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1. Expertiser

L’Égypte prédynastique : contribution aux travaux de l’Institut français d’archéologie orientale

El Egipto predinástico: contribución a los trabajos del Instituto Francés de Arqueología Oriental
Predynastic Egypt: a contribution to the works of the French Institute for Oriental Archaeology
Nathalie Buchez
p. 29-35

Résumés

Une collaboration institutionnelle s'est formée autour de plusieurs projets en Égypte : l’étude des sites d'Adaïma, de Kom el-Khilgan, de Tell el-Iswid et le programme « Gezira : L’occupation humaine dans le Delta du Nil au 4e millénaire avant notre ère » qui étudie, durant la formation de l’état, les interactions entre les hommes et l’environnement deltaïque. Les tombes du site d'Adaïma ont été fouillées pendant une quinzaine d'années et exploitées surtout pour la céramique qui y fut découverte. Les résultats donnent l'image d’un abandon progressif de l’habitat. Le site de Kom el-Khilgan a révélé un cimetière prédynastique dont le mobilier a soulevé la question de l'unification culturelle comme mode d'acculturation. À une vingtaine de kilomètres, le chantier de Tell el-Iswid est toujours en phase d'acquisition des données. Ce site constitue un terrain d'étude particulièrement privilégié pour l'habitat et l'architecture en terre ou en briques crues.

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Égypte prédynastique
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Texte intégral

1Le prédynastique (parfois appelé aussi civilisation de Nagada) est marqué par une inflexion sociale qui n’a guère de parallèle au sein des autres “ âges du Cuivre ” méditerranéens. Alors se mettent en place les structures qui conduisent à l’émergence de la plus ancienne civilisation “ historique ” de la planète » (Guilaine, 1994, p. 63).

2À travers ces quelques mots, on comprend les raisons du renouveau d’une discipline : l’intérêt pour les périodes de formation de l’Égypte pharaonique, un temps négligées, naît au-delà de l’exemple égyptien, à la croisée des questionnements des historiens et des anthropologues – au sens anglo-saxon du terme – sur les processus d’émergence des sociétés complexes et de formation de l’État. Or, pour ce qui est de l’Égypte, tout commence par une bipartition géo culturelle entre les populations de Haute-Égypte, au Sud, dites « nagadiennes », engagées au moins dès le second quart du quatrième millénaire avant notre ère dans un processus de complexification sociale, et celles de Basse-Égypte au nord, sans doute moins enclines à la pyramide sociale, assurément situées à l’interface entre les mondes saharo-soudanais et levantin. Puis, au début du iiie millénaire, l’ensemble du pays apparaît unifié sous la houlette d’un pharaon porteur de la double couronne de Haute et de Basse-Égypte. Comment en est-on arrivé là ?

3Dans un premier temps, sur la base des textes et d’une documentation remontant pour l’essentiel à la fin du xixe et au tout début du xxe siècle, le schéma explicatif d’une expansion nagadienne « soumettant » les populations du Nord (par la force) prévaut (Kaiser, 1964). Cette documentation est issue des centaines de tombes parfois fouillées en seulement quelques semaines et du ratissage – au sens propre du mot – des accumulations stratifiées formant les habitats. À partir des années 1980, la fouille des sites nagadiens de Haute-Égypte reprend, les équipes internationales s’impliquent en Basse-Égypte, et plus précisément dans le delta du Nil, terra incognita pour la période. Les méthodes et les points de vue se diversifient, les données se renouvellent. Le schéma d’une expansion nagadienne vers le nord est alors réfuté (Koehler, 1995). S’appuyant sur quinze ans de fouille en Haute-Égypte avant de s’ouvrir à leur tour sur la Basse-Égypte, les travaux de l’Institut français d’archéologie orientale ont amené à le nuancer (Buchez, Midant-Reynes, 2007).

  • 1 ProgrammeANR_8_BLAN_0312_01.

