Navigation – Plan du site

AccueilNuméros48DossierUn carrefour naturel et commercia...

Dossier

Un carrefour naturel et commercial. L’agglomération secondaire antique des Olivoux et la plaine du Chambon

A natural and commercial crossroads. The ancient secondary agglomeration of Les Olivoux and the Chambon Plain
Una encrucijada natural y comercial. La aglomeración secundaria de los Olivoux y la planicie del Chambon
Vanessa Elizagoyen
p. 6-13

Résumés

L’agglomération secondaire antique des Olivoux (Montignac, Nouvelle-Aquitaine) a récemment été identifiée par le biais conjoint d’opérations archéologiques préventives et de recherches programmées. Sa localisation, en limite orientale de la cité des Pétrucores, au sein d’une entité territoriale cohérente et sur un point de rupture de charge de la Vézère, lui procure une vocation de carrefour, qu’il soit naturel, routier ou commercial.

Haut de page

Entrées d’index

Index géographique :

Nouvelle-Aquitaine, Dordogne, Montignac

Index chronologique :

Antiquité
Haut de page

Texte intégral

1Les Olivoux, à Montignac-sur-Vézère, se trouvent à la jonction de quatre communes orientales (Montignac, Auriac-du-Périgord, Aubas et Les Farges) du département de la Dordogne, au sein du Périgord noir. Le site antique est établi à moins d’un kilomètre du bourg actuel et à environ 700 m au nord de la rive droite de la Vézère, à une altitude comprise entre 80 et 90 m NGF, c’est-à-dire à une quinzaine de mètres au-dessus du lit holocène de la rivière, hors de portée des crues [ill. 1a]. Depuis 2005, des opérations archéologiques préventives (15 diagnostics et 3 fouilles) s’y succèdent au rythme des constructions pavillonnaires.

2L’agglomération des Olivoux doit son développement à une implantation à un véritable carrefour, en premier lieu géologique et environnemental. La Vézère, affluent de la Dordogne, développe au niveau des Olivoux le plus vaste méandre pléistocène existant sur son cours [ill. 1b]. Il s’est formé à l’endroit où la rivière sort du domaine des calcaires durs du Jurassique pour entrer dans celui des calcaires plus tendres du Crétacé. À l’Holocène, le paléoméandre désormais colmaté accueille de petits affluents de la Vézère, tels que le ruisseau Beaunac, qui délimite en partie le territoire actuel de la commune (Boes in Elizagoyen et al., 2017). La plaine ainsi formée, que nous appellerons ici plaine du Chambon, adopte une forme d’entonnoir et s’étend sur une surface d’environ 7 km². Elle constitue une entité territoriale cohérente, tant du point de vue topographique que de celui des constituants de son milieu. Le toponyme Chambon pourrait dériver du gaulois Cambo, qui désigne la courbe de la rivière (Fournioux, 2002). La plaine est circonscrite à l’ouest par la confluence de la Vézère et de la Laurence, à l’est par un promontoire rocheux, le Cheylard, qui culmine à 215 m et au sud par la Vézère. Elle est marquée, à l’ouest et au centre, par deux autres éminences calcaires résultant de l’ancien parcours du méandre.

1. L’implantation naturelle des Olivoux est indissociable du développement et de la nature même de ce site archéologique.

1. L’implantation naturelle des Olivoux est indissociable du développement et de la nature même de ce site archéologique.

a. Vue satellite de la plaine du Chambon, avec mise en évidence des cours d’eau et de l’emprise de l’agglomération secondaire ; b. Situation de l’agglomération dans la topographie et dans le réseau hydrographique.

BD alti, IGN et BRGM, É. Boes, Inrap

Un carrefour routier et fluvial

3Le réseau routier des Pétrocores est encore mal appréhendé d’un point de vue archéologique. Malgré nos lacunes, il apparaît que sur la plaine du Chambon se croisent trois itinéraires d’importance [ill. 2].

  • 1 Son parcours supposé est jalonné vers le nord de vestiges néolithiques.

