pourtant pas nouveau et il n’est pas indifférent que Pomeranz participe de ce courant tant l’historiographie chinoise s’est tôt distinguée dans l’histoire des impacts environnementaux de l’Empire agrarien – impacts dont l’évaluation était au cœur d’Une grande divergence52. Ces périphéries sont d’ailleurs toutes relatives. La fin du Moyen Âge offre des cas parfaitement documentés de surexploitation des espaces périphériques à l’échelle micro, celle de la seigneurie, quand l’appétit de bois et la hausse de la consommation de charbon aboutissent à la domination d’espaces moins contrôlés et qui aiguisent la faim des seigneuries voisines, en pleine croissance53.

  • 54 Christiane Demeulenaere-Douyère, David J. Sturdy, L’enquête du Régent, 1716-1718. Sciences, techniq (...)
  • 55 Laurent Feller, Catherine Verna, « Expertise et culture pratique », dans Experts et expertise au Mo (...)

37En parallèle, il convient néanmoins de faire une place à une large historiographie qui a souligné l’intérêt des États pour le recensement et la description de leurs richesses (ressources et populations) et pour leur exploitation rationnelle, via la codification des savoir-faire, le contrôle et l’uniformisation territoriale des productions, l’encouragement à l’innovation54. L’étude des « savoirs de gouvernement » (scientifiques, techniques, cartographiques) ainsi que des experts (administrateurs, inspecteurs, ingénieurs, savants) se trouve à l’intersection de l’histoire environnementale, de l’histoire des techniques et de celle de l’économie, comme le montrent des travaux sur la fin du Moyen Âge et sur l’économie politique et le caméralisme55. Ce sont les milieux dirigeants qui inventent la notion de ressource « naturelle », déliée de tout droit d’usage.

38C’est dans cette dynamique historiographique qu’il faut comprendre l’intérêt sur le long terme pour la gouvernance des ressources. L’histoire des techniques médiévales, à partir d’un croisement enrichissant entre sources écrites, anthracologie (étude des charbons de bois) et plus largement archéologie, a mis en évidence la politique de gestion des ressources naturelles, qu’il s’agisse du bois mais aussi de l’accès à l’eau et aux gisements miniers, en particulier pour les poly-métalliques qui intéressent davantage le pouvoir seigneurial et royal que les mines de fer. Pour le bois et le charbon, il s’avère que la politique des Capétiens est très en avance. Dès la fin du xiiie siècle, c’est encore une fois la sidérurgie, parce qu’elle est dévoreuse de bois et pèse sur un couvert forestier parfois fragilisé par la croissance démographique et la consommation induite, qui permet d’observer la mise en place d’un maillage de gardes forestiers, la pratique de la mise en défense et une véritable culture de la forêt.

  • 56 Jean-François Belhoste, « Une sylviculture pour les forges, xvie-xixe siècle », dans D. Woronoff (d (...)

39L’étude dirigée par Denis Woronoff a montré la continuité avec l’époque moderne, le pouvoir central tentant de concilier la préservation des forêts et la puissance sidérurgique, essentielle à la guerre. L’une des solutions est technique. L’État encourage les innovations pour utiliser le charbon de terre et perfectionner les hauts fourneaux afin de réduire leur consommation en bois. L’autre voie est écologique et promue par les académiciens : adapter la sylviculture à la demande des forges, intensifier l’exploitation des forêts, non sans réduire les biens communaux et susciter des conflits – « l’impact de l’industrialisation sur la vie des campagnes » reste un champ de recherche ouvert56.

  • 57 Jean-Paul Bravard, Michel Magny (dir.), Les fleuves ont une histoire. Paléoenvironnement des rivièr (...)
  • 58 Patrick Fournier, Sandrine Lavaud, « Les conflits de l’eau dans le champ des sciences sociales : ch (...)
  • 59 Paul Benoît, Denis Cailleaux, Moines et métallurgie dans la France médiévale, Paris, AEDEH/Picard, (...)

