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4. Corpus et problématiques

Les bâtiments du Michelsberg de Cuiry-lès-Chaudardes

The Michelsberg culture buildings of Cuiry-lès-Chaudardes
Las construcciones de la cultura Michelsberg de Cuiry-lès-Chaudardes
Caroline Colas
p. 103-105

Entrées d’index

Mots-clés :

bâtiment sur poteaux

Index géographique :

Hauts-de-France, Aisne, Cuiry-lès-Chaudardes

Index chronologique :

Néolithique
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Texte intégral

1L’occupation Michelsberg se compose de quatre bâtiments accompagnés d’une sépulture et de quelques fosses [Fig.1] (Colas et al., à paraître). Trois autres bâtiments partiellement reconnus existent probablement. Les types de bâtiments, leur couverture, leur mobilier permettent de percevoir le caractère exceptionnel du site. La façade occidentale, composée de quatre (bât. 1, 2 et 4) ou six (bât. 3, 5 et 7 ?) trous de poteaux, forme une abside tandis que la façade orientale, plus étroite, n’en possède que deux [Fig.2]. Leur longueur, autour d’une dizaine de mètres de long, est st able tandis que la largeur varie de 3 et 6 m, pour le petit côté, et de 4 et 8 m, pour le grand. On peut ainsi distinguer deux catégories d’après leurs proportions : les bâtiments larges, dont la grande largeur correspond à environ la moitié de la longueur, et les bâtiments étroits, où elle n’en représente que le tiers.

1. Plan des vestiges archéologiques de Cuiry-lès-Chaudardes « Le Champ Tortu ».

1. Plan des vestiges archéologiques de Cuiry-lès-Chaudardes « Le Champ Tortu ».

Inrap

2. Plan des différents types de bâtiment.

2. Plan des différents types de bâtiment.

Inrap

2Le diamètre des trous de poteaux oscille entre 0,15 et 0,80 m et leur profondeur entre 0,06 m (pour les plus arasés) et 0,30 m (pour les mieux préservés). La plupart ont conservé l’empreinte du poteau disparu (fantôme). Il s’agit donc d’avant-trous destinés à recevoir le pilier en bois. La lecture des plans révèle l’absence de poteaux dans l’esp ace interne. L’espacement entre les poteaux latéraux suggère des murs extérieurs composés de poteaux d’armature destinés probablement à recevoir un clayonnage et du torchis et à supporter le toit. L’absence de poteaux faîtiers pose, cependant, problème si on envisage un toit à double pente. Des calculs effectués par des chercheurs allemands, en tenant compte des contraintes liées aux vents, au poids de la neige ainsi qu’au poids d’une couverture en motte de gazon, proposent deux possibilités pour couvrir un espace d’une dizaine de mètres (Zeeb-Lanz, 2001) : les chevrons du toit reposent sur les murs et sur le sol ou bien les chevrons sont enfoncés à l’oblique dans le sol. La poutre faîtière est, dans ce cas, ligaturée au niveau de l’entrecroisement des chevrons. Donc, à moins de supposer l’existence de poteaux centraux ou d’une tranchée de fondation externe aujourd’hui disparus, la charpente devait reposer directement sur les murs extérieurs.

3De même, l’espace interne n’était pas divisé ou bien les cloisons et les aménagements secondaires ont disparu. Le bâtiment 3 échappe à ce modèle. Plus large, il possède davantage de poteaux au niveau de l’abside. Une structure centrale composée de 4 poteaux était peut-être destinée à diminuer la portance et soutenir le toit [Fig.2]. Le bâtiment 5 appartient vraisemblablement à cette même famille. Le nombre de poteaux et la forme de l’abside conservée permettent un rapprochement avec le bâtiment 3. De même, la structure 142 a finalement été considérée sur plan comme un probable bâtiment supplémentaire, construit sur le même modèle que le bâtiment 3, mais dont les poteaux externes auraient disparu (orientation similaire). Des traces de structures en creux, considérées comme non probantes sur le terrain, pourraient en fait être le fond très mal conservé des poteaux de l’abside. Les absides, localisées du côté occidental, sont peut-être à interpréter comme des pignons d’entrée protégeant des pluies dominantes et des vents froids, comme c’est le cas pour les maisons du Néolithique ancien. Excepté cet argument indirect, rien, dans les plans, ne permet de situer précisément les entrées.

