Éditorial [Médecines]
- Traduction(s) :
- Editorial [Medecines] [en]
- Editorial [Medicinas] [es]
Texte intégral
1Nous le savons : à l’origine « fille des Beaux-Arts », parce qu’elle avait pour vocation principale d’alimenter les musées européens en objets de collection, l’archéologie est devenue, par étapes successives, une science. Une science qui a désormais acquis son autonomie, ses protocoles, se débarrassant dans le même temps de son statut d’« auxiliaire de l’histoire », un terme encore en vogue il y a quelques années ; une science humaine et sociale qui se situe aujourd’hui au même rang que celles de la nature et de l’environnement, avec lesquelles elle collabore de plus en plus étroitement. Au cœur de l’interdisciplinarité, la revue Archéopages explore les nouveaux objets d’étude qui émergent de cette mutation. En complémentarité avec la tenue du colloque international « Archéologie de la santé-Anthropologie du soin » les 30 novembre et 1er décembre 2016 au musée de l’Homme, à Paris, ce numéro rassemble des contributions autour des diverses modalités du soin.
2Pendant longtemps, paradoxalement, l’humain a été tenu à l’écart des études archéologiques ; seules ses productions matérielles (artefacts, habitats, paysages…) ou idéelles (cultes, rites, civilisations…) retenaient l’attention des chercheurs et des amateurs. Puis, dans les années 1980-1990, un renouveau de l’archéologie funéraire a permis le développement progressif de l’archéothanatologie (première attestation en 1998) : certes, les dépôts d’objets, les offrandes rituelles et l’architecture funéraire étaient intéressants mais il était temps de replacer les restes du défunt au centre du discours et de lier l’anthropologie dite biologique à l’anthropologie sociale et à l’ethnologie.
3L’archéologie, à la croisée d’autres disciplines, se devait de reconsidérer l’humain non pas uniquement comme producteur ou produit de l’histoire mais comme porteur de sa propre histoire, individuelle ou collective ; une histoire sensible, nuancée et plurielle, dont la santé est l’indicateur essentiel puisqu’elle est le reflet d’un état d’équilibre complexe entre un individu et son environnement. L’humain est un acteur majeur de son propre milieu et les changements de mode de vie conduisent à des modifications de l’état de santé de populations. La gestion de la santé par le groupe est un fait culturel : une même pathologie ne fait pas la même maladie selon les époques et les latitudes car le contexte est essentiel.
4Si le corps humain (en archéologie, bien souvent, les seuls restes osseux) enregistre de nombreuses informations sur les conditions de vie et d’activités (milieu naturel, régime alimentaire, condition de travail…), d’autres documents dont peuvent se saisir les archéologues et les historiens permettent de mieux cerner l’état de santé des populations et l’art de soigner selon diverses « médecines ». C’est ce dernier aspect que le lecteur pourra approfondir dans ce dossier d’Archéopages, au prisme de différentes approches. Éléments concrets de la maîtrise d’un savoir-faire, les récipients de produits médicinaux sont des témoins essentiels sur la connaissance de la pharmacopée, sur la production, la commercialisation, la conservation et la consommation des médicaments. Les instruments de médecins ou de chirurgiens et les traces matérielles des actes ou des interventions sont aussi connues... Ils côtoient parfois également des objets de protection : amulettes, intailles ou tablettes de défixion.
5L’histoire, voire la préhistoire, du soin est de mieux en mieux analysée par les chercheurs. Si la perception que nous avons de l’histoire de la médecine n’est pas strictement linéaire, on distingue tout de même une évolution générale. Cependant, la maîtrise des actes est assurée par des individus ou des groupes aux statuts très variables selon le temps : chamanes, druides, médecins, hygiénistes… Le destin du patient est aux mains ou à l’esprit de personnages porteurs d’une autorité qui dépasse leur seul savoir-faire, une autorité qui reflète un système de santé : à chaque aire chrono-culturelle peuvent correspondre des pratiques altruistes mais aussi des objectifs économiques et sociaux, voire politiques. Au cœur de ce volume, Joël Chandelier (Paris 8) et Denis Roland (musée national de la Marine - école de médecine navale de Rochefort) débattent sur la formation des médecins et sur la constitution des pratiques et des savoirs médicaux, du Moyen Âge au début de l’époque contemporaine.
Table des illustrations
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Titre | Autopsie crânienne observée sur un individu inhumé dans le cimetière de l’hôpital général de Dijon. |
Légende | La calotte crânienne était déposée entre les membres inférieurs. Responsable d’opération : P. Chopelain, Inrap. |
Crédits | Photo : N. Kéfi, Inrap. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/907/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 946k |
Pour citer cet article
Référence papier
Dominique Garcia, « Éditorial [Médecines] », Archéopages, 43 | 2016, 2-3.
Référence électronique
Dominique Garcia, « Éditorial [Médecines] », Archéopages [En ligne], 43 | 2016, mis en ligne le 31 janvier 2017, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/907 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.907
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