40La conflictualité autour des ressources, et cela dès la période médiévale, a constitué un domaine majeur de l’histoire des techniques et de l’économie. La concurrence des usages domestiques et industriels et la rivalité entre industries sont des classiques de l’étude des forêts et d’une série de biotopes, fleuves, marais et zones humides. C’est cette dynamique locale (communautés, pouvoirs), dont la force est actuellement soulignée dans les études environnementales, qui a sous-tendu les approches visant à historiciser les rapports à la nature57. Le rôle des médiévistes est ici essentiel, même si des études ont également appliqué cette grille d’analyse à la période moderne58. Les travaux portant sur l’économie monastique et, plus précisément sur les cisterciens, sous l’égide de Paul Benoit, amorcés il y a plus d’une vingtaine d’années, ont été fondamentaux dans la constitution de ce champ d’investigation qui continue à porter ses fruits59.

Pollutions et risques

  • 60 Christine Meisner Rosen, Christopher C. Sellers, « The nature of the firm: towards an ecocultural h (...)
  • 61 Robert Belot, Laurent Heyberger (dir.), Prométhée et son double. Craintes, peurs et réserves face à (...)
  • 62 Vincent Bontems, « Esclaves et machines, même combat ! L’aliénation selon Marx et Simondon », Cahie (...)

41La prise de conscience des impacts des activités humaines est à l’origine du courant d’histoire environnementale, mais elle constitue un domaine en plein essor depuis que l’histoire des entreprises a été abordée en termes écologiques60. L’étude des pollutions, essentiellement en milieu urbain, et celle des risques liés à l’industrie se sont affirmées à la fin des années 1990, non sans favoriser en France la résurgence du cliché des méfaits de la technique. Des réflexions plus nuancées sur la construction des notions de nuisance, de risques et d’aliénation dus aux techniques font partie de l’agenda récent de la recherche et éclairent les ambivalences des contemporains61. Ce sont aussi les philosophes des techniques, dans la mouvance des études simondoniennes, qui ont tenté de restituer une pensée dialectique autour de la technique et de sortir des dichotomies stériles62.

  • 63 Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité (1986), Paris, Aubier, 2001 ; (...)
  • 64 Jean-Pierre Leguay, La pollution au Moyen Âge dans le royaume de France et dans les grands fiefs, P (...)

42Les chercheurs sont actuellement soucieux d’historiciser finement la thématique des pollutions et des risques, sans se cantonner à la seule chronologie contemporaine, et en envisageant ainsi les relations de pouvoir, les négociations, les conflits et les stratégies qui, dans divers contextes, ont contribué à une conscience de ce type de dangers. Alors qu’avait été mise en exergue la place particulière de l’époque contemporaine, comme « société du risque », capable de réflexivité face à l’industrie et disposant des moyens (matériels, discursifs, politiques) de gérer une situation d’incertitude permanente à travers une prise de conscience généralisée63, des travaux récents ont montré que dès l’époque médiévale, les autorités avaient œuvré à la gestion de ces risques, parfois avec efficacité, tant face à la pollution quotidienne que confrontées aux catastrophes64, et que les questionnements sur les impacts de l’industrie avaient suscité des débats publics.

  • 65 Cornel Zwierlein, « Insurances as part of human security, their timescapes, and spatiality », Histo (...)
  • 66 Thomas Le Roux, Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, (...)
  • 67 Catherine Lanoë, La poudre et le fard. Une histoire des cosmétiques de la Renaissance aux Lumières, (...)

43L’accent peut être mis sur le xviiie siècle65, dans la lignée de bien des travaux d’histoire urbaine, tant les Lumières ont vu s’affermir les préoccupations de bien public, de salubrité et d’hygiénisme, et se transformer les anciens modes de régulation des nuisances urbaines au profit de leur gestion scientifique et prévisionnelle, en même temps que les industries s’installaient en ville, telle la chimie des acides à Paris, sous les auspices des encouragements à l’industrie66. Si la question de l’expulsion des déchets hors des villes était connue des historiens, la mise en valeur des relations des experts (médecins, pharmaciens, chimistes) et de l’administration est un acquis récent et confirme d’autres études récentes, telles celles sur les permissions données aux fabricants de cosmétiques par la Société royale de médecine67.

