- 1 J. Lasfargues était alors directeur des Antiquités historiques pour la région Rhône-Alpes.
- 2 Depuis codifié au sein du Code du patrimoine dans son article L.521-1.
1Passer systématiquement du stade du sauvetage à celui de fouille préventive »1. Dans ces mots de Jacques Lasfargues (Lasfargues 2009), écrits plus de deux décennies avant l’adoption de la loi, se trouve déjà toute l’ambition de l’archéologie préventive telle qu’elle s’est mise en place et organisée depuis le 17 janvier 2001. L’article premier de la loi2, qui en donne la définition juridique, précise qu’« elle a pour objet d’assurer, à terre et sous les eaux, dans les délais appropriés, la détection, la conservation ou la sauvegarde par l’étude scientifique des éléments du patrimoine archéologique affectés ou susceptibles d’être affectés par les travaux publics ou privés concourant à l’aménagement ».
- 3 Jean-Luc Massy, avant-propos du Bilan scientifique 2002 du Drassm.
- 4 Qui inclut les domaines lacustre et fluvial.
2Les milieux sous-marins et subaquatiques sont donc bien explicitement pris en compte, dès le départ, dans le périmètre d’application des dispositions qui organisent la détection et l’étude scientifique des sites menacés par des aménagements. Au cours des années 1990, le Drassm avait ponctuellement instruit quelques dossiers dans le cadre d’opérations de sauvetage ; avec la loi de 2001, il met en place une « politique plus systématique d’évocation et d’instruction des dossiers d’aménagements »3, puisqu’au même titre que les services régionaux de l’archéologie des Drac/Dac dans leur ressort territorial4, le Drassm est désormais en charge, pour l’ensemble du domaine public maritime, dans l’Hexagone comme dans les collectivités d’outre-mer où le livre V du Code du patrimoine est applicable, de prescrire les diagnostics et les fouilles, en définissant les objectifs scientifiques, désignant les responsables scientifiques et s’assurant du bon déroulement des recherches, au titre du contrôle scientifique et technique.
- 5 Livre blanc de l’archéologie préventive, réalisé à l’issue des travaux de la Commission d’évaluatio (...)
- 6 Article 2 du décret n° 2017-925 du 9 mai 2017 relatif aux procédures administratives en matière d’a (...)
- 7 Le DPM comprend la zone d’estran et la mer territoriale, jusqu’à 12 milles des côtes françaises, al (...)
- 8 Introduite par la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 – art. 79 (V).
- 9 Disposition abrogée par le décret n° 2017-925 du 9 mai 2017 – art. 6.
3Mais hélas, il s’est rapidement avéré que, dans ce nouveau régime, l’archéologie dans le milieu sous-marin constituait un « angle mort »5 induisant de fortes incertitudes et ce, alors même que le développement des aménagements littoraux et maritimes ouvrait déjà un vrai champ d’application. Ceux-ci n’ont fait depuis lors que se développer : l’éolien maritime, dont le premier parc a été installé au Danemark en 2002, les réseaux de câbles sous-marins, de transport d’électricité et de télécommunication, avec le déploiement depuis 1988 de câbles numériques aux protocoles toujours plus performants, les aménagements portuaires en lien avec l’expansion du commerce maritime comme avec celle des activités touristiques, ou l’extraction de granulats marins. Pour cerner cet angle mort, on peut évoquer l’absence de délimitation explicite du rôle des instances pour le domaine maritime concerné, jusqu’à l’introduction en 20176 de la disposition selon laquelle « le ministre chargé de la culture exerce les compétences dévolues au préfet de région lorsque les opérations d’aménagement ou de travaux sont situées dans le domaine public maritime et la zone contiguë7 » ; mais également, l’absence jusqu’en 20188 de prise en compte des spécificités des aménagements maritimes offshores dans la définition de la redevance d’archéologie préventive ; enfin, et probablement un des points les plus dommageables, le fait d’avoir laissé la responsabilité de la saisine du Drassm au maître d’ouvrage jusqu’en 20179.
- 10 Aménagement d’installations pour l’accueil des porte-conteneurs.
- 11 Plusieurs canons en fonte de fer, remontés sans déclaration et entreposés dans les locaux portuaire (...)
- 12 Cinq des 19 cibles étudiées au cours de la campagne ont révélé des vestiges d’épaves de navires con (...)
