1L’habitat de la fin du ive millénaire est mal connu dans le bassin parisien. En effet il est généralement identifié à partir de mobilier piégé dans des horizons limoneux ou par des structures éparses ; ces traces limitées ne permettent donc pas de réfléchir sur les types d’occupation (Salanova, 2004, p. 78). La découverte d’un site d’habitat structuré de cette période, avec des plans de bâtiments préservés, revêt donc un intérêt tout particulier.
2À Pont-sur-Seine (Aube), Le Haut de Launoy, l’organisation de l’occupation du Néolithique récent, est encore perceptible grâce à la préservation des fossés dans lesquels étaient enchâssés les poteaux de bois des palissades. Trois grands ensembles se dégagent. Un premier enclos de 1,4 ha renferme des bâtiments, certains étant à usage d’habitation [Fig.1]. L’agencement des constructions dans cette aire se précisera avec le résultat des datations en cours, mais on peut d’ores et déjà noter que la palissade dicte l’orientation de certains bâtiments d’habitation à proximité du fossé. Le deuxième enclos, d’une superficie de 0,4 ha, renferme les deux constructions monumentales [Fig.2] ; leurs dimensions, les matériaux employés, le soin apporté à leur réalisation révèlent le caractère exceptionnel de ces deux édifices. Enfin, le dernier vaste ensemble regroupe la douzaine de bâtiments retrouvés hors des enceintes, principalement à l’est et au sud. La préservation de ces plans de maisons, pour des époques où ils font généralement défaut, est l’une des autres particularités du site de Pont-sur-Seine.
[Fig.1] Vue de bâtiments d’habitation datés de la 2e moitié du ive millénaire.
clichés V. Desbrosse, Inrap
[Fig.2] Vue des fondations de l’entrée de la construction monumentale.
clichés V. Desbrosse, Inrap
3Jusqu’à présent, dans le bassin parisien, un seul plan de bâtiment de la deuxième moitié du ive millénaire était connu. Fouillé sur les marges occidentales de l’Argonne à l’occasion des opérations d’archéologie préventive de la LGV Est, le site de Dampierre-le-Château (Marne), Liévaux, a livré les traces d’une habitation ; elle a été datée de cette période à partir des charbons de bois contenus dans ses poteaux (Dugois et al., 2002, p. 10). En fournissant une vingtaine de plans de bâtiments, la fouille de Pont-sur-Seine contribue à combler le déficit d’informations. Mais, en l’absence de mobilier caractéristique, il a fallu recourir à des analyses au carbone 14 pour dater ces constructions. Les fondations des habitations dépassent rarement la vingtaine de centimètres sous le décapage. Avec une érosion plus forte ou dans des conditions d’observation moins favorables, seuls les fossés des palissades et les fondations des constructions monumentales auraient été retrouvés. L’enceinte la plus vaste aurait donc été « vide », cas de figure courant dans les enceintes contemporaines du Centre-Ouest ; les fouilles récentes menées dans ce secteur (Ard et al., 2009) semblent remettre ce point en question. La faible profondeur des creusements des bâtiments n’est pas nécessairement liée à un fort arasement des vestiges. En effet sur le site de Dampierre-le-Château, où l’impact de l’érosion a été jugé faible, voire inexistant, la profondeur moyenne des poteaux est de 9,3 cm pour une paroi, et de 12,9 cm pour l’autre, sous 30 à 40 cm de terre végétale. L’axe faîtier est quant à lui un peu plus profond avec une moyenne de 27,4 cm (Dugois et al., 2002, p. 9).
4L’occupation du Haut de Launoy est aussi caractérisée par la quasi-absence de fosses contenant un mobilier détritique du Néolithique récent. En revanche, des artefacts ont été piégés dans des niveaux limoneux sur le pourtour du site. Le recours à une mécanisation réfléchie a permis d’accroitre le volume de sédiments traité et donc de palier en partie la faible densité de mobilier. Néanmoins, une série de datations absolues sur du matériel sélectionné, issu de creusements, s’avère indispensable pour démêler l’écheveau de la chronologie. Enfin, et pour terminer par l’aspect le plus spectaculaire, cette fouille a permis de dévoiler un savoir-faire insoupçonné dans l’architecture domestique : l’utilisation massive de pierres dans les fondations des constructions monumentales et leur association avec de l’argile n’étaient pas envisagées, pour cette époque, avant cette fouille.
5La compréhension de cette occupation du Néolithique récent a été favorisée, d’une part, par la réalisation d’un vaste décapage et, d’autre part, par la recherche approfondie des plans sur le terrain, avec des phases de nettoyage manuel. En effet, cette fouille montre, si besoin en était, l’intérêt d’aborder les occupations néolithiques peu denses sur de vastes surfaces ; les limites inhérentes aux diagnostics archéologiques ne pouvant être compensées qu’en prescrivant de grandes ouvertures. Mais ce plan est aussi le fruit d’un travail de compréhension et de réflexion qui nécessite du temps, sur le terrain, avant la phase de mécanisation. Le site de Pont- sur-Seine, Le Haut de Launoy, renouvelle donc nos informations sur une période, jusque-là principalement connue par l’intermédiaire de ses sépultures.