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1 - Dynamique de la recherche

Suivi de travaux dans la vallée du Marcadau (Cauterets, Hautes-Pyrénées)

An example of preventive archaeology in a mountainous area (Cauterets, Hautes-Pyrénées)
Un ejemplo de arqueología preventiva en montaña (Cauterets, departamento de Altos Pirineos)
Anne Berdoy
p. 176-177

Résumés

Un dossier de demande d’autorisation environnementale, liée à la réhabilitation d’un refuge montagnard, a été l’occasion de prescrire une opération d’archéologie préventive. En amont de l’enfouissement d’une canalisation d’eau sur 2,5 km, il s’agissait de réaliser une prospection en vue de reconnaître les vestiges liés à l’occupation agropastorale sur un temps long des pâturages d’altitude impactés par les travaux. Dans un deuxième temps, le creusement de la tranchée a fait l’objet d’un suivi archéologique qui a permis de relever plusieurs structures et niveaux d’occupation. Faute de mobilier archéologique associé, il faudra attendre les résultats des analyses et de l’étude pour disposer d’informations chronologiques. Celles-ci seront en outre complétées par des données paléoenvironnementales.

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Texte intégral

1L’espace montagnard qui occupe la moitié méridionale du département des Hautes-Pyrénées ne bénéficie pas (encore) d’un maillage de zones de présomption de prescription archéologique (ZPPA) tel celui mis en place en Cerdagne. Pour autant, le service régional de l’archéologie (SRA) est parfois consulté à la faveur de dossiers de demande d’autorisation environnementale, comme celui qui a été instruit en 2018 sur la commune de Cauterets. Le projet de réhabilitation du refuge Wallon-Marcadau comprenait l’installation d’une petite centrale hydroélectrique destinée à assurer les besoins énergétiques de ce lieu d’hébergement situé à 1 800 mètres d’altitude. Le captage d’une source, à 400 mètres en amont du refuge, impliquait l’enfouissement d’une canalisation sur plus de 2,5 km dans la partie médiane de la vallée du Marcadau. Celle-ci, à une bonne dizaine de kilomètres en amont de Cauterets, peut être remontée en direction des crêtes frontières. Après le pont d’Espagne, ultime point de la route carrossable accessible au public, il faut traverser une série de plateaux herbeux pour s’élever peu à peu jusqu’au pla de la Gole d’abord (où se trouve le refuge) avant de parvenir au pla de Loubosso, ces secteurs correspondant à d’importantes zones de pâturage. Au-delà du pla de Loubosso, deux sentiers permettent de basculer sur le versant sud des Pyrénées, en direction de la vallée de Tena et des communes composant le quiñón de Panticosa, l’un via le port de Marcadau (2 560 m), l’autre par le col de la Fache (2 599 m). Bien que situés à des altitudes relativement élevées, ces deux passages sont néanmoins les plus accessibles du secteur et ont donc dû être, de tout temps, favorables aux communications. Le sentier passant par le port de Marcadau est figuré sur la carte de Cassini (xviiie s.) ainsi que sur le plan cadastral de 1828 (« chemin d’Espagne »).

  • 1 Voir sa thèse : « Occupation du sol et peuplement en montagne des origines aux Temps modernes, Le H (...)
  • 2 Voir notamment les travaux de Christine Rendu en Cerdagne (Pyrénées-Orientales), de C. Rendu, Mélan (...)
  • 3 CNRS, UMR 5602 « GEODE ».
  • 4 Responsables des opérations : Thierry Gonon, Éveha, 2018 ; Damien Gazagne, Éveha, 2020-2021.

