Site
Grandes écuries
Chantilly
Oise
Date
Juillet 2014
Superficie
94 m²
équipe
Christophe Besnier
Inrap, technicien
Les grandes écuries de Chantilly, aujourd’hui occupées par le Musée vivant du cheval, étaient au xviiie siècle les plus grandes et les plus belles du royaume (Peloye, 2004). Les travaux de construction puis les transformations apportées sous le Premier Empire – pour les besoins du régiment de chevaux-légers polonais de la garde impériale– et au xixe siècle (par le duc d’Aumale) sont bien documentés par les archives du Musée Condé, mais le site n’avait jusqu’à présent pas été l’objet de recherches archéologiques (Lernould, 2003) [ill. 1].
1. La cour des Chenils vue du nord-ouest.
© J.-L. Bernard, Inrap
1Le projet initial datait de 1707-1708. Le prince Henri-Jules de Bourbon-Condé se rendit alors propriétaire de trois hôtels situés entre la porte Saint-Denis et la pelouse dans l’intention de détruire ces vieilles constructions afin d’y transporter ses écuries de Bucamp désormais trop petites. Le décès du prince l’année suivante puis celle de son fils interrompirent le projet. Celui-ci fut repris, modifié et fortement augmenté à l’issue de la minorité de son petit-fils en 1718. La construction qui dura jusqu’en 1740 fut confiée à l’architecte Jean Aubert. Le nouveau bâtiment était destiné à abriter, dresser, soigner, abreuver et nourrir 240 chevaux, 500 chiens (soit plusieurs équipages de chasse à courre), les animaux de service nécessaires à la vie quotidienne du château, sans compter le garage et l’entretien des véhicules hippomobiles. Il s’agit de l’un des programmes de construction équestre les plus vastes de l’époque moderne. La conception architecturale traduit exactement les fonctionnalités. Le bâtiment principal était occupé par les écuries qui comportaient deux manèges en rotonde, un extérieur à l’extrême est et un intérieur sous la coupole centrale par ailleurs équipée d’un abreuvoir monumental. Les vieux hôtels en grande partie conservés accueillaient des espaces de service ; les garages entouraient la cour des remises et les meutes de chien étaient abritées près de la cour des Chenils.
2Les sondages réalisés dans les deux cours (Bernard, 2015) corroborent les connaissances historiques issues notamment des travaux de Gustave Macon, secrétaire et archiviste du duc d’Aumale (Macon, 1908-1912). Les nouvelles écuries furent pour l’essentiel installées sur des espaces précédemment peu occupés, correspondant aux jardins des anciens hôtels.
3L’abondant portefeuille de plans d’archives témoigne de plusieurs projets d’aménagement dont l’un a été réalisé [ill. 2]. Il comporte au centre de la cour des Chenils un bassin avec jet d’eau central, contribuant à l’embellissement des lieux et servant vraisemblablement de point d’eau pour les chiens, qui a été retrouvé en place et partiellement dégagé. Le plan au sol est un rectangle augmenté d’une abside à l’est et à l’ouest. Le bassin [ill. 3 et 4] profond d’une vingtaine de centimètres environ, contenait environ 25 m3 d’eau. Le fond de la structure était fait d’une dalle de caillasses compactées au-dessus de laquelle subsistent quelques traces de la couche d’étanchéité en argile. Les parois parementées en moellons de calcaire liés au mortier de chaux se terminaient vraisemblablement par une margelle ornée en pierre de taille qui n’est pas conservée. On retrouve au centre exact de la structure un très gros nodule d’argile au milieu duquel subsiste un bloc de fer fortement oxydé, qui constitue vraisemblablement les restes très dégradés du tuyau d’adduction ou de l’ajutage. Malheureusement, cette zone est fortement perturbée par le passage de canalisations modernes.
2. Tracés des canalisations d’alimentation et de trop plein des xviiie et xixe siècles des cuves des Grandes écuries du domaine de Chantilly, sur un plan du xixe siècle.
© Musée Condé, CP CHA A 468 05
3. Restitution du bassin.
© J.-L. Bernard, Inrap
4. La fouille de la partie ouest du bassin.
© J.-L. Bernard, Inrap
4Grâce aux archives et à des sondages pratiqués en 2012 (Bernard, 2013) à l’extérieur des écuries, on connaît par ailleurs le système d’adduction générale du site : il s’agit d’un très gros tuyau de fonte, installé pendant la construction de Jean Aubert, qui alimentait l’ensemble des écuries depuis le grand réservoir situé sur la pelouse ; le bassin y était raccordé par une petite conduite. Cette alimentation générale a été augmentée d’un autre réseau installé au xixe siècle par le duc d’Aumale, et dont la mise sous pression était assurée par des cuves formant château d’eau installées au dernier étage de l’un des pavillons d’angle. Les archives indiquent que le bassin de la cour des Chenils avait alors disparu.