4Il s’agit moins ici de présenter un exemple de l’application à l’Égypte de tel protocole ou de telle méthodologie développés dans le cadre de l’archéologie préventive que les principaux résultats d’un parcours entre Haute et Basse-Égypte fait de va-et-vient entre » préventif » et « programmé », encore que toute démarche archéologique concernant la période prédynastique s’apparente plus ou moins à une démarche préventive. Les hommes du ive millénaire se sont installés au plus près d’une plaine d’inondation nourricière, soit dans les bas-déserts, sur la frange désertique qui longe la vallée du Nil, soit sur les gezira, buttes exondées du delta. Du fait d’une extension agricole et urbaine galopante, bas-désert et gezira sont aujourd’hui nivelés à coups de bulldozer pour leur mise en culture, les espaces encore disponibles disparaissant sous les villes et les villages, hormis quelques sites majeurs reconnus, préservés un temps, et sans cesse rognés sur leurs bordures.C’est dans ce contexte, et en réponse à une demande formulée à plusieurs reprises par le service des Antiquités égyptiennes, à l’occasion de divers congrès internationaux d’égyptologie, que s’inscrit cette remontée vers le nord « sur les traces des Nagadiens » de l’Institut français d’archéologie orientale et l’étude des sites de Kom el-Khilgan puis de Tell el-Iswid, ainsi que le projet « Gezira, L’occupation humaine dans le delta du Nil au ive millénaire avant notre ère », fouilles et programme Anr1 auxquels l’Inrap participe par le biais des missions de ses archéologues.Ces trois chantiers de l’Institut ont réunis les représentants de différentes disciplines autour des problématiques de formation de l’Égypte pharaonique : Éric Crubezy (centre d’Anthropologie, Toulouse), Morgan De Dapper (département de Géographie de l’Université de Gand), Wim Van Neer et Veerle Linseele (archéozoologues, Université catholique de Louvain), Aline Emery-Barbier (palynologue, Maison de l’archéologie, Nanterre), Claire Newton (archéobotaniste, Université de Nottingham), François Briois (lithicien, École des hautes études en sciences sociales) pour ne citer que les collaborateurs sur le long terme. L’équipe a bénéficié, et bénéficie toujours, du soutien financier de la commission des fouilles du Mae ainsi que d’une aide substantielle de la région Midi-Pyrénées de 2001 à 2010.

Adaïma, Haute-Égypte, bas-désert

5En 1989, année de l’ouverture du premier grand chantier de l’Institut français d’archéologie orientale concernant la période prédynastique sous la direction de Béatrix Midant-Reynes, le site d’Adaïma, se présentait comme une vaste étendue sableuse de 30 ha bordée, d’un côté, par la plaine d’inondation du Nil et, de l’autre, par un ouadi aride [Fig.1]. Au-delà s’étendait le désert, parcouru par des pistes caravanières. Les fragiles vestiges de l’habitat se matérialisent par des accumulations de restes céramiques, lithiques et osseux chapeautant, sur 10 à 60 cm, les reliefs souvent peu marqués de la plaine sableuse. Les nécropoles sont installées en position dominante, à l’embouchure du ouadi et dans son lit, à la fin de l’occupation lorsque ce ouadi ne reçoit plus que de sporadiques flash flood en raison des progrès du désert. Quinze ans plus tard, dans les années 2 000, le site n’est plus qu’un îlot sableux émergeant des champs de canne à sucre, les maisons d’un hameau ont progressivement pris possession de cet îlot et les pistes caravanières n’existent plus.

[Fig.1] Vue aérienne du site d’Adaïma et du campement de l’Ifao en 2000. L’habitat contemporain qui se développe en bordure de la plaine alluviale commence à envahir le site.

[Fig.1] Vue aérienne du site d’Adaïma et du campement de l’Ifao en 2000. L’habitat contemporain qui se développe en bordure de la plaine alluviale commence à envahir le site.

