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Du peuplement à l'écriture de l'histoire

Réseaux néolithiques, nomades marins et marchands dans les petites îles de la Sonde

Neolithic Networks, Sea Nomads and Merchants in the Lesser Sunda Islands
Jean-Christophe Galipaud
p. 49-74

Résumés

Les grands cimetières côtiers découverts depuis 70 ans pour certains dans les îles orientales de la Sonde documentent une histoire multimillénaire de mouvements inter-insulaires, de contacts et d’échanges dans l’est de Nusa Tenggara. Les fouilles récentes du cimetière néolithique de Pain Haka dans l’île de Flores et de l’abri sous roche de Arlo à Ataúro au Timor-Leste datent avec une précision nouvelle les mouvements de population à travers les îles de l’Est indonésien et à Timor. Évalués dans le cadre plus global des influences austronésiennes dans la région, ces résultats archéologiques, associés à l’étude des techniques anciennes de fabrication de céramique ou de tissage, apportent une dimension plus globale et sont utilisés ici pour une réflexion sur la dimension culturelle originale de cette région de l’Asie du Sud-Est insulaire durant la phase la plus ancienne de l’avancée austronésienne.

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Texte intégral

1La région correspondant aux petites îles de la Sonde, c’est-à-dire les îles les plus orientales de l’archipel insulindien et Timor, commence à se révéler au plan archéologique. Vues de l’ouest, Java, Bali et Lombok jalonnent en direction de Flores une voie bien tracée d’îles visibles de proche en proche, qui étaient rattachées au continent asiatique pendant la dernière glaciation. À l’exception d’un détroit profond entre Bali et Lombok, le voyage vers Flores pouvait alors s’effectuer à pied sec. À partir de Flores, une succession de petites îles mène à la grande île de Timor jadis accessible par des moyens de navigation rudimentaires. Cette paléogéographie éclaire l’histoire du peuplement : présent à Java depuis plus d’un million d’années, l’homme s’installe à Flores il y a près de 800 000 ans (Morwood et al., 1998, 2004), et rejoint Timor il y a 40 000 ans (homme moderne) (O’Connor 2010 ; O’Connor et al. 2011). Très proches géographiquement, les deux vastes ensembles que sont la Nouvelle-Guinée et l’Australie, cette dernière couramment désignée comme un continent, sont des jalons de taille dans l’histoire du peuplement de la région. Tant en Australie qu’en Nouvelle-Guinée, l’arrivée de l’Homme est datée d’environ 45 000 ans (O’Connella 2003 ; Davidson 2010), ce qui implique une histoire ancienne commune, longue, complexe et encore méconnue avec les petites îles de la Sonde.

  • 2 Peut-être à la faveur de l’extension de grands réseaux commerciaux (Bulbeck 2008 ; Manguin 2004).

2Beaucoup plus tard, lorsque le climat du Quaternaire se stabilise entre 6 000 et 4 000 ans avant le présent (BP) sur les côtes éloignées de l’Asie du Sud-Est insulaire (ASEI), des mouvements de populations originaires du continent asiatique 2 ajoutent au substrat culturel des migrations initiales des caractéristiques dont certains prétendent qu’elles fondent l’identité actuelle de la plupart des sociétés de la région, celle des groupes de langues austronésiennes.

3L’apparition relativement rapide des langues austronésiennes dans ce monde largement insulaire interroge à la fois sur les modalités et la dynamique des mouvements de biens et de populations, ainsi que sur celles des idées, pendant cette période. Nous souhaitons évoquer ici, à travers plusieurs exemples tirés de nos recherches en Indonésie orientale et à Timor-Leste, l’importance, dans la formation et l’évolution des sociétés de cette partie du monde, des sociétés nomades, désignées comme « gens de la mer » (Sopher 1977), et que des descriptions relativement récentes, mobilisées dans les pages qui suivent, permettent désormais de mieux appréhender.

4Dans l’Est insulindien, la linguistique semble révéler des traces de rencontres entre « anciens » et « nouveaux » venus, à travers la présence, par endroits, de langues appartenant à la famille papoue (à Halmahera, Aru, et localement dans plusieurs autres îles), ou d’autres langues non austronésiennes, dans une région marquée par la prédominance des langues de la famille austronésienne (voir Schapper dans ce volume). La situation est particulièrement complexe dans la partie orientale de l’île de Timor, qui se présente comme une mosaïque linguistique mêlant en « patchwork » famille de langues austronésiennes et non austronésiennes. Cette coexistence suggère plusieurs épisodes dans le peuplement de l’île et donc a fortiori de la région, et pose à la fois la question de l’ancienneté de ces mouvements et de leurs interactions ultérieures.

5S’appuyant sur Bellwood (2002, 2011), il était jusqu’à présent d’usage de considérer que des groupes de locuteurs de langues austronésiennes ont essaimé et introduit un arsenal technique et culturel initiant la transition dite « néolithique » (incluant la poterie ainsi que la domestication animale et végétale) auprès des populations déjà en place dans la région, dont les activités sont décrites comme relevant de la chasse et de la cueillette. On verra à partir d’exemples concrets et locaux que ce tableau est en fait bien plus complexe, et tend à être remis en question, au moins partiellement (Szabó & O’Connor 2004 ; Spriggs 2011 ; Bulbeck 2008 ; O’Connor, ce numéro). La répartition des langues au cours de l’histoire de l’archipel — langues non austronésiennes (NAN) anciennes et langues austronésiennes (AN) associées au Néolithique — est aussi sujette à débat (Blench 2010, 2011 ; Donohue et Denham 2010). Nous verrons également que les frontières linguistiques actuelles ne sont pas des frontières culturelles strictes.

6La région qui nous intéresse ici reste marquée par des influences non austronésiennes vieilles de plus de 4 000 ans. Il est particulièrement intéressant d’étudier ce qui, dans les petites îles de la Sonde et notamment à Timor, relève de ce fond culturel ancien ou d’une influence austronésienne plus récente. Timor offre en particulier la possibilité d’interroger la nature complexe des liens qui unissent les sociétés locales aux territoires et aux environnements sauvages et domestiqués qu’ils gèrent. C’est donc un laboratoire de choix pour comprendre les caractéristiques de cette double dynamique et étudier les résultats de cette convergence. Le pays est intéressant aussi parce qu’il constitue un microcosme de la complexité de la situation régionale. Au-delà, c’est la spécificité des interactions interinsulaires conduisant à la diversité des sociétés contemporaines qui nous intéresse. Loin des grandes vallées de la Chine ou de l’Inde anciennes, ces îles ont pu être le creuset où se sont développées des sociétés originales.

Les plantes cultivées et l’avènement du Néolithique

7On associe généralement le ,Néolithique une période archéologique, à un stade de culture connoté positivement, donnant à l’humanité davantage de contrôle sur la nature. La domestication des plantes sauvages ou l’introduction de plantes cultivées sont des repères évidents de ce changement de paradigme. La culture du millet puis du riz marque, en Chine du Sud, en particulier dans les vallées de grands fleuves comme le fleuve Jaune ou le Yangtze, l’adaptation des sociétés à l’environnement climatique changeant du début de l’Holocène (Zhang et al. 2010 ; Zong et al., 2012). Le cochon domestique apparaît il y a environ 8 600 ans dans la région du fleuve Jaune (Cucchi et al., 2011). À Taiwan, des sociétés organisées pratiquant la riziculture sont installées depuis 5 000 ans au moins (Zhang & Hung, 2010). Ces transformations sociales s’accompagnent de l’émergence d’une famille de langues particulièrement importante : les langues austronésiennes. Pendant les millénaires qui suivent, les langues et locuteurs austronésiens vont essaimer dans toute l’ASEI, vers l’est en Océanie, mais aussi vers l’ouest le long des côtes de l’océan Indien et jusqu’à Madagascar.