4Les aspects techniques des tessons permettent de les assimiler à ceux de la culture Michelsberg (4 200-3 500 av. notre ère). Plusieurs trous de poteaux contenaient également des éclats de silex, de la faune et même un fragment de meule. La rareté des structures autour des unités d’habitation nous fait exclure la possibilité de mobilier erratique piégé lors du rebouchage des trous de poteaux. La présence de fragments d’os dans presque tous les bâtiments a permis d’effectuer des datations radiocarbones et de vérifier la pertinence du rattachement. Les cinq analyses situent cette occupation au Michelsberg récent entre 3 700 et 3 400 av. notre ère à deux sigmas Le seul autre gisement de cette période dans l’Aisne se situe à 800 mètres à l’ouest aux « Fontinettes ». Il s’agit du seul autre habitat du Michelsberg « ouvert ». Tous les autres sites sont des enceintes et un monument funéraire, et datent du Michelsberg ancien (4 200-4 000 av. notre ère) à deux sigmas. Le seul autre site d'habitat ouvert de cette période dans l'Aisne se situe à 800 mètres à l'ouest aux « Fontinettes ». Tous les autres sites sont des enceintes et un monument funéraire, datés du Michelsberg ancien (4 200-4 000 av. notre ère).

5Outre le plan potentiel mal conservé d’un bâtiment aux « Fontinettes », les sites de Berryau-Bac et d’Osly-Courtil sont les seuls de la région à avoir fourni des plans de maisons. Le bâtiment de Berry-au-Bac "Le Vieux Tordoir" est proche de ceux de Cuiry par ses dimensions (14 m de long sur 4 m de large) mais il en différe par la présence d'une rangée centrale de poteaux et son orientation nord-est /sud-ouest. La présence ou non d'une abside est discutée (Cottiaux, Robert, 1987 ; Dubouloz et al, 1996), de même que son appartenance à la culture du Cerny (Joseph et al., 2011).

6Les bâtiments de Berry-au-Bac « La Croix Maigret » (Dubouloz et al., 1982) d’Osly-Courtil « La Terre-Saint-Mard » (Dubouloz, 2000) ont des plans rectangulaires ou légèrement trapézoïdaux d’une vingtaine de mètres de long pour une dizaine de large, à trois rangées de poteaux porteurs avec des cloisons latérales, plantées séparément ou installées dans une tranchée commune. Pour trouver des éléments comparatifs du Michelsberg, il faut se tourner vers le site de Mairy (Marolles, 1989), dans les Ardennes, ou vers le groupe voisin de Spiere, à Carvin. Leurs bâtiments reprennent l’organisation des plans post-Rössen, mais peuvent atteindre des tailles bien supérieures et possèdent des murs latéraux en tranchées profondes. Les bâtiments trouvés récemment à Carvin « La Gare d’eau » (Monchablon et al., 2011) reprennent les caractéristiques générales de ceux de Mairy.

7Excepté l’orientation identique, ces plans tranchent totalement avec ceux de Cuiry-lès-Chaudardes « Le Champ Tortu ». Les plans rectangulaires sont remplacés par des plans polygonaux ; les dimensions chutent à une dizaine de mètres et les poteaux centraux et les cloisons latérales disparaissent totalement. Ces distinctions sont peut-être d’ordre chronologique. Les premiers édifices appartiennent au post-Rössen ou au Michelsberg ancien, tandis que ceux de Cuiry datent du Michelsberg récent. Compte tenu de la date « tardive » des bâtiments du « Champ Tortu », il est tentant de les considérer comme des prototypes des plans en abside du Néolithique final, mais les données radiocarbones révèlent l’ancienneté des plans rectangulaires sur ceux en abside.