44Ce cas incite à prendre la mesure du rôle de la consommation et de ses liens avec la constitution de l’espace public dans la montée des préoccupations liées aux activités productives, ce qui vaut aussi pour les étamages, les vernis et les enduits, dont les inventions en cascade suscitent des examens académiques serrés à la fin du xviiie siècle et affermissent la position des savants dans ces procédures. La thématique de la santé au travail, en rien limitée au monde industriel fait aussi partie de questionnements forts des Lumières, en Europe.

  • 68 Thomas Le Roux, « Le risque industriel, un enjeu contemporain… et historique », dans id. (dir.), L’ (...)

45On pourrait remonter la chronologie pour étudier les généalogies de cette prise de conscience et des débats autour des activités productives sur une plus longue durée. Les règlements urbains médiévaux légifèrent sur la qualité de l’eau et proposent des solutions pour réduire la pollution des rivières par l’industrie de la teinturerie ou de la mégisserie. De même, dès le xve siècle, les effets de la pollution par l’usage domestique de la houille sont dénoncés, en particulier à Londres. La législation urbaine trouve également un écho chez les médecins, attentifs à la qualité des eaux et de l’air pour la santé des individus. Les années 1660 sont considérées comme un tournant : l’explosion de la poudrerie de Delft en 1654, le Grand Feu de Londres en 1666 (parti d’une boulangerie) surviennent dans la même temporalité que les débuts de l’arithmétique politique et des probabilités, cruciales pour théoriser et calculer le risque, à un moment aussi où les premières sociétés d’assurance voient le jour à Londres68.

46Les travaux nombreux et pour beaucoup récents qui ont été synthétisés dans ce court article illustrent deux points fondamentaux : d’une part, le dynamisme de deux champs historiques distincts, histoire économique et histoire des techniques, que l’on a parfois désigné comme « en crise » ; d’autre part, l’enrichissement mutuel de ces deux champs à partir d’objets d’étude communs et de la circulation des problématiques de l’un à l’autre. Ajoutons qu’il y aurait à présent beaucoup à gagner pour les progrès de la recherche à multiplier les rapprochements et croisements entre histoire économique, histoire des techniques et histoire des sciences.

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Notes

1 Philippe Braunstein, « Pour une histoire économique et sociale des techniques », dans Roger Guesnerie, François Hartog (dir.), Des sciences et des techniques, un débat, Cahier des Annales, 1998, n° 45, p. 209.

2 Denis Woronoff, Histoire de l’industrie en France, Paris, Le Seuil, 1994, p. 8.

3 Maurice Daumas, Le cheval de César ou le mythe des révolutions techniques, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 1991 ; Catherine Verna, « Réduction du fer et innovation : à propos de quelques débats en histoire sociale des techniques », Techniques : les paris de l’innovation, Médiévales, 2001, 39, p. 79-95.

4 « Il n’est sans doute pas de secteur de la vie médiévale où un autre trait de mentalité : l’horreur des « nouveautés » n’ait agi avec plus de force anti-progressiste que dans le domaine technique. Innover […] mettait en danger l’équilibre économique, social et mental », Jacques Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Arthaud, 1964, p. 254.

5 Jean-Michel Minovez, Catherine Verna et Liliane Hilaire-Pérez (dir.), Les industries rurales dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2013.

6 Philippe Braunstein, « L’industrie à la fin du Moyen Âge, un objet historique nouveau ? » (1998), dans id., Travail et entreprise au Moyen Âge, Bruxelles, De Boeck, 2003, p. 93-111.

7 Ibid.

8 Mireille Mousnier (dir.), L’artisan au village dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000 ; Catherine Verna, « Pour une approche biographique des entrepreneurs des campagnes médiévales », dans J.-M. Minovez, C. Verna, L. Hilaire-Pérez (dir.), Les industries rurales, op. cit., p. 77-88.

9 Catherine Verna, Le temps des moulines. Fer, technique et société dans les Pyrénées centrales (xiiie-xvie siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2001.

