Éditorial [Recyclage et remploi]
- Traduction(s) :
- Editorial [Recycling and reuse] [en]
- Editorial [Reciclaje y reutilización] [es]
Texte intégral
1Recyclage, remploi, récupération, réutilisation… Souvent employés de manière interchangeable, ces mots désignent des pratiques proches, mais différentes. Mises à la mode par la prise de conscience de l’abondance des déchets engendrés par notre civilisation de consommation, elles ont cependant toujours existé. Le volume des déchets, aussi bien que la rareté et le coût de certaines matières premières, ont de tout temps conduit l’homme à les réintroduire dans les cycles de fabrication et dans les circuits commerciaux.
2Ainsi, plus on s’éloignera de la source d’approvisionnement, plus l’appropriation de celle-ci sera coûteuse en effort et en temps, plus on aura tendance à récupérer la matière première sous sa forme déjà ouvrée pour lui attribuer, telle quelle ou après transformation, une nouvelle fonction.
3Les exemples sont nombreux en archéologie, depuis la Préhistoire la plus ancienne, avec la réutilisation après transformation – souvent pour un nouvel usage – d’outils en pierre, en passant par les multiples remplois auxquels l’Antiquité et le Moyen Âge nous ont habitués, jusqu’aux périodes plus récentes, à l’image de ces bateaux ligériens démontés à leur arrivée pour être vendus comme bois d’œuvre ou de chauffage.
4Ces réutilisations peuvent être des pièges pour les archéologues, qui doivent les discerner sous peine de commettre des erreurs chronologiques graves. Je pense par exemple aux réemplois de poutres et d’éléments de charpente qui pourraient facilement vieillir les ensembles de plusieurs siècles si on ne prenait la peine d’en dater des éléments judicieusement choisis. Mais ce sont aussi des sources d’information importantes, comme ces galets de lest de bateau, réemployés dans les aménagements portuaires et les constructions autour du port antique de Marseille, qui nous donnent, par leurs caractéristiques géologiques, de précieuses indications sur les escales. Car ces réemplois ont souvent permis la conservation de documents a priori voués à la destruction. Il n’est qu’à regarder le nombre impressionnant d’éléments sculptés provenant de monuments funéraires antiques et parfaitement conservés parce qu’inclus dans les fondations des enceintes de l’Antiquité tardive. Un exemple un peu plus lointain, mais tout à fait spectaculaire, est le réemploi quasi systématique de colonnes et de chapiteaux antiques dans la grande mosquée de Kairouan, en Tunisie. Sans cela, il y a fort à parier qu’ils auraient été recyclés… en chaux.
5Ce phénomène ne doit pas être considéré comme anecdotique, bien au contraire. À son aune, on pourra mesurer la rareté ou l’intérêt que l’on portait à telle ou telle matière première et ainsi mieux appréhender les stratégies économiques et la capacité d’adaptation des artisans. L’exemple le plus poignant est la façon dont les esclaves, oubliés durant quinze ans sur l’îlot de Tromelin, dans les îles Éparses, ont su tirer profit du maigre matériel récupéré sur l’épave de leur navire, une flûte échouée un jour de juillet 1761, comme les recherches conduites par le Groupe de recherches archéologiques navales et l’Inrap ont pu le montrer.
Un emboîtement de deux amphores africaines pour l’inhumation d’un adulte dans la nécropole de Quattrina, à Propriano, en Corse (fouille de Philippe Chapon, 2009, Inrap).

Les pratiques « opportunistes » de récupération de matériaux courants dans la construction de tombes à la fin de l’Antiquité sont diverses mais la plus répandue sur la côte méditerranéenne est la réutilisation d’amphores. Elles ont l’avantage d’être disponibles en très grande quantité dans ces lieux de forts échanges commerciaux et d’être imputrescibles.
Cliché : Ph. Chapon, Inrap.
Table des illustrations
![]() |
|
---|---|
Titre | Un emboîtement de deux amphores africaines pour l’inhumation d’un adulte dans la nécropole de Quattrina, à Propriano, en Corse (fouille de Philippe Chapon, 2009, Inrap). |
Légende | Les pratiques « opportunistes » de récupération de matériaux courants dans la construction de tombes à la fin de l’Antiquité sont diverses mais la plus répandue sur la côte méditerranéenne est la réutilisation d’amphores. Elles ont l’avantage d’être disponibles en très grande quantité dans ces lieux de forts échanges commerciaux et d’être imputrescibles. |
Crédits | Cliché : Ph. Chapon, Inrap. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/24505/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 2,5M |
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Paul Jacob, « Éditorial [Recyclage et remploi] », Archéopages, 29 | 2010, 2-3.
Référence électronique
Jean-Paul Jacob, « Éditorial [Recyclage et remploi] », Archéopages [En ligne], 29 | 2010, mis en ligne le 14 février 2025, consulté le 26 avril 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/24505 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/13es8
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page