8Le site Michelsberg de Cuiry-lès-Chaudardes « Le Champ Tortu » rassemble quatre à sept bâtiments. L’organisation en plan, les caractéristiques architectures communes et l’agencement similaire militent en faveur d’une certaine contemporanéité qui autorise à parler de village. Les plans des maisons, de forme polygonale avec une extrémité en abside, ne trouvent de comparaison ni dans ce qui précède ni dans ce qui succède. La disparition des poteaux faîtiers, des cloisons internes et des dimensions réduites contrastent totalement avec les quelques plans de bâtiments connus pour le début du Néolithique moyen II. Seule l’orientation est -ouest subsiste. Ces caractéristiques nouvelles sont peut-être chronologiques. L’étape du Michelsberg récent est, en effet, presque inconnue dans le Nord de la France. Mais aucun plan similaire ne semble exister, ni en Alsace, ni en Allemagne, où cette culture est mieux connue. Le caractère unique de ces bâtiments provient-il de l’état actuel de nos connaissances ou bien dénote-il d’une fonction particulière du site, difficile à appréhender pour le moment ? Ces réflexions seront à développer plus avant dans le cadre de la publication du site, mais il semble bien que, exceptée l’orientation, il ne reste plus rien du modèle architectural danubien qui a pourtant perduré pendant plusieurs siècles dans notre région et que l’on perçoit pourtant encore dans le bâtiment monumental de Beaurieux situé à quelques centaines de mètres (Colas et al., 2008) [cf. encadré de C. Colas sur le bâtiment monumental de Beaurieux].

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Bibliographie

colas c., gransar f., naze y., à paraître : Le village du Michelsberg récent Cuiry-Lès-Chaudardes « Le Champ Tortu », Rapport final d’opération de fouilles, Inrap.

Colas C., Thevenet C. Manolakakis L., Maigrot Y., Auxiette G., Chartier M., Baillieu M., Naze Y., 2008 : Beaurieux (Aisne) La Plaine, zone sud, tranche 2, Rapport de fouille intermédiaire, Inrap, SRA Picardie, 105 p., 67 fig. <https://dolia.inrap.fr/flora/ark:/64298/017893>.

Cottiaux R., Robert B., 1987 : « Le site Néolithique et des Ages des Métaux de Berry-au-Bac "Le Vieux Tordoir" », Fouilles Protohistoriques de la Vallée de L’Aisne, 15, p. 86-106.

Dubouloz J., Ilett M., Lasserre M., 1982 : « Enceintes et maisons chalcolithiques de Berry-au-Bac, la Croix Maigret (Aisne) », Le Néolithique de l’Est de la France, Actes du colloque de Sens, Société Archéologique de Sens, 1, p. 193-206.

Dubouloz J., Farruggia J.-P., Robert B., 1996 : « Bâtiments néolithiques non-rubanés à Berry-au-Bac "Le Vieux Tordoir", Aisne : présentation préliminaire », Internéo, p. 51-69.

Joseph F., Julien M., Leroy-Langelin E., Lorin Y. Praud Y., 2011 : « L’architecture domestique des sites du IIIe millénaire av. notre ère dans le Nord de la France. Le Néolithique du Nord de la France dans son contexte européen. Habitat et économie aux 4e et 3e millénaires av. notre ère », Revue Archéologique de Picardie, n° spécial 28, p. 249-272.

Marolle C., 1989 : « Le village Michelsberg des hautes Chanvières à Mairy », Gallia préhistoire, t. 31, p. 93-118.

Monchablon C., Baillieu M., Bouchet M., Goutelard A., Praud I., 2011, « L’enceinte Néolithique moyen II de Carvin "La Gare d’Eau" (Pas-de-Calais). Présentation préliminaire », in Bostyn F., Martial E., Praud I. (dir), Le Néolithique du nord de la France dans son contexte européen. Habitat et économie au 4e et 3e millénaires av. notre ère, Revue Archéologique de Picardie, n° spécial, 28, p. 407-417.

Zeeb-Lanz A., 2001 : « Maisons semi-excavées en Allemagne du Sud-Ouest : un mode d’habitat caractéristique pour le début du Néolithique récent ? », Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 98, n° 2, p. 285-297.

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Table des illustrations

Titre 1. Plan des vestiges archéologiques de Cuiry-lès-Chaudardes « Le Champ Tortu ».
Crédits Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/24000/img-1.png
Fichier image/png, 312k
Titre 2. Plan des différents types de bâtiment.
Crédits Inrap
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/24000/img-2.png
Fichier image/png, 84k
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Pour citer cet article

Référence papier

Caroline Colas, « Les bâtiments du Michelsberg de Cuiry-lès-Chaudardes »Archéopages, Hors-série 3 | 2012, 103-105.

Référence électronique

Caroline Colas, « Les bâtiments du Michelsberg de Cuiry-lès-Chaudardes »Archéopages [En ligne], Hors-série 3 | 2012, mis en ligne le 21 octobre 2024, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/24000 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12lm4

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Auteur

Caroline Colas

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