4Le premier, nord-sud, relie Limoges à Cahors [ill. 2 et 3A]. Il est attesté depuis l’époque médiévale et pourrait se confondre avec un itinéraire de longue distance beaucoup plus ancien reliant l’Atlantique à la Méditerranée1 (Fournioux, 2004). Des portions de cette route ont été reconnues en archéologie de part et d’autre des Olivoux. Au nord, un tronçon d’orientation NNO-SSE, visible sur les plans des anomalies géophysiques sur environ 150 m de long, mesure environ 8 m de large [ill. 3a] (Elizagoyen et al., 2016b). Au sud, selon une orientation conforme à celles de l’agglomération, des vestiges très arasés matérialisent le tracé d’une voie de 4 m de largeur environ, qui se dirige vers la rivière et son franchissement supposé [ill. 2 et 3b]. Cette voie d’origine antique pourrait avoir été utilisée jusqu’à l’époque moderne. En effet, une empreinte a été observée sur le relevé LiDAR de la plaine, décalée de 2 m vers l’ouest par rapport à l’axe antique. La partie septentrionale de cet axe est encore figurée sur le cadastre napoléonien de 1812 (Elizagoyen, Vigier, 2017).

2. Carte de Belleyme (1762-1783) (Arch. dép. Dordogne, 1 Fi Dordogne 13), sur laquelle sont visibles la Vézère, les cours d’eau, ainsi que des axes routiers présumés gallo-romains.

2. Carte de Belleyme (1762-1783) (Arch. dép. Dordogne, 1 Fi Dordogne 13), sur laquelle sont visibles la Vézère, les cours d’eau, ainsi que des axes routiers présumés gallo-romains.

La position de carrefour entre axes routiers et fluvial de l’agglomération secondaire des Olivoux apparaît ici évidente.

Arch. dép. Dordogne, 1 Fi Dordogne 13 ; Vanessa Elizagoyen, Carole Fondeville, Elizagoyen et al.

3. Portions de l’itinéraire entre Limoges et Cahors observées.

3. Portions de l’itinéraire entre Limoges et Cahors observées.

a. Au nord de l’agglomération, par l’intermédiaire de la méthode magnétique ; b. Au sud, lors d’un diagnostic effectué en 2017. Les informations issues de celui-ci sont projetées sur un modèle numérique de terrain issu du relevé LiDAR de la plaine (Elizagoyen et al., 2016b ; Elizagoyen, Vigier, 2017).

Guillaume Hulin, Inrap

5Le deuxième itinéraire, vers l’ouest, rallie la capitale de cité Vesunna [ill. 2, n° 2]. À l’intérieur de l’agglomération, il prend la forme d’un axe viaire est-ouest, observé en prospection magnétique sur plus de 265 m de longueur. Sa largeur oscille entre 3,8 m à l’ouest et 4,8 m à l’est.

  • 2 Site de Charpenet, fouille M. Régeard, Conseil général de la Dordogne, 2011.

6Le troisième, vers le nord-est, est un chemin de « pouge », c’est-à-dire un cheminement de crête (Desbordes, 2010, p. 52-53 ; 55), qui traverse le Cern pour rejoindre la voie présumée Périgueux-Brive se poursuivant certainement au-delà vers l’est en direction de Clermont-Ferrand [ill. 2]. Sur son tracé se situent, tout d’abord la villa antique de la Boissière, puis, à environ 14 km des Olivoux, la probable station routière de Charpenet au-dessous de laquelle un tronçon de voie a été mis au jour2 (Régeard, 2013).

7Aux Olivoux, le carrefour routier rencontre le point de rupture de charge fluvial. La Vézère, qui appartient au bassin de la Garonne, est une rivière navigable à la descente, « sur une longueur de 65 km » (Guide officiel de la navigation intérieure 1891, p. 327), « entre Terrasson et Limeuil », où elle rejoint la Dordogne [ill. 4]. La remontée des bateaux s’y effectue par halage. La navigation est saisonnière en raison de basses eaux en période d’étiage. Immédiatement en amont du site et fermant la plaine au nord-est se trouve la montagne du Guern, qui interdit la progression du halage sur cette rive par des rochers en aplomb sur la Vézère, et marque un net rétrécissement de la vallée en direction de Terrasson et de Brive.

