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L’histoire d’une voie antique au sud d’Avignon

The history of an ancient road south of Avignon
La historia de una vía antigua en el sur de Aviñón
Elsa Sagetat
p. 6-12

Résumés

À Graveson, l’Inrap a mis au jour un important tronçon de l’une des voies édifiées en Gaule par le gouverneur Agrippa, sur ordre de l’empereur romain Auguste, au Ier siècle avant notre ère. Cette voie reliait Lyon à Arles et Marseille en longeant la vallée du Rhône. Particulièrement bien conservée, la partie dégagée mesure 200 m de long sur une largeur variant de 8 à 15 m. Elle est constituée d’une chaussée centrale empierrée d’une largeur moyenne de 8 m, où des ornières ont été laissées par le passage des chariots, et de trottoirs destinés à la circulation des piétons et cavaliers. Au-delà, des fossés latéraux drainaient les eaux et délimitaient son emprise. A son intersection avec un chemin secondaire, un bâtiment a été découvert, ainsi qu’un ensemble de tombes-bûchers (Ier-IIe siècle de notre ère) dont la position en bordure de la voie est caractéristique de cette période, où les défunts reposaient en des lieux très fréquentés. Les états successifs de la voie attestent une circulation depuis le Ier siècle avant notre ère jusqu’au IVe siècle. Ces découvertes vont renseigner les archéologues sur le mode de construction des voies romaines et l’occupation antique aux abords de la Montagnette.

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Texte intégral

  • 1 Sous la direction de Sabine Negroni, Inrap.
  • 2 Menée d’août à novembre 2015 sous la direction de l’auteure.
  • 3 L’étude de ce chemin annexe, en cours, montre également une utilisation longue et au moins cinq éta (...)

1Dans le cadre du projet d’implantation d’un poste électrique par Réseau de transport d’électricité (RTE), l’Inrap a réalisé en 2014 un diagnostic1 sur un terrain d’une superficie de 5 ha au lieu-dit « la Montagnette - Mas du Grand Contras » à Graveson (Bouches-du-Rhône), le long de la départementale 570 reliant Avignon à Arles (Negroni et al., 2015). L’opération ayant confirmé la présence d’un tronçon de voie romaine repérée en photographie aérienne, elle a été suivie par une fouille2, menée par l’Inrap sur une superficie de 2,3 ha, qui a permis le dégagement de la voie sur environ 200 m linéaires. Un chemin ou voie secondaire construite de petits galets sans aménagements préalables, se dirigeant vers l’extrémité occidentale des Alpilles, était connecté à cette voie3 ; leur point de convergence a été identifié au nord du site. Cette route complémentaire peut avoir constitué une voie de doublement, de croisement ou simplement un axe plus rectiligne, simplifiant la circulation dans le virage.

  • 4 L’étude en cours situe les aménagements au cours des Ier et IIe siècles de notre ère.

2Aux abords du carrefour de ces deux axes de circulation, des structures également datées de l’époque romaine ont été observées4 : une petite nécropole composée exclusivement de fosses-bûchers, un bâtiment oblong de 25 m de long et 6 m de large, divisé en quatre pièces de même superficie, et un puits.

Les données historiques et archéologiques antérieures à la fouille

3Les essais de restitution des principaux axes de circulations de la Gaule sont souvent proposés à partir des cartes et écrits anciens ainsi que de rares points de découverte. Dans le secteur fouillé, la table de Peutinger (copie, réalisée au XIIIe siècle, d’une carte antique) constitue le document le plus complet. Le tronçon sud de la voie d’Agrippa reliant Lyon à Arles y est figuré, jalonné par 11 étapes (villes importantes, relais ou carrefours routiers) distantes en moyenne de 25 km. La voirie découverte à Graveson appartiendrait, d’après la tradition, à l’étape de 22 km entre Saint-Gabriel (Ernagina) et Avignon (Avenio) [ill. 1].

1. Trame viaire antique dans la plaine de Graveson-Maillane d’après les plans de l’IGN au 1/25000e.

1. Trame viaire antique dans la plaine de Graveson-Maillane d’après les plans de l’IGN au 1/25000e.

La voie fouillée traverse la plaine de Maillane-Graveson, plaine d’inondation de la Durance, comprise entre les Alpilles au sud et la Montagnette à l’ouest. Les sédiments observés lors de la fouille proviennent quasiment tous de phénomènes de crues ou d’apports alluviaux.