10 Carlo M. Belfanti, « A chain of skills : the production cycle of firearms manufacture in the Brescia area from the sixteenth to the eighteenth centuries », dans Alberto Guenzi, Paola Massa et Fausto Piola Caselli (dir.), Guilds, Markets and Work Regulations in Italy, 16th-19th centuries, Ashgate, Aldershot 1998, p. 266-283 ; Jean Cantelaube, Olivier Codina, « La réduction directe et l’acier : le cas à la catalane (xviie-xixe siècle) », dans Philippe Dillmann, Liliane Hilaire, Catherine Verna (dir.), L’acier en Europe avant Bessemer, Toulouse, CNRS Méridiennes, 2011, p. 361-385.

11 Charles F. Sabel, Jonathan Zeitlin (dir.), World of possibilities. Flexibility and mass production in Western industrialization, Paris-Cambridge, MSH/Cambridge University Press, 1997.

12 S. R. Epstein, Maarten Prak (dir.), Guilds, Innovation and the European Economy, 1400-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 2008.

13 Sylvie Caucanas, Rémy Cazals (dir.), Du moulin à l’usine. Implantations industrielles du xe au xxe siècle, Toulouse, Privat, 2005.

14 Pamela O. Long, Artisan/Practitioners and the Rise of the New Sciences, 1400-1600, Corvallis, Oregon State University Press, 2011.

15 Immanuel Wallerstein, The Modern World-System, New York, Academic Press, 1974, 1980 ; Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, xve-xviiie siècle, Paris, A. Colin, 1979.

16 Liliane Hilaire-Pérez, Catherine Verna, « Dissemination of technical knowledge in the Middle Ages and the early modern era. New approaches and methodological issues », Technology and Culture, 2006, 47, p. 537-563.

17 Philippe Braunstein, « Maîtrise et transmission des connaissances techniques au Moyen Âge », History of Technology, 1999, 21, p. 155-165.

18 Paul A. David, « Clio and the economics of QWERTY », American Economic Review, 1984, 75-2, p. 332-337.

19 Ph. Dillmann, L. Hilaire, C. Verna (dir.), L’acier en Europe avant Bessemer, op. cit.

20 Alida Clemente, « Innovation in the capital city : central policies, markets and migrant skills in Neapolitan ceramic manufacturing in the eighteenth century », dans Karel Davids, Bert de Munck (dir.), Innovation and Creativity in Late Medieval and Early Modern European Cities, Ashgate, Farnham, 2014, p. 315-335.

21 K. Davids, B. de Munck (dir.), Innovation and Creativity, op. cit.

22 Monique Bourin, François Menant, Lluis To Figueras (éd.), Dynamiques du monde rural dans la conjoncture de 1300, Rome, École française de Rome, 2014.

23 Joseph Schumpeter, The Theory of Economic Development; an Inquiry into Profits, Capital, Credit, Interst, and the Business Cycle, traduit de l’allemand, Cambridge, Mass, Harvard University Press, 1934 ; id., Business Cycles : A Theoretical, Historical, and Statistical Analysis of the Capitalist Process, New York, McGraw-Hill Book Company, 1939.

24 Kristine Bruland, Keith Smith, « Les transitions technologiques à grande échelle dans l’histoire et la théorie », dans Liliane Hilaire-Pérez, Anne-Françoise Garçon (dir.), Les chemins de la nouveauté. Innover, inventer au regard de l’histoire, Paris, CTHS, 2003, p. 119-137.

25 Charles Freeman, Luc Soete, The Economics of Industrial Innovation, Londres, Routledge, 1997.

26 Paul Mantoux, La Révolution industrielle en Angleterre au xviiie siècle, Paris, G. Bellais, 1905 ; David S. Landes, L’Europe technicienne ou le Prométhée libéré. Révolution technique et libre essor industriel en Europe occidentale de 1750 à nos jours (1969), 1975.

27 Maxine Berg, « Revisions and revolutions : technology and productivity change in manufacture in eighteenth-century England », dans Peter Mathias, John A. Davis (dir.), Innovation and Technology in Europe from the Eighteenth Century to the Present Day, Oxford, Basil Blackwell, 1991, p. 42-64 ; Patrick Verley, La révolution industrielle 1760-1870, Paris, Gallimard, 1997.