8La quasi-impossibilité de remonter la Vézère au-delà du site implique un débarquement et un nouveau chargement des marchandises avant leur acheminement par la route. Rappelons qu’en aval, la Vézère constitue, à l’époque moderne, une voie privilégiée pour le transport des productions du territoire vers la vallée de la Dordogne, puis au-delà, vers Bordeaux, et celui de produits d’importations variés vers l’est (Grangez, 1855, p. 699-703). Même si le cours de la Vézère a subi des modifications au cours du temps, il est raisonnable de supposer qu’il s’agit d’un cours d’eau navigable à la descente durant l’Antiquité, praticable grâce au halage à la remontée, qui permettait de rallier la Dordogne pendant une partie de l’année, hors été.

4. Plan de la Vézère aux abords de Montignac et de la commune voisine d’Aubas.

4. Plan de la Vézère aux abords de Montignac et de la commune voisine d’Aubas.

Plan qui montre, en amont des Olivoux, la vallée qui s’encaisse nettement.

Arch. dép. Gironde, 3 JC 17 ; Arch. dép. Dordogne, 1 L 589

L’origine et le développement de l’agglomération

9L’agglomération pétrocore est située à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de la limite présumée entre son territoire et celui de ses voisins lémovices, un peu plus haut sur le cours de la Vézère. À moins de dix kilomètres vers le sud, le toponyme d’un cours d’eau sous-affluent de la Vézère, Chironde, ainsi qu’un second Hyronde, désignant l’un de ses affluents et également un lieu-dit, pourraient rapprocher encore cette frontière. En effet, ils sont tous les deux dérivés du mot prélatin equoranda, « toujours en relation avec les limites administratives » (Desbordes, 2001, p. 55 ; Barrière, Barrière, 1947 ; Bost, 1983, p. 35 ; Gaillard, 1997, p. 221). La capitale de cité Vesunna est distante d’une quarantaine de kilomètres à l’ouest et l’agglomération secondaire lémovice de Brive-Briva Curretia d’une trentaine de kilomètres à l’est. Cette dernière occupe une position topographique tout à fait comparable à celle des Olivoux.

10C’est probablement à partir de La Tène C2/D1 (milieu du IIe siècle avant notre ère) qu’est établie une agglomération de plein air sur la partie occidentale la plus élevée de la plaine du Chambon, au pied de la colline des Gascognes. Elle se manifeste par des vestiges à caractère domestique et artisanal (bâtiments sur poteaux, fossés, niveaux d’occupation) souvent détruits par les aménagements des occupations antiques postérieures. La dispersion sur une trentaine d’hectares de mobilier, en particulier de fragments d’amphores italiques, pourrait indiquer que le site des Olivoux est, durant cette période, plus étendu qu’il ne le sera par la suite. Cette large diffusion des vestiges matériels pourrait refléter l’exploitation de la moitié méridionale de la plaine, sans qu’il soit néanmoins possible de préciser s’il s’agit d’agriculture, d’élevage ou d’exploitation forestière.

11À l’époque augustéenne, la surface occupée par les espaces construits de l’agglomération se resserre sur le point le plus élevé du site, à l’ouest et au nord, au plus près de la colline occidentale. Elle est désormais délimitée à l’est par un cours d’eau sinuant dans le chenal du paléoméandre.

12Au milieu du premier siècle, une trame viaire régit la structuration régulière de l’agglomération, en particulier, semble-t-il, celle de la plupart des ilots d’habitation de la partie ouest. Les bâtiments, toujours majoritairement en matériaux périssables, peuvent reposer sur des solins en pierre. Les premières constructions maçonnées apparaissent, mais elles semblent ne concerner qu’une partie réduite d’entre eux.