4L’opération préventive organisée fin 2002 au Havre, dans le cadre du projet Port 200010, illustre bien ces problèmes alors structurels puisque cinq années préparatoires - en partie donc sur la période précédant l’adoption de la loi - ont été gâchées par une méconnaissance des procédures comme de l’état scientifique du dossier. Le constat d’atteintes majeures à un site archéologique et au mobilier présent11 a débouché, dans le nouveau cadre normatif, sur la prescription en urgence d’une opération de prospection méthodique préventive, sur un périmètre où une première série de travaux potentiellement destructeurs, en particulier de dragages profonds, avait déjà été engagée. L’opération, inscrite dans le cadre de la loi sur l’archéologie préventive, mais organisée, au regard des contraintes et de l’urgence, dans une logique de sauvetage, s’est déroulée de décembre 2002 à avril 2003. Les différents impératifs ont imposé un compromis raisonné afin de ne pas bloquer l’activité portuaire ni interrompre les travaux, tout en permettant de confirmer, dans des conditions souvent difficiles, le potentiel archéologique de la zone. En ce sens, elle reste une opération fondatrice, malgré un contexte délicat et l’urgence qui a prévalu pour élaborer le projet scientifique d’intervention, qui a réussi à concilier, tel que le conçoit le code du patrimoine, la protection du patrimoine et les enjeux de développement des territoires. Elle a combiné une analyse méthodique centrée sur les 19 anomalies (perturbations magnétiques) classées d’intérêt archéologique parmi les 11 000 localisées lors des prospections préalables aux dragages, conduite avec une équipe contractée par l’Inrap, et une étude systématique des fonds d’archives, qui a permis de documenter les naufrages ainsi que l’évolution des structures portuaires et urbaines, en particulier par superpositions cartographiques. Du fait de la turbidité séquanienne, d’un contexte hydrogéologique et d’une courantologie complexes, et de la présence de munitions le Drassm a limité les plongées de vérification au seul contrôle des épaves identifiées12, le reste de l’opération s’appuyant sur un protocole de suivi systématique et permanent des dragages, proche des suivis de décapage pratiqués sur les chantiers terrestres. Un ponton-pelle et un ponton-grue ont été affectés à la prospection et ont opéré par prélèvement sur le fond puis transport sur la trémie d’un chaland [ill. 1] en vue d’un examen méthodique. Dans ce contexte très particulier, c’est bien une méthodologie de l’approche préventive qui a été définie et mise en œuvre, permettant l’étude de neuf sites, l’identification de cinq épaves homogènes, dont celle d’une goélette perdue à l’embouchure en 1848 (épave LH1, La Fanny), avec un riche témoignage mobilier [ill. 2] ainsi que de trois canons. L’étude documentaire a par ailleurs permis d’établir que plusieurs épaves des xvie et xviie siècles présentes dans la zone reposaient probablement protégées sous plusieurs mètres de sédiments, voire de béton, depuis les précédents agrandissements du port.
1. Prospection préventive dans le cadre de Port 2000 au Havre.
Dirigée par M. L’Hour et A. Hoyau en 2003.
M. Lhour, Drassm.
2. Octant de l’épave LH1.
Instrument de mesure de la latitude, ancêtre du sextant, dont la construction associe le bois pour les parties structurelles, le laiton pour les vis et les supports de miroir et le verre comme filtre.
M. Lhour, Drassm.
- 13 Ceux-ci sont actuellement au nombre de deux, leur agrément couvrant les périodes allant de l’Antiqu (...)
- 14 Article 79 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, codifié (...)
5Les zones d’ombre du cadre législatif et fiscal défini par la loi de 2001 ont eu pour conséquences une dynamique de prescription limitée du côté du Drassm, un investissement tardif et longtemps timide dans le secteur de la part de l’Inrap – qui n’a initié la création de sa cellule subaquatique qu’en 2011. C’est par une disposition législative que l’application aux milieux littoraux et maritimes du droit commun a été confirmée : au Drassm, la mission régalienne de prescription et de contrôle scientifique et technique des opérations de diagnostics et de fouilles, à l’Inrap, celle de service public d’opérateur des diagnostics et, celle inscrite dans le secteur concurrentiel, d’opérateur de fouilles, à côté d’autres opérateurs ayant reçu un agrément du ministère de la Culture, après avis du CNRA13. Le sentiment d’imprécision dans la répartition opérationnelle des rôles, pendant ces années, a été renforcé par l’apparition du dispositif des évaluations. En effet, dans le contexte du développement de projets maritimes d’envergure comme les parcs éoliens offshores ou les exploitations de granulats marins, le ministère de la Culture a mis en place en 2014 un dispositif d’évaluation archéologique en mer à valeur de diagnostic mais réalisé par le Drassm ou sous sa responsabilité, dans le temps de l’étude d’impact et dans le cadre d’une convention avec les aménageurs, afin de leur permettre de mieux maîtriser les coûts et les délais liés à l’archéologie préventive. À l’origine transitoire, ce dispositif, qui intègre désormais l’Inrap comme l’opérateur de la phase expertise in situ, a pris place dans le Code du patrimoine en 2017 et 201814.