E. Sagetat-Basseuil, Inrap

4Le réseau d’Agrippa, composé de quatre routes au départ de Lyon, marque une étape dans les liaisons routières rayonnant sur l’ensemble de la Gaule. Agrippa est chargé de mettre en place un réseau viaire efficace permettant de raccourcir les temps de trajet à travers les Gaules, à partir de Lugdunum (Lyon, colonie de droit romain fondée en 43 avant notre ère et capitale des Gaules en 27 avant notre ère). La date d’installation du réseau doit être placée après la mort de César et avant celle d’Agrippa, et probablement après que Lugdunum est devenu capitale, c’est-à-dire entre 27 et 12 avant notre ère. Strabon (Ier siècle avant notre ère) dans sa Géographie, Livre IV, 1 ne fait pas mention de la voie d’Agrippa ; il donne l’itinéraire de la voie Domitienne puis celui d’une voie en direction du nord à partir de Tarascon (Tarusco) qui rejoint Cavaillon puis se dirige vers les Alpes, peut-être celle utilisée par César en 58 avant notre ère. À l’époque de Strabon, la voie d’Agrippa dans sa portion sud n’aurait-elle pas encore le statut de voie impériale ? La traversée de la Durance est mentionnée au nord de l’actuelle commune de Noves (quartier de Bonpas), mais qu’en était-il de la traversée de la Durance par cette voie nord-sud d’Agrippa, pour joindre Avignon ? Les études et recherches en cours permettront peut-être de répondre à ces interrogations.

5Les fouilles archéologiques portant sur un linéaire conséquent permettant l’étude de la voie en plan sont rares, nous n’avons pas relevé d’exemple sur le tronçon de la voie dite d’Agrippa entre Lyon et Arles. Cependant, la couverture photographique aérienne avait permis de localiser plus précisément ce grand axe qui longeait et recoupait ponctuellement l’actuelle départementale 570 reliant Arles à Avignon. Les prospections menées par Philippe Ferrando à Graveson et dans les localités voisines avaient livré de nombreux témoins d’occupation d’époque antique. La voie avait été reconnue ponctuellement dans les fossés bordiers de la départementale 570, par photographie aérienne ou bien lors de sondages (Ferrando, 1995). Elle avait également été fouillée au nord de la commune de Graveson. Le projet de la Zac du Sagnon avait en effet été accompagné d’un diagnostic (Gaday et al., 2009) et d’une fouille (Michel et al., 2011) qui avaient mis en évidence la présence de deux voies bordées de structures funéraires. Une des voies semblait contourner la Montagnette par le nord, tandis que la seconde, orientée nord-sud, était interprétée comme la voie d’Agrippa. Sa chaussée, à la surface striée d’ornières laissées par le passage des charrettes, était composée de galets sur une épaisseur de 0,20 m environ (Michel et al., 2011, p. 74-75). Il s’agissait de l’unique aménagement de chaussée conservé. Limitée par des murs bordiers, la voie mesurait entre 5,50 m de large (Gaday et al., 2009) et 12 m de large au nord, mais sans aménagements construits. Une chronologie impliquant différents états était cependant pressentie : l’existence d’une couche sableuse « jaune » amenait en effet à émettre l’hypothèse d’un état antérieur à celui observé. La présence d’une voie plus ancienne, est-ouest, certainement en lien avec le site protohistorique de la Roque (Arcelin, Ferrando, 1999) autorise la proposition d’un état plus ancien.

6La fouille de 2015 a permis de compléter ces données et ainsi de poursuivre les réflexions sur l’interprétation de cette voie antique.