13Sous les Flaviens, la mise en œuvre de fondations maçonnées en pierre dans la construction se généralise. La surface de l’agglomération est alors comprise entre 10 et 12 ha. Ce sont majoritairement ces fondations qui apparaissent sur les plans des anomalies relevées progressivement grâce aux prospections géophysiques. Leurs orientations sont conformes à celles des voiries préexistantes.

La morphologie et la répartition des espaces

14L’agglomération antique des Olivoux est dotée d’une trame régulière dont l’orientation résulte d’un facteur d’ordre topographique, c’est-à-dire des contraintes environnementales qui sont, d’une part, la colline des Gascognes à l’ouest et, d’autre part, le cours d’eau qui circule dans l’ancien chenal occidental du paléoméandre de la Vézère à l’est [ill. 5]. Un autre facteur déterminant y est le croisement des itinéraires, au nord et à l’ouest, qui influe sans doute encore davantage sur la répartition des espaces.

15Le plan de l’agglomération, dessiné à partir des fondations de pierre mises en œuvre dès les Flaviens, d’anomalies magnétiques illustrant des structures de combustion ou des concentrations de terre cuite, ainsi que du tracé des voiries visibles sur les plans des anomalies géophysiques, montre la répartition des espaces [ill. 6]. Analysés en même temps que les résultats des opérations archéologiques préventives, ces éléments séparent des quartiers à vocations distinctes : résidentiels et commerciaux, artisanaux, cultuels (Elizagoyen et al., 2016a)…

5. L’agglomération secondaire des Olivoux. Projection sur le LiDAR de la plaine du Chambon et la photographie aérienne IGN.

5. L’agglomération secondaire des Olivoux. Projection sur le LiDAR de la plaine du Chambon et la photographie aérienne IGN.

Vanessa Elizagoyen, Inrap

6. Plan des vestiges identifiés sur l’agglomération des Olivoux (Elizagoyen et al., 2018a).

6. Plan des vestiges identifiés sur l’agglomération des Olivoux (Elizagoyen et al., 2018a).

Carole Fondeville, Inrap

16À l’extrémité nord, le sanctuaire est installé à un carrefour lui-même inscrit au débouché de l’itinéraire provenant de Limoges [ill. 6, n° 1]. Ce dernier y croise la voie ouest-est délimitant au nord-ouest l’agglomération ainsi qu’un deuxième axe plus modeste orienté NO-SE dont nous perdons la trace en direction de l’ouest. Le sanctuaire de plan quadrangulaire nord-sud, d’environ 3 000 m² de surface, se compose d’un fanum circulaire à galerie périphérique de 18 m de diamètre, ouvrant vers l’est, enclos dans un péribole monumental double. Comme à Barzan (Charente-Maritime) ou Vendeuvre-du-Poitou (Vienne), le temple ne se situe pas au milieu de l’enclos. Cette dissymétrie pourrait traduire la pré-existence d’un péribole plus modeste, situé au débouché de l’itinéraire septentrional, dans une position encore plus centrale dans le carrefour (Elizagoyen et al., 2018b).

  • 3 Avec les élèves du lycée Jean Delbos de Montignac.

17À l’ouest du sanctuaire, se trouverait, d’après la concentration d’anomalies magnétiques, un quartier artisanal [ill. 6, n° 3]. Les résultats de prospections pédestres menées sur la parcelle3, ainsi que ceux de fouilles effectuées en d’autres points de l’agglomération, invitent à y restituer une activité métallurgique du fer, en particulier celle de la forge. La pratique d’autres activités n’est pas exclue et en d’autres endroits du site nous pouvons par exemple citer la fabrication de céramiques, identifiée par l’intermédiaire des vestiges d’un four en limite orientale du site (Elizagoyen et al., 2019). Quelques anomalies ponctuelles apparues entre les axes viaires, dans le quart nord-ouest du carrefour, pourraient s’apparenter à des structures funéraires, tandis qu’à l’est, le plan est vide d’anomalies, indiquant peut-être un secteur mis en culture ou une aire de stockage (Elizagoyen et al., 2017, 2018a et b).