- 15 7 pour parcs éoliens, 9 pour raccordements à des parcs, 7 pour interconnexions électriques, 6 pour (...)
6La clarification des textes et la montée en puissance des évaluations archéologiques en mer ont permis au cours des dernières années un véritable essor de l’archéologie préventive dans le domaine public maritime. Le pôle subaquatique de l’Inrap a ainsi réalisé au cours des trois dernières années près d’une cinquantaine d’opérations de diagnostic sous les eaux, dont plus de la moitié en mer, en contexte offshore ou littoral et 29 projets15 ont donné lieu, à ce jour, à des conventions d’évaluations archéologiques entre le Drassm et les porteurs de projets.
7Si l’archéologie sous les eaux partage avec l’archéologie terrestre les mêmes enjeux scientifiques et patrimoniaux, les mêmes objectifs de détection, de fouille, de documentation et d’analyse, travailler sous les eaux implique toutefois une adaptation permanente des moyens et des méthodes éprouvées à terre. Le développement de l’archéologie préventive en mer conduit de plus les différents acteurs à développer méthodes et moyens pour explorer des espaces jusqu’alors laissés en jachère par la recherche programmée, car jugés trop contraignants, trop turbides, trop – ou trop peu – profonds, trop étendus, trop difficiles d’accès, trop pollués, etc. que ce soit au large des côtes ou à l’interface terre-mer.
8Un des enjeux essentiels est le renforcement et la consolidation de l’état des connaissances. En effet, la carte archéologique nationale est encore, de manière somme toute logique, très lacunaire, pour une large part du domaine public maritime quand elle n’est pas totalement muette sur des secteurs entiers. Dès lors, et alors qu’aucun zonage n’est établi –, son apport comme aide à la prescription et à la définition d’une stratégie d’intervention en vue d’une opération préventive reste encore relativement limité. C’est pourquoi un volet d’étude documentaire conséquent est souvent prescrit lors des diagnostics en milieu maritime. Si le potentiel scientifique du patrimoine immergé des littoraux français n’est plus à démontrer (L’Hour et al. 2016), sa détection, qui constitue le préalable naturel à sa sauvegarde par l’étude, est encore intimement dépendante des enjeux méthodologiques qui conditionne encore la jeune archéologie préventive sous les eaux.
- 16 Communication lors du 2e séminaire scientifique de l’Inrap « Le diagnostic comme outil de recherche (...)
9Sous les eaux, sauf cas très particulier, décapages, sondages et fouilles ne sont pas « mécanisés » : l’excavation des sédiments est faite à l’aide d’aspirateurs à sédiment maniés par des plongeurs [ill. 3], dont le temps de séjour en immersion est restreint. Alors que les outils comme les méthodes du sondage et de la fouille immergés sont éprouvés par la recherche programmée depuis près d’un demi-siècle, les superficies à prendre en compte dans le cadre de l’archéologie préventive entraînent un changement d’échelle majeur, avec un ratio surface sondée-durée d’opération sans commune mesure avec l’archéologie terrestre16. Comme ordre d’idée, l’ouverture d’une fenêtre de 4 m2 sur 2 m de profondeur, la documentation et le rebouchage du sondage, nécessite, selon la nature du sédiment, la complexité de la stratigraphie, la densité des vestiges découverts et la profondeur du site, au minimum une journée de travail pour une équipe de quatre à six plongeurs. Le diagnostic d’une emprise de 10 hectares, par moins de 20 m de fond, à 10 % de sa superficie comme cela se pratique à terre avec une pelle mécanique, nécessiterait donc 625 jours de travail effectif soit 2,6 ans à plein temps avec une équipe de 10 plongeurs. Point n’est besoin de préciser qu’il convient de trouver des approches alternatives pour procéder à un diagnostic systématique des fonds marins impactés.