8Le modèle de peuplement de l’ASEI et du Pacifique,débattu depuis de nombreuses années , suggère l’expansion rapide de ces groupes de locuteurs austronésiens qui introduisent des éléments culturels néolithiques dans les îles où ils abordent : plantes cultivées, techniques de culture, architecture, vannerie, tissage, poterie, techniques de pêche hauturière ou de navigation et organisation sociale complexe (Bellwood 2002, 2011). Ce modèle attrayant, qui correspond à la représentation occidentale du « progrès », se heurte cependant à une réalité différente en Asie du Sud-Est insulaire. Les récentes synthèses, tant en linguistique qu’en biologie ou encore en archéologie, suggèrent des processus plus graduels et plus diversifiés d’innovations et d’échanges entre grands ensembles continentaux ou grandes îles et petits archipels, et mettent en particulier l’accent sur l’importance des réseaux commerciaux (Bulbeck 2008, Donohue et Denham 2010, Spriggs 2011 ; Szabo & O’Connor 2004). De plus, tous ces changements semblent étroitement liés aux grandes évolutions du climat et des environnements.

  • 3 Les recherches dans l’est de Flores se sont déroulées dans le cadre du programme de coopération déc (...)

9Nous souhaitons montrer ici, à travers plusieurs exemples archéologiques situés dans des îles de l’Est insulindien, comment un modèle ancien et mixte, qui associe cueillette et culture, est capable d’intégrer de nouveaux composants (maïs, riz, cheval, etc..). Ce modèle d’intégration rend compte d’une tendance culturelle ancienne dans la région et fait intervenir un acteur jusqu’ici sous-estimé, voire insoupçonné : le marchand-guerrier marin. Tous ces exemples datent de 2 000 à 3 000 ans environ, ce qui dans la région correspond au « Néolithique », et ils rendent compte de spécificités de cette période dans l’aire géographique considérée. La mise en regard de tous ces résultats, certains encore non publiés, est inédite 3.

10Le grand cimetière côtier de Pain Haka, dans l’est de Flores, lève le voile sur les sociétés côtières et les réseaux des îles orientales de la Sonde. La fouille d’un habitat néolithique sous abri dans l’île d’Ataúro, au nord de Dili (Timor‑Leste), renseigne sur certaines pratiques d’usage de la nature et sur l’insertion dans les réseaux régionaux. La fouille de plusieurs abris d’altitude, enfin, dans la région de Balibo, à Timor-Leste, révèle l’importance de la chasse et de la cueillette, tout en rendant compte des interactions entre habitats côtiers et sites de l’intérieur pendant le Néolithique.

Émergence des sociétés contemporaines

Le Néolithique dans l’Est insulindien

11Par rapport à d’autres régions de l’ASEI, nous savons encore peu de chose sur la période néolithique des sociétés des petites îles de la Sonde à l’est de Bali et encore moins sur les sociétés de Timor. Les chronologies céramiques font défaut et les sites de plein air sont quasi inexistants. Les habitats en grotte, en particulier à Timor, présentent peu de niveaux néolithiques bien conservés, ce qui s’explique notamment par leur utilisation continue, par la présence d’animaux domestiques dans les abris ou encore par l’usage des sédiments pour l’agriculture (voir infra).

12Cette situation diffère nettement de celle du Pacifique Ouest, où les sites de la période Lapita sont nombreux et bien datés, l’assemblage céramique homogène et les autres éléments de la culture matérielle représentatifs d’un tout cohérent.

13En Asie du Sud-Est insulaire en revanche, les datations trop anciennes ou difficiles à interpréter, l’abondance des sites d’abris ou de grottes, aux usages spécifiques et pas nécessairement usuels, la rareté des sites de plein air et la diversité, voire la disparité, des assemblages céramiques, empêchent, à l’heure actuelle, une synthèse régionale cohérente. De plus, comme le constate Spriggs (2011 : 521), l’absence de chronologies céramiques locales et régionales fines limite notre capacité à comparer des assemblages distants :

« Beyond perhaps being able to establish the earliest dates for pottery at a regional level, we may have a hard job establishing connections between cultural assemblages separated in time by more than a few hundred years in ISEA. »

14Au nord de Bornéo, le site de Bukit Tengkorak a livré des outils en obsidienne provenant de l’archipel de Bismarck (Mélanésie du Nord), associés à des poteries aux décors imprimés rappelant le Lapita. Ils sont vieux de 3 600 à 3 100 ans pour les niveaux néolithiques les plus anciens (Chia 2003).

15On connaît quelques sites de plein air à Sulawesi (tels que Minanga Sipakko, Mallawa) et aux Moluques (Pai à Pulau Ay). Ils indiquent que des populations utilisant la poterie et polissant la pierre, mais employant aussi des flèches d’os et des outils de pierre taillée, voire des mortiers et des battoirs à tapa, étaient installées il y a environ 3 400 ans le long de la rivière Karama à Sulawesi (Bulbeck & Nasruddin 2002 ; Simanjuntak 2008). Le site de Kamassi dans la région de Kalumpang, au centre de Sulawesi, dont le matériel offre un certain nombre de similitudes avec le matériel de Taiwan (Bulbeck and Nasruddin 2002 : 86), est vieux d’un peu plus de 3 000 ans.

16Plus au sud, dans l’île de Flores, le fameux site de Liang Bua, célèbre pour son « Hobbit » (Homo Floresiensis), dont la datation (20000 BP environ) est toujours discutée, a révélé plusieurs niveaux néolithiques datés d’environ 4 000 ans (Morwood et al. 2004 ; Morwood et al. 2005). Mais dans les îles de l’Est insulindien ce sont les cimetières, et en particulier ceux de Sumba, Flores ou Lembata, qui peuvent fournir les meilleurs éléments pour ébaucher une chronologie néolithique de la région.

17Le plus connu, celui de Melolo dans l’île de Sumba, découvert en 1908, fut fouillé dès 1920 par des archéologues néerlandais, amateurs et professionnels. Les travaux les plus importants ont été publiés par Van Heekeren (1956) qui mentionne plusieurs milliers d’urnes de grande dimension contenant des restes humains. De telles urnes découvertes remplies de sable, fermées par des pots ou des fragments d’autres urnes, avaient parfois été cassées, quand le col était trop étroit, pour permettre d’y placer le crâne ou les os. Parmi les objets associés aux sépultures, l’auteur note des perles, pendentifs, bracelets de coquillages et quelques herminettes en pierre de section quadrangulaire, ainsi qu’une navette de tisserand. Quelques pots se distinguent par leur forme, notamment une bouteille à panse large et col allongé, leur décor incisé rehaussé à la chaux montrant des visages humains stylisés et des frises que Van Heekeren interprète comme des représentations de tatouages.