2La richesse archéologique de cet espace, situé au cœur du parc national des Pyrénées, avait été mise en évidence dès les années 1980 à la faveur des prospections menées par un archéologue bénévole : Jacques Blot avait alors identifié onze cercles de pierre, dolmens ou tumuli (Blot 1985). Poursuivant les recherches sur le plateau proche du refuge, Frédéric Guédon1, de l’Inrap, avait quant à lui reconnu une trentaine de structures. En l’absence de fouille, il est difficile de déterminer la nature exacte et la chronologie de ces vestiges ; toutefois, les recherches menées par ailleurs dans les Pyrénées ont montré qu’ils correspondent le plus souvent à des structures liées à des activités pastorales (et parfois métallurgiques) dont la chronologie, qui va de la Protohistoire à l’Époque moderne, ne peut être précisée que par la fouille sédimentaire et le recours à des analyses en vue de datation2 (Rendu et al. 2016 ; Saint-Sever, Remicourt 2019). Parallèlement à ces recherches de terrain, les études paléo-environnementales menées par Didier Galop3 et son équipe, en particulier dans les secteurs de Troumouse (Gèdre-Gavarnie) et du lac d’Arratille (Cauterets), ont également permis de mettre en évidence la précocité et l’importance de l’anthropisation du milieu montagnard pyrénéen, les premiers signaux détectés remontant au Néolithique ancien avant que le processus de déboisement ne s’accélère très significativement à partir de l’âge du Bronze pour se maintenir ensuite – entrecoupé parfois de phases de déprise - jusqu’à nos jours (Galop 2006). Enfin, dans la haute vallée du Marcadau, la propriété du sol actuelle est héritée de la gestion de l’espace pastoral documentée par les sources écrites à partir du Moyen Âge : sept communes françaises – qui composent la commission syndicale de la vallée de Saint-Savin – et trois communes espagnoles – formant le quiñón de Panticosa – détiennent en indivision ces terres cadastrées sur la commune de Cauterets. Les limites des pâturages avaient été fixées par une sentence arbitrale prononcée en 1290, et une charte de paix fut conclue, au cours des années 1310, entre Bigourdans et Aragonais, qui définissait notamment les peines prévues en cas d’atteinte aux cabanes, de dépaissance hors des périodes autorisées ou de saisies de bétail (Meillon 1933). Tous ces éléments ont conduit à considérer que les enjeux archéologiques étaient importants sur les deux plateaux concernés par l’enfouissement de la conduite d’eau. Ils ont donné lieu à une prescription d’archéologie préventive comprenant une prospection pédestre dans le fuseau du chantier et une étude documentaire, préalablement à la fouille, sous forme d’un suivi des travaux de creusement et de pose des canalisations. L’opération, prescrite en 2018, a été réalisée en plusieurs temps4 et a dû s’adapter aux multiples contraintes de ce chantier mené dans des conditions particulières, liées à la fois au milieu montagnard et au statut du site, compris dans le cœur du parc national des Pyrénées : calendrier d’intervention contraint en raison d’enjeux faunistiques et floristiques, accès au chantier à une voire deux heures de marche à des altitudes comprises entre 1 800 et 2 200 mètres, transport du matériel par muletage et héliportage, hébergement sur place, multiples difficultés rencontrées par l’entreprise de travaux publics… Menée en septembre 2018, la prospection a donné lieu au recensement de 85 entités archéologiques (dont 41 cabanes et 23 enclos) sur le tracé de la canalisation et dans ses environs. En amont du démarrage des travaux en 2020, une journée de travail sur site associant SRA, aménageur et opérateurs a permis de piqueter le tracé de la conduite d’eau en évitant autant que fairese pouvait les vestiges archéologiques précédemment reconnus. Divers aléas ont conduit à l’annulation et au report des travaux, qui se sont finalement déroulés entre juillet et octobre 2021 [ill. 1].

1. Ouverture de tranchée sur le pla du Loubosso, dans la vallée du Marcadau, en 2021.

1. Ouverture de tranchée sur le pla du Loubosso, dans la vallée du Marcadau, en 2021.

Cl. A. Berdoy, Drac Occitanie.

