Site
Parc du château
Liancourt
Oise
Date
octobre 2016
1Encore très mal connu en 2011 lors des premiers diagnostics (Poussard, 2006 ; Bernard, 2011 ; Bourguignon, 2013), le parc à fontaines du château de Liancourt, qui fut l’un des plus beaux du royaume à partir du milieu du xviie siècle, est désormais bien mieux compris. Il a été possible dans le cadre d’une collaboration entre l’Inrap, l’école nationale des arts et métiers et les Amis de l’Histoire, grâce aux fouilles successives et à l’étude très approfondie des sources archivées graphiques et textuelles (Bernard et. al., 2013 ; Bernard, 2015 ; Bellagamba, 2015-2016), de proposer une restitution des quatre états successifs du jardin avant sa disparition à la fin du xixe siècle et de son plan de distribution de l’eau. Le parc occupait toute la rive gauche de la rivière Brèche, affluente de l’Oise, jusqu’au sommet de la vallée où étaient captées les nombreuses sources fournissant une partie de l’eau aux nombreux jets, bouillons, canaux, bassins et fontaines (Mignot, 2016).
2Un diagnostic mené en 2016, en lien avec un projet de voirie départementale, a permis d’intéressantes observations complémentaires, notamment la découverte d’un bassin fort mal situé par les textes [ill. 1]. Il n’a malheureusement été observé que le dernier jour de l’opération et le temps a manqué pour le dégager aussi finement qu’il le méritait. La margelle n’est que partiellement conservée et sur une seule assise d’épaisseur. On observe une section droite large de 80 cm en moellons calcaires liés au mortier, visible sur une longueur de 4,60 m. On trouve par ailleurs l’empreinte dans le sédiment encaissant des parties disparues, ce qui permet de restituer le plan du bassin [ill. 2]. La margelle est contournée par un épandage de gravier qui forme une allée confortable large d’environ 2,70 m. Ce sédiment à base d’éclats de silex est bien reconnaissable, car présent sur l’ensemble du site où il a été systématiquement utilisé pour le traitement des niveaux de circulation. Le centre de l’aménagement est occupé par un massif maçonné constitué d’une épaisse masse de moellons noyés dans un mortier de chaux entourant un solide socle central fait de quatre très gros monolithes calcaires taillés dont subsistent l’assise inférieure et un bloc de l’assise supérieure. Le fond est constitué d’un épandage à peu près plan de sédiment naturel sableux, marqué par des dépôts tartreux avec quelques graviers et des déchets de mortier hydraulique. Il n’y a aucune étanchéité, fait étonnant qui avait déjà été remarqué au bassin des 7 fontaines (Bernard, 2015) : à l’évidence, ce secteur de fond de vallée est tant gorgé d’eau qu’il est inutile d’étanchéifier les bassins ! Deux tuyaux, composés de tubes en céramique, emboîtés et soutenus par un muret maçonné en moellons, étanchéifiés par une gangue de mortier, semblent liés à la structure. L’adduction est assurée par un tuyau qu’on retrouve sous l’allée extérieure. Il est prolongé par une courte section de tuyau en plomb, vestige du tube qui assurait la liaison avec la structure centrale [ill. 3]. Un gros tuyau sert d’exutoire [ill. 4].
1. Vestiges du bassin découvert en 2016 : la canalisation d’arrivée d’eau sous pression alimentait le bassin dont la surface et la forme sont indiquées par la margelle et le socle central, une autre canalisation permettant l’évacuation du trop-plein.
2504 : allée, 2505 : margelle, 2506 : fond, 2507 : socle central, 2511 : canalisation d’arrivée d’eau sous pression, 2604 : canalisation de trop-plein.
© J.-L. Bernard, Inrap
2. Restitution du plan du bassin, centré, à pans coupés longs de 6,80 m environ, et octogonal.
© J.-L. Bernard, Inrap
3. Tubes en céramique emboîtés, enchâssés dans une gangue maçonnée, partie du système d’adduction d’eau (2511 ; diamètre intérieur : 5,2 cm) de la seconde moitié du xviiie siècle et raccord avec le tuyau de plomb menant à l’ajutage.
© J.-L. Bernard, Inrap
4. Partie la mieux conservée du tuyau de la seconde moitié du xviiie siècle évacuant l’eau du bassin (2604 ; Diamètre intérieur : 180 mm) vers le grand canal (situé sous la haie d’arbres derrière les véhicules).
Il a été observé jusqu’au bord de la margelle sur une distance de 59,76 m.
© J.-L. Bernard, Inrap
3La présence de ce qui ressemble beaucoup à un bassin avec fontaine centrale n’était pas attendue à cet endroit, à l’extrémité du parc, contre l’allée du fond. Le bassin le plus proche – « les Caillerins » représenté sur le plan Desmarest de 1743 – n’est mentionné par aucune source textuelle connue. Cette identification est peu probable car les recollements de plans montrent un écart de 70 m, ce qui paraît excessif même en tenant compte des incertitudes d’échelles. Par ailleurs, le plan d’archives figure clairement un bassin circulaire alors que nous découvrons un bassin octogonal. Une autre hypothèse envisagée est l’attribution du bassin découvert à la grande vasque du xvie siècle en marbre de Carrare achetée au xviiie siècle à Florence par le duc de la Rochefoucault et installée dans le parc. Son poids considérable et ses dimensions pourraient s’accorder avec le très fort massif de fondation découvert au centre du bassin. L’emplacement de cette vasque, conservée aujourd’hui dans le parc de la Rochefoucault en Charente, est incertaine car les descriptions de voyageurs sont imprécises. Jusqu’à présent, on est plutôt tenté de la positionner du côté du bassin des 7 fontaines.
4L’hypothèse la plus conforme aux descriptions dont nous disposons consiste à rapprocher cette fontaine du grand jet du xviiie siècle. Les guides de voyage (Villiers, 1802, p. 509) suggèrent en effet que le grand jet du xviie siècle, qui était dans l’axe de la façade du château, a été déplacé au siècle suivant et réinstallé dans un bassin octogonal, dans le cadre du réaménagement du parc, en même temps que sa puissance de jaillissement était réduite à 15 m. Loin d’être resté l’attraction majeure du parc, le grand jet serait donc repoussé à l’extrémité du jardin, au bord de l’allée périphérique [ill. 5]. Les canalisations ne figurent pas sur les plans, mais on peut supposer raisonnablement que la petite conduite forcée qui l’alimente vient de la machine dont la colonne d’eau est de l’ordre de 16 m, et que le gros tuyau de trop-plein rejetait son eau dans le grand canal distant de 140 m.
5. L’emprise du diagnostic et le plan par masses de cultures, fin du xviiie siècle, alors que le parc est abandonné.
Le cercle non renseigné visible sous le bassin marque probablement le souvenir de ce dernier. Le grand canal est coloré en bleu.
© Archives départementales de l’Oise, PP 5093 TA. DAO : JL Bernard. Inrap.