Les aménagements successifs de la voie

7La voie dégagée est orientée plus ou moins nord-sud. L’ensemble des vestiges sont datés de la période romaine. Quelques mobiliers ont été découverts lors de la fouille en dehors des contextes funéraires. Deux monnaies témoignent du fonctionnement de la voie au cours de la période antique, l’une d’Auguste, l’autre datée du IVe siècle. Les niveaux les plus profonds ont livré des fragments de céramique non tournée, qui permettront peut-être de préciser la datation du premier état de circulation fouillé. Au nord, la voie a conservé son niveau de chaussée le plus récent (état 5) aménagé à l’aide de gros blocs de pierre usés par le passage des charriots [ill. 2]. La date d’abandon de la voie reste complexe à déterminer. Aucun indice sur le site ne permet d’attester une datation au-delà du Bas-Empire. Cinq grandes périodes de construction ou réfection de la route ancienne ont pu être distinguées grâce à la réalisation de coupes stratigraphiques, couplées à la fouille en plan des niveaux de circulation sur des sections de 4 à 6 m de longueur.

2. Les 25 mètres de la chaussée construite en blocs de calcaire situés les plus au nord du chantier ont été conservés à la demande de l’aménageur RTE, la bonne conservation du dernier état de la voie à cet endroit autorisant sa mise en valeur ou du moins sa conservation.

2. Les 25 mètres de la chaussée construite en blocs de calcaire situés les plus au nord du chantier ont été conservés à la demande de l’aménageur RTE, la bonne conservation du dernier état de la voie à cet endroit autorisant sa mise en valeur ou du moins sa conservation.

E. Sagetat-Basseuil, Inrap

8Le premier niveau de voie connu est aménagé à l’aide de limons compactés et de graviers. La circulation se faisait sur une largeur variant de 10 à 12 m. Cette voie est entaillée de négatifs de passages de roues qui suivent sensiblement une orientation similaire à la route. Celle-ci est orientée SO-NE, ce qui la distingue des aménagements postérieurs [ill. 3a]. Ce cheminement se dirigerait plutôt en direction de Châteaurenard et Noves (nord-est), peut-être pour rejoindre le point de franchissement de la Durance à cet endroit. L’absence de datation rend complexe l’association de cette structure à d’autres sites. Trois recharges successives montrent un entretien régulier de la voie. Des niveaux compactés sur les abords de la bande de circulation permettent de supposer une zone de circulation piétonne. Son abandon est marqué par une importante accumulation de limons recouvrant la chaussée. La circulation n’est cependant pas interrompue, puisque des ornières entaillent le niveau supérieur de ce dépôt.

9Cet axe est alors « reconstruit ». Un niveau de limons argileux contenant des graviers comble les ornières laissées lors des circulations dans les niveaux « terreux ». Cette zone nivelée est aménagée d’une chaussée dont l’assise est composée d’éclats de calcaire, le niveau de circulation est aménagé à l’aide de sable et vraisemblablement de chaux qui donne un aspect lisse, compact mais élastique ( ?). Ce revêtement permet d’absorber les chocs de la route. D’ailleurs le passage des véhicules est marqué par de larges dépressions concaves, et non plus de fines ornières. La chaussée est large de 6 à 8 m selon son niveau de conservation, la présence de trottoir ou d’abords piétonniers n’est pas évidente. La voie offre désormais un véritable profil bombé, qui permet le ruissellement de l’eau en périphérie. La direction de cette nouvelle route marque un coude [ill. 3b] pour s’orienter parfaitement au nord, lui permettant cette fois de joindre Avignon, comme l’indique l’itinéraire porté sur la table de Peutinger. Cette orientation générale sera conservée lors des trois étapes de construction ou de réfection suivante. L’absence de mobilier rend impossible la datation de cette réfection. Le changement de technique de mise en œuvre montre une volonté d’assainir la voie tandis que son orientation lui permet désormais de joindre Ernaginum à Avigno. Est-ce un argument suffisant pour attribuer sa réalisation à Agrippa dans la seconde moitié du Ier siècle avant notre ère ? D’autres hypothèses doivent être envisagées. Elle pourrait en effet être liée à la romanisation de la province de Gaule Narbonnaise à partir de 128 avant notre ère ou à la nécessité de créer une route reliant les agglomérations des colonies d’Arles et d’Avignon (devenues colonies respectivement en 49 et en 43 avant notre ère).

