Site
Talmont-Saint-Hilaire
Vendée
Date
août-octobre 2021
Surface
2 500 m²
Équipe
Étude archéo-ichtiologique : Aurélia Borvon, UMR 7041 « ArScAn »
1L’emprise est localisée en cœur de bourg, au pied du site castral installé sur un éperon rocheux. Ce dernier a fait l’objet de plusieurs campagnes de fouilles programmées depuis 2003 (Prouteau, Bethus 2014). Le bourg actuel est situé à quelques kilomètres des plages de l’océan Atlantique, dans un marais irrigué par un fleuve côtier. Le paysage est aujourd’hui fortement marqué par les salines, et le château constitue un important site touristique à l’échelle régionale. La documentation de l’histoire maritime du château a été renouvelée par la fouille, car l’équipe de terrain et les spécialistes ont pu mettre en évidence plusieurs phases d’aménagement de structures en lien avec une activité portuaire : quais de déchargement en bois puis en pierre, canaux, probable moulin (Augry dir. à paraître)… Les conditions de conservation favorables ont permis la récolte de nombreux restes organiques tant végétaux (pollens, graines de raisin, de lin, etc.) qu’animaux (ossements de mammifères, d’oiseaux, de poissons ; coquilles de mollusques et carapaces de crustacés ; exosquelettes d’insectes). Ces restes fauniques variés proviennent de zones de dépotoirs ou de comblement de canaux, ou bien encore des remblais et matériaux mis en œuvre pour le renfort des berges.
2Les premières phases d’activité sont datées par dendrochronologie du premier tiers du xie siècle, période durant laquelle les comtes de Poitiers cherchent à contrôler le territoire littoral mais aussi à exploiter les nombreuses ressources disponibles. L’emprise de fouille se situe au cœur de la ville basse, centre névralgique économique et artisanal. Une importante activité humaine perdure ainsi jusqu’au xviie siècle, moment où le château perd sa fonction militaire et où les lieux se trouvent peu à peu envasés. Il est notable que le site portuaire évolue peu ou prou en même temps que la forteresse ; il semble en particulier que la phase de construction des quais en pierre corresponde avec le programme de fortification mené par Savary de Mauléon pour le compte des Plantagenêts au début du xiiie siècle.
3C’est dans les niveaux de comblement d’un canal, antérieur au xiiie siècle, que les restes d’un poisson un peu particulier ont été découverts, entre autres vestiges singuliers ou plus communs (détente d’arbalète, lingots de plomb, plombs de pêche, ancres, restes de mollusques et de crustacés, etc.) [ill. 1]. Il s’agit des vertèbres d’un ange de mer (Squatina squatina) [ill. 2 et 3]. Au nombre d’une cinquantaine et tous récoltés au même endroit, ces différents éléments de la colonne vertébrale paraissent provenir d’un seul et même individu, qui mesure entre 1 mètre et 1,10 m de long (collection de comparaison du musée des Sciences naturelles de Bruxelles, Wim Wouters). Appartenant au groupe des poissons cartilagineux ou Chondrichtyens — qui comprend les raies et les requins —, cette espèce est aujourd’hui très menacée et considérée en danger critique d’extinction par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Elle est classée dans la liste des cent espèces les plus menacées au monde. Démersale (qui vit près du fond), elle affectionne les environnements sablo-vaseux, tels qu’ils sont encore présents non loin du site de Talmont. L’étude des sources historiques modernes analysées en détail dans le sud-ouest de l’Angleterre montre l’importance de cette espèce comme ressource économique, suggérant également que le déclin de la population de cette espèce intrinsèquement vulnérable (croissance lente, faible taux de reproduction) a commencé il y a des siècles (Moore, Hiddink 2022). Sa surexploitation a provoqué une diminution des populations, qui se sont éteintes dans la majeure partie de son ancienne aire de répartition. Sans être très rare dans les sources archéologiques, l’Ange de mer n’est pas non plus très fréquent. Sa mention à Talmont constitue une donnée d’importance dans la connaissance de son aire de répartition passée et dans les éventuelles actions à mener pour sa protection. Ainsi, la fouille archéologique rejoint des problématiques actuelles de conservation en permettant une meilleure connaissance de la biodiversité passée.
1. Premiers états des aménagements portuaires du XIe siècle et localisation de la découverte.
S. Augry/Inrap.
2.Vertèbres de l’ange de mer (Squatina squatina) du port médiéval de Talmont-Saint-Hilaire.
A. Borvon.
3. Ange de mer (Squatina squatina) actuel.
S. Iglésias/Muséum national d’histoire naturelle.