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4. Rationalisation et dynamisme de la recherche

Du partenariat bénéfique entre Dijon et l’Inrap

The beneficial partnership between Dijon and Inrap
La beneficiosa asociación entre Dijon e Inrap
François Rebsamen
avec la collaboration de Franck Ducreux et Frédéric Devevey
p. 143-145

Texte intégral

1Grâce à une exposition organisée par l’Inrap, les habitants de notre agglomération ont découvert, il y a quelques années, les vestiges archéologiques mis au jour dans le cadre des fouilles menées à l’occasion du chantier de construction des deux lignes de tramway du Grand Dijon. Sous le boulevard de Brosses, le travail des archéologues avait notamment permis de révéler de massives constructions en pierre appartenant à l’ancien château-fort de Dijon, qui se situait à l’emplacement de l’actuel hôtel des postes. Dans le quartier de l’actuelle place de la République, l’Inrap a pu prouver l’existence d’un ancien quartier situé hors les murs de la ville médiévale : le quartier Saint-Nicolas, fortement urbanisé, dont la découverte a permis de réviser les connaissances sur l’histoire de la ville, qui a probablement été plus développée et plus rayonnante à cette époque que ce que l’on croyait jusqu’à présent.

2L’archéologie est indispensable pour mieux connaître l’histoire de notre ville. Dijon a reçu le label « ville d’art et d’histoire » et s’apprête à se doter, dans le cadre de la Cité internationale de la gastronomie et du vin, d’un centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine (Ciap), lieu de diffusion de la connaissance et de valorisation de notre remarquable patrimoine historique. L’Unesco a reconnu la valeur universelle de notre secteur sauvegardé, inscrit depuis juillet 2015 au patrimoine mondial dans le cadre des Climats du vignoble de Bourgogne. Chaque année, les touristes du monde entier affluent plus nombreux dans notre ville et notre région. Enfin, la ville s’est dotée d’une direction des musées et du patrimoine dont l’objectif est précisément de créer du lien entre les collections muséographiques d’une part, le patrimoine historique, architectural, gastronomique et viticole d’autre part. Pour toutes ces raisons, Dijon, qui possède notamment un musée archéologique, ne peut renoncer au nécessaire approfondissement des connaissances sur son passé, et parfois à leur remise en cause.

3Car le travail des archéologues porte ses fruits. Il permet de remettre en question des données qui paraissaient acquises sur la formation et l’évolution de notre ville : le mouvement de fusion qui se serait opéré à l’époque médiévale entre la ville antique enserrée dans le castrum gallo-romain et la cité carolingienne qui s’était développée autour de l’église Saint-Bénigne est aujourd’hui remis en cause. De la même façon, des fortifications mises au jour en 2011, qui étaient considérées comme datant du XVIIIe siècle, remontent en fait probablement au XVIe siècle ; la complexité de la construction des remparts, portes, bastions et ponts, impliquant le dévoiement des réseaux hydrographiques, révèle le haut niveau de technicité des architectes de l’époque.

4L’expérience du tramway nous a permis de construire une relation de confiance réciproque avec l’Inrap. La Ville et l’Institut national des recherches archéologiques préventives ont travaillé ensemble sur de nombreux sites faisant l’objet de travaux, en particulier la cour de Bar du palais des ducs et des États des Bourgogne à l’occasion de la première tranche de rénovation du musée des Beaux-Arts, mais aussi l’écoparc Dijon-Bourgogne (future zone d’activités économiques de 160 hectares située entre les communes de Quetigny et de Saint-Apollinaire).

5La qualité de cette relation de partenariat s’explique par le fait que l’Inrap a su être à l’écoute du maître d’ouvrage (ville ou Grand Dijon) sur deux sujets essentiels : le respect des délais d’une part, le budget d’autre part. Si les archéologues doivent pouvoir travailler dans de bonnes conditions, leur intervention ne saurait perturber outre mesure la vie quotidienne des habitants ni le chantier. Nous avons ainsi pu mettre en œuvre des solutions permettant par exemple d’éviter le blocage de toute circulation automobile aux abords d’un site de fouille en milieu urbain. De la même manière, grâce à des réunions entre l’Inrap et l’aménageur, l’intervention de l’Institut n’entraîne pas de retard dans le déroulement du chantier. L’Inrap a su mobiliser des équipes avec une grande réactivité à chaque fois qu’il a été nécessaire de lever au plus vite les réserves liées à l’archéologie préventive sur un site.