10Une troisième étape de construction intervient après un nouvel épisode d’accumulation de limons dont l’épaisseur est variable et qui n’avait pas interrompu la circulation. Cet état 3 suit la même orientation que la voie précédente [ill. 3b]. Cette reconstruction de l’axe viaire semble avoir été programmée et organisée, puisque la fouille a permis d’étudier un niveau composé de petits galets bleutés tapissant une largeur plus importante que la future chaussée, marquant une étape de chantier. Des traces de passages sont visibles dans ce niveau, mais ne révèlent pas une longue utilisation. Par ailleurs, on n’y observe aucun dépôt de limons, ni d’ornières profondes qui révèlent généralement une circulation sur chemin mouillé. Immédiatement après la mise en place de cette « piste de chantier », deux murs bordiers en gros blocs non taillés sont construits, sans liant. Des éclats de taille calcaires liés à une argile rougeâtre constituent le radier de fondation, statumen, de la future voierie. Sur celle-ci est disposée une fine couche d’égalisation, rudus, composée d’argile limoneuse gris-verdâtre. Au-dessus, le niveau de circulation de la chaussée, summum dorsum, est construit en mortier maigre de roulement. Cette dernière couche vient recouvrir les murs bordiers maintenant la structure de la voie, accentuant le profil bombé de l’ouvrage. La chaussée mesure 6 m de large ; elle est limitée à l’ouest par un fossé au sud de notre emprise de fouille. Ce fossé est comblé de sables et limons très fins et très compacts qui témoignent d’apports alluviaux. L’absence de comblements successifs semble indiquer que ce fossé a été curé constamment. Plus au nord, malgré les difficultés de lecture des sédiments, un niveau plan de 2 m de large composé de sables beiges, situé environ 10 cm sous le niveau de la chaussée, peut être interprété comme un large bas-côté ou bien encore comme un agrandissement ponctuel de la voirie. Ce phénomène d’élargissement de la voie par un niveau bordier est récurrent dans les états postérieurs de la voie au même endroit, correspondant au point d’inflexion de la voie ; peut-être s’agissait-il d’adoucir le virage.

11Sur le flanc oriental de la voie, un dénivelé ou large fossé de 3 m de large en moyenne a été observé sur toute la longueur du tracé étudié. Ce large fossé, dont le fond se situe à environ 0,40 m sous le niveau de circulation de la chaussée, est comblé par de très fins litages où alternent des couches de sables et de limons. Ces apports semblent provenir de l’altération de la voie. La fouille ponctuelle de ce fossé a montré que le niveau bas, marqué par une ligne de sable carbonaté, avait également servi de voie de circulation ; deux bandes d’une cinquantaine de centimètres de large, espacées d’un mètre, présentaient un sédiment très compacté, ne laissant aucune place au doute. Reste à savoir si ce dénivelé parallèle a toujours servi de voie de circulation, ou bien si, une fois qu’il a été colmaté, les véhicules utilisaient seulement la chaussée principale. Seules les études de micromorphologie pourront répondre à nos interrogations. Le mode de construction de cet état de la voie, proche de ceux préconisés par les auteurs antiques, tend à attribuer sa réalisation à Agrippa. L’absence d’inscription, de borne milliaire et d’éléments de datation laisse la question ouverte. Il semble clair en revanche que cette mise en œuvre témoigne d’un ouvrage public.

12L’état postérieur (état 4) ne marque pas une nouvelle édification de la route, mais regroupe plusieurs niveaux de réfection. Ces niveaux, d’une épaisseur comprise entre 0,20 et 0,30 m selon les endroits, sont composés exclusivement de recharges de mortier de chaux, plus gras que les niveaux de roulement précédemment décrits. La fouille de chaque niveau a été impossible, puisque ceux-ci étaient agglomérés les uns aux autres. L’absence de dépôts limoneux ou de traces d’ornières révèle un entretien régulier de la voirie, qui sied bien à un ouvrage public. Cependant, le fossé oriental est désormais comblé et ces recharges viennent partiellement le recouvrir ; les abords de la voie marquent seulement un faible dénivelé. Sur le flanc ouest, hormis au point d’inflexion de la route, où les niveaux restent plans, le fossé bordier semble toujours utilisé, et encore non comblé.

