Site
41 et 39, avenue des Romains
Annecy
Haute-Savoie
Date
Été/automne 2014
Été/automne 2016
Surface fouillée
1 800 m²
Équipe
Responsable d’opération
Franck Gabayet, Inrap
Anthropologie
Mikaël Rouzic, Inrap, UMR 5199 « PACEA »
Natacha Crépeau, Inrap, UMR 5199 « PACEA »
Étude du mobilier
Katalin Escher, UMR 6298 « ArTeHiS »
Jean Soulat, UMR 6273 « Craham »
Stéphanie Bigot, Inrap, UMR 5138 « ARAR »
Magalie Guérit, Inrap, UMR 5138 « ARAR »
1La fouille successive de deux parcelles mitoyennes a été l’occasion de découvrir les vestiges d’un secteur urbanisé encore inconnu de Boutae, l’antique Annecy, et de renouveler les connaissances sur l’occupation funéraire de l’agglomération à la toute fin de l’Antiquité et au début du haut Moyen Âge. Il s’agit, en effet, des premières opérations d’archéologie préventive sur la « nécropole ouest » du vicus, mentionnée depuis la fin du XIXe siècle, mais en définitive très mal documentée (Gabayet, Rouzic, Crépeau, à paraître).
2En dépit de destructions et de pillages intervenus dès la fin du XIXe siècle, 227 sépultures avérées ou probables ont pu être fouillées, ainsi qu’une trentaine de dépôts secondaires [ill. 1]. L’ensemble des données permet de dater les tombes entre le milieu du Ve et la fin du VIIe siècle. Il faut préciser qu’au moment de l’inhumation des premiers défunts, le secteur était à l’état de friches depuis plus de 250 ans. Plusieurs types de tombes ont été identifiés, parmi lesquels des contenants monoxyles, des coffrages de bois calés au moyen de matériaux de récupération divers, ainsi qu’un nombre important de coffres en dalles de molasse.
1. Plan des sépultures découvertes aux 41 et 39, avenue des Romains.
La localisation des fibules hippomorphes est signalée par le fond rouge.
Natacha Crépeau, Inrap
3L’ensemble funéraire est caractérisé par la présence d’un mobilier d’origine germanique remarquable, qui n’est pas sans évoquer les découvertes réalisées autour du lac Léman, dans la sphère d’influence burgonde. Sans livrer un inventaire exhaustif (étude en cours en collab. avec K. Escher), on peut signaler une dizaine de peignes décorés en os, de nombreuses perles en verre et en ambre accrochées à des châtelaines ou portées en colliers, plusieurs boucles de ceinture, des boucles et des ferrets de chaussures en argent doré à grenats, un bracelet en argent doré, un splendide nécessaire de toilette en argent et une douzaine de fibules. Cinq fibules ansées à digitations, en argent rehaussées d’or, ont ainsi été découvertes, mais également plusieurs fibules zoomorphes dont un exemplaire aviforme et, surtout, trois paires de fibules hippomorphes, rarement trouvées en aussi grand nombre (Billoin et al., 2010).
4Toutes sont attachées à des tombes regroupées dans un ensemble de sépultures privilégiées situées dans la parcelle la plus orientale [ill. 1]. Une première