A. Lecler, Ifao

6Quinze ans, c’est long, mais, à raison d’un mois par an, c’est finalement peu pour fouiller quelques centaines de tombes et plusieurs centaines de mètres carrés de rejets domestiques dans l’intention d’apprécier les pulsations de l’habitat par rapport aux processus historiques et climatiques en jeu au ive millénaire. L’exploitation de l’abondant mobilier céramique fut le principal enjeu de cette collaboration puisque la chronologie de la période prédynastique repose quasi-uniquement sur ce type de vestiges. C’est, en effet, à partir des mobiliers funéraires du ive millénaire de la vallée du Nil – céramiques rouges à bord d’un noir métallescent et vases peints – que fut mis en œuvre le premier exemple connu de sériation (Petrie, 1920) qui fonda un phasage finalement peu remis en cause depuis. Outre l’étude, relativement classique, des vases issus des tombes, se posait la question des modalités d’analyse des restes issus de l’habitat. Car, en milieu sableux fluide, il n’existe point de stratigraphie visible. Si les accumulations sédimentaires qui caractérisent les habitats prédynastiques de la vallée se sont indéniablement constituées dans la durée, rien n’y est lisible, ou peu de choses : ni la succession des apports anthropiques et naturels, ni les remaniements ultérieurs liés aux actions de piétinement ou de creusement, et encore moins les phénomènes érosifs responsables d’éventuels hiatus. Dans ce contexte, seule l’analyse des ensembles céramiques issus de fouilles, nécessairement arbitraires, pouvait permettre, au travers d’une approche quantitative, de restituer une stratigraphie qui, en outre, pouvait évoluer latéralement de façon très rapide du fait des glissements de l’occupation. D’un côté, des dizaines de milliers de tessons à trier, de l’autre, un peu plus d’un millier de vases provenant de la fouille des cimetières, menée en parallèle.

7Il s’est donc agi, s’appuyant pour cela sur diverses expériences d’enregistrement et de classement des mobiliers à grande échelle, comme celui initié dans le cadre des premières opérations préventives menées par l’Afan sur la ville nouvelle de Marne-la-Vallée, de mettre en place un système, en l’occurrence arborescent, susceptible d’intégrer des données inégales (du tesson le moins informatif au vase entier) et d’autoriser quantifications et comparaisons à différents niveaux de reconnaissance. Une fois le phasage des nécropoles posé à partir d’un ordonnancement séquentiel des tombes – celui-ci conduisant, au passage, à reconsidérer la chronologie traditionnelle –, une approche topo-chronologique raisonnée de l’habitat a pu être engagée sur la base de cette classification et des comparaisons avec les mobiliers funéraires. De cette analyse et du croisement de ses résultats avec les travaux des environnementalistes et des anthropologues, sur la paléo-démographie notamment, il est finalement résulté une image d’abandon progressif de l’habitat traduisant une diminution de la population (Newton, Midant-Reynes, 2007 ; Crubezy et al., 2008). Lorsque l’on sait que, dans le même temps, dans la seconde moitié du ive millénaire, s’affirment et croissent certains sites que l’on considère comme les noyaux d’un « proto-État », il est tentant de mettre en relation le phénomène attesté à Adaïma et pressenti ailleurs, avec une forme d’exode liée à l’attraction exercée sur les populations par les grands centres politiquement prééminents et prospères, selon un schéma connu pour d’autres régions, mais jusqu’ici à peine évoqué, d’un point de vue théorique, pour l’Égypte [Fig.2] (Buchez, à paraître). Au-delà de cette interprétation finale, forcément discutable, il reste, des opérations menées à Adaïma, une base documentaire inestimable – les sites d’habitat prédynastiques étant toujours largement sous-documentés par rapport aux nécropoles – qui constitue un référentiel ouvrant sur bien d’autres questions, dont celle de l’unification culturelle et politique, « fil rouge » de tout protohistorien de l’Égypte. Il reste aussi près de 600 tombes à publier.

[Fig.2] Schéma interprétatif des phénomènes observés dans la seconde moitié du 4ème millénaire en Egypte : un processus d’acculturation ?