18Dans le prolongement de l’itinéraire septentrional vers le sud, à sa rencontre avec un axe est-ouest, un vaste espace quasiment libre de tout aménagement perceptible interroge [ill. 6, n° 2]. Délimité sur ses quatre côtés par des axes viaires, il s’agit d’un espace nord-sud de près de 5 000 m². Un seul bâtiment au plan incomplet s’y lit, en limite nord, tandis qu’au sud, une anomalie rectangulaire isolée de 3,7 x 2,55 m est visible, matérialisant la base d’un aménagement indéterminé. Cet ilot « vide » est le plus vaste de l’agglomération. Il se situe en plein cœur de celle-ci, dans une zone densément lotie. Autour se répartissent, au nord le sanctuaire, au nord-ouest le quartier artisanal, à l’ouest et au sud des ilots résidentiels [ill. 6, n° 4, 5 et 12] et à l’est un fanum [ill. 6, n° 6] de forme quadrangulaire (d’environ 15 m sur 13 m) érigé sur un terrain compris entre la voie et le chenal du cours d’eau qui détermine la limite orientale de l’agglomération [ill. 6, n° 7]. Cet ilot pourrait, selon nous, s’apparenter à une place de marché peut-être également fréquentée lors de célébrations religieuses. Il faut souligner ici la mise au jour régulière, lors des opérations de fouilles préventives, tout comme à l’occasion des prospections pédestres (Elizagoyen et al., 2014, 2016c, 2018b), de restes témoignant du dynamisme économique de l’agglomération. Les importations de vin du sud de l’Italie dès la première moitié du deuxième siècle avant notre ère s’accompagnent à la même époque de vaisselle campanienne. À l’époque augustéenne, des coupes en verre provenant d’ateliers romains ou de l’aire syro-palestienne côtoient des gobelets ruténois en céramique. On trouve également des objets en schiste bitumineux produits à Autun au milieu du Ier siècle, tandis qu’à la fin de ce même siècle, des amphores crétoises, des récipients en verre et un élément de placage en millefiori égyptien se distinguent. Quant aux produits susceptibles d’être exportés, il s’agit d’objets en fer et de céramique, ainsi que d’autres produits comme ceux de l’agriculture, de l’élevage, de la sylviculture et peut-être également de la viticulture.

19Le long de l’axe est-ouest menant probablement vers Vesunna, les ateliers-boutiques [ill. 6, n° 5], en devanture de bâtiments standardisés, s’alignent en gagnant sur l’emprise de la rue. Au sud de l’agglomération, une fouille conduite en 2005 (Grimbert, 2006) a révélé une maison construite au carrefour de voies [ill. 6, n° 12]. Les pièces en façade semblent correspondre à des espaces dédiés au commerce et à la fabrication d’objets en fer. En limite est, c’est peut-être un établissement thermal qui marque le croisement des voies.

Le déplacement de l’agglomération

20À partir du milieu du IIe siècle, les éléments matériels se raréfient. Pour l’heure, un seul fragment de poterie évoquerait, avec toutes les réserves possibles, une éventuelle rétraction de l’agglomération autour de l’axe attractif est-ouest durant l’Antiquité tardive (Elizagoyen et al., 2016b). Des traces d’occupation attribuées au haut Moyen Âge sont régulièrement identifiées dans l’emprise de l’agglomération. Elles prennent la forme de réaménagements ponctuels et visiblement précaires des bâtiments antiques ruinés. Une fréquentation du secteur du sanctuaire est également attestée, correspondant peut-être à une autre occupation assortie d’une récupération des matériaux du fanum pour la mise en œuvre de nouveaux édifices, en particulier des églises qui vont être implantées à Saint-Pierre, en bord de Vézère, et au Cheylard, sur le sommet du promontoire oriental.