28 C. Verna, Le temps des moulines, op. cit. ; Philippe Bernardi, Catherine Verna, « Travail et Moyen Âge : un renouveau historiographique », Cahiers d’histoire, Comment les historiens parlent-ils du travail ?, 2001, 83, p. 27-46 ; Patrice Beck (dir.), L’innovation technique au Moyen Âge, Paris, Errance, 1998 ; Ph. Braunstein, Travail et entreprise au Moyen Âge, op. cit. ; Techniques : les paris de l’innovation, Médiévales, 2000, 39.

29 Joel Mokyr, The Lever of Riches. Technological Creativity and Economic Progress, Oxford, Oxford University Press, 1990.

30 Jacques Guillerme, L’art du projet. Histoire, technique, architecture, textes réunis par Hélène Vérin et Valérie Nègre, Wavre, Mardaga, 2008 ; Hélène Vérin, La gloire des ingénieurs. L’intelligence technique du xvie au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1993.

31 Dietrich Lohrmann, « Les moulins d’un ingénieur allemand en Italie, vers 1425 », dans Paola Galetti, Pierre Racine (dir.), I mulini nell’Europa medievale, Bologne, CLUEB, 2003, p. 303-316 ; Joël Chandelier, Catherine Verna, Nicolas Weill-Parot (dir.), Science et technique au Moyen Âge, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2016.

32 Denis Woronoff, « Le quotidien des techniques : de la répétition aux aménagements », dans Michèle Merger et Dominique Barjot (dir.), Les entreprises et leurs réseaux : hommes, capitaux techniques et pouvoirs xixe-xxe siècles, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 1998, p. 785-791.

33 Jean Cantelaube, La forge à la catalane dans les Pyrénées ariégeoises, une industrie à la montagne (xviie-xixe siècle), Toulouse, CNRS, Méridiennes, 2005 ; Catherine Verna, Jean Cantelaube, « Le souffle de la forge : soufflets et trompes des Pyrénées (xiie-xixe siècles) », dans S. Caucanas, R. Cazals (dir.), Du moulin à l’usine, op. cit., p. 61-75.

34 Maxine Berg, « Product innovation in core consumers industries in eighteenth-century Britain », dans Maxine Berg, Kristine Bruland (dir.), Technological Revolutions in Europe, Cheltenham, Edward Elgar, 1998, p. 138-159.

35 Maxine Berg, Luxury and Pleasure in Eighteenth-century Britain, Oxford, Oxford University Press, 2005.

36 Maarten Prak, Jan Luiten van Zanden, Technology, Skills and the Pre-Modern Economy in the East and the West, Brill, Leiden, 2013.

37 François Caron (dir.), Les brevets. Leur utilisation en histoire des techniques et de l’économie, Paris, IHMC-CRHI, 1984.

38 Christine MacLeod, Inventing the industrial revolution. The English patent system, 1660-1800, Cambridge, Cambridge University Press, 1988 (rééd. 2007) ; Liliane Hilaire-Pérez, L’invention technique au siècle des Lumières, Paris, Albin Michel, 2000.

39 Robert Allen, « Collective invention », Journal of Economic Behaviour and Organization, 4, 1983, p. 1-24.

40 Dominique Foray, Liliane Hilaire-Pérez, « The economics of open technology: collective organization and individual claims in the “fabrique lyonnaise” during the old regime », dans Cristiano Antonelli et al. (dir.), Frontiers in the economics of innovation and new technology. Essays in Honor of Paul A. David, Cheltenham, Edward Elgar, 2005, p. 239-254.

41 Maxine Berg, Kristine Bruland, « Culture, institutions and technological transitions », dans id. (éd.), Technological revolutions in Europe, op. cit., p. 3.

42 Steven L. Kaplan, Le pain, le peuple et le roi ; La bataille du libéralisme sous Louis XV (1976), Paris, Perrin, 1986, p. 94-95.