[Fig.2] Schéma interprétatif des phénomènes observés dans la seconde moitié du 4ème millénaire en Egypte : un processus d’acculturation ?

N. Buchez, Inrap; B. Midant-Reynes, Ifao

Kom el-Khilgan, Basse-Égypte, delta oriental

8« There is a predynastic site here. » C’est Salem Gabr el-Baghdadi, inspecteur du service des Antiquités dans le gouvernorat de la Daqaliyah (Delta), qui le dit. Nous sommes en 2002. Un champ cultivé, d’environ 8 000 m2, dominant d’un mètre environ les autres champs en contrebas, s’étend devant nous. Aucun indice, en surface, ne permet de détecter l’existence d’un site prédynastique. Et, pour le propriétaire du champ, cette zone, qui est en réalité la butte résiduelle d’un tell à l’origine plus vaste et aujourd’hui aplani, mériterait d’être abaissée pour en faciliter l’irrigation. Il importe donc d’évaluer très vite le potentiel de l’endroit. La méthode de diagnostic en tranchée, bien rodée en d’autres lieux, parut alors la plus adaptée. De fait, la tranchée réalisée durant cette première campagne de fouille permit d’attester l’existence d’un cimetière prédynastique, surmonté d’une stratification dense remontant à la période Hyksos [Fig.3] (Bronze moyen II de la chronologie palestinienne, 1650-1530 avant notre ère). Toutefois, sur le plan technique, l’introduction des procédures mécanisées adoptées de l’archéologie préventive métropolitaine ne purent qu’être une expérience sans lendemain dans le contexte égyptien, même si ces pratiques montrèrent précisément là toute leur efficacité.

[Fig.3] Les travaux sur le Tell résiduel de Kom el-Khilgan : élargissement à partir de la tranchée de sondage initiale. Les constructions en briques crues de période Hyksos (en cours de fouille, à gauche) sont implantées directement sur la gezira sableuse dans laquelle sont creusées les tombes de la période prédynastique (en cours de fouille, à droite).

[Fig.3] Les travaux sur le Tell résiduel de Kom el-Khilgan : élargissement à partir de la tranchée de sondage initiale. Les constructions en briques crues de période Hyksos (en cours de fouille, à gauche) sont implantées directement sur la gezira sableuse dans laquelle sont creusées les tombes de la période prédynastique (en cours de fouille, à droite).

B. Midant-Reynes

[Fig.3] Les travaux sur le tell résiduel de Kom el-Khilgan : constructions en briques crues de la période Hyksos (en cours de fouille, à gauche) et tombes de la période prédynastique (en cours de fouille, à droite).

[Fig.3] Les travaux sur le tell résiduel de Kom el-Khilgan : constructions en briques crues de la période Hyksos (en cours de fouille, à gauche) et tombes de la période prédynastique (en cours de fouille, à droite).

B. Midant-Reynes

9L’enjeu des missions suivantes, entre 2003 et 2005, fut d’obtenir les références stratigraphiques indispensables dans la perspective d’une approche globale du site, tout en gardant pour objectif prioritaire la fouille des tombes du ive millénaire. D’autant que certaines d’entre elles semblaient devoir se rattacher à un faciès culturel de Basse-Égypte tandis que les autres livraient des mobiliers qui n’auraient pas déparé dans des ensembles de Haute-Égypte. L’enjeu était donc de taille et la butte résiduelle de Kom el-Khilgan allait s’avérer être un site clef pour la question de l’unification culturelle. À partir de là furent décidées de nouvelles collaborations : dans le cadre d’un accord ponctuel avec l’Ifao, l’équipe put se renforcer d’une spécialiste de la fouille urbaine (Dominique Gemehl), d’un topographe (Bruno Fabri) et de deux anthropologues de l’Inrap (Luc Staniaszek et Sylvie Duchesne).