3Si l’opération est donc toujours en cours, il est néanmoins d’ores et déjà possible de souligner son intérêt à plusieurs égards. La réalisation de la prospection, en amont des travaux, a permis de reconnaître de nombreux sites, aussi bien sur le tracé même des travaux projetés qu’aux alentours. Ce faisant, elle a contribué, d’une part, à la préservation des vestiges qui pouvaient l’être et, d’autre part, à la documentation du riche contexte archéologique du secteur. Le suivi de la tranchée de pose de canalisations a été l’occasion de fouiller et de relever plusieurs cabanes, fosses et/ou anomalies, et d’autres niveaux d’occupation charbonneux, qui sont caractérisés pour l’instant par l’absence de mobilier archéologique. À ce stade, les éléments chronologiques font donc totalement défaut, mais les prélèvements effectués donneront lieu à des analyses en vue de datations. Associés aux observations géomorphologiques, ils contribueront en outre à un enrichissement des données paléo-environnementales. Enfin, cette opération d’archéologie préventive sera vraisemblablement prolongée par des sondages puis une fouille programmée, qui concernera certaines des structures identifiées à proximité de la zone de travaux. En somme, ici comme ailleurs, c’est une recherche plurielle qui se dessine progressivement et qui contribuera à éclairer l’histoire sur le temps long de la haute montagne pyrénéenne.

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Bibliographie

Blot J. 1985 : Contribution à l’inventaire des vestiges protohistoriques en vallée de Cauterets, Archéologie des Pyrénées occidentales, 5, p. 121-134.

Galop D. 2005 : La conquête de la montagne pyrénéenne au Néolithique. Chronologie, rythmes et transformations des paysages à partir des données polliniques, in Guilaine J. (dir.), Populations néolithiques et environnement, Errance, p. 279-295.

Meillon A. et F. 1933 : L’abbaye de Saint-Savin en Lavedan jusqu’à la Révolution, 2e partie, Bulletin de la Société académique des Hautes-Pyrénées, juillet-décembre 1933, p. 337-896.

Rendu C., Calastrenc C., Le Couédic M., Berdoy A. 2016 : Estives d’Ossau : 7 000 ans de pastoralisme dans les Pyrénées, Toulouse, France, Éditions Le Pas d’oiseau, 279 p.

Saint-Sever G., Remicourt M. 2019 : Des structures d’habitat en haute montagne de la fin du Campaniforme et du Bronze ancien (2300-2000 av. n. è.) au cirque de Troumouse (La Haille de Pout, Gèdre, Hautes-Pyrénées) : premiers résultats, in Deschamps M., Costamagno S., Milcent P. -Y., Pétillon J.-M., Renard C., Valdeyron N. (dir.), La conquête de la montagne : des premières occupations humaines à l’anthropisation du milieu, Actes du 142e congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Paris, Éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques.

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Notes

1 Voir sa thèse : « Occupation du sol et peuplement en montagne des origines aux Temps modernes, Le Haut-Lavedan (Hautes-Pyrénées) », université Toulouse 2, 2006, consultable en bibliothèque universitaire.

2 Voir notamment les travaux de Christine Rendu en Cerdagne (Pyrénées-Orientales), de C. Rendu, Mélanie Le Couédic et Carine Calastrenc en Ossau (Pyrénées-Atlantiques) et de Guillaume Saint-Sever à Gèdre-Gavarnie (Hautes-Pyrénées).

3 CNRS, UMR 5602 « GEODE ».

4 Responsables des opérations : Thierry Gonon, Éveha, 2018 ; Damien Gazagne, Éveha, 2020-2021.

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Table des illustrations

Titre 1. Ouverture de tranchée sur le pla du Loubosso, dans la vallée du Marcadau, en 2021.
Crédits Cl. A. Berdoy, Drac Occitanie.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/docannexe/image/12602/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 722k
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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Berdoy, « Suivi de travaux dans la vallée du Marcadau (Cauterets, Hautes-Pyrénées) »Archéopages, Hors-série 6 | -1, 176-177.

Référence électronique

Anne Berdoy, « Suivi de travaux dans la vallée du Marcadau (Cauterets, Hautes-Pyrénées) »Archéopages [En ligne], Hors-série 6 | 2022, mis en ligne le 03 août 2023, consulté le 10 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/archeopages/12602 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/archeopages.12602

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Auteur

Anne Berdoy

Drac Occitanie, SRA, UMR 5806 « TRACES »

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Droits d’auteur

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