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Littératures

Stuart Robson. I am Sri : Sri’s story as she told it, freely translated from the Javanese

Henri Chambert-Loir
p. 269-270
Référence(s) :

Stuart Robson. I am Sri : Sri’s story as she told it, freely translated from the Javanese. Melbourne : Indah Creations and Publications, 2019, 65 p. ISBN : 9780646997742.

Texte intégral

1Sri est une jeune Javanaise, d’une trentaine d’années peut-être, née dans une famille modeste d’un village de Java Centre. Elle relate les événements marquants de sa vie, ses sentiments, ses émotions, ses espoirs. Elle a fui sa famille parce que son père voulait la marier contre son gré, elle a vécu quelques années à Salatiga, chez une tante qu’elle aidait à préparer des plats cuisinés, puis elle est allée faire des études de sage-femme à Semarang. Et pour finir, elle épouse le jeune homme dont elle est amoureuse. Peu de choses en somme, et toute une vie. Sri, comme le dit une note en bas de page, tient un peu de Sumbadra et un peu de Srikandi. Elle est sage, raisonnable et mesurée, mais aussi ferme et volontaire, décidée à vivre selon ses normes et ses aspirations.

2La culture javanaise est présente dans les objets du quotidien, mais aussi, de temps en temps, dans des allusions plutôt érudites à la littérature classique : Yasadipura, Ranggawarsita, et même une citation du Wedhatama. Sri est candide, elle parle d’elle-même en toute simplicité, elle prête attention à sa progression dans la vie, son passage du village à la ville, d’une existence passive à la réalisation de ses ambitions.

3Des souvenirs ou confidences de Javanaises romancés, il doit y en avoir très peu. Il existe des mémoires (Mien Sudarpo, Partini, Sukartini Silitonga-Djojohadikusumo, Mia Bustam et d’autres), mais cela est un genre tout à fait différent. Le seul titre qui vienne à l’esprit est les « Confessions de Pariyem » de Linus Suryadi (Pengakuan Pariyem, 1981, traduit en français par Edmond-Louis Dussault sous le titre Confidences de Pariyem : L’Univers d’une femme de Java, Paris : Pasar Malam, 2016), qui rapporte les heurs et les malheurs, les doutes et les espoirs d’une servante, Pariyem, au service d’une famille aristocratique de Yogyakarta. Le roman de Linus Suryadi est écrit en vers libres, scandés de refrains et de strophes archaïques inspirées du théâtre d’ombres. La narratrice entrecoupe son récit de variations autour de la formule : « Oui, oui, je suis Pariyem, Maria Magdalena Pariyem de mon nom complet ». De ce leitmotiv, on retrouve l’écho dans l’ouvrage de Stuart Robson sous forme de formules telles que « Je suis Sri. Sri Setyaningsih de mon nom complet. Laissez-moi vous expliquer », ou encore « Je suis Sri. Je suis complètement perdue. Je me demande ce qui va advenir de moi ».

4Mais la comparaison s’arrête là, car, si Pariyem est en quelque sorte un discours élaboré sur la culture javanaise, Sri est un discours plus intime et plus restreint sur l’expérience d’une jeune fille. Sri dit peu de choses de la société dans laquelle elle vit, au point qu’il est difficile de deviner sous quel régime se déroule cette vie sans heurts. Sri, selon toute vraisemblance, a connu la fin du régime de Soeharto et les bouleversements qui ont conduit à la « Réforme ». Elle n’en dit rien, et pas plus de la religion, comme elle ne juge pas utile d’être consignées les conditions dans lesquelles elle apprend le métier de sage-femme. Les personnages du livre sont en très petit nombre.

5Stuart Robson est connu pour ses études philologiques : éditions et traductions de textes javanais et vieux-javanais qui faisaient partie de la culture de cour : autant d’ouvrages qui ont trait à l’aristocratie et au raffinement de sa culture. Il est significatif que ce nouvel ouvrage, plus personnel, traite au contraire d’une jeune fille de la société la plus modeste.

6« Librement traduit du javanais », nous avertit la page de titre, mais il n’est fait référence à aucune publication originale en javanais, et Stuart Robson ne prend pas la peine de raconter qu’il a trouvé le manuscrit original de ce livre au fond d’une malle ou chez un libraire d’occasion. Par contre, il a truffé son texte de remarques sur l’acte de traduction : il précise quelle expression javanaise il est en train de traduire, il conserve dans le texte anglais un certain nombre de mots javanais non traduits (dalang, gender, tokek, indekos, joglo, blangkon et d’autres), il note même que telle expression montre que Sri et son amoureux communiquent dans le registre familier du javanais (le ngoko, p. 36, n. 25), ou encore que l’anglais ne saurait rendre compte de la concision de telle formule javanaise (p. 39, n. 27). Ces notes, qui pourraient sembler ironiques ou facétieuses, destinées à tromper le lecteur, sont en fait des plus réalistes : le texte est pensé, peut-être même prononcé, en javanais, si bien qu’en fin de compte, il s’agit bien d’une traduction.

7Tout dans la présentation du livre laisse penser que Sri est un personnage fictif inventé par un universitaire familier de Java. Elle pourrait fort bien, cependant, être un personnage réel. Rien dans le récit n’est invraisemblable ni même surprenant. L’intérêt du livre ne réside pas tant dans le déroulement d’une vie, après tout très banale, ni dans les réflexions de Sri, qui est plus émotive qu’intellectuelle, mais dans tous les détails qui font que cette histoire est typiquement javanaise. Récit simple d’une vie simple, I am Sri est une fiction racontée avec élégance et légèreté, un discours intime et documenté sur divers aspects de la vie quotidienne à Java.

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Pour citer cet article

Référence papier

Henri Chambert-Loir, « Stuart Robson. I am Sri : Sri’s story as she told it, freely translated from the Javanese »Archipel, 98 | 2019, 269-270.

Référence électronique

Henri Chambert-Loir, « Stuart Robson. I am Sri : Sri’s story as she told it, freely translated from the Javanese »Archipel [En ligne], 98 | 2019, mis en ligne le 11 décembre 2019, consulté le 19 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archipel/1502 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archipel.1502

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