10Une approche fine en aire ouverte n’était pas envisageable ; il importait, en effet, de mettre en place une fouille à différentes vitesses sur la base d’un enregistrement stratigraphique rigoureux comme cela est régulièrement pratiqué en archéologie urbaine métropolitaine. Il s’agissait aussi de procéder à la fouille – et à l’étude in situ étant donné l’état de préservation des squelettes – de la centaine de sépultures mises au jour durant chaque campagne. Au terme de trois missions, les données recueillies permettaient tout d’abord de retracer les grandes lignes de l’occupation humaine dans cet environnement spécifique qu’est le delta avec ses phénomènes d’inondations et, ensuite, de proposer une interprétation novatrice des phénomènes d’unification culturelle qui caractérisent la seconde moitié du ive millénaire et précèdent l’unification politique des « Deux Terres ». L’étude des assemblages mobiliers inédits des tombes de Kom el-Khilgan a conduit à identifier les marqueurs qui mènent à une vision dynamique des phénomènes et à reconsidérer l’unification comme une acculturation dont on peut suivre la progression dans le temps et dans l’espace (Buchez, Midant-Reynes, à paraître). Cette proposition n’exclut pas, loin s’en faut, une certaine forme d’expansion des populations de Haute-Égypte.

Tell el-Iswid, le projet « Gezira », Basse-Égypte, gouvernorats de Daqaliyah et de Sharqiyah

11La suite des travaux de l’Institut français d’archéologie orientale, sur les périodes de formation de l’Égypte pharaonique, s’est concentrée à Tell el-Iswid, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Kom el-Khilgan, où un nouveau chantier a été ouvert en 2006, sous la direction de Béatrix Midant-Reynes. Tell el-Iswid est un vaste site stratifié de 12 ha susceptible tant de documenter cette phase de transition que d’informer sur la structuration des espaces construits, pour reprendre l’une des problématique un temps abandonnée avec la fin des opérations de terrain à Adaïma. Nous sommes toujours en phase initiale d’acquisition des données. Il n’y a là rien de comparable à la croissance exponentielle de la masse documentaire qui, en métropole, repose sur le développement des fouilles préventives à grande échelle, et renouvelle rapidement les référentiels et les problématiques. Comment est configuré un habitat prédynastique ? Qu’est-ce qu’une unité d’habitat pour cette période ? Force est de constater qu’il nous est toujours difficile de répondre aux questions les plus simples.

12Le volet archéologique du projet Anr « Gezira », qui vise à étudier les interactions entre les hommes et l’environnement deltaïque durant les phases de formation de l’état, consiste dans la collecte d’informations dans une base de données elle-même intégrée au fonds documentaire de l’Egypt Antiquities Information System, tout en mettant l’accent sur l’étude du site de Tell el-Iswid, où une occupation du ive millénaire a été reconnue en 1987 par l’Amsterdam University Survey Expedition (Van den Brink, 1989).

