Site
Les Lignes de la Gonzée
La Mézière
Ille-et-Vilaine
Date
Février-octobre 2012
Surface fouillée
6 ha
Équipe
Étude céramique
David Gâche, Inrap
Étude lithique
Marion Lemée, Inrap
1Dominant un petit vallon et implantée sur d’épais placages de lœss remanié, la maison, qui mesure 12 m de large et s’étend sur au moins 20 m de long [ill. 1], est construite sur poteaux selon un plan quadrangulaire d’orientation est-ouest.
1. Plan général de la maison et d’une partie des structures associées.
E. Bourhis, Inrap
2Malheureusement, elle semble avoir été tronquée par le passage d’une route communale, ce qui complique quelque peu l’analyse architecturale de l’ensemble. À l’est de la route, plusieurs creusements se rattachent à l’occupation néolithique, et il n’est pas exclu que certains d’entre eux appartiennent à l’extrémité orientale de la construction. Elle se développerait alors sur près de 40 m de long [ill. 2]. Cependant, en regard des structures de fondation observées sur la partie occidentale de l’édifice, les différences de comblement et de profil de ces creusements ne permettent pas d’en confirmer totalement l’hypothèse.
2. Extrémité ouest de la maison.
Les structures cerclées en orange correspondent aux trous de poteau qui matérialisent au sol le plan de la construction. Il est possible qu’elle se développe jusqu’à la zone fouillée en arrière-plan.
S. Blanchet, Inrap
3L’ossature principale de l’architecture est constituée de poteaux généralement disposés en tierce [ill. 3]. Sur une partie de la maison, seuls deux gros poteaux centraux ont été plantés, probablement pour libérer de l’espace interne. En périphérie, de petits trous de poteau matérialisent quant à eux l’emplacement des parois du bâtiment. Les fosses d’implantation des éléments principaux sont assez remarquables puisqu’elles mesurent 1 m de diamètre pour 1,20 m de profondeur. Si l’on y ajoute l’épaisseur des niveaux décapés, leur profondeur initiale était de l’ordre de 1,50 m. Les négatifs observés dans les coupes stratigraphiques indiquent l’utilisation de poteaux d’environ 0,50 m de diamètre.
3. Les trous de poteaux porteurs sont de forte dimension. On observe ici parfaitement le négatif du poteau (en gris).
S. Blanchet, Inrap
4Une grande partie du mobilier céramique et lithique mis au jour provient d’un lambeau de vieux sol conservé au niveau de la maison ainsi que du comblement des négatifs de poteaux. L’assemblage céramique compte notamment des jattes, des bols, des fragments de coupes à socle. Outre des produits de débitage, le mobilier lithique comprend quant à lui de l’outillage que l’on retrouve habituellement en contexte domestique, à savoir des grattoirs, des lames de haches, des armatures tranchantes ainsi que des meules et des enclumes. Le mobilier céramique et lithique mis au jour ainsi que les premières datations 14C permettent de rattacher l’ensemble au début du Néolithique moyen II vers 4200 avant notre ère. Les études à venir permettront de préciser comment s’insère le site dans les ensembles culturels de l’ouest de la France et notamment dans le groupe dit de Castellic.
5On notera qu’une quinzaine de structures à pierres chauffées [ill. 4] se concentrent à proximité immédiate de la maison. De forme circulaire, elles mesurent environ 1 m de diamètre et sont construites avec des blocs de quartz associés à quelques fragments d’instruments de mouture.
4. Dégagement d’une des structures à pierres chauffées présentes à proximité de la maison.
S. Blanchet, Inrap
6Le décapage et les fouilles mis en œuvre sur les six hectares n’ont révélé aucun autre édifice de ce type. En revanche, des trous de poteau se rattachant manifestement à des constructions plus légères, des fosses, d’autres structures à pierres chauffées ou encore de petits épandages de mobilier céramique ou lithique témoignent d’une forte occupation du secteur au Néolithique moyen. Il faut d’ailleurs souligner qu’un diagnostic réalisé dans les années 1990 (O. Kayser, 1992) en périphérie immédiate du site avait livré des vestiges parfaitement contemporains, ce qui témoigne d’une occupation se développant sur au moins une quinzaine d’hectares.
7Au niveau régional, les fouilles récentes comme celles de Guichen et de Pléchatel (fouilles L. Juhel), de Lillemer (fouilles de L. Laporte et C. Bizien) en Ille-et-Vilaine, de Châteauneuf-du-Faou (fouille J.-Y Tinevez) dans le Finistère ont permis de combler de nombreuses lacunes concernant l’habitat au Néolithique moyen. Malgré tout, ce dernier reste très difficile à caractériser et les plans de bâtiments sont encore trop peu nombreux dans une région où, paradoxalement, les monuments mégalithiques sont omniprésents. La grande maison découverte
à La Mézière constitue donc un apport scientifique de premier ordre pour la connaissance de l’habitat néolithique dans la péninsule armoricaine. Par ses dimensions importantes, cet édifice pose question quant à sa vocation. S’agit-il d’une structure à usage collectif ou non ? Quelle est la nature des activités (domestiques, artisanales…) qui ont pu y être réalisées ? On ne trouve pas de véritables points de comparaison dans le Néolithique moyen du nord-ouest de la France. Les quelques constructions sur poteaux actuellement reconnues pour cette période sont de plan rectangulaire, voire circulaire, mais offrent généralement des dimensions plus restreintes, en accord avec des habitations à caractère familial. Il faut alors se diriger vers l’est de la France et de contextes culturels différents pour proposer d’éventuels rapprochements avec des architectures de grande dimension comme celles trouvées à Mairy dans les Ardennes (Marolle, 1989).