43 L. Hilaire-Pérez, L’invention technique, op. cit. ; Philippe Minard, La fortune du colbertisme. État et industrie dans la France des Lumières, Paris, Fayard, 1998 ; Jakob Vogel, « Les mines dans les pays germaniques et en France aux xviiie et xixe siècles. Genèse et frontières d’une expertise scientifique et administrative », dans Pascale Laborier, Frédéric Audren, Paolo Napoli, Jakob Vogel (dir.), Sciences camérales. Activités pratiques et histoire des dispositifs publiques, Paris, PUF, 2011.

44 Jacques Guillerme et Jan Sebestik, « Les commencements de la technologie » (1968), Documents pour l’histoire des techniques, 2007, 14, p. 49-122 ; Jean-Claude Perrot, « Le despotisme de la raison dans l’utopie économique de Goyon de La Plombanie, La France agricole et marchande, Avignon, 1762 », dans id., Une histoire intellectuelle de l’économie politique (xviie-xviiie siècle), Paris, EHESS, 1992, p. 287-304.

45 Fabien Locher, Grégory Quénet, « L’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 2009/4, 56-4, p. 7-38. Pourtant, il faut signaler l’interrogation écologique précoce de l’historien des techniques médiévales dans un article célèbre : Lynn White Jr., « The historical roots of our ecologic crisis », Science, New Series, 1967, 155, p. 1203-1207.

46 F. Locher, G. Quénet, « L’histoire environnementale », op. cit., p. 15.

47 Ibid., p. 35.

48 Alice Ingold, « Écrire la nature. De l’histoire sociale à la question environnementale ? », Annales HSS, 2011, 66-1, p. 11-29.

49 Catherine Verna, « Fer, bois, houille : forge hydraulique et gestion des combustibles (Pyrénées-Languedoc, xive siècle) », Economia e energia, secc. xiii-xviii, Florence, Istituto internazionale di storia economica « F. Datini », 2003, p. 341-356 ; Denis Woronoff (dir.), Forges et forêts. Recherches sur la consommation proto-industrielle de bois, Paris, EHESS, 1990 ; Raphaël Morera, L’assèchement des marais en France au xviie siècle, Rennes, PUR, 2011 ; Éric Szulman, La navigation intérieure sous l’Ancien Régime. Naissance d’une politique publique, Rennes, PUR, 2014.

50 I. Wallerstein, The Modern World-System, op. cit.

51 Edmund Burke III, Kenneth Pomeranz (dir.), The Environment and World History, Berkeley, University of California Press, 2009 ; Jason W. Moore, « Silver, ecology and the origins of the modern world, 1450-1640 », dans Alf Hornborg, John R. McNeill, Joan Martinez-Alier (dir.), Rethinking Environmental History: World-System and Global Environment, Lanham, AltaMira Press, 2007, p. 123-142.

52 Mark Elvin, The Retreat of the Elephants : an Environmental History of China, New Haven, Yale University Press, 1998 ; Kenneth Pomeranz, Une grande divergence : la Chine, l’Europe et la construction de l’économie mondiale (2000), Paris, Albin Michel, 2010; Christian Lamouroux, Dong Xiaoping, « La fabrique des droits hydrauliques. Histoire, traditions et innovations dans le nord de la Chine », Annales HSS, 2011, 66-1, p. 33-67.

53 C. Verna, « Fer, bois, houille », op. cit ; id., Le temps des moulines. op. cit.

54 Christiane Demeulenaere-Douyère, David J. Sturdy, L’enquête du Régent, 1716-1718. Sciences, techniques et politique dans la France préindustrielle, Turnhout, Brépols, 2008 ; Ph. Minard, La fortune du colbertisme, op. cit.

55 Laurent Feller, Catherine Verna, « Expertise et culture pratique », dans Experts et expertise au Moyen Âge. Consilium quaeritur a perito, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012, p. 27-43.

56 Jean-François Belhoste, « Une sylviculture pour les forges, xvie-xixe siècle », dans D. Woronoff (dir.), Forges et forêts, op. cit., p. 219-261, p. 241 ; J.-C. Perrot, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, op. cit. ; P. Laborier, F. Audren, P. Napoli, J. Vogel (dir.), Sciences camérales, op. cit.