18L’auteur des premières recherches systématiques, Willems, reconnaît l’apparence néolithique du site mais est néanmoins « enclin à classifier cette culture dans la période du bronze de l’Asie du Sud-Est » (Heekeren 1956 : 9). En l’absence de datation, cette idée reprise par Van Heekeren fera son chemin et de nombreux chercheurs continuent de penser que les grands cimetières des îles de la Sonde datent de la période des métaux (vers 2000 BP), alors même que la nature des vestiges alimente plutôt l’hypothèse d’une datation néolithique.

19Toujours à Sumba, plusieurs autres cimetières ont été repérés, mais n’ont pas encore fait l’objet de fouilles. Il en va de même à Solor, à Adonara, ainsi qu’à Lembata, où nos recherches menées entre 2008 et 2010 ont permis d’identifier plusieurs lieux d’inhumation en urnes. La découverte d’autres cimetières reste possible à Alor. Plus au nord, plusieurs cimetières de même nature sont décrits à Sulawesi, mais aucun n’est daté précisemment. Le seul cimetière néolithique daté et bien décrit à Bornéo est celui de l’entrée ouest de la grotte de Niah (Lloyd-Smith 2013 ; Lloyd-Smith & Cole 2013).

20À Sumatra, à Java, et surtout à Bali, ces sites d’inhumations en urnes sont associés à des objets en métal. Le cimetière de Gilimanuk, en particulier, fouillé par le professeur Soejono entre 1962 et 1997, contenait plus de 100 individus associés à un ensemble important et varié d’offrandes mortuaires, y compris des objets en bronze, en fer et en or. Vieux d’environ 2 000 ans, ce site appartient très clairement à une période post-néolithique dont on ne retrouve pas la trace dans les cimetières plus orientaux.

21Par contraste, la spécificité des cimetières des petites îles de la Sonde est, hormis leur taille importante, la rareté des offrandes associées aux sépultures et la simplicité et la nature de telles offrandes : coquillage et plus rarement corail. Tous ces cimetières sont aussi très proches de la mer, dans des baies abritées et aujourd’hui inoccupées.

22Le site de Pain Haka, bien daté, constitue un premier témoin de l’occupation néolithique côtière de Flores.

Le cimetière de Pain Haka à Flores

23En 2009, lors d’une prospection dans la partie orientale de l’île de Flores, nous avons identifié un certain nombre de sites archéologiques anciens caractérisés par une poterie à engobe rouge décorée d’incisions pouvant dater du Néolithique. Parmi ces sites, celui de Pain Haka nécessitait une intervention rapide car la mer, en érodant la zone côtière, avait mis au jour de nombreux restes et menaçait de détruire entièrement les niveaux archéologiques anciens. En 1992, cette baie, comme toute la zone orientale de Flores, a subi un raz-de-marée de grande amplitude qui a détruit de nombreux villages côtiers et remodelé le front de mer. À Pain Haka, plusieurs pots entiers, dont certains contenaient des restes humains, avaient été dégagés par le tsunami.

24La baie de Pain Haka est située au sud-ouest de la presqu’île de Tanjung Bunga, à l’extrémité orientale de l’île. Il s’agit d’une région dominée par des reliefs karstiques issus de la surrection d’anciens récifs. Cette baie est allongée (environ 800 mètres de long), bordée par une plage de sable blanc et adossée, à une centaine de mètres tout au plus, en arrière de la plage, à une falaise calcaire en partie effondrée. Elle a révélé des traces archéologiques dans plusieurs zones qui ont été fouillées successivement.

25Très peu d’urnes funéraires ou de pots sont encore intacts. Si la plupart présentent un état très fragmentaire, la faible dissémination des fragments permet cependant de reconstituer la forme originale des récipients. Trente deux récipients en terre ont été exhumés. Deux autres ont été retrouvés en surface, l’un, constitué de plusieurs gros fragments, sur une tombe récente, l’autre étant un petit gobelet. On distingue des pots globuleux non décorés au bord évasé, de grandes jarres ovales décorées d’incisions, des pots carénés, de petits gobelets cylindriques ou sphériques et des gourdes. Tous les grands pots ont un bel engobe de couleur rouge. Parmi les fragments de pots figurent au moins deux cols étroits décorés, similaires aux bouteilles décorées de visages humains du site de Melolo à Sumba.

26Un pot, de forme cylindrique, se rétrécissant en son milieu, est unique dans ce corpus. Couvert d’un bel engobe rouge, il est décoré d’incisions et de visages humains en relief (fig. 1). Un autre pot, précisément une coupe au pied ajouré, également rehaussée d’un engobe rouge vif, est décoré de lignes incisées et d’un lézard en relief. Hormis ces deux pots et de petits gobelets, tous les pots ont servi de réceptacle à restes humains, souvent d’enfants et plus rarement d’adultes. Ils sont aussi presque toujours associés à des inhumations primaires en pleine terre.

27Quarante-huit tombes ont été répertoriées dans la zone fouillée entre 2010 et 2012. Certaines contenaient plus d’un individu, le nombre total de squelettes étant de 53. Les individus enterrés sont des adultes et des adolescents ; ils ont été placés allongés sur le dos, probablement enveloppés dans des nattes ou des tissus. Certains des squelettes ont été manipulés ultérieurement : suppression du crâne ou de certains os, déplacement d’une partie du squelette ou ajout d’un autre squelette dans la même tombe (fig. 2). Au moins un individu, le plus anciennement daté, avait été démembré pour être placé dans une grande urne. Un autre individu, enterré sur le ventre et les mains attachées dans le dos, a pu être exécuté.

28Les objets associés sont peu fréquents : perles de coquillages, bracelets de troca (Trochus sp.) ou de cône (Conus sp.), herminettes en pierre et en coquillages (dont une herminette réalisée dans une coquille de Cassis), quelques gros coquillages et de gros fragments de corail, comme pour rappeler l’origine maritime des habitants.

Fig. 1 – Fragment de poterie à engobe rouge et visages en relief. Site de Pain Haka, île de Flores, Indonésie.

Fig. 1 – Fragment de poterie à engobe rouge et visages en relief. Site de Pain Haka, île de Flores, Indonésie.

Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2011

29La datation des squelettes et de quelques zones charbonneuses autour des squelettes indique une utilisation, peut-être discontinue, du cimetière entre 3000 et 2300 BP environ. La poterie à engobe rouge, les bouteilles identiques à celles de Melolo à Sumba, les visages humains représentés sur l’un des pots, mais aussi la rareté et la simplicité des objets votifs, identiques également à ceux de Melolo et du cimetière de Niah (Bornéo), témoignent de sites vestiges d’une société tournée vers la mer pendant le Néolithique, il y a au moins 3 000 ans. La nature même des sites dans ces baies coralliennes, la durée des occupations et la pratique de doubles funérailles pourraient indiquer qu’il s’agit de lieux importants où les populations installées dans les îles proches, ou circulant une partie de l’année entre les îles, venaient déposer leurs morts. Aujourd’hui, Melolo et Pain Haka sont considérés par les populations locales non seulement comme des lieux sacrés dangereux, mais aussi comme les lieux d’arrivée des ancêtres. Ces lieux d’Insulinde orientale révèlent des caractéristiques propres à l’ensemble des îles de l’ASEI et confortent l’hypothèse, formulée par un certain nombre de chercheurs, du développement, pendant cette période, d’une culture maritime partageant des pratiques rituelles et des représentations semblables (Solheim 1980 ; Bulbeck 2008), qui se diffuse largement dans les îles.