13Le dernier état de la route [ill. 3c] correspond à une reconstruction. Un épais niveau de mortier gris est déposé sur les anciens niveaux ; entre ces deux sols, un niveau plus ou moins fin de limons s’intercale, témoignant de l’absence temporaire d’entretien. L’épais mortier gris sert de semelle à l’installation des gros blocs de pierre non taillés, en majorité calcaires. Les bords de la bande de circulation sont limités par des blocs arrondis sur le flanc externe. Soit ils sont taillés intentionnellement, soit il s’agit de remplois d’une voie précédente. Cet arrondi donne l’impression d’un bloc usé. Pourrait-il l’avoir été par le passage de véhicules ? Ce niveau de voirie est entaillé par de profondes ornières formées par l’usure consécutive au passage des véhicules. Ce dernier niveau antique est apparu seulement entre 0,70 m et 0,30 m sous le couvert végétal contemporain. Il était bien conservé seulement dans sa portion nord. Plus au sud, il n’est présent que ponctuellement et toujours perturbé par les labours. La chaussée empierrée est large de 5,50 m, bordée à l’est par un bas-côté large de 0,60 m à 1 m. à l’ouest, l’espace bordier, plus étendu, double pratiquement la voie de circulation. Il est constitué d’un niveau en mortier grossier, conservé sur une largeur de 3 m, et perturbé par des fossés plus récents. Ce large niveau est entaillé d’ornières, il n’est donc pas réservé aux piétons.

3. Les trois états principaux de la route dans l’emprise de la fouille.

3. Les trois états principaux de la route dans l’emprise de la fouille.

En grisé, les structures en cours d’étude. De la voie elle-même, est figurée la chaussée ; les abords (fossés bordiers et autres aménagements) sont en cours d’interprétation.

X. Milland, Inrap

L’environnement et les abords de la voie

14Outre la prise en compte de la voie comme monument ou entité indépendante, il faut souligner que ce type d’infrastructure articule le paysage, puisque les voies et chemins ont un intérêt public de desserte de lieux de vie, hiérarchisés en plusieurs niveaux (de la ville à l’habitat privé ou agricole). Pour comprendre le rôle et le statut de chacun de ces axes, il faut connaître l’occupation contemporaine régionale.

15Les mentions d’occupations protohistoriques et antiques sont nombreuses dans cette région. Beaucoup ont trait aux voies formant un maillage dense dans cette plaine protégée au sud par les Alpilles et à l’ouest par la Montagnette. à l’est, plusieurs voies sont connues soit par des écrits anciens, soit par des découvertes ponctuelles, elles se rejoignent au nord de Noves, pour traverser la Durance. Elles permettent de relier des centres urbains comme Arles, Glanum, Cavaillon. En de nombreux points de ce territoire, sont mentionnés des témoins d’occupation romaine sans qu’une fouille permette de mieux caractériser ces sites. Il semble donc que ce territoire soit fortement occupé sans que nous puissions replacer précisément les villae, fermes et agglomérations.

16Lors de fouilles antérieures, des bâtiments ont été repérés en bordure de voie à Saint-Gabriel, au lieu-dit Cadillan, au pied du site de la Roque et à la Zac du Sagnon (bâtiment identifié en diagnostic) [ill. 1]. Ils ont été interprétés comme les vestiges d’une auberge ou d’un relais. De nombreuses tombes ont également été découvertes le long de cette voie lors de la fouille de la Zac du Sagnon ; elles ont été datées de l’Antiquité (à partir du Haut-Empire) jusqu’à la période carolingienne (Michel et al., 2011). La fouille de 2015 n’a pas livré de nécropoles typiques des bordures de voies, généralement constituées de nombreuses sépultures disposées parallèlement à la voie. La nécropole mise au jour compte peu d’individus et semble localisée essentiellement dans l’espace délimité par les deux voies et le bâtiment. Elle est composée exclusivement de tombes-bûchers. Quant au bâtiment, il est indéniablement en lien avec la voie publique et le puits, mais sa fonction reste encore à déterminer.