6Ce travail en concertation a donné naissance à un véritable partenariat gagnant-gagnant entre Dijon et l’Inrap : d’une part la collectivité bénéficie de la compétence d’équipes d’archéologues de haut niveau qui contribuent à enrichir notre connaissance collective de l’histoire et du patrimoine de Dijon ; d’autre part, ces professionnels interviennent dans des conditions optimales en termes de planning et de budget, compatibles avec la conduite des projets ambitieux qui contribuent au développement et au rayonnement de la capitale régionale.

L’évolution du terroir de Saint-Apollinaire sur deux millénaires

L’occupation protohistorique
Franck Ducreux Inrap, UMR 6298 « ArTeHiS »

Les opérations archéologiques menées à l’occasion du projet de l’écoparc Dijon Bourgogne ont permis une des toutes premières reconnaissances archéologiques d’un terroir sur une grande surface dans la région [ill. 1]. Sont à l’étude une vingtaine de sites dont l’occupation s’étend du début de l’âge du Bronze (2000 avant notre ère) à la fin du premier âge du Fer (450 avant notre ère). Ils peuvent être rapprochés des sites similaires récemment découverts sur la liaison Arc-sur-Tille – Dijon.
L’âge du Bronze et le premier âge du Fer sont surtout représentés par un habitat de type rural et ouvert qui se développe dès le Campaniforme (2300 avant notre ère) puis le début de l’âge du Bronze (2000 avant notre ère) sur le terroir légèrement vallonné des sites de la Pièce-au Poirier et du Pré-Rondot, terrasse marneuse à la confluence de deux petits cours d’eau. Ce type de site est caractérisé par un semis de structures très diffus, reparties sur plusieurs dizaines d’hectares. À la fin de l’âge du Bronze, l’habitat se développe et s’étend aux zones basses, plus humides. Les habitats du Pré-Rondot et du Pré-Saclé ont livré d’importants vestiges mobiliers parmi lesquels des séries céramiques de grande qualité. À partir du début du VIIIe siècle, l’occupation du secteur se densifie encore avec de petites fermes régulièrement espacées d’environ 200 m, composées le plus souvent d’un bâtiment associé à un ou plusieurs greniers à vocation agro-pastorale. Ce schéma d’occupation perdure pendant trois siècles et demi (jusque vers 450 avant notre ère), date à laquelle le secteur semble abandonné jusqu’à la fin de l’époque gauloise. Les rares structures funéraires rencontrées sont étroitement associées aux sites d’habitat et ne se rencontrent qu’à certaines époques comme le début de l’âge du Bronze. Il faut attendre la fin de la période laténienne pour voir s’implanter de véritables nécropoles dans le périmètre des fouilles.

1 [encadré 1]. Occupation protohistorique de Saint-Apollinaire.

1 [encadré 1]. Occupation protohistorique de Saint-Apollinaire.

Ce corpus d’une quarantaine de sites protohistoriques donne lieu à une étude qui dépasse les recherches structurelles menées traditionnellement sur les sites d’habitat, car elle permet un raisonnement à l’échelle du terroir.

F. Ducreux, Inrap

  • 1 Projet financé par le Conseil européen de la recherche et dirigé par Michel Reddé (École pratique d (...)
  • 2 Hormis le site d’Ahuy « les Presles » doté d’installations spécifiques liées à son statut d’établis (...)

L’occupation gallo-romaine
Frédéric Devevey Inrap, UMR 6249, « Laboratoire Chrono-environnement »