Fig. 2 – Tombes néolithiques. Site de Pain Haka, île de Flores, Indonésie.

Fig. 2 – Tombes néolithiques. Site de Pain Haka, île de Flores, Indonésie.

Cliché : Rebecca Kinaston, 2011

30La datation de certains squelettes dans le cimetière de Pain Haka atteste bien de la présence de sociétés utilisant la poterie, connaissant probablement le tissage et organisées en réseau, mais ces restes humains posent aussi la question de la nature des économies et des systèmes sociaux sous-jacents. L’île de Timor, en particulier sa frange orientale, objet de recherches archéologiques depuis les années 1960 (Glover 1986 ; O’Connor et al. 2002), permet d’esquisser une ébauche de l’évolution locale des sociétés, en particulier, de la chronologie des influences néolithiques.

31On sait aujourd’hui que l’île est occupée depuis au moins 42 000 ans (O’Connor 2007) dans les massifs de karst côtiers de l’est et depuis au moins 15 000 ans dans les vallées et massifs de l’intérieur du pays (Glover 1986). Ces informations proviennent d’abris ou de grottes parfois décorées et dont l’art a été daté par la méthode Uranium/Thorium de 24 000 à 29 000 ans pour les plus anciennes représentations, et de 6 000 ans pour les plus récentes, dans l’est de l’île (O’Connor 2003 ; Aubert et al. 2007).

32La plupart de ces abris révèlent aussi des niveaux néolithiques qui permettent une première évaluation de cette période de transition à Timor. Toutefois, ces niveaux, vieux d’environ 4 000 ans pour les plus anciens, sont proches de la surface et de fait souvent remaniés, ne fournissent qu’une information tronquée de l’histoire de ces trois derniers millénaires. Dans l’abri de Matja Kuru 2, la découverte d’une tombe de chien, vieille de 3 000 ans, associée à des poteries (O’Connor 2006) atteste notamment du développement culturel à l’époque qui nous intéresse ici.

Présence néolithique à Ataúro

33La petite île d’Ataúro est, avec celle d’Alor, l’étape maritime la plus proche de la grande île de Timor. Située à 27 kilomètres au nord de Dili, cette île volcanique se distingue par une succession de terrasses coralliennes surélevées dont les surplombs et les grottes ont été propices à l’installation humaine. J’ai exploré de nombreux abris ces dernières années dans le centre et le sud-ouest de l’île. Le site le mieux préservé jusqu’à présent, l’abri de Lepu Kina, révèle une succession de niveaux néolithiques dont les plus anciens, enfouis à 170 centimètres de la surface actuelle, sont datés d’environ 3 200 ans. L’abondance du matériel céramique et lithique permet d’esquisser les grands moments du passé néolithique de cette île.

34Le site ouvre sur une vallée fertile aujourd’hui occupée par le village et les champs d’Arlo (fig. 3). La position exceptionnelle de cet abri naturel a pu favoriser une utilisation du lieu pendant une longue période, ce qu’attestent l’accumulation des niveaux charbonneux et cendreux ainsi que la diversité du matériel archéologique. L’abri est daté de 3 200 ans à sa base, constituée d’un niveau terrigène associé à des cendres mais sans poterie. Deux éclats taillés dans une roche calcaire et quelques restes humains (phalanges) témoignent peut-être, sur le sol de l’abri, d’une occupation antérieure à 3 000 ans.

35L’étude du matériel archéologique, qui vient de débuter, suggère l’existence de plusieurs périodes dans l’occupation de l’abri, périodes marquées par des influences diverses. La plus ancienne, il y a environ 3 000 ans, est caractérisée par l’abondance d’éclats d’obsidienne ; la poterie est simple et peu décorée, avec parfois un glacis interne irrégulier de couleur rouge. Des bords droits de petit diamètre indiquent la présence de jarres, peut-être pour le stockage de l’eau. Les niveaux de cette période, peu cendreux, contiennent également quelques gros coquillages et des fragments de parure en coquillages (bracelet en troca et bénitier, perles en coquillages).

Fig. 3 – Abri de Lepu Kina. Village d’Arlo, île d’Ataúro, Timor-Leste.

Fig. 3 – Abri de Lepu Kina. Village d’Arlo, île d’Ataúro, Timor-Leste.

Cliché : Tania Bettencourt Correia, 2014

36Cette période initiale est suivie d’une période assez peu marquée dans l’abri mais caractérisée par des outils en silex tels que pointes ou lames à dos, par de la poterie décorée d’incisions ou de pustules appliquées, ainsi que par au moins une coupe de forme composite. Le bord tranchant d’une lame en silex affiche un poli caractéristique appelé « silica gloss », qui pourrait être le produit de l’utilisation de cet outil pour travailler des fibres de palmiers ou de pandanus pour la vannerie (Glover 1986 : 208). Deux fragments de petits outils polis en schiste, herminettes ou couteaux, complètent un inventaire qui indique des contacts soutenus avec la grande île de Timor et une installation de groupes humains dans la vallée adjacente à l’abri.

37Peut-être aux alentours de 2700 BP, une nouvelle période très caractéristique voit l’apparition d’une poterie peinte d’aplats rouge rehaussés parfois de motifs incisés ou appliqués (fig. 4). Cette période est très distincte de celle qui lui fait suite, car les niveaux contiennent peu de traces de foyer ou de feu et la poterie n’est associée à aucun autre vestige. Ces caractères correspondent peut-être à une utilisation particulière de l’abri à la fin du premier millénaire avant notre ère mais indique également, avec la disparition de l’outillage lithique, un changement dans les économies.

38Les niveaux les plus récents sont assez mélangés : dans les trente premiers centimètres, poteries des niveaux plus anciens et petits éclats d’obsidienne sont fréquents. En dehors de ces artefacts probablement déplacés, la poterie caractéristique est décorée de motifs au peigne. Ces niveaux récents datant sans doute de moins de 1 000 ans contiennent une plus grande diversité d’objets travaillés, tels que fragments de métal, perle de verre, pointe d’os décorée ou petit objet en bois.

Fig. 4 – Fragments de poterie décorés de cordons appliqués et de peinture rouge. Abri de Lepu Kina, village d’Arlo, île d’Ataúro, Timor-Leste.

Fig. 4 – Fragments de poterie décorés de cordons appliqués et de peinture rouge. Abri de Lepu Kina, village d’Arlo, île d’Ataúro, Timor-Leste.

Cliché: © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2014

39Cette séquence détaillée montre que des occupations diverses pendant le premier millénaire ont précédé une utilisation systématique de l’abri pendant le second millénaire de notre ère et jusqu’à la période moderne. L’origine des styles céramiques est difficile à déterminer mais la poterie peinte, au moins, est un élément caractéristique du bronze ancien en Asie du Sud-Est (Higham & Rispoli 2014) et on la trouve également aux Moluques. Les deux fragments de pot, décorés d’un motif très caractéristique « en écailles », très fréquent à Sulawesi, en particulier sur le site de Kalumpang, mais aussi aux Moluques et plus près, à Timor sur le site de Lie Siri, fouillé par Glover dans la région de Baucau (Glover 1986 : 71), attestent de liens anciens entre ces îles.

