Site
ZAC des Touches, tranche 2
Pacé
Ille-et-Vilaine
Date
2017
Surface
5,7 ha
Équipe
Responsable d’opération : Stéphane Bourne, Inrap
Restauratrice-conservatrice : Marina Biron, Inrap

1En 2017 ont été découverts près de Rennes des fragments d’une céramique exceptionnelle pour la région (Bourne 2017 ; Delage dir. 2022). Il s’agit d’un vase à visage, c’est-à-dire comportant en relief tous les éléments caractéristiques qui composent et donnent sa personnalité au faciès humain : yeux, nez, bouche, mais aussi menton, sourcils et oreilles.

2C’est la première fois qu’une telle céramique est mise au jour en Bretagne. Dans l’Ouest de la France, les exemplaires connus se comptent sur les doigts d’une main. En revanche, dans l’Est et le Nord mais aussi, d’un point de vue général, dans toute la zone Rhin-Danube, il n’est pas rare de découvrir des fragments caractéristiques [ill. 1]. Les plus anciennes créations datent de la fin du i^er siècle avant notre ère et sont originaires d’Italie, où elles prennent notamment la forme de petits récipients aux traits morphologiques exacerbés [ill. 2]. Dans le Nord de la Gaule, les vases à visage nerviens se singularisent également : les décors sont obtenus à l’aide de moules, puis retravaillés, et forment parfois des compositions complexes qui constituent de précieux témoignages du fait religieux (Van Andringa 2000). Mais l’essentiel du corpus se compose de vases à visage qui, dans un premier temps, ne sont vraisemblablement que de simples « coquilles vides » (Braithwaite 2007). C’est lors d’un rituel, d’une initiation ou d’une cérémonie qu’ils s’incarnent. Le visage, le regard, devient ainsi protecteur ou assume toute autre fonction que lui aura assignée le dédicant. D’où la multiplicité des interprétations proposées en lien avec des territoires, des cultures et des époques différentes : diverses divinités sont identifiées, dont Mercure, mais on associe aussi ces objets avec des génies ou les pénates, c’est-à-dire les protecteurs du foyer domestique (Brulet, Vilvorder dir. 2004 ; Schindler Kaudelka et al. 2000 ; Scherrer 2021).

1. Lieux de découverte de vases à visage dans le monde romain occidental.

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R. Delage/Inrap (d’après Braithwaite 2007 ; Amand 1984 ; inédits).

2. Vase à visage italique issu des fouilles du Magdalensberg (Carinthie, Autriche), I^er siècle de notre ère.

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E. Schindler-Kaudelka.

3Le vase de Pacé est un pot de couleur orangée avec une partie avant presque complète (visage), mais dont l’arrière fait défaut [ill. 3]. Sa forme est relativement singulière pour le corpus des céramiques du Bassin rennais, et ses caractéristiques techniques ne permettent pas d’être affirmatif quant à une origine locale. Sur le plan stylistique, les analogies les plus pertinentes sont à trouver avec les vases rhénans postérieurs à la fin du ii^e siècle (groupe RD de Braithwaite 2007, p. 159 sq.), comme le montrent bien, par exemple, les découvertes de Welzheim (Bade-Wurtemberg, Allemagne ; Braithwaite 2007, F3, n^o 5), ou encore de Vindonissa (Argovie, Suisse ; Braithwaite 2007, F4, n^o 3) [ill. 4]. Mais il s’agit là avant tout d’une filiation théorique qui n’implique pas que le vase de Pacé soit originaire de cette région.

3. Photo (a) et relevé (b) du vase à visage de Pacé (Ille-et-Vilaine), restauré par M. Biron (Inrap).

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a : E. Collado/Inrap ; b : P. Pihuit/Inrap.

4. Correspondance des vases à visage de Pacé (a), Welzheim (b) et Vindonissa (c).

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R. Delage/Inrap, d’après G. Braithwaite.

4Son contexte de découverte peut paraître au premier abord peu signifiant. Il a été mis au jour à l’occasion d’un diagnostic archéologique mené sur la commune de Pacé, dans le Bassin rennais, un secteur riche en occupations protohistoriques et gallo-romaines, avec notamment la présence possible d’une agglomération secondaire. Le diagnostic n’a toutefois livré aucune occupation antique, mais plutôt un parcellaire gaulois. Le vase serait issu d’une « poche » sise dans le comblement d’un de ces fossés. Et si, en définitive, ce « non-contexte » en était un ? C’est-à-dire que le vase (ou ce qu’il en reste) aurait été placé volontairement dans ce secteur isolé de toute occupation contemporaine.

5Pour ce type de production particulière, il s’agit là d’un acte aujourd’hui parfaitement documenté par des études portant sur les sanctuaires ou lieux de dévotion plus ou moins informels (Van Andringa dir. 2014 ; Luginbühl et al. dir . 2015). À l’image des exemples de Tirlemont (Brabant flamand, Belgique) ou de Mayence (Rhénanie-Palatinat, Allemagne) qui concernent des céramiques du culte de Mithra, le vase de Pacé aurait pu être découpé pour en extraire la partie la plus significative (Martens 2021). À Famars (Nord), un vase à buste a été définitivement soustrait au regard, au cours de la seconde moitié du iii^e siècle, et enterré avec soin dans une fosse (Clotuche et al. 2017). Ces quelques exemples, et bien d’autres encore, relèvent de ce qu’il est convenu d’appeler « les dépôts rituels », qui concernent des pratiques diversifiées en lien avec le sacré, dont celle de cacher des objets consacrés une fois qu’ils ne sont plus en usage.Est-ce le cas à Pacé ? Les indices convergent : isolement, vase découpé, origine (au moins stylistique) extrarégionale ; tout concourt à proposer pour ce vase extraordinaire une destinée non moins extraordinaire.