3. Sondage sous-marin préalable à l’aménagement d’une zone de mouillage organisé au large de Cannes (Ile Sainte-Marguerite).
Responsable d’opération A. Sabastia, Inrap.
T. Seguin, Inrap.
10Pour appréhender des superficies de taille modeste, un maillage plus lâche permettant de sonder souvent moins de 1 % de l’emprise est généralement prescrit en association avec une prospection systématique de la surface du fond marin. On gardera bien à l’esprit, dans cette configuration, que les épaves, composantes scientifiques et patrimoniales importantes du panel de sites spécifiques aux milieux immergés, sont des ensembles clos, isolés et de petite dimension (potentiellement moins de 20 m de longueur), dont la localisation est somme toute assez aléatoire, puisqu’elle résulte généralement d’un accident survenu sur une « machine » en mouvement. Elles peuvent donc aisément passer au travers d’un maillage trop lâche si aucun indice n’est lisible à la surface du fond. Pour des superficies plus étendues – par exemple, un parc éolien offshore peut s’étendre sur près de 10 km2 – prospection à vue et sondages systématiques sont inenvisageables. La problématique liée au ratio temps/superficie à étudier se pose nécessairement aussi pour les opérations de fouille préventive, encore peu nombreuses mais qui ont vocation à se multiplier au rythme des diagnostics positifs.
11Depuis une vingtaine d’années, les archéologues maritimes se sont tournés, comme les archéologues terrestres, vers les technologies de télédétection et de géophysiques applicables à l’archéologie, testant divers instruments et capteurs selon les problématiques ciblées. Les outils de l’hydrographie ont ainsi progressivement intégré les moyens mis en œuvre pour la recherche programmée. C’est en 2014, avec les premières évaluations archéologiques en mer, conduites sur les parcs éoliens offshores de Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, Courseulles-sur-Mer et Fécamp que s’est produit un changement d’échelle. Le protocole d’étude établi à cette occasion est depuis lors appliqué tant pour les évaluations archéologiques que pour les diagnostics, y compris en contexte littoral, pour les grandes emprises ou les espaces à fortes contraintes. Le principe posé est celui d’une prospection hydrographique systématique réalisée selon des spécifications techniques précises. Celles-ci visent à une lecture à visée archéologique : il s’agit de cartographier le fond marin, d’isoler des anomalies du microrelief potentiellement archéologiques puis d’expertiser ces cibles in situ, par plongée humaine ou robotisée, afin de les caractériser et de les documenter. De manière schématique, la détection est opérante pour des ensembles archéologiques, qu’il s’agisse d’épaves de structures bâties, et pour des objets isolés d’une taille supérieure à une quinzaine de centimètres, pour peu qu’ils émergent au moins partiellement du fond marin. La caractérisation de ces objets isolés ou épars, qui vise principalement à évaluer la présence d’un site homogène enfoui ou dégradé, demeure délicate, voire impossible, sans vérification visuelle in situ.
12C’est ainsi que les technologies existantes et le protocole établi ne permettent pas, à ce jour, de détecter les sites d’occupation pré- ou proto- historiques qui ne laissent généralement que des indices ténus et épars à la surface du sol. Préoccupante pour les secteurs côtiers, où la montée progressive du niveau marin a submergé des sites terrestres, cette invisibilité concerne également certains secteurs offshore, où les paléovallées du plateau continental autrefois émergé, qui ont très vraisemblablement été occupées durant de longues périodes, peuvent aujourd’hui être situées sous plusieurs dizaines de mètres d’eau (ex. de la Manche, notamment). Autre limite fondamentale, nous n’avons pas à ce jour de lecture efficiente des vestiges complètement enfouis. Si dans certains secteurs les cargaisons vieilles de 2000 ans reposent directement sur le sol marin, dans les secteurs à forte mobilité sédimentaire – côtes sableuses, estuaires ou espaces deltaïques –, les sites enfouis susceptibles d’être détruits par les aménagements, les dragages ou l’exploitation de granulats, nous échappent encore. Enfin, dans les zones à très faible profondeur, comprise entre 3 m et la surface –, ou d’interface terre-mer, les technologies hydrographiques utilisées ailleurs ne sont pas opérantes, tandis que celles de la télédétection terrestre ne sont pour la plupart pas applicables. Explorer les possibles applications de nouveaux capteurs pour réduire les zones d’invisibilité est l’un des enjeux fondamentaux de l’archéologie préventive sous les eaux pour les années, voire les décennies à venir.