40On observe ainsi à Ataúro une diversité des assemblages archéologiques qui suggère à la fois des contacts fréquents avec l’extérieur et des influences variées. Cette constatation contraste avec la situation dans les abris de la région de Balibo.

Balibo, chasse et cueillette au temps de la poterie

41Le village de Balibo est situé dans les premiers massifs montagneux, près de la frontière indonésienne, à environ 800 m d’altitude au sud-ouest de Dili. Une petite zone de massif calcaire autour du village forme, comme à Arlo sur l’île d’Ataúro, un environnement favorable qui associe vallée fertile et abris. Cette petite vallée bordée des deux côtés par des falaises calcaires et des abris, ou surplombs rocheux, est aujourd’hui entièrement mise en culture.

42Plusieurs abris ont pu être sondés autour du village mais les résultats sont limités du fait de l’absence de dépôt important de sédiment, absence principalement liée à une pratique locale qui consiste à racler le sol des abris jonchés de déjections d’animaux pour fumer les champs en contrebas. Cette pratique explique également la présence dans les champs, en surface, de quelques outils de silex probablement anciens. Ces observations illustrent le lien entre abris et zones de culture et documentent l’usage de ces abris pour le repos, la cuisine ou le stockage de matériaux ou d’outils associés au travail des champs.

43L’un de ces abris, nommé Kerahu-Luhan, étroit et peu profond, en partie caché par un grand banyan sacré pour les habitants de Balibo qui viennent y faire des cérémonies associées aux cultures, a pu être sondé (fig. 5). La poterie, rare, n’y apparaît que dans les niveaux de surface où elle est associée à une grande variété d’éclats lithiques non retouchés. Les niveaux plus profonds révèlent, à côté de quelques gros éclats, des restes de faune dont une majorité appartient à un gros rat arboricole aujourd’hui éteint. L’utilisation la plus ancienne de cet abri est datée de 3 500 ans environ.

44À ce jour, les résultats archéologiques obtenus à Balibo indiquent une occupation assez tardive de la région, bien loin des 42 000 ans observés dans l’est de l’île. À cela s’ajoute la pauvreté du matériel, outils de pierre ou poterie. Ces données laissent supposer que cette zone de moyenne altitude n’était pas occupée en permanence avant la période néolithique, et aussi que l’usage de ces territoires intérieurs était plus particulièrement consacré aux activités de cueillette et de chasse. Il reste à comprendre néanmoins si les quelques vestiges datés retrouvés dans les abris signalent le passage ponctuel de chasseurs venus de la côte, ou plutôt celui de populations de l’intérieur dont les habitats n’ont pas été identifiés.

Éclats d’obsidienne et réseaux anciens

45La poterie et l’obsidienne, qui caractérisent les niveaux néolithiques les plus anciens sur les sites du Timor-oriental, tel que celui d’Ataúro, sont absentes des niveaux anciens de Balibo. L’obsidienne en particulier est un marqueur intéressant pour cette période, car les sources sont rares et les éclats présents sur de nombreux sites de la région dessinent des réseaux et des connections anciens entre les îles. Des éclats d’obsidienne ont été retrouvés, parfois en quantité non négligeable, sur plusieurs sites archéologiques de Timor. Glover (1986 : 98) situe leur présence entre 6500-11500 BP sur le site de Bui Ceri Uato à Baucau, et Oliveira (2008 : 129) mentionne 32 éclats à Bui Ceri Uato Mane datés entre 5500 et 7500 BP. Plus à l’est, leur utilisation est datée entre 13000 BP et 4000 BP environ (Veth et al., 2005 ; Ambrose et al., 2009). Une étude de la composition chimique des éclats indique qu’ils proviennent de deux sources distinctes, l’une locale, située dans la région de Baucau, et l’autre inconnue. Seuls certains éclats des sites de la région de Baucau proviennent de la première source, alors que dans tous les autres sites, Arlo compris, l’obsidienne provient d’une seconde source unique et non identifiée (Ambrose et al. 2009 : 609).

Fig. 5 – Cérémonie dans l’abri de Kerahu Luhan, village de Balibo, Timor-Leste

Fig. 5 – Cérémonie dans l’abri de Kerahu Luhan, village de Balibo, Timor-Leste

Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2014

46Il existe donc, pendant une période longue si l’on considère les datations disponibles, il y a probablement entre 13 000 et 3 000 ans, soit des échanges de matière première entre ces sites, soit des voyages vers la source pour s’approvisionner.

  • 4 Sans tenir compte des éclats trouvés dans les 30 premiers centimètres, qui ont été probablement dép (...)

47La recherche de la ou des sources pour cette matière est compliquée. Nous avons pu identifier plusieurs sources de verre volcanique dans l’île d’Ataúro, entre autres sur la côte ouest, dans et autour du village d’Adara. Ce verre volcanique a une composition minéralogique comparable à celle des éclats analysés provenant du site de Lepu Kina et d’autres sites timorais (Reepmeyer, pers. com.). Il est donc probable que la source inconnue d’obsidienne se trouve à Ataúro. Sur le site d’Arlo dans la même île, l’obsidienne n’est présente que pendant une période limitée, entre 2345 cal BP (Beta 388384) et 3200 cal BP (Beta 3883854). Ces dates plus récentes que celles observées dans les sites de Timor suggèrent une utilisation de l’obsidienne globalement plus longue que ce qui avait été précédemment observé à Timor. L’obsidienne d’Arlo est contemporaine de celle de Banda et en particulier du site PA1 à Pulau Ay (Lape 2000 : 141). Le matériau pourrait provenir de la même source.

48Ces données encore fragmentaires montrent qu’il existe des contacts anciens et répétés entre Timor et les îles orientales de la Sonde. Elles suggèrent également que l’obsidienne circule entre les îles, au moins entre Ataúro et les Moluques, autour de 3000 BP. À la même époque, on observe aussi l’extension des réseaux de distribution d’obsidienne provenant des sources de l’archipel de Bismarck (plus précisément de Nouvelle Bretagne) vers le Pacifique, ainsi que vers Bornéo (Bellwood & Koon, 1989). La courte période d’utilisation de l’obsidienne dans la séquence néolithique d’Ataúro correspond également à des variations dans le style de la poterie.

49À cette époque, se dessine ainsi une société qui apparaît mobile et dont les réseaux sont établis dans la région dès avant 3000 BP. Les petites îles comme Ataúro semblent plutôt fréquentées par des groupes tournés vers la mer et qui circulent entre les îles, y introduisant les techniques et les styles qui, entre 3000 BP et 2000 BP, vont enrichir les cultures matérielles locales et sans doute alimenter la diversité culturelle que l’on observe dans les sociétés contemporaines.

50Si l’on a peu d’éléments archéologiques pour caractériser le premier millénaire de notre ère, ce sont des sociétés organisées et territorialisées que l’on voit apparaître dans le paysage archéologique vers le début du second millénaire, avec une généralisation des habitats fortifiés dans l’île de Timor, ainsi qu’à Ataùro et dans d’autres îles de la région.

Habitats fortifiés : réponse aux aléas climatiques ou nouvel ordre social ?