21L’église Saint-Pierre-ès-Liens est implantée à 750 m au sud de l’agglomération antique, à proximité immédiate des berges de la Vézère et d’un possible franchissement de la rivière par la voie antique menant vers le sud [ill. 7a]. L’édifice, également désigné sous le nom de Saint-Pierre-le-Moutier, aurait été fondé, une fois l’agglomération abandonnée, en un lieu significatif : au point de franchissement de la Vézère par l’axe de communication méridional. La dédicace de l’église évoque une fondation précoce, probablement comprise entre le Ve et le VIIe siècle. Elle aurait abrité les reliques de saint Silain. Elle est progressivement délaissée à partir du XIIe siècle au profit de l’église Saint-Pierre-du-Plô au bourg de Montignac. L’édifice est doté d’une architecture simple, à nef rectangulaire unique [ill. 7b et c]. Au nord, des collatéraux pourraient s’apparenter à des chapelles funéraires au centre desquelles les massifs quadrangulaires correspondraient aux caveaux des familles propriétaires. Le chevet (10,40 x 9,5 m) pourrait avoir supporté une tour-clocher, eu égard à la puissance de ses fondations (Elizagoyen et al., 2017). L’église est environnée de tombes construites. La forte intensité des anomalies qui l’environnent sur les plans géoradars laisse supposer que les tombes seraient en sarcophage. Si l’on en retient l’hypothèse, une origine au haut Moyen Âge de l’édifice ne serait pas à exclure, ce qui s’accorderait dans ce cas avec sa titulature. À proximité immédiate, le plan d’un probable second bâtiment se distingue. Nous ne pouvons pour l’instant proposer d’interprétation de ce dernier. Les deux ensembles bâtis montrent des orientations divergentes, une morphologie et des gabarits totalement différents.

7. Les relais de l’occupation antiques sont encore situés à des carrefours.

7. Les relais de l’occupation antiques sont encore situés à des carrefours.

a. Localisation de l’église Saint-Pierre-ès-Liens et de l’église Saint-Barthélémy du Cheylard ; b et c. Relevé géoradar effectué à Saint-Pierre-ès-Liens et interprétation en plan.

Guillaume Hulin, Inrap, H. Gaillard

22Un second relais à l’occupation antique est établi sur le point culminant de la plaine, probablement au haut Moyen Âge [ill. 7a]. Il s’agit de l’église Saint-Barthélémy du Cheylard dont certains éléments, en particulier un fragment d’inscription, pourraient provenir de l’agglomération délaissée. Le plan de l’état originel du bâtiment reste inconnu mais deux pans de murs recouverts par du bâti plus tardif pourraient y appartenir. L’église du Cheylard est installée en position dominante de la zone d’interfluve Cern/Vézère, qui conduit, vers le nord, jusqu’à l’itinéraire Périgueux-Brive par l’intermédiaire d’un chemin de pouge déjà évoqué [ill. 2] et ouvre, vers le sud, sur la plaine du Chambon et son accès à la voie navigable que constitue la Vézère (Gaillard in Elizagoyen et al., 2018b).

23L’occupation humaine de la plaine du Chambon entre Antiquité et haut Moyen Âge se déplace donc, avec une césure en deux pôles qui succèdent à l’agglomération antique. Chacun de ces nouveaux pôles est associé à un carrefour qui perdure : le carrefour entre la route Limoges-Cahors et la rivière navigable pour Saint-Pierre et une zone d’échange possible entre le transport routier Périgueux-Brive et la Vézère pour le Cheylard. Faut-il en déduire que la voie menant de l’agglomération des Olivoux vers Périgueux est délaissée au profit d’un autre itinéraire ?

Haut de page

Bibliographie

Arch. dép. Dordogne, 1 Fi Dordogne 13, carte de Belleyme (en ligne sur le site des Archives départementales).

Arch. dép. Dordogne, 1 L 589, Rivière de Vézère : navigation, visites, usines et moulins (plans). Copie datée de 1812 d’un document établi en 1788.