- 17 LIRMM, unité mixte de recherche CNRS et Université de Montpellier.
13S’affranchir des contraintes de la plongée humaine en utilisant des véhicules sous-marins habitables et des robots est une pratique expérimentée depuis les années 1990 en archéologie programmée et elle a depuis été lors largement développée. Aujourd’hui, substituer un ROV (Remote Operated Vehicle) à une équipe de plongeurs fait partie du quotidien de l’archéologie préventive en mer. Ces robots téléopérés depuis un support surface permettent, par écran interposé, d’expertiser et de documenter des sites ou des objets situés à des profondeurs inaccessibles ou trop contraignantes pour les plongeurs. Toutefois, si quelques objets peuvent être prélevés, le dégagement de sédiments et a fortiori le sondage et la sont à ce jour excessivement limités. Être en mesure de réaliser une fouille robotisée, potentiellement à très grande profondeur, est l’un des objectifs du programme d’« archéologie des abysses » développé depuis près d’une décennie par le Drassm, en étroit partenariat avec le Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier17.
14Les zones d’interface sont sans doute les plus difficiles à appréhender, qu’il s’agisse d’espaces en eau à très faible profondeur ou de zones d’estran submergées par intermittence au rythme des marées. La hauteur restreinte de la colonne d’eau ne permet pas de déployer correctement les moyens d’intervention sous-marins habituels (télédétection acoustique, géophysique, photogrammétrie, etc.). Sur l’estran, les moyens terrestres mis en œuvre [ill. 4] sont confrontés à la fluidité des sols – qui ne permet pas toujours la circulation des engins et des hommes –, à la submersion ponctuelle mais régulière des sondages ou des vestiges mis au jour, ou encore à la difficulté à lire et documenter une séquence stratigraphique, etc. Pourtant, c’est dans cette zone d’interface que le potentiel archéologique est le plus évident et plus diversifié. Soumis à une mobilité littorale parfois très prononcée, les sites d’occupation terrestres, y compris funéraires, peuvent être submergés et les sites à l’origine en eau, être atterris. Sans surprise, c’est également dans cet espace littoral que les projets d’aménagements sont les plus nombreux. Au cours de la dernière décennie, les efforts portés au développement de l’« archéologie des abysses » ont grandement amélioré les capacités d’accès aux sites, souvent très bien conservés, situés à grandes profondeurs, mais à l’opposé, l’« archéologie de l’interface terre -mer » souffre pour sa part encore d’un manque de moyens d’investigation adaptés pour être pleinement pertinente.
4. Tranchée de diagnostic dans le Domaine public maritime (estran couvert de mangrove) à l’embouchure de la rivière Cayenne en Guyane.
Responsables d’opérations M. Mestre et B. Debrand, Inrap.
T. Seguin, Inrap.
15Grâce aux importants acquis méthodologiques des dernières années, une part non négligeable du patrimoine sous-marin susceptible d’être détruit par un aménagement ou l’exploitation de la mer, a déjà été rendue lisible. Il reste toutefois un saut qualitatif comme quantitatif à faire pour conforter dans le paysage scientifique, sous les eaux comme elle l’est sur terre, une archéologie préventive définitivement libérée des charges et des pratiques du sauvetage. Aux enjeux de l’archéologie préventive en mer font écho ceux de celle opérée dans les eaux intérieures, fluviales et lacustres. Bien qu’elle n’ait pas connu les mêmes aléas normatifs, elle accuse un même retard dans son application, des difficultés d’instruction des dossiers à la mise en œuvre de terrain. Composantes essentielles de nos paysages, les cours d’eau et les étendues d’eau ont été exploités, aménagés, empruntés et franchis à travers les âges. La dynamique d’aménagements prévus pour la décennie en cours (dragages, mises au gabarit ou « effacement » d’ouvrages dans le cadre de la restauration de la continuité écologique des cours d’eau, etc.) va nécessairement avoir un impact fort sur des sites archéologiques encore méconnus, quand ils ne sont pas simplement invisibilisés, que seule une action concertée – et renforcée par des moyens conséquents – des différents acteurs de l’archéologie et de l’inventaire du patrimoine permettra de prendre en compte.