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Dossier

Utilisation de l’os dans la décoration d’un vase du Bronze moyen

Use of bone in decorating of vases of the Middle Bronze Age
Uso del hueso en la decoración de un jarrón del Bronce medio
Sophie Lardé, Christophe Drouet, éric Frénée et Florent Mercey
p. 16-19

Résumés

Des fragments de vase découverts dans une fosse sur le site de Vienne-en-Val (Loiret) présentent un décor de motifs géométriques incisés, emplis d’une pâte blanche. Leur contexte permet de les dater du Bronze moyen II. Cette technique décorative est connue dans plusieurs contextes néolithiques et protohistoriques, mais la nature du pigment blanc reste souvent indéterminée. Des analyses physico-chimiques non destructives ont attesté de l’origine osseuse du pigment utilisé pour le vase, en mettant notamment en évidence un phosphate de calcium de structure similaire à celle de l’apatite de l’os.

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Texte intégral

1Parmi le mobilier céramique découvert dans la fosse F.41 du site de Vienne-en-Val « les Terres de Saint-Germain » (Loiret), un vase, attribué au Bronze moyen II (1500-1350 avant notre ère), présente un traitement décoratif remarquable, avec une pâte blanche incrustée dans les sillons de motifs géométriques incisés (Lardé, 2016). Située à proximité d’enclos circulaires du Bronze final, la fosse F.41 semble isolée, aucun autre indice d’une occupation du secteur au Bronze moyen n’ayant été détecté sur les 1,2 ha de surface décapée. Les rares vestiges de cette période signalés dans les environs se résument à un fragment de céramique et une hache à talon. La fosse (dimensions conservées : 1,56 m de long, 1,20 m de large et 0,38 m de profondeur) a servi de dépotoir sur une courte durée ainsi que l’attestent la dynamique de comblement, la nature des remplissages et la répartition du mobilier ; 1,6 kg de céramique fragmentée, un gros peson et des restes de foyers y ont été jetés.

2La partie haute d’un vase à col resserré et richement décoré a pu être recollée, jusqu’à l’inflexion de la panse, située 17 cm sous la lèvre du vase [ill. 1]. Le vase a un profil bitronconique avec encolure, muni de deux anses placées à la base du col, au niveau de l’épaule, servant de point de départ à un décor en bandeau de hauteur équivalente à celle de l’anse. Le décor comprend deux registres horizontaux, constitués d’incisions profondes et très appuyées, formant des lignes continues et en zigzags. Bien que la forme du vase se rapproche d’exemplaires datés du Bronze moyen II, aucune comparaison directe n’a pu être proposée. Le décor est par ailleurs proche de productions atlantiques, notamment à Mez-Notariou à Ouessant (Le Bihan, 2016) ou à Plouedern (Blanchet, 2013).

1. Trois fragments du vase attribué à l’âge du Bronze moyen II.

1. Trois fragments du vase attribué à l’âge du Bronze moyen II.

La pâte est semi-fine, sableuse, relativement micacée, et de couleur brune. La surface est soigneusement lissée, l’intérieur du vase étant plus rugueux. L’ouverture du vase a un diamètre de 23,6 cm, le bord est direct, la lèvre arrondie et le col légèrement concave. Les anses sont fixées grâce à un système de tenon : un trou est effectué dans la panse, les tenons de l’anse y sont insérés et collés par modelage à l’intérieur du vase.

dessin E. Frénée, Inrap ; cliché M. Noël, Inrap

3Une pâte blanchâtre incrustée dans les incisions est partiellement conservée [ill. 2a]. De nombreuses sociétés ont eu recours à cette technique décorative au Néolithique et à la Protohistoire. Elle est signalée notamment dans les cultures du Blicquy-Villeneuve-Saint-Germain, du groupe de Grossgartach, ou du Chasséen (Constantin, 2003, p. 136). Sur le site du Bronze moyen du Fort-Harrouard à Sorel-Moussel, les auteurs mentionnent des impressions décoratives remplies de « poudre de craie » (Mohen, Bailloud, 1987, p. 50). Pour le Bronze final, un examen au microscope électronique à balayage (MEB) a révélé l’origine osseuse de la pâte blanche d’un vase du Camp Allaric (Maitay, 2010, p. 128). Cependant, dans la plupart des cas, la nature du pigment blanc reste indéterminée.