51On rencontre dans les montagnes du Timor-Leste des centaines de structures protégées par des murs de pierres épais (fig. 6 et 7), qui occupent des positions stratégiques sur des crêtes et des hauts de falaise. Si certaines d’entre elles ont été documentées dans l’est de l’île (Tutuala, Com), le centre-nord (Manatuto), l’ouest (Balibo) et le sud-ouest (Suai), leur fréquence et leur distribution sont encore mal connues. Les Timorais les interprètent comme des sites d’anciens établissements et certaines sont encore occupées (ou furent ré-occupées récemment) (fig. 8). Elles jouent un rôle important dans la vie quotidienne comme lieux forts de l’histoire des clans et endroits symboliques et sacrés du territoire anthropisé.

« It surprised me to observe that it was the most inaccessible peaks and isolated crags that were crowned by dwellings, hidden from sight generally among groves of trees. It was easy to see that I was traveling in a lawless land where every man’s hand was against his neighbor, and where therefore every man was constantly and restlessly on the outlook. » (Forbes, 1885 : 432)

Fig. 6 – Vestiges de fortifications. Village de Kanurema. Maubisse. Timor-Leste.

Fig. 6 – Vestiges de fortifications. Village de Kanurema. Maubisse. Timor-Leste.

Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2013

Fig. 7 – Vestiges anciens de fortification. Taileu, Timor-Leste.

Fig. 7 – Vestiges anciens de fortification. Taileu, Timor-Leste.

Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2013

Fig. 8 – Village de Tunu Eru à Marobo, Timor-Leste.

Fig. 8 – Village de Tunu Eru à Marobo, Timor-Leste.

Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2012

52Ces structures se présentent sous la forme de murailles de pierres sèches enfermant une surface de plusieurs centaines à plusieurs milliers (3 000 au maximum) de mètres carrés, et épousant la configuration de crêtes ou de falaises naturellement peu accessibles. Les murs mesurent entre un et quatre mètres de hauteur pour une épaisseur de un à trois mètres. Ce sont donc des ouvrages particulièrement imposants qui ont, du fait de leur taille et de leur situation, bien supporté l’épreuve du temps. L’espace intérieur n’est pas vide et comprend des murets de séparation, des plateformes de pierre et des autels ou tombes en pierre surmontés de dalles plates ou de pierres dressées. Une entrée, parfois en chicane, avec de petites ouvertures pour observer l’arrivant, complète le dispositif et renforce l’aspect défensif de l’ensemble.

53Il semble que nombre de ces sites étaient encore occupés au XIXe siècle, au moment où l’administration coloniale portugaise décida de déplacer les populations pour les regrouper autour des forts, des églises et des écoles (Lape 2006 : 293). Au milieu du XXe siècle, la plupart de ces sites ont été désertés et sont devenus des lieux d’activités cérémonielles. Certains de ces forts furent utilisés par les résistants timorais ou parfois par l’armée indonésienne durant l’occupation de l’île par l’Indonésie.

54L’archéologue Peter Lape, qui a étudié quelques-unes de ces structures dans l’est de l’île, conclut (Lape 2006 : 286) qu’elles sont comparables aux sites fortifiés connus ailleurs en ASEI et dans le Pacifique, où elle sont datée d’environ 1300-1700 de notre ère. L’apparition de ces forts s’inscrit, d’après lui, dans une dynamique pan-Pacifique de changements culturels et de construction de sites défensifs pendant une période qui va de 1150 à 1550 de notre ère (Field 2005 ; Lape et Chao 2008) et qui correspond à la transition climatique LCO/LIA (petit optimum climatique/petit âge glaciaire), avec dans le Pacifique un accroissement significatif des événements de type El Niño (Moy et al., 2002). Les sites fortifiés de Timor pourraient être une réponse à ces événements correspondant aussi à une période troublée de l’histoire régionale, qui aurait entraîné de nombreux mouvements de population et une diminution des moyens de subsistance. Il y aurait ainsi un lien de cause à effet entre la construction de fortifications et la disponibilité dans l’espace et dans le temps de certaines ressources. Elles apparaîtraient ainsi dans des régions favorisées (accès à l’eau, meilleurs sols et régime de pluie) pendant une période globalement plus froide et plus sèche ; les populations auraient investi dans la construction de ces forts lorsqu’elles dépendaient de ressources limitées et localisées, et probablement convoitées.

55Cette hypothèse repose néanmoins sur une datation des forts qui manque encore de précision. En datant d’autres forts de la même région de l’est de l’île, l’archéologue Sue O’Connor remet en question la chronologie de Lape et Chao. Elle propose une datation postérieure de notre ère 1373 à 1334 pour le début des fortifications dans cette région (O’Connor et al., 2012 : 208). Elle débat également des aspects climatiques, émettant l’hypothèse que le commerce du santal a pu avoir un impact plus important que les conditions naturelles sur les sociétés de l’époque, et que l’arrivée des acteurs extérieurs dans ce commerce a pu provoquer ces changements.

56Il y a encore beaucoup d’incertitudes sur la datation de cette période et sur sa durée ; beaucoup d’incertitudes également sur l’évolution globale également de ces habitats et sur les traductions culturelles qu’ils recouvrent d’une région à l’autre de Timor. Il est clair cependant que les changements observés dans l’habitat au tournant du premier millénaire de notre ère ne sont pas un épiphénomène mais s’inscrivent dans une dynamique plus globale qui, dans un contexte climatique probablement défavorable, voit la reconfiguration d’anciens réseaux régionaux autour du commerce du santal, de la cire, et aussi de la main-d’œuvre servile. Dernière corrélation, ces changements sont aussi à mettre en regard avec l’apparition des tambours de bronze dans la région durant les premiers siècles de notre ère. L’introduction et la distribution de ces tambours est certainement en relation avec l’avènement de grands réseaux commerciaux centrés sur une région allant de Sulawesi et des Moluques à Timor, mais en relation directe, peut-être au départ de Sulawesi, avec les comptoirs plus lointains de l’Asie continentale. L’apparition puis l’accroissement significatif de la céramique chinoise sur les sites de l’archipel de Banda entre le VIIe et le XIIIe siècles suggèrent en effet un contact direct avec l’Asie continentale à cette époque (Lape 2000 : 142).

Royaumes marchands et sociétés de la côte

57Au début du second millénaire de notre ère et même probablement avant, les Chinois viennent chercher à Timor le bois de santal qui fait la réputation de l’île. En 1522, Pigafetta (1969 : 176) note ainsi :

« Dans quatre localités, appelés Oibich (le plus grand), Lichsana, Suai et Cabanaza, vivaient les quatre rois, qui étaient frères. On nous a dit dans une montagne près de Cabanaza [qu’] il y avait beaucoup d’or, avec les grains duquel les autochtones achetaient tout ce dont ils ont besoin. Le Malacca et Java s’occupent ici de tout le trafic de bois de santal et de cire. Nous avons trouvé une jonque qui venait de Luzon pour le commerce de bois de santal ».

58Repris par les Portugais dès leur établissement dans la région au XVIe siècle, ce commerce ne cessera que très tardivement, avec la raréfaction de la ressource. Le commerce du bois de santal est ancien et l’on peut émettre l’hypothèse que certaines des sociétés modernes du Timor se sont organisées autour de ce commerce. Il inscrit Timor dans des réseaux liés à l’extension orientale des grands royaumes marchands qui apparaissent en Asie du Sud‑Est avant le début de l’ère chrétienne. Les données archéologiques, pour leur part, permettent de révéler des influences chinoises, est-asiatiques ou indiennes jusqu’à Bali (Glover 1986, Bellina 2014), mais les données sont fragmentaires au-delà. À Ataùro, l’apparition (voir supra) d’une poterie peinte dans la tradition des poteries de l’âge du bronze asiatique suggère des liens interrégionaux anciens.