13Cette première reconnaissance reposant sur deux sondages ponctuels de 4 x 4 m, une phase d’évaluation du potentiel global du site sur 12 ha s’imposait. C’est ainsi qu’une approche à différentes échelles a été engagée en 2007, dans le cadre du programme quadriennal de l’Institut français d’archéologie orientale. Celui-ci allie, à la fouille plus extensive de secteurs clefs, des carottages géo-archéologiques (Yann Tristant, Macquarie University, Morgan de Dapper), des prospections magnétiques (Thomas Herbich, Institut polonais d’archéologie) et des sondages. La mise en œuvre de ce programme bénéficie largement de l’expérience acquise à Kom el-Khilgan, notamment pour ce qui est des procédures de fouille et d’enregistrement issues de l’archéologie préventive métropolitaine et testées sur ce site. Il bénéficie toujours de la présence d’un archéologue Inrap, en Pas dans le cadre de l’Anr, responsable des opérations de terrain et de la formation des étudiants en charge du traitement des mobiliers céramiques, le premier objectif du programme étant l’établissement de la chrono stratigraphie. Complexe, plus ou moins dilatée, la stratigraphie, qui peut atteindre 5,50 m, a été plus précisément analysée sur un transect d’une longueur de 22 m démarrant là où la gezira anthropisée rencontre la plaine d’inondation. Cette stratigraphie résulte d’interactions entre une dynamique naturelle d’événements climatiques et une dynamique anthropique en rapport avec une occupation continue depuis les cultures de Basse-Égypte jusqu’au début de la période pharaonique (3500-2600 avant notre ère), des phases d’installation étant attestées plus tardivement jusqu’à à la Basse-Époque (664-332 avant notre ère). Pour la période prédynastique, on dénombre jusqu’à 12 phases de réaménagement. Les murs de briques crues plus ou moins faciles à cerner dans le sédiment sablo-limoneux du tell se superposent, qu’il s’agisse là d’un véritable mode de construction pour fonder les nouveaux édifices sur les murs plus anciens enterrés ou d’une utilisation opportuniste, la superposition découlant principalement de l’absence d’évolution majeure dans les plans d’une phase à l’autre. Grâce à une prospection magnétique, il apparaît que ce type d’habitat semble former, en plan, un enchevêtrement continu de murs avec des orientations préférentielles. Les différentes composantes – unités, éventuels cheminements – ne se laissent pas discerner d’emblée et leur identification nécessite l’ouverture de vastes fenêtres. Initiée en 2010, et s’appuyant sur les premiers résultats de la prospection magnétique, la fouille d’un secteur de 500 m2 devrait ainsi permettre, à terme, de documenter les différents aspects d’une unité d’habitation de briques crues de l’extrême fin du ive millénaire : matériaux et mise en œuvre, morphologie initiale du bâti et transformations, aménagements internes et dévolution des espaces. Le modèle architectural pluricellulaire mis au jour est constitué de « pièces » oblongues organisées autour d’un espace plus vaste. Certes, la découverte peut paraître commune, mais c’est justement l’homme du commun qui nous échappe le plus dans cette Égypte de temples et de tombes où la recherche de l’exceptionnel l’emporte encore et toujours.

Un changement d’échelle pour l’avenir ?

14Les niveaux de transition tant attendus ont été atteints en différents points du site, de même que les accumulations anthropiques appartenant au faciès culturel de Basse-Égypte et leurs architectures de terre crue d’une autre sorte (bauge, terre banchée, torchis). Avant même que la phase d’évaluation ne soit terminée – à ce jour, seule la moitié de l’emprise a été reconnue en prospection de surface (détection magnétique) et moins d’un sixième du tell a été testé du point de vue chronostratigraphique (sondages) –, ce site apparaît comme un terrain d’étude privilégié pour le protohistorien de l’Égypte qui considère les constituants des habitats, leur transformation au moment de l’émergence de pouvoirs centralisés à l’échelle régionale, et s’interroge sur le « fait urbain ». C’est aussi un terrain particulièrement informatif pour le technologue qui s’intéresse à l’architecture de terre ou de briques crues, à la reconnaissance des matériaux et des techniques mises en œuvre, et un terrain particulièrement formateur pour le technicien qui sera amené à appréhender ces architectures à grande échelle. Car il importe très certainement, dans le contexte égyptien et pour ces périodes anciennes qui ne sont pas « sauvées » par leurs potentiels touristiques, de se donner les moyens de développer les procédures et les collaborations autorisant un changement d’échelle dans la prise en compte des sites et des problématiques. La dynamique est amorcée : les collaborations se multiplient, des programmes européens croisés et complémentaires voient le jour. Il ne fait pas de doute que l’archéologie préventive, et l’Inrap par le biais de ses archéologues en mission, a son rôle à jouer dans cette dynamique.

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Bibliographie

Buchez N., à paraître « Adaïma (Upper Egypt), the stages of development of the state from the point of view of a “village community” », in Egypt at its Origins 3. Proceedings of the Third International Colloquium on Predynastic and Early Dynastic Egypt, Londres, The British Museum, 27 juillet-1er août.