Arch. dép. Gironde, 3 JC 17, Recueil de cartes, plans et profils des ouvrages faits pour la navigation de diverses rivières de Guyenne, levés par M. Ferry dans la visite qu’il en a faite à la fin de l’année 1696. Avec des remarques & mémoires sur lesdits ouvrages. Dessin, encre et aquarelle, par François Ferry, 1696. Carte géologique de Terrasson au 1 : 50 000, BRGM.

Barrière P., Barrière C., 1947, « Les termes-frontière dans la topographie gallo-romaine », Revue des Études Anciennes, 49, n° 1-2, p. 160-168.

Bost J.-P., 1983, « Le Périgord antique », dans Higounet-Nadal A., Histoire du Périgord, Toulouse, Privat, p. 33-53.

Desbordes J.-M., 2010, Voies romaines en Gaule : la traversée du Limousin (tracés, fonctions, chronologie, typologie, destinations), Limoges, Archéologie en Limousin, Pessac, Fédération Aquitania, « Travaux d’Archéologie Limousine » suppl. 8, « Aquitania » suppl. 19, 196 p.

Elizagoyen V. et al., 2014, Aquitaine, Dordogne, Montignac, Le Buy, Chronologie et interprétation des occupations humaines du deuxième âge du Fer au haut Moyen Âge, rapport de fouille, Inrap-SRA Nouvelle-Aquitaine, 246 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark :/64298/0134879.

Elizagoyen V. et al., 2016a, Montignac, Les Olivoux (Aquitaine, Dordogne), Une nouvelle agglomération antique en Aquitaine, rapport de prospection archéologique, Inrap-SRA Nouvelle-Aquitaine, 112 p.

Elizagoyen V. et al., 2016b, Montignac, Auriac-du-Périgord, Les Farges, Aubas, Prospection thématique de la plaine du Chambon, rapport de prospection thématique, Inrap-SRA Nouvelle-Aquitaine, 103 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0145839.

Elizagoyen V. et al., 2016c, « Une agglomération antique en Périgord : les Olivoux à Montignac-sur-Vézère (Dordogne) », Aquitania, 32, p. 153-160. DOI : 10.3406/aquit.2016.1477.

Elizagoyen V. et al., 2017, Montignac, Auriac-du-Périgord, Les Farges, Aubas, Prospection thématique de la plaine du Chambon, rapport de prospection thématique, Inrap-SRA Nouvelle-Aquitaine, 270 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0167945.

Elizagoyen V. et al., 2018a, Prospection thématique de la plaine du Chambon, rapport de prospection thématique, Inrap-SRA Nouvelle-Aquitaine, 100 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0167947.

Elizagoyen V. et al., 2018b, « Actualités de la recherche sur l’agglomération secondaire pétrucore de Montignac-sur-Vézère (Dordogne) », Aquitania, 34, p. 191-208. DOI : 10.3406/aquit.2018.1558.

Elizagoyen V. et al., 2019, Nouvelle exploration de la frange orientale de l’agglomération des Olivoux, Le Buy, à Montignac (Dordogne, Nouvelle-Aquitaine), Rapport de fouille, Inrap-SRA Nouvelle-Aquitaine, 352 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0157861.

Elizagoyen V., Vigier S., 2017, Montignac, Saint Pierre (Dordogne, Aquitaine), rapport d’opération, Inrap-SRA Nouvelle-Aquitaine, 158 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0146762.

Fournioux B., 2002, Montignac au Moyen Âge, Mihac-d’Auberoche, B. Fournioux, 229 p.

Fournioux B., 2004, « Les voies de communication médiévales d’intérêt majeur en Périgord », Documents d’archéologie et d’histoire périgourdines, 19, p. 77-112.

Gaillard H. 1997, La Dordogne, Carte Archéologique de la Gaule, 24, Paris, Académie des inscriptions et belles-lettres, 299 p.

Grangez E., 1855, Précis historique et statistique des voies navigables de France et d’une partie de la Belgique, Paris, N. Chaix et Cie, 796 p. ark:/12148/bpt6k112891x.

Grimbert L. (dir.), 2006, Montignac, Le Buy (Dordogne, Aquitaine). Le site des Olivoux, un bâtiment antique du Ier s., rapport de fouille, Inrap-SRA Aquitaine. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/015020.