17La fouille a mis en évidence un premier état de la voie dont le tracé diffère des aménagements postérieurs. Sa datation est en cours, mais elle est utilisée certainement au Ier siècle avant notre ère, et peut-être plus tôt. Si ce tracé est repris par les voies antiques plus récentes dans sa portion sud, il s’en distingue au nord. Ces voies antiques conservent, à quelques différences de largeur près, une orientation et un tracé similaire. Faute d’élément chronologique, nous ne pouvons pas actuellement déterminer la date de construction de la route ni celle de son abandon. La portion de voie fouillée plus au nord, à la Zac du Sagnon (Michel et al., 2011), semble encore utilisée à l’époque carolingienne, puisque des sépultures de cette période sont installées sur ses marges. S’il s’agit bien de la même voie, elle est probablement utilisée jusqu’au Xe siècle, le sous-solage des parcelles ayant pu faire disparaître ces derniers niveaux d’occupation dans le secteur fouillé en 2015.

18La départementale 570 reprend à quelques dizaines de mètres près le tracé de la voie d’Agrippa d’Arles à Avignon, avec quelques différences à l’entrée dans Arles et au voisinage de la ville actuelle de Graveson. à cet endroit, où la voie antique et la départementale 570 s’éloignent, la voie ferrée reprend le tracé de la voie d’Agrippa. Les grandes séquences routières restent des marqueurs dans le paysage, de la même manière que le paysage et la topographie guident leur création.

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Bibliographie

Arcelin P., Ferrando P., 1999, Graveson, La Roque, rapport d’opération, SRA Provence-Alpes-Côte d’Azur, 49 p.

Ferrando P., 1995, Recherches archéologiques entre Arles et Avignon, Sols, Habitat et cadastre, rapport de prospection thématique, SRA Provence-Alpes-Côte d’Azur, 75 p.

Gaday R. et al., 2009, Sagnon, à Graveson (Bouches-du-Rhône), rapport d’opération, Inrap-SRA Provence-Alpes-Côte d’Azur, 103 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/018388.

Michel J. et al., 2011, Zac du Sagnon à Graveson (Bouches-du-Rhône), rapport d’opération, Oxford Archéologie Méditerranée-SRA Provence-Alpes-Côte d’Azur, 208 p.

Negroni S. et al., 2015, Bouches-du-Rhône, Graveson, la Montagnette, Mas du Grand Contras, rapport d’opération, Inrap-SRA Provence- Alpes-Côte d’Azur, 66 p. https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/0137779.

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Notes

1 Sous la direction de Sabine Negroni, Inrap.

2 Menée d’août à novembre 2015 sous la direction de l’auteure.

3 L’étude de ce chemin annexe, en cours, montre également une utilisation longue et au moins cinq états successifs. Sa chaussée est aménagée en terre et graviers, ponctuellement en cailloux et à l’aide de sables rosés compactés à sa liaison avec la voie principale, dans leurs états médians.

4 L’étude en cours situe les aménagements au cours des Ier et IIe siècles de notre ère.

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Table des illustrations

Titre 1. Trame viaire antique dans la plaine de Graveson-Maillane d’après les plans de l’IGN au 1/25000e.
Légende La voie fouillée traverse la plaine de Maillane-Graveson, plaine d’inondation de la Durance, comprise entre les Alpilles au sud et la Montagnette à l’ouest. Les sédiments observés lors de la fouille proviennent quasiment tous de phénomènes de crues ou d’apports alluviaux.
Crédits E. Sagetat-Basseuil, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/6985/img-1.png
Fichier image/png, 370k
Titre 2. Les 25 mètres de la chaussée construite en blocs de calcaire situés les plus au nord du chantier ont été conservés à la demande de l’aménageur RTE, la bonne conservation du dernier état de la voie à cet endroit autorisant sa mise en valeur ou du moins sa conservation.
Crédits E. Sagetat-Basseuil, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/6985/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 376k
Titre 3. Les trois états principaux de la route dans l’emprise de la fouille.
Légende En grisé, les structures en cours d’étude. De la voie elle-même, est figurée la chaussée ; les abords (fossés bordiers et autres aménagements) sont en cours d’interprétation.
Crédits X. Milland, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/6985/img-3.png
Fichier image/png, 89k
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Pour citer cet article

Référence papier

Elsa Sagetat, « L’histoire d’une voie antique au sud d’Avignon »Archéopages, Hors-série 4 | 2016, 6-12.

Référence électronique

Elsa Sagetat, « L’histoire d’une voie antique au sud d’Avignon »Archéopages [En ligne], Hors-série 4 | 2016, mis en ligne le 08 juillet 2022, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/6985 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.6985

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Droits d’auteur

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