À l’issue de plus de quinze ans d’archéologie préventive, une comparaison entre les principaux sites dijonnais peut être envisagée, tant pour la chronologie que pour l’organisation : leurs points communs comme leurs spécificités sont autant de critères qui permettent d’établir les grandes lignes du faciès des occupations rurales de ce secteur frontalier entre Lingons et éduens, depuis la période augustéenne jusqu’à la fin de l’Antiquité. Une étude plus poussée est en cours au sein du programme « RurLand »1. Les sites se répartissent en deux schémas d’implantation : un enclos principal au sein duquel l’habitat se développe ; des établissements où pars urbana et pars rustica sont distinctement marquées selon une pratique héritée de la culture italique.
Les sites fouillés sur l’emprise de l’écoparc [ill. 2] laissent clairement apparaître que l’architecture de bois, torchis, pisé, etc., est encore largement utilisée tout au long de la période gallo-romaine et que des constructions « mixtes » sont courantes. Ce « retour » à l’utilisation du bois ne traduit pas un manque de moyens puisqu’un rarissime aureus républicain a été trouvé dans l’un des gros trous de poteau appartenant à la phase d’agrandissement d’un bâtiment de la villa du site de « Sur le Petit Pré ». De ce fait, au sein du corpus des établissements ruraux antiques du Dijonnais, la pratique d’une technique constructive ou d’une autre ne peut pas être utilisée comme marqueur chronologique fiable. Ces établissements antiques dijonnais comportent des bâtiments annexes sur poteaux, un puits et une mare2. Bien que nous soyons dans le cas d’exploitations de taille moyenne et d’établissement ruraux à l’architecture plutôt modeste, certains indices matériels font malgré tout penser que le niveau de vie (si ce n’est social) était plutôt bon : qualité du mobilier céramique, présence systématique d’enduits peints, sans oublier le cas tout à fait étonnant de la villa de « Sur le Petit Pré », équipée d’un balnéaire.
Sur l’emprise de l’écoparc ont été identifiés au moins huit établissements agricoles sur une surface inférieure à 90 ha ; cela laisse supposer que ces exploitations formaient un réseau constitué d’exploitations agricoles que l’on pense de taille familiale, comptant moins d'une dizaine d'individus (Saint-Apollinaire, « les Petits Prés », « les Grébillons », Varois-et-Chaignot « les épenottes », Quetigny « Bois de Pierre »). Leurs modalités de fonctionnement et d’échanges restent à définir. Les données issues de cette vaste fouille ainsi que celles provenant des aménagements routiers réalisés sur la D700 (liaison Arc-sur-Tille – Dijon), LiNO (Rocade de Dijon), ou encore la RD903 (contournement de Savigny-le-Sec), montrent que cette « concentration » ne se retrouve pas ailleurs, du moins de façon aussi systématique. Doit-on y reconnaître une volonté d’exploiter un terroir de façon plus poussée ? Il est probable que les exploitants de ces établissements agricoles dépendaient des agglomérations pour vendre leurs productions et se procurer des biens de consommation qu’ils ne produisaient pas eux-mêmes. Le terme de « villae » et leur rôle dans l’économie rurale sont à définir ; doit-on faire ici une distinction entre ferme, établissement agricole, villa ? Le statut foncier des établissements ruraux antiques du Dijonnais reste encore mal ou peu connu.

2 [encadré 2]. Occupation antique de Saint-Apollinaire.

2 [encadré 2]. Occupation antique de Saint-Apollinaire.

Le regroupement atypique des sites antiques sur l’emprise du futur écoparc conduit à s’interroger sur le déterminisme géographique et pédologique de leur implantation.

F. Ducreux, Inrap

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Bibliographie

Les rapports d'opération concernant ces sites sont consultables sur Dolia, le catalogue de fonds documentaires de l'Inrap : https://dolia.inrap.fr/.

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Notes

1 Projet financé par le Conseil européen de la recherche et dirigé par Michel Reddé (École pratique des Hautes Études), pour l’étude de l’espace rural dans le quart nord-est de la Gaule, du début de La Tène D1 à la fin du Ve siècle de notre ère.

2 Hormis le site d’Ahuy « les Presles » doté d’installations spécifiques liées à son statut d’établissement routier.

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Table des illustrations

Titre 1 [encadré 1]. Occupation protohistorique de Saint-Apollinaire.
Légende Ce corpus d’une quarantaine de sites protohistoriques donne lieu à une étude qui dépasse les recherches structurelles menées traditionnellement sur les sites d’habitat, car elle permet un raisonnement à l’échelle du terroir.
Crédits F. Ducreux, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/8289/img-1.png
Fichier image/png, 457k
Titre 2 [encadré 2]. Occupation antique de Saint-Apollinaire.
Légende Le regroupement atypique des sites antiques sur l’emprise du futur écoparc conduit à s’interroger sur le déterminisme géographique et pédologique de leur implantation.
Crédits F. Ducreux, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/8289/img-2.png
Fichier image/png, 476k
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Pour citer cet article

Référence papier

François Rebsamen, « Du partenariat bénéfique entre Dijon et l’Inrap »Archéopages, Hors-série 4 | 2016, 143-145.

Référence électronique

François Rebsamen, « Du partenariat bénéfique entre Dijon et l’Inrap »Archéopages [En ligne], Hors-série 4 | 2016, mis en ligne le 19 août 2022, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/8289 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.8289

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Auteur

François Rebsamen

Maire de Dijon, président du Grand Dijon

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Collaborateurs

Franck Ducreux

Inrap, UMR 6298 « ArTeHiS »

Frédéric Devevey

Inrap, UMR 6249, « Laboratoire Chrono-environnement »

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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