Guide officiel de la navigation intérieure, 1891, avec itinéraires graphiques des principales lignes de navigation et carte générale des voies navigables de la France (5e éd.), Paris, Baudry et Cie, 555 p. ark:/12148/bpt6k6545100d.

Régeard M., 2013, Terrasson-Lavilledieu, Charpenet, rapport de fouille, Service archéologique de Dordogne.

Haut de page

Notes

1 Son parcours supposé est jalonné vers le nord de vestiges néolithiques.

2 Site de Charpenet, fouille M. Régeard, Conseil général de la Dordogne, 2011.

3 Avec les élèves du lycée Jean Delbos de Montignac.

Haut de page

Table des illustrations

Titre 1. L’implantation naturelle des Olivoux est indissociable du développement et de la nature même de ce site archéologique.
Légende a. Vue satellite de la plaine du Chambon, avec mise en évidence des cours d’eau et de l’emprise de l’agglomération secondaire ; b. Situation de l’agglomération dans la topographie et dans le réseau hydrographique.
Crédits BD alti, IGN et BRGM, É. Boes, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9831/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 480k
Titre 2. Carte de Belleyme (1762-1783) (Arch. dép. Dordogne, 1 Fi Dordogne 13), sur laquelle sont visibles la Vézère, les cours d’eau, ainsi que des axes routiers présumés gallo-romains.
Légende La position de carrefour entre axes routiers et fluvial de l’agglomération secondaire des Olivoux apparaît ici évidente.
Crédits Arch. dép. Dordogne, 1 Fi Dordogne 13 ; Vanessa Elizagoyen, Carole Fondeville, Elizagoyen et al.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9831/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 416k
Titre 3. Portions de l’itinéraire entre Limoges et Cahors observées.
Légende a. Au nord de l’agglomération, par l’intermédiaire de la méthode magnétique ; b. Au sud, lors d’un diagnostic effectué en 2017. Les informations issues de celui-ci sont projetées sur un modèle numérique de terrain issu du relevé LiDAR de la plaine (Elizagoyen et al., 2016b ; Elizagoyen, Vigier, 2017).
Crédits Guillaume Hulin, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9831/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 244k
Titre 4. Plan de la Vézère aux abords de Montignac et de la commune voisine d’Aubas.
Légende Plan qui montre, en amont des Olivoux, la vallée qui s’encaisse nettement.
Crédits Arch. dép. Gironde, 3 JC 17 ; Arch. dép. Dordogne, 1 L 589
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9831/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 228k
Titre 5. L’agglomération secondaire des Olivoux. Projection sur le LiDAR de la plaine du Chambon et la photographie aérienne IGN.
Crédits Vanessa Elizagoyen, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9831/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 588k
Titre 6. Plan des vestiges identifiés sur l’agglomération des Olivoux (Elizagoyen et al., 2018a).
Crédits Carole Fondeville, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9831/img-6.png
Fichier image/png, 534k
Titre 7. Les relais de l’occupation antiques sont encore situés à des carrefours.
Légende a. Localisation de l’église Saint-Pierre-ès-Liens et de l’église Saint-Barthélémy du Cheylard ; b et c. Relevé géoradar effectué à Saint-Pierre-ès-Liens et interprétation en plan.
Crédits Guillaume Hulin, Inrap, H. Gaillard
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9831/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 192k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Vanessa Elizagoyen, « Un carrefour naturel et commercial. L’agglomération secondaire antique des Olivoux et la plaine du Chambon »Archéopages, 48 | 2021, 6-13.

Référence électronique

Vanessa Elizagoyen, « Un carrefour naturel et commercial. L’agglomération secondaire antique des Olivoux et la plaine du Chambon »Archéopages [En ligne], 48 | 2021, mis en ligne le 24 mars 2023, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/9831 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.9831

Haut de page

Auteur

Vanessa Elizagoyen

Inrap, UMR 5607 « Ausonius »

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search