Site
Bas du chemin
Matignicourt-Goncourt
Marne
Date
Novembre 2010-juillet 2011
Superficie
2,3 ha
Équipe
Responsable de secteur
Céline Choquenet
Céramologue
Anne Delor-Ahü
Spécialiste des objets en fer
Nicolas Tisserand
Quatre imitations de nummi au type PAX AETERNITAS, GLORIA EXERCITVS et VICTORIAE DD AVGG Q NN découvertes dans des fosses de faux-monnayage du milieu du ive siècle, à Matignicourt-Goncourt, dans la Marne (responsable d’opération : A. Burgevin, Inrap).
Les quatre pièces sont présentées recto et verso.
© A. Burgevin, Inrap
1Le site se trouve dans la plaine alluviale de la Marne, au cœur du Perthois. L’opération fait suite à un diagnostic de 30 ha réalisé en 2005 (Remy, 2005) en vue de l’ouverture de carrières de granulats.
2Les découvertes ont mis en avant une succession d’occupations agropastorales réparties sur trois secteurs du Bronze final à la période mérovingienne. Pour la période gallo-romaine et particulièrement dans l’Antiquité tardive, cette zone du Perthois est très isolée : les agglomérations connues les plus proches sont Châlons-en-Champagne au nord-ouest et Gourzon au sud-est.
3C’est dans ce contexte que deux fosses réparties sur deux secteurs distants de près d’un kilomètre ont livré des imitations de monnaie ainsi que des flans non frappés du milieu du IVe siècle [ill. 1]. Les deux structures, 1146 et 3456, ont des dimensions et un plan plus ou moins similaire, particularité qu’on retrouve également dans leur profil. On constate ainsi la présence d’un surcreusement au tiers de la longueur, phénomène que les investigations de terrain n’ont pas permis d’éluder [ill. 2 et 3]. En revanche, l’étude du mobilier présent dans les comblements permet d’apporter quelques pistes.
1. Plan au 2000e levé topographique
DAO Duda, Inrap
2. Coupe de la fosse 1146.
DAO A. Burgevin, Inrap
3. Plan et coupe de la fosse 3456.
Dessin A. Burgevin, R. Durost, DAO G. Alberti, Inrap
4La structure 1146 contenait six monnaies, 21 flans, le fragment d’une herminette (dont il ne subsiste que la table et l’œil) [ill. 4] et un ciselet. La fosse 3456 contenait un mobilier plus abondant de 66 monnaies, 182 flans et 11 fragments de flans (frappés ou non), un ensemble céramique et plusieurs outils dont un ciselet. La différence importante entre les contenus peut s’expliquer par un biais méthodologique. En effet, la fosse la plus riche a été traitée 50 % à la minipelle et 50 % à la main et au détecteur de métaux alors que la seconde a été traitée mécaniquement à 100 % (faute de temps…).
4. Herminette, M04, échelle 1/2
Dessin J. Gelot, Inrap
5Les monnaies découvertes sont des imitations de nummi (nummus : monnaie de bronze instituée en 294 par Dioclétien, Amandry, 2001) de type PAX AETERNITAS, GLORIA EXERCITVS [ill. 5] et VICTORIAE DD AVGG Q NN dont les originaux sont frappés entre 335 et 348. Elles représentent les dernières séries de nummi frappées avant la réforme de Constance II qui refonde le monnayage en 348.
5. Jet de coulée, M29, échelle 1/1
Dessin J. Gelot, Inrap
6L’étude en cours a permis de mettre en évidence des liaisons de coins entre les types imités dans chaque fosse et entre les fosses. Que de la fausse monnaie circule à deux endroits d’un même site n’est pas une révélation ; en revanche, que de l’outillage y soit associé devient plus intéressant, car le talon d’herminette aurait pu servir, en réutilisation opportune, de marteau ou support de frappe, et les ciselets à débiter les flans.
7Tous ces objets sont également accompagnés d’éléments rappelant le travail de la matière première. Par exemple, un petit cylindre ainsi qu’un jet de coulée [ill. 5] en alliage cuivreux du diamètre des flans ont été découvert dans la structure 3456. Or, il n’y avait pas d’autre indicateur d’activité artisanale ou métallurgique autour de ces deux fosses. Elles auraient donc pu accueillir ces activités, du moins celle de débitage et de frappe des flans. La situation du surcreusement dans la fosse permet aussi d’envisager l’installation d’un support de travail, comme une enclume. Cette hypothèse est renforcée par la découverte de 28 flans et quatre monnaies dans la couche 5 de la structure 3456.
8Toutefois, il reste également à éclaircir des questions sur le fonctionnement de cet atelier : l’ouvrage se faisait-il en aire ouverte, sous une couverture ou était-il encadré par un système de cloisonnement ? Les deux fosses se situant à chaque fois en bordure de décapage, il n’a pas été possible de saisir complètement leur environnement.
9En revanche, si la nécessité de créer de la fausse monnaie, notamment par manque de numéraire, peut s’envisager aisément, il reste à expliquer l’abandon et le comblement des deux structures.