2a. Photomacrographie des résidus de pâte blanche.

2a. Photomacrographie des résidus de pâte blanche.

M. Noël, Inrap 

4Des analyses physico-chimiques non destructives des incrustations du vase de Vienne-en-Val ont été réalisées au CIRIMAT de Toulouse, sous la direction de Christophe Drouet. Systématiquement, les explorations ont porté à la fois sur le substrat du vase et sur les restes de pâte blanche. Une analyse par fluorescence X a été menée à l’aide d’un pistolet BRUKER S1 Turbo, mettant en évidence l’élément calcium dans le pigment. Des observations MEB [ill. 2b], couplées à une analyse élémentaire EDX en utilisant un mode « low vacuum » adapté aux échantillons dits sensibles [ill. 3], ont ensuite été effectuées : le pigment blanc est principalement composé des éléments chimiques calcium (Ca), phosphore (P) et oxygène (O), comme pour le minéral osseux ou dentaire. Enfin, des analyses supplémentaires par microscopie Raman confocale indiquent que le pigment est constitué d’un phosphate de calcium à structure « apatite » de mêmes caractéristiques que l’apatite osseuse ou dentaire de vertébrés [ill. 4].

2b. Micrographies au microscope électronique à balayage.

2b. Micrographies au microscope électronique à balayage.

C. Drouet, CIRIMAT

3. Les spectres élémentaires EDX indiquent la composition du vase et de son décor : outre quelques éléments attendus pour un tel substrat de vase (fer, silicium, aluminium, potassium et magnésium), la présence en grande quantité des éléments calcium et phosphore est nettement mise en évidence pour l’analyse ciblée sur le pigment blanc. De plus, les intensités relatives entre ces deux éléments sont proches de celles acquises sur un spécimen osseux de référence, provenant d’une vertèbre humaine datant de l’âge du Bronze. Par ailleurs, on observe une augmentation significative de l’intensité du pic lié à l’oxygène, élément présent en quantité dans le phosphate de calcium apatitique de l’os et des dents.

3. Les spectres élémentaires EDX indiquent la composition du vase et de son décor : outre quelques éléments attendus pour un tel substrat de vase (fer, silicium, aluminium, potassium et magnésium), la présence en grande quantité des éléments calcium et phosphore est nettement mise en évidence pour l’analyse ciblée sur le pigment blanc. De plus, les intensités relatives entre ces deux éléments sont proches de celles acquises sur un spécimen osseux de référence, provenant d’une vertèbre humaine datant de l’âge du Bronze. Par ailleurs, on observe une augmentation significative de l’intensité du pic lié à l’oxygène, élément présent en quantité dans le phosphate de calcium apatitique de l’os et des dents.

C. Drouet, CIRIMAT

Fig. 4 : Les spectres Raman obtenus sur le substrat du vase ne révèlent aucune bande caractéristique. En revanche, les spectres obtenus sur le pigment blanc ainsi que sur un os bovin de référence montrent plusieurs raies Raman caractéristiques d’un composé apatitique, dont la plus intense, située à ~960 cm-1 témoigne du mode de vibration ν1 (PO4) des groupements phosphates apatitiques.

Fig. 4 : Les spectres Raman obtenus sur le substrat du vase ne révèlent aucune bande caractéristique. En revanche, les spectres obtenus sur le pigment blanc ainsi que sur un os bovin de référence montrent plusieurs raies Raman caractéristiques d’un composé apatitique, dont la plus intense, située à ~960 cm-1 témoigne du mode de vibration ν1 (PO4) des groupements phosphates apatitiques.

C. Drouet, CIRIMAT

5Les analyses attestent donc de la nature osseuse du pigment, mais elles ne permettent pas de préciser si la pâte blanche recouvrait initialement l’ensemble du vase, ni si elle a été fabriquée à partir d’os bouilli ou calciné.

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Bibliographie

Blanchet S. (dir.), 2013, Une longue occupation de la Protohistoire au Moyen Âge, Plouedern, Finistère, rapport d’opération, Inrap-SRA Bretagne, 470 p.