59Timor occupe une position significative dans les réseaux qui, à partir du IVe siècle de notre ère, traversent Sulawesi et les Moluques et couvrent les îles orientales de la Sonde. Dans ces îles, ces réseaux se matérialisent notamment par l’apparition de grands tambours de bronze — tambours type Dongson, du groupe 3 (Calo, 2009 : 111) (fig. 9). Ces tambours du groupe 3, dont l’origine première serait (comme les autres tambours découverts ailleurs en Asie du Sud-Est et en Indonésie) le nord du Vietnam ou la côte sud-ouest de la Chine, ont pu voyager vers l’Indonésie en deux étapes : une première étape depuis l’Asie du Sud-Est continentale vers les îles proches, probablement le nord de Bornéo et le nord de Sulawesi, puis une seconde étape à travers les archipels en suivant des réseaux de commerce déjà établis, contrôlés par des marchands-nomades. La première étape a pu se dérouler entre le IIIe et le IVe siècles de notre ère et la seconde étape pendant une période plus longue, peut-être jusqu’à la période du royaume de Majapahit (entre le XIIIe et le XVIe siècle) (ibid. : 117). Ces tambours sont des objets de prestige qui, en relation avec le pouvoir politique et religieux d’élites marchandes, jalonnent les points stratégiques de réseaux de commerce interconnectés. Les endroits où l’on trouve ces tambours semblent être des lieux de contacts maritimes où s’échangeaient les richesses spécifiques de chaque île. Pour A. Calo (ibid. : 84) :

« By establishing alliances between centers, the exchange of bronze drums would have thus facilitated the trade of other goods and the establishment of early cultural spheres. »

60La différence, dans la forme et les décors, entre les tambours que l’on trouve dans l’ouest de l’Indonésie et ceux que l’on trouve dans l’est indique qu’ils représentent deux réseaux distincts de commerce à deux époques différentes. Les tambours de la région orientale qui nous intéresse ici, ont été retrouvés sur de petites îles : aux Moluques de l’Est et du Sud, en particulier dans les petites îles de Luang et Leti au large de la pointe est de Timor, en Papouasie nord-occidentale, sur l’île de Selayar, au sud de Sulawesi, dans les îles Sangean, ainsi qu’à Alor et à Roti (Calo, 2009 : 115). Plus récemment, deux fragments de tambours ont été retrouvés dans l’est du Timor Oriental et un tambour complet dans le centre nord (région de Baucau, Nuno Oliveira, c. p.). On peut lire dans ce tropisme géographique favorisant les petites îles une indication de la nature essentiellement maritime des acteurs. Il est tentant de les relier à des groupes contemporains documentés, comme les nomades de la mer, Orang Laut, en particulier Bajau dans cette région, et dans une certaine mesure Bugis au sud de Sulawesi ; au cours de l’histoire récente, ces groupes sont connus pour garder ou contrôler les routes maritimes et les réseaux marchands pan-régionaux (Trocki, 1979).

61Cette histoire du dernier millénaire laisse entrevoir une société complexe à différents niveaux, qui génère une opposition claire entre la zone côtière, lieu d’échange et de contacts, et l’intérieur qui fournit santal, miel, produits miniers ou de culture. Les vassaux de royaumes régionaux (Wehali, par exemple) organisent sur la côte la collecte des produits et gèrent les comptoirs commerciaux. Il est difficile de suivre l’évolution de ces configurations et si l’installation de certains groupes austronésiens, comme les Tetun-Terik sur la côte sud de Timor, semble assez récente, il est probable qu’ils représentent la phase moderne d’une dynamique beaucoup plus ancienne. L’exemple des Bunaq et des Tetun Terik est intéressant pour illustrer ce propos. Pour Schapper (2011), les Bunaq, groupes NAN dont la zone d’origine se situerait dans la région de Bobonaro, descendent progressivement vers la côte sud pour se rapprocher des comptoirs côtiers. Les groupes austronésiens, probablement nomades, qui contrôlent ces comptoirs, s’installent progressivement dans certaines zones et établissent un rapport complexe de pouvoir et d’échanges dont les modalités pourraient ressembler à ce que décrivent nos collègues travaillant dans les régions occidentales de l’ASEI, à la frontière avec le continent sud-est asiatique :

« To appeal to traders and to flourish, these entrepôts not only had to offer a protected port, but also a wide range of goods into a node to be able to attract international, regional and interior networks. Contrasting with lowland areas where the richest coastal trading polities thrived, the interior comprised of village farmers in the valleys and slopes and of the hunter-gatherers in the forested interior, the Orang Asli of Malaysia and the suku terasing of Indonesia. Ethnographic and historical descriptions show how those different populations developed different economic specialisations and inter-dependancies. These socially less complex interior populations provided downstream coastal polities with products such as precious metals (tin and gold), spices, precious woods, animal by-products birds feathers, deer hides, pearls and tortoise shells that Chinese, Indian and Western courts were eager to obtain. To foster the loyalty of these extremely volatile partners who could easily offer their allegiance to other more compliant entrepôt, lowland elites had to develop political strategies. Those could take the form of prestigious gifts originating from far away (Chinese ceramics, ornaments, Indian textiles) or from the lowland crafts centres. » (Junker, 1999)

Fig. 9 – Réseaux anciens et centres de distributions en Asie du Sud-Est insulaire

Fig. 9 – Réseaux anciens et centres de distributions en Asie du Sud-Est insulaire
  • 5 Ceux du village de Samfuk à Suai.

62Le discours actuel des anciens souverains tetun de la côte5 est un peu différent de ce que la linguistique suggère. Ces souverains auraient « fait venir » les Bunaq pour collecter la cire et le santal. C’est là l’origine de certains villages comme Holbelis, village côtier de tradition Bunaq dans un territoire dominé par les Tetun-Terik. Ce discours reflète la relation souverain/vassal que les échanges vont entraîner. L’origine des groupes côtiers est également suggérée par la linguistique : les langues Tetun sont apparentées aux langues du sud Sulawesi (Hull, 1999). De plus, la tradition orale signale Malaka, dans le sud-ouest de Sulawesi, comme le lieu d’origine de certains groupes (voir Guillaud ce numéro). Ces discours traditionnels rendent compte d’une histoire récente mais qui reproduit des situations plus anciennes.

63En intervenant dans ces réseaux, les Portugais puis les Hollandais vont ouvrir de nouveaux marchés et lentement regrouper les populations locales autour de centres administratifs et religieux, récupérant ainsi à leur profit une dynamique plus que millénaire.

Un Néolithique maritime : acteurs et réseaux

64Ce Néolithique en Insulinde orientale renvoie à certains mécanismes qu’ont connus les sociétés du bronze ancien le long des côtes du Vietnam, où les réseaux régionaux ont largement transformé un monde insulaire en grande partie tourné vers des activités de chasse et de cueillette. On observe ainsi à Timor au tournant du premier millénaire avant notre ère une évolution culturelle que l’on pourrait probablement comparer à celle observée quelques siècles plus tôt sur le continent asiatique et dans de grandes îles comme Bornéo.

