Un lot de céramique singulier dans une sépulture du Chasséen ancien
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1La sépulture 3036, découverte sur le site du Barreau de la Devèze-Sud, contient une inhumation primaire réalisée dans une fosse de plan oblong, à vocation strictement funéraire, de 1,60 m de long pour 1,05 m de large, creusée dans un substrat miocène fortement induré [Fig.1]. Ce type d’aménagement n’est pas ordinaire, pour le Chasséen méridional, au sein duquel les sépultures installées dans des structures en réemploi sont beaucoup plus fréquentes.
[Fig.1] Relevés et vue de la sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault).
![[Fig.1] Relevés et vue de la sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault).](docannexe/image/477/img-1-small480.jpg)
DAO H. Vergély, Inrap
- 1 L’étude du macro-outillage du site a été effectuée par Caroline Hamon.
2Le mobilier associé au défunt est, à plus d’un titre, remarquable. Il s’agit d’un dépôt composé de pièces complètes : un grand polissoir et un lot de trois céramiques. Le polissoir à plage est de forme quadrangulaire en grès fin micacé, sa surface active présente une concavité particulièrement régulière et totalement lissée1. Il se trouvait dans la partie sommitale du remplissage, de manière oblique, position témoignant probablement d’un dispositif architectural en matière putrescible. Le mobilier céramique, quant à lui, a été découvert dans le même horizon stratigraphique que l’inhumation. Du point de vue typologique, il s’agit de formes rares : un micro-vase ovoïde à lèvre ourlée extérieurement [Fig.2], disposé au pied du défunt, au contact direct d’une coupe à socle ajourée de quatre fenêtres ; face au défunt, se trouvait également une écuelle carénée peu profonde à carène anguleuse basse, ornée de deux plaquettes en sablier diamétralement opposées [Fig.3].
[Fig.2] Micro-vase de la sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault).
![[Fig.2] Micro-vase de la sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault).](docannexe/image/477/img-2-small480.jpg)
Cliché H. Vergély, Inrap
[Fig.3] Mobilier céramique d’accompagnement, sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault).
![[Fig.3] Mobilier céramique d’accompagnement, sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault).](docannexe/image/477/img-3-small480.png)
DAO H. Vergély, Inrap
- 2 Erl-15185 = 5525±42 BP soit 4455-4327 avant notre ère.
3La datation, réalisée sur les restes osseux, est comprise entre 4455 et 4327 avant notre ère2, ce qui permet une attribution de cet ensemble à la phase ancienne du Chasséen. Dans ce contexte chronologique, la présence d’une écuelle carénée constitue déjà un fait notable puisque cette forme est rare avant 4100 avant notre ère. De plus, le décor qu’elle supporte est sans équivalent régional connu. Les deux autres vases sont également d’un type peu fréquent : de façon générale les coupes à socle et les micro-vases chasséens complets sont peu nombreux et presque exclusivement issus de contextes sépulcraux ou cultuels. Toutefois, si la typologie des pièces découvertes dans la sépulture 3036 est remarquable, l’examen attentif de leur mise en forme tend à montrer que, du point de vue technique, elles n’ont pas fait l’objet d’un surinvestissement de la part des potiers. Même si la taphonomie ne permet pas de postuler sur l’aspect éventuellement poli des surfaces, le modelage apparait assez sommaire, voire grossier surtout pour la coupe à socle et, dans une moindre mesure, l’écuelle. Et l’on est en droit de s’interroger sur l’utilisation d’un mobilier à vocation exclusivement funéraire, probablement à usage unique.
- 3 Par le Laboratoire Nicolas Garnier, 63270 Vic-le-Comte.
- 4 La présence d’acides diterpéniques méthylés et d’hydrocarbures poly-aromatiques écarte l’hypothèse (...)
4L’association du micro-vase et de la coupe à socle étant exceptionnelle, elle invitait à l’élaboration de multiples hypothèses. Nous avons choisi de faire appel à d’autres champs de compétences pour nous éclairer, si possible, sur les usages de ces céramiques et les pratiques qui en découlent. Dans cette optique, des analyses chimiques ont été réalisées3. Aucun caramel ou dépôt n’était visible, les résidus de matière amorphe ont été absorbés dans la matrice poreuse de la céramique. La première analyse chimique, réalisée dans le fond interne du micro-vase, a montré qu’il avait contenu une graisse d’origine animale (probablement de ruminant) ; sa transformation chimique indique des chauffages successifs, et un brai4 fabriqué à partir de bois de conifère. Une seconde analyse, réalisée sur le réceptacle central de la coupe à socle a montré qu’elle avait contenu différents matériaux organiques. Il s’agit de graisse animale, similaire au micro-vase, et d’une matière grasse d’origine végétale : une huile d’oléastre probablement, ainsi que des traces de résines de conifères ayant subi plusieurs chauffages, et conduisant à la formation d’hydrocarbures poly-aromatiques. Il serait tentant de voir dans l’association de ces deux objets un brûle-parfum et sa réserve. Toutefois, les composés organiques du brai détectés dans le micro-vase et ceux des résines de conifères ne sont pas identiques. Ces résidus ont cependant bien été chauffés, étant donnés les marqueurs de dégradation thermique (hydrocarbures poly-aromatiques). Ainsi, si l’étude de ces résidus organiques ne permet pas d’élucider toutes nos interrogations, elle livre des renseignements novateurs sur la gestion des ressources naturelles par les populations du passé, et fournit également, associée à une étude typo-morphologique, des informations inédites sur l’usage, certainement cérémoniel, de céramiques découvertes en contexte funéraire.
Notes
1 L’étude du macro-outillage du site a été effectuée par Caroline Hamon.
2 Erl-15185 = 5525±42 BP soit 4455-4327 avant notre ère.
3 Par le Laboratoire Nicolas Garnier, 63270 Vic-le-Comte.
4 La présence d’acides diterpéniques méthylés et d’hydrocarbures poly-aromatiques écarte l’hypothèse de résine brute, en faveur d’un brai : goudron végétal obtenu par pyrogénation de bois.
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Titre | [Fig.1] Relevés et vue de la sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault). |
Crédits | DAO H. Vergély, Inrap |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/477/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 300k |
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Titre | [Fig.2] Micro-vase de la sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault). |
Crédits | Cliché H. Vergély, Inrap |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/477/img-2.jpg |
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Titre | [Fig.3] Mobilier céramique d’accompagnement, sépulture 3036, Barreau de la Devèze sud, Béziers (Hérault). |
Crédits | DAO H. Vergély, Inrap |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/477/img-3.png |
Fichier | image/png, 149k |
Pour citer cet article
Référence papier
Hélène Vergély, Muriel Gandelin et Nicolas Garnier, « Un lot de céramique singulier dans une sépulture du Chasséen ancien », Archéopages, Hors-série 3 | 2012, 95-101.
Référence électronique
Hélène Vergély, Muriel Gandelin et Nicolas Garnier, « Un lot de céramique singulier dans une sépulture du Chasséen ancien », Archéopages [En ligne], Hors-série 3 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2012, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/477 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.477
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