Éditorial [Croisées des chemins]
Texte intégral
1Les axes de circulation sont des éléments structurants de l’espace géographique. Naturels ou anthropiques, ils séparent et raccordent des aires, canalisent les communications, drainent des échanges. Lieu d’intersection et de rencontre qui contribue à polariser l’organisation spatiale en reliant ces voies, le carrefour est donc un objet archéologique majeur.
2C’est donc à la « croisée des chemins » que s’intéresse ce numéro d’Archéopages. Cette série d’études de cas éclaire les capacités des sociétés anciennes à tirer profit du milieu en valorisant une bifurcation naturelle mais aussi en générant un carrefour afin de gérer les flux de circulation induits par la concentration de l’habitat, la fréquentation d’un sanctuaire ou d’une nécropole, l’exploitation ou la gestion de ressources économiques...
3Peu à peu, c’est un réseau qui se met en place et qui en reliant des éléments interdépendants (plusieurs agglomérations ou les différents pôles d’attractivité d’un même habitat) permet de définir – à différentes échelles d’analyse – un système d’organisation (une topologie), reflet d’une culture originale ou d’une forme d’aménagement contrainte par l’intégration à un système dominant. La « croisée des chemins », parce qu’elle attire la convoitise des aménageurs et l’intérêt des archéologues, permet d’analyser la connexité et la connectivité d’un lieu tout autant que son poids et sa pérennité dans une organisation territoriale plus large.
4Les exemples présentés dans ce volume, sans tendre vers l’exhaustivité, livrent une variété de cas richement documentés. S’ils s’intéressent principalement à la période antique et médiévale, le cas du site de La Casse à Louzy et Sainte-Verge (Deux-Sèvres) suggère une continuité d’occupation avec la période gauloise et peut-être des installations plus anciennes. En Dordogne, dans la plaine du Chambon (le « méandre » en gaulois), à Montignac, s’est développée une agglomération secondaire antique générée par une activité commerciale soutenue. C’est là un carrefour naturel de communication mais aussi une zone propice à l’installation d’un habitat, tout comme le sont – dans des cadres topographiques très différents – la moyenne vallée de l’Oise ou le plateau de la Ségourie dans le Maine-et-Loire. Meaux, également dans un méandre, celui de la Marne, forme un carrefour de dessertes locales sur une voie romaine de grand parcours. Les axes routiers antiques lorsqu’ils s’appuyaient sur d’autres axes, dont certaines voies d’eau, ont également produit des carrefours où des populations ont convergé, y compris dans des zones de confins territoriaux comme dans le Val de Blois : des territoires à la ville, du IIIe siècle avant notre ère jusqu’à l’An mil. À l’échelle de la cité, l’étude de la genèse de la topographie urbaine permet également de s’interroger sur ces « croisée de chemins », patte-d’oie ou carrefour, et peuvent entrainer un réexamen plus global de la topographie de la ville, comme dans l’exemple du Mans à la période médiévale. À Rennes, la fouille de la place Saint-Germain a permis de montrer que l’implantation et le développement de ce quartier médiéval sont intimement liés à sa position de carrefour formé par la Vilaine et le pont qui l’enjambe.
5Le carrefour n’est pas uniquement un lieu de convergence, d’intersection. Il contribue à polariser l’organisation de l’espace et, au gré des fluctuations sociales et économiques, occupe une place dans les dynamiques territoriales. Les invités du débat de ce numéro, une médiéviste (Céline Perol), un archéogéographe (Cédric Lavigne) et un géographe (Denis Retaillé) nous offrent leurs points de vue sur cette « croisée des chemins » et nous permettent d’appréhender les facteurs géographiques, sociologiques et culturels, réels ou imaginaires, qui interagissent et s’entremêlent sur la longue durée pour faire naître, et parfois renaître, ces lieux de rencontres et d’échanges que sont les carrefours.
Morceau de dalle gravée, daté du Bronze ancien, découvert par le préhistorien Paul du Chatelier dans le tumulus de Saint-Bélec au XIXe siècle.

Dalle interprétée par Yvan Pailler (Inrap-université de Bretagne occidentale) et Clément Nicolas (université Marie-Curie-Bournemouth University) comme étant la plus vieille représentation d’un territoire connue en Europe.
Denis Glicksman, Inrap
Table des illustrations
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Titre | Morceau de dalle gravée, daté du Bronze ancien, découvert par le préhistorien Paul du Chatelier dans le tumulus de Saint-Bélec au XIXe siècle. |
Légende | Dalle interprétée par Yvan Pailler (Inrap-université de Bretagne occidentale) et Clément Nicolas (université Marie-Curie-Bournemouth University) comme étant la plus vieille représentation d’un territoire connue en Europe. |
Crédits | Denis Glicksman, Inrap |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/9826/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 661k |
Pour citer cet article
Référence papier
Dominique Garcia, « Éditorial [Croisées des chemins] », Archéopages, 48 | 2021, 2-3.
Référence électronique
Dominique Garcia, « Éditorial [Croisées des chemins] », Archéopages [En ligne], 48 | 2021, mis en ligne le 23 mars 2023, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/9826 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.9826
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