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AccueilNuméros32Éditorial [L’accès à l’eau]

Texte intégral

1La quête de l’eau, même sous nos latitudes, a toujours été un enjeu essentiel. L’archéologie nous révèle les conditions de sa captation, de son transport, de sa conservation ou de ses usages agricoles. Des solutions particulièrement canoniques sont mises en évidence par les chercheurs, mais aussi des bricolages fruits de l’expérience et de l’observation qui permettront à l’homme de s’adapter à la réalité géologique et climatique des lieux.

2L’homme a toujours recherché la présence de l’eau nécessaire à sa survie ou à ses besoins en force hydraulique pour s’installer, que ce soit en bordure de rivières, de ruisseaux, de lacs, ou encore à proximité de sources. Lorsque d’autres impératifs – géologiques, défensifs, économiques ou politiques – l’ont conduit à choisir des lieux d’habitat pauvres en eau, il s’est ingénié à la trouver et à la conserver sur place : puits parfois très profonds, mares, citernes, aljibes... De multiples autres solutions ont été imaginées, utilisant au mieux l’environnement : ainsi dans la garrigue montpelliéraine, au Néolithique final, près de villages de type Fonbouisse, de grands récipients étaient disposés sous les stalactites d’avens pour recueillir l’eau qui en stillait. Dans d’autres cas, plus récents, l’homme a cherché des solutions pour la faire venir à lui. Le monde romain a ainsi multiplié les usages de l’eau, ce qui en a considérablement augmenté le besoin… Cette époque a connu un développement important de l’art de l’hydraulique : chacun connaît le pont du Gard, emblématique pont-canal de l’aqueduc de Nîmes ; il ne doit pas faire oublier que toutes les villes de la Gaule, du nord comme du sud, avaient elles aussi leurs aqueducs. Et les plus avertis penseront à l’extraordinaire meunerie antique de Barbegal, aux environs d’Arles, alimentée par un aqueduc qui doublait celui de la ville et exploitait une source des Alpilles (découverte lors d’une opération d’archéologie préventive) pour actionner une extraordinaire série de roues à aubes parallèles disposées en cascade. L’eau était alors si stratégique, qu’elle dépendait des pouvoirs publics, comme en témoigne l’inscription « RPBV », marquée au fer sur des tuyaux en bois des années 158-162 de notre ère, découverts à Bordeaux, et signifiant Res Publica Biturigum Viviscorum. Il est intéressant de remarquer que différentes sources d’approvisionnement étaient souvent cumulées : aqueduc, citerne, puits et parfois source, car les Romains avaient une idée très précise sur des degrés de potabilité de l’eau et des utilisations différenciées qu’on pouvait en faire.

3L’époque médiévale n’a pas échappé à cette quête récurrente de l’eau. Si nous ne possédons que peu, voire aucune trace de grands ouvrages hydrauliques du haut Moyen Âge, où mares et puits étaient présents à proximité des habitats, plus tard nombre de châteaux hauts perchés seront dotés d’ingénieuses citernes destinées à recueillir, conserver et purifier l’eau. L’approvisionnement des villes, en plein essor, tant pour la consommation, que pour les étuves, les moulins… est également une problématique intéressante. Il en va de même pour les abbayes où l’eau fait l’objet d’une double gestion : celle destinée à l’approvisionnement mais aussi celle de son évacuation par drainage de lieux humides voire marécageux. Pour des périodes plus récentes encore, Marseille conserve, près de la porte d’Aix, quelques arches de l’aqueduc dit « de l’Huveaune » qui alimentait la ville en eau au XVIIe siècle. D’autres systèmes, également réalisés durant la période moderne, témoignent de l’efficacité des dispositifs mis en place pour alimenter abbayes, demeures ou fermes. Deux exemples parmi d’autres : à la chartreuse de La Verne, dans le massif des Maures, l’eau était conduite de la source au monastère dans des tuyaux de terre cuite circulant dans des galeries souterraines voutées aisément accessibles pour permettre leur entretien ; tandis que l’eau de la source, surmontant l’habitation jésuite de Loyola, en Guyane, était amenée par des tuyaux, probablement en bois, calés dans un berceau de tuiles rondes supporté par un muret établi le long de la pente et destiné à en supprimer les irrégularités.

4Que les exemples et les réflexions recensés dans cette édition d’Archéopages soient une incitation à approfondir la connaissance des rapports de l’Homme à l’eau, source de vie, d’hygiène, de confort et d’énergie. Que notre soif de savoir soit aussi inextinguible que notre soif d’eau.

Vue vers le sud d’une partie de l’aqueduc antique découvert sur le site de la Fontaine de l’Étuvée, près d’Orléans.

Vue vers le sud d’une partie de l’aqueduc antique découvert sur le site de la Fontaine de l’Étuvée, près d’Orléans.

Particulièrement intéressant par les errances de sa construction (les maçonneries sont considérablement altérées par la circulation des eaux de ruissellement). Responsable d’opération : F. Verneau, Inrap.

Cliché : M. Noël, Inrap.

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Table des illustrations

Titre Vue vers le sud d’une partie de l’aqueduc antique découvert sur le site de la Fontaine de l’Étuvée, près d’Orléans.
Légende Particulièrement intéressant par les errances de sa construction (les maçonneries sont considérablement altérées par la circulation des eaux de ruissellement). Responsable d’opération : F. Verneau, Inrap.
Crédits Cliché : M. Noël, Inrap.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/17823/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 2,4M
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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Paul Jacob, « Éditorial [L’accès à l’eau] »Archéopages, 32 | 2011, 2-3.

Référence électronique

Jean-Paul Jacob, « Éditorial [L’accès à l’eau] »Archéopages [En ligne], 32 | 2011, mis en ligne le 19 juillet 2024, consulté le 26 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/17823 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/121y1

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Auteur

Jean-Paul Jacob

Président de l’Inrap

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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