57 Jean-Paul Bravard, Michel Magny (dir.), Les fleuves ont une histoire. Paléoenvironnement des rivières et des lacs français depuis 15000 ans, Paris, Errance, 2002 ; Joëlle Burnouf et Philippe Leveau, Fleuve et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture, Paris, CTHS, 2004 ; Corinne Beck, Renaud Benarrous, Jean-Michel Derex et Alain Gallicé (dir.), Les zones humides européennes : espaces productifs d’hier et d’aujourd’hui, Cordemais, Aestuaria, 2007.

58 Patrick Fournier, Sandrine Lavaud, « Les conflits de l’eau dans le champ des sciences sociales : cheminements thématiques et méthodologiques », dans id. (dir.), Eaux et conflits dans l’Europe médiévale et moderne, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2012, p. 265-277.

59 Paul Benoît, Denis Cailleaux, Moines et métallurgie dans la France médiévale, Paris, AEDEH/Picard, 1991.

60 Christine Meisner Rosen, Christopher C. Sellers, « The nature of the firm: towards an ecocultural history of business », Business History Review, 1999, 73-4, p. 577-600.

61 Robert Belot, Laurent Heyberger (dir.), Prométhée et son double. Craintes, peurs et réserves face à la technologie, Neuchâtel, Alphil/Presses universitaires suisses, 2010 ; François Jarrige (dir.), Prométhée socialiste à l’âge romantique, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2016.

62 Vincent Bontems, « Esclaves et machines, même combat ! L’aliénation selon Marx et Simondon », Cahiers Simondon, 2013, 5, p. 9-24.

63 Ulrich Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité (1986), Paris, Aubier, 2001 ; Anthony Giddens, Les conséquences de la modernité, Paris, L’Harmattan, 1994.

64 Jean-Pierre Leguay, La pollution au Moyen Âge dans le royaume de France et dans les grands fiefs, Paris, Gisserot, 1997 ; Claire Barillé, Thomas Le Roux, Marie Thébaud-Sorger, « Grenelle 1794 : secourir, indemniser et soigner les victimes d’une catastrophe industrielle à l’heure révolutionnaire », dans Thomas Le Roux (dir.), L’émergence du risque industriel (France, Grande-Bretagne, xviiie-xixe siècle), Le mouvement social, 2014, 249, p. 41-71.

65 Cornel Zwierlein, « Insurances as part of human security, their timescapes, and spatiality », Historical Social Research, 2010, 31-4, p. 253-274.

66 Thomas Le Roux, Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, 2011 ; Jean-Baptiste Fressoz, L’Apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Paris, Le Seuil, 2012 ; Patrick Fournier, « Les pollutions de l’eau : l’expertise du risque du xvie au xixe siècle », dans Christèle Ballut, Patrick Fournier (dir.), L’eau et le risque de l’Antiquité à nos jours, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 39-44.

67 Catherine Lanoë, La poudre et le fard. Une histoire des cosmétiques de la Renaissance aux Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2008.

68 Thomas Le Roux, « Le risque industriel, un enjeu contemporain… et historique », dans id. (dir.), L’émergence du risque industriel, op. cit., p. 8.

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Pour citer cet article

Référence papier

Liliane Hilaire-Pérez et Catherine Verna, « Histoire économique et histoire des techniques (xve-xviiie siècle) »Artefact, 4 | 2016, 13-30.

Référence électronique

Liliane Hilaire-Pérez et Catherine Verna, « Histoire économique et histoire des techniques (xve-xviiie siècle) »Artefact [En ligne], 4 | 2016, mis en ligne le 07 juillet 2017, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/artefact/292 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/artefact.292

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Auteurs

Liliane Hilaire-Pérez

Professeur à l’université Paris Diderot-Paris 7 et directrice d’études à l’EHESS, Liliane Hilaire-Pérez est historienne des techniques à l’époque moderne. Elle a dernièrement publié La pièce et le geste. Artisans, marchands et savoirs techniques à Londres au xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 2013.

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Catherine Verna

Professeur à l’université Paris 8, Catherine Verna est historienne des techniques à l’époque médiévale. Son dernier ouvrage, L’industrie au village (Arles-sur-Tech, xive et xve siècles) est en cours de publication.

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