Édifices cultuels voconces
Texte intégral
Site
Plaine de La Chau, La Bâtie-Montsaléon, Hautes Alpes
Date
Août 2010
Surface fouillée
1 980 m2
1Le modeste village de la Bâtie-Montsaléon a connu une intense activité archéologique dès 1804, sous l’impulsion des premiers préfets des Hautes-Alpes, Bonnaire puis Ladoucette. Des dégagements massifs ont alors été réalisés. Par la suite, peu de recherches ont été entreprises dans cette « agglomération secondaire » qui est aussi une mutatio connue par deux itinéraires antiques sous le nom de Mons Seleucus. La toute récente fouille a mis au jour trois édifices cultuels de type fanum dans un temenos, au sein d’un long péribole dégagé sur 55 m [ill.1]. Ces temples remontent à la période d’Auguste (30-15 avant notre ère). Le quartier a été fréquenté jusqu’aux dernières années du ive siècle mais il reste impossible de préciser le moment où les cultes païens disparaissent. Il est en tout cas certain que les édifices n’ont pas été réutilisés par des fidèles chrétiens car la ville est alors désertée.
2L’architecture de ces édifices et le matériel récolté vont permettre d’approfondir nos connaissances sur la religion des Voconces. Ce peuple aux deux capitales, Vaison et Luc-en-Diois, est un précoce allié des Romains - dès le iie s. avant notre ère - entre les Allobroges, au nord des Alpes, et les Celto-Ligures, comme les Salyens, au sud. L’agglomération de Mons Seleucus est située à la limite nord-orientale du pays voconce. L’importance des échanges économiques y est sensible à travers un cortège céramique d’origine fortement allochtone. La description du fanum B permet de préciser cet urbanisme romain sous influence gauloise.
3La cella du fanum B [ill.2], de petite taille (3,15 m sur 1,75 m), est divisée en deux parts inégales par un mur distinguant, à l’ouest, un pronaos (1,10 m sur 1,75 m) et, à l’est, une cella à peine plus vaste (2,05 m sur 1,75 m). Le sol est pavé d’un radier de très gros galets sans doute masqués à l’origine par de la terre battue. La cella est entourée d’une galerie de 7,50 m sur 6,50 m dont l’entrée est matérialisée au sud par une dalle en lauze calcaire. Le plan initial, orienté à 46° E, a été modifié lors de la création du péribole qui imposa une nouvelle orientation en empiétant sur la galerie. Un plan concerté avec un axe principal à 39° E est alors établi lors de l’édification du fanum A, ainsi que dans le reste de la cité. Au vu du matériel très similaire rencontré dans chaque cas, ces constructions semblent se succéder dans un laps de temps très court.
4Le mur de galerie est du fanum arasé a été recoupé, après l’abandon, par une large fosse linéaire de 3 m sur 0,50 m, une favissa. Elle contenait 40 lampes à huile complètes, ainsi que nombre d’autres fragmentées, des miroirs en bronze poli et un petit autel à degré anépigraphique. Les lampes appartiennent en majorité aux types Loeschcke I et IV. De facture très homogène, en pâte claire couverte d’une engobe orange ou terre de Sienne, elles sont issues d’une fabrique locale non identifiée. L’iconographie de ces objets est très variée avec des représentations mythologiques (Bacchus, Jupiter, sphinge), animales (oie, sanglier, dauphin) ou de la vie quotidienne (armement de rétiaire) [ill.3]. La datation de cet ensemble, et par voie de conséquence celui de l’abandon du fanum B, ne dépasse pas le règne de Trajan (98-117).
3. Quelques-unes des40 lampes retrouvées dans la favissa du fanum B.

Il s’agit d’une production locale homogène du débutdu second siècle : a. armement de rétiaire, b. Bacchus, c. Jupiter.
L. Lefebre-Gonzales, Inrap.
5Le fanum A a connu moins de vicissitudes. Également de plan rectangulaire, il a une galerie aux murs plus étroits, de 7 m sur 6,40 m, avec une cella de 3,60 m sur 3,10 mdf<dfbh. Le fanum C est largement hors emprise, exception faite de son mur ouest. Sa longueur de 7,40 m est comparable aux mesures des autres temples et son orientation identique à celle du fanum B. Le temenos comporte aussi un édicule au plan en « U » accompagné de deux piliers carrés. Sa fonction nous reste inconnue (chapelle ? autel ? podium ?). Les élévations réalisées en galets abattus liés au mortier ou en petit appareil de calcaire local nous échappent pour l’essentiel, ainsi que l’appareil décoratif. Deux bases de colonnes, un fragment d’architrave et un petit autel sont les rares éléments préservés. En périphérie de la fouille se trouve un grand temple (54 m sur 45 m) repéré par photo aérienne (cf p. 82-83), mais jamais sondé, dont le plan évoque celui du temple de Chastelard, à Lardiers (Alpes-de-Haute-Provence).
6Le plan de ces édifices fouillés, sanctuaires multiples au plan sub-carré de petite dimension, renvoie à des exemples alpins. Tous les autres fana connus dans le sud-est de la Gaule se retrouvent plus au nord : Gap (Hautes-Alpes), Revel-Tourdan et Vienne (Isère), Châteauneuf et Petit-Saint-Bernard (Savoie), Présilly et Faverges (Haute-Savoie), Martigny (Suisse).
7Certains éléments du mobilier à caractère votif, comme la présence de clochettes, évoquent d’ailleurs les exemples alpins d’Annecy et de Martigny. D’autres dépôts semblent se retrouver dans tous les sites cultuels : monnaies (ici au nombre de 352, en majorité autour des temples), miroirs en bronze poli, fibules, anneaux, rouelles. Ils ne sont pas des marqueurs régionaux. Toutefois l’essentiel du mobilier a plus de parenté avec des exemples méridionaux, comme la grande quantité de lampes à huile, les anneaux ou les micro-céramiques : Peyruis (Alpe s-de-Haute-Provence), Lioux (Vaucluse),
8Cette dichotomie entre architecture d’inspiration alpine et dépôts sous influence méditerranéenne est un premier élément apporté par cette fouille confirmant le rôle charnière des Voconces entre cultures alpines et méditerranéennes. D’autres indices de zones cultuelles dans l’environnement urbain incitent à placer Mons Seleucus dans les « agglomérations sanctuaires ». L’étude actuelle donne plus d’épaisseur à l’hypothèse d’un site cultuel, au détriment de celle le considérant comme une simple mutatio dotée d’un ensemble cultuel destiné au service des voyageurs, qui nous apparaît aujourd’hui comme une hypothèse trop réductrice.
Table des illustrations
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Titre | 1. Plan du site, un péribole sépare la zone cultuelle de la zone profane. |
Crédits | DAO : S. Fournier, Inrap. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/24408/img-1.png |
Fichier | image/png, 237k |
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Titre | 2. La cella du fanum B, avec sa partition par un muret. |
Crédits | Cliché : L. Martin, Inrap. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/24408/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 940k |
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Titre | 3. Quelques-unes des40 lampes retrouvées dans la favissa du fanum B. |
Légende | Il s’agit d’une production locale homogène du débutdu second siècle : a. armement de rétiaire, b. Bacchus, c. Jupiter. |
Crédits | L. Lefebre-Gonzales, Inrap. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/24408/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 383k |
Pour citer cet article
Référence papier
Lucas Martin, « Édifices cultuels voconces », Archéopages, 30 | 2010, 84-85.
Référence électronique
Lucas Martin, « Édifices cultuels voconces », Archéopages [En ligne], 30 | 2010, mis en ligne le 31 janvier 2025, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/24408 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/137va
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