Constantin C., 2003, « à propos des décors des céramiques protohistoriques incrustés de pâtes colorées », Bulletin de la Société préhistorique française, vol. 100, n° 1, p. 135-139.

Lardé S. (dir.), 2016, Occupations protohistoriques et antiques, du xve s. av. J.-C. au ive s. apr. J.-C , Centre – Val de Loire, Loiret, Vienne-en-Val, Les Terres de Saint-Germain, rapport d’opération, Inrap-SRA Centre-Val de Loire, 378 p.

Le Bihan J.-P., 2016, Archéologie d’une île à la pointe de l’Europe : Ouessant, l’habitat de Mez-Notoriou, des origines à l’âge du Bronze, Quimper, Centre de recherche archéologique du Finistère, t. 2, 595 p.

Maitay C., 2010, Les céramiques peintes préceltiques, la peinture sur vases aux âges des métaux dans l’ouest de la France, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Archéologie et culture », 245 p.

Mohen J.-P., Bailloud G., 1987, Les fouilles de Fort-Harrouard, Paris, Picard, « L’âge du Bronze en France », 4, 241 p.

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Table des illustrations

Titre 1. Trois fragments du vase attribué à l’âge du Bronze moyen II.
Légende La pâte est semi-fine, sableuse, relativement micacée, et de couleur brune. La surface est soigneusement lissée, l’intérieur du vase étant plus rugueux. L’ouverture du vase a un diamètre de 23,6 cm, le bord est direct, la lèvre arrondie et le col légèrement concave. Les anses sont fixées grâce à un système de tenon : un trou est effectué dans la panse, les tenons de l’anse y sont insérés et collés par modelage à l’intérieur du vase.
Crédits dessin E. Frénée, Inrap ; cliché M. Noël, Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/2555/img-1.png
Fichier image/png, 412k
Titre 2a. Photomacrographie des résidus de pâte blanche.
Crédits M. Noël, Inrap 
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/2555/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 364k
Titre 2b. Micrographies au microscope électronique à balayage.
Crédits C. Drouet, CIRIMAT
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/2555/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 204k
Titre 3. Les spectres élémentaires EDX indiquent la composition du vase et de son décor : outre quelques éléments attendus pour un tel substrat de vase (fer, silicium, aluminium, potassium et magnésium), la présence en grande quantité des éléments calcium et phosphore est nettement mise en évidence pour l’analyse ciblée sur le pigment blanc. De plus, les intensités relatives entre ces deux éléments sont proches de celles acquises sur un spécimen osseux de référence, provenant d’une vertèbre humaine datant de l’âge du Bronze. Par ailleurs, on observe une augmentation significative de l’intensité du pic lié à l’oxygène, élément présent en quantité dans le phosphate de calcium apatitique de l’os et des dents.
Crédits C. Drouet, CIRIMAT
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/2555/img-4.png
Fichier image/png, 246k
Titre Fig. 4 : Les spectres Raman obtenus sur le substrat du vase ne révèlent aucune bande caractéristique. En revanche, les spectres obtenus sur le pigment blanc ainsi que sur un os bovin de référence montrent plusieurs raies Raman caractéristiques d’un composé apatitique, dont la plus intense, située à ~960 cm-1 témoigne du mode de vibration ν1 (PO4) des groupements phosphates apatitiques.
Crédits C. Drouet, CIRIMAT
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/2555/img-5.png
Fichier image/png, 82k
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Pour citer cet article

Référence papier

Sophie Lardé, Christophe Drouet, éric Frénée et Florent Mercey, « Utilisation de l’os dans la décoration d’un vase du Bronze moyen »Archéopages, 45 | 2018, 16-19.

Référence électronique

Sophie Lardé, Christophe Drouet, éric Frénée et Florent Mercey, « Utilisation de l’os dans la décoration d’un vase du Bronze moyen »Archéopages [En ligne], 45 | 2017 [2018], mis en ligne le 01 janvier 2020, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/2555 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.2555

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Auteurs

Sophie Lardé

Inrap

Christophe Drouet

CNRS, UMR 5085, « CIRIMAT »

éric Frénée

Inrap, UMR 8546, « AOROC »

Florent Mercey

Inrap

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Droits d’auteur

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