Buchez N., Midant-Reynes B., à paraître « A Tale of two funerary traditions. The predynastic cemetery at Kom el-Khilgan (East Delta) », in Egypt at its Origins 3. Proceedings of the Third International Colloquium on Predynastic and Early Dynastic Egypt, Londres, The British Museum, 27 juillet-1er août.

Buchez N., Midant-Reynes B., 2007, « Le site prédynastique de Kom el-Khilgan (Delta oriental). Données nouvelles sur les processus d’unification culturelle au ive millénaire », Bulletin de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, t. 107, p. 43-70.

Crubezy E., Janin T., Midant-Reynes B., 2002. Adaïma II. La Nécropole prédynastique, FIFAO, 47.

Crubezy E., Duschene S., Midant-Reynes B., 2008, La Nécropole d’Adaïma (Haute-Égypte). Présentation générale et implications pour les populations de l’Égypte prédynastique , in Midant-Reynes B., Tristant Y. (éd.), Egypt at its origins 2. Origin of the State. Predynastic and Early Dynastic Egypt. Proceedings of the International Conference, Toulouse, 5-8 septembre 2005, p. 289-310.

Guilaine J.,1994, La Mer partagée. La Méditerranée avant l’écriture. 7000-2000 avant Jésus-Christ, Paris, Hachette, 910 p.

Kaiser W., 1964. « Einige Bemerkungen zur ägyptischen Frühzeit. III. Die Reichseinigung », in Zeitschrift für ägyptische Sprache und Altertumskunde, 91, p. 86-125.

Kohler E.C., 1995, « The state of research on Late Predynastic Egypt: New evidence for the development of the pharaonic state? », in Göttinger Miszellen, 147, p. 79-92.

Newton C., Midant-Reynes B., 2007, « Environmental change and settlement shifts in Upper Egypt during the Predynastic; charcoal analysis at Adaïma », in The Holocene, 17(8), p. 1109-1118.

Petrie W. M. F., 1921. Corpus of Prehistoric Pottery and Palettes, BSAE & ERA, 32. Londres

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Notes

1 ProgrammeANR_8_BLAN_0312_01.

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Table des illustrations

Titre [Fig.1] Vue aérienne du site d’Adaïma et du campement de l’Ifao en 2000. L’habitat contemporain qui se développe en bordure de la plaine alluviale commence à envahir le site.
Crédits A. Lecler, Ifao
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/744/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 224k
Titre [Fig.2] Schéma interprétatif des phénomènes observés dans la seconde moitié du 4ème millénaire en Egypte : un processus d’acculturation ?
Crédits N. Buchez, Inrap; B. Midant-Reynes, Ifao
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/744/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
Titre [Fig.3] Les travaux sur le Tell résiduel de Kom el-Khilgan : élargissement à partir de la tranchée de sondage initiale. Les constructions en briques crues de période Hyksos (en cours de fouille, à gauche) sont implantées directement sur la gezira sableuse dans laquelle sont creusées les tombes de la période prédynastique (en cours de fouille, à droite).
Crédits B. Midant-Reynes
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/744/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 304k
Titre [Fig.3] Les travaux sur le tell résiduel de Kom el-Khilgan : constructions en briques crues de la période Hyksos (en cours de fouille, à gauche) et tombes de la période prédynastique (en cours de fouille, à droite).
Crédits B. Midant-Reynes
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/744/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 632k
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Pour citer cet article

Référence papier

Nathalie Buchez, « L’Égypte prédynastique : contribution aux travaux de l’Institut français d’archéologie orientale »Archéopages, Hors-série 2 | 2010, 29-35.

Référence électronique

Nathalie Buchez, « L’Égypte prédynastique : contribution aux travaux de l’Institut français d’archéologie orientale »Archéopages [En ligne], Hors-série 2 | 2010, mis en ligne le 01 octobre 2010, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/744 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.744

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