65Ces évolutions, qui sont liées à l’amélioration des conditions environnementales au début de l’Holocène, influencent tout d’abord le continent asiatique (Chine du Sud, Vietnam, Thailande, etc.), et plus tardivement, les îles de l’ASEI. Ces influences sont liées au développement de réseaux de commerce à l’instigation de « seigneurs » ou « princes » asiatiques, réseaux dont les acteurs sont des nomades marins au service de ces royaumes marchands.

66Les îles de l’Est insulindien, dont l’histoire très ancienne est plutôt tournée vers l’est et la Nouvelle-Guinée, vont vers la fin du deuxième millénaire avant notre ère découvrir le monde en mouvement de l’Asie continentale et profiter, avec un certain décalage, des nouveautés qui annoncent pour l’archéologue la période néolithique : nouvelles plantes et nouveaux animaux, nouvelles techniques (tissage, poterie), nouveaux produits de prestige (bronze, fig. 9).

67Les modèles proposés pour expliquer à la fois la diffusion de langues austronésiennes et la présence de caractères culturels néolithiques dans les îles de l’ASEI, il y a 4 000 - 3 000 ans, impliquent que des populations originaires de Taiwan (ou de son voisinage) ont rapidement occupé de nouvelles niches culturelles, étendant leur influence jusqu’en Océanie avec la culture Lapita (Bellwood 2002, 2011). Les données isues des recherches récentes dans la région de Timor suggèrent un scénario plus nuancé. Plutôt que la transformation des économies locales, l’apparition de ces caractères néolithiques dans les sites côtiers ou les petites îles signale l’influence grandissante des premiers réseaux marchands. Ceux-ci préfigurent ce que l’on observe dès le premier millénaire de notre ère autour de l’exploitation, à des fins commerciales, des épices et du santal, à Sulawesi aux Moluques ou à Timor (Hägerdal 2012, Lape 2000a). Les acteurs de ces réseaux, peuples marins, ancêtres possibles des nomades de la mer actuels, auraient ainsi transporté des objets nouveaux ou de prestige, apporté des techniques et une certaine forme de diversification sociale, touchant en particulier le monde côtier, établissant des comptoirs et favorisant localement l’émergence d’une société mixte comme celle que nous observons au tournant de la période historique dans le sud de Timor-Leste.

68Si l’on pouvait les associer clairement à ces mouvements, les grands cimetières de l’Est insulindien, en usage pendant une longue période, pourraient donner une idée plus précise de l’ampleur de ces réseaux, mais surtout des croyances et représentations qui vont participer à la transformation des sociétés locales ; ils pourraient aussi fournir des données géographiques sur les avancées et les zones d’influences des acteurs mobiles de ces innovations. La distribution de certains éléments de la culture matérielle délimite une région englobant le sud des Philippines, Sulawesi, les Moluques et Timor, où des influences du sud de la Chine ou du nord du Vietnam ont pu enrichir très tôt les sociétés locales (poterie peinte, tambours de type Dongson, tissage et techniques de fabrication de la poterie) et peut-être préfigurer l’établissement de royautés insulaires comme celles que décriront les Européens dès le XVIe siècle.

69Dans ce monde interconnecté, l’île est une étape participant d’un ensemble plus vaste dont les vrais acteurs sont les marins. La « révolutions Néolithique » ou plutôt les représentations symboliques et les techniques néolithiques vont se diffuser grâce à ces acteurs dans les grands espaces insulaires non seulement de l’Asie du Sud-Est, mais aussi de l’Océanie. L’originalité des îles de l’Est insulindien, et de Timor en particulier, réside dans l’existence de sociétés plus anciennes parlant des langues non austronésiennes (ou papoues), qui vont s’enrichir au contact de ces sociétés nomades et, par leur entremise, développer des cultures originales.

70Ce modèle de peuplement rapide des îles pendant le Néolithique interroge sur les mécanismes des évolutions qu’ont connues d’autres régions du monde durant la même période. On voit ici l’importance des groupes mobiles dans la diffusion d’objets, de savoirs et de représentations symboliques, ouvrant des perspectives pour la compréhension des grands mouvements d’idées et plus généralement des transformations culturelles rapides. Plutôt que des mouvements de population dus à une démographie en forte expansion, on pressent déjà, ici, le rôle du commerce et une certaine valorisation du nomadisme.

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Notes

2 Peut-être à la faveur de l’extension de grands réseaux commerciaux (Bulbeck 2008 ; Manguin 2004).

3 Les recherches dans l’est de Flores se sont déroulées dans le cadre du programme de coopération décentralisée intitulé « Formations et études appliquées au développement local à Flores-Est, Indonésie » de l’Université de La Rochelle puis dans le cadre d’une coopération avec le Puslit Arkenas à Jakarta. Depuis 2013, une convention de coopération signée avec le Secrétariat d’État aux Arts et à la Culture du Timor-Leste fournit le cadre de notre coopération locale.

4 Sans tenir compte des éclats trouvés dans les 30 premiers centimètres, qui ont été probablement déplacés.

5 Ceux du village de Samfuk à Suai.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Fragment de poterie à engobe rouge et visages en relief. Site de Pain Haka, île de Flores, Indonésie.
Crédits Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2011
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Fig. 2 – Tombes néolithiques. Site de Pain Haka, île de Flores, Indonésie.
Crédits Cliché : Rebecca Kinaston, 2011
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,3M
Titre Fig. 3 – Abri de Lepu Kina. Village d’Arlo, île d’Ataúro, Timor-Leste.
Crédits Cliché : Tania Bettencourt Correia, 2014
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 3,8M
Titre Fig. 4 – Fragments de poterie décorés de cordons appliqués et de peinture rouge. Abri de Lepu Kina, village d’Arlo, île d’Ataúro, Timor-Leste.
Crédits Cliché: © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2014
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 2,4M
Titre Fig. 5 – Cérémonie dans l’abri de Kerahu Luhan, village de Balibo, Timor-Leste
Crédits Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2014
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 2,6M
Titre Fig. 6 – Vestiges de fortifications. Village de Kanurema. Maubisse. Timor-Leste.
Crédits Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2013
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 3,2M
Titre Fig. 7 – Vestiges anciens de fortification. Taileu, Timor-Leste.
Crédits Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2013
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 2,3M
Titre Fig. 8 – Village de Tunu Eru à Marobo, Timor-Leste.
Crédits Cliché : © J.-Ch. Galipaud, IRD, 2012
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 2,2M
Titre Fig. 9 – Réseaux anciens et centres de distributions en Asie du Sud-Est insulaire
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/docannexe/image/367/img-9.png
Fichier image/png, 1004k
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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Christophe Galipaud, « Réseaux néolithiques, nomades marins et marchands dans les petites îles de la Sonde  »Archipel, 90 | 2015, 49-74.

Référence électronique

Jean-Christophe Galipaud, « Réseaux néolithiques, nomades marins et marchands dans les petites îles de la Sonde  »Archipel [En ligne], 90 | 2015, mis en ligne le 01 mai 2017, consulté le 22 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/367 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archipel.367

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Auteur

Jean-Christophe Galipaud

UMR PaLoc, Muséum d’Histoire Naturelle-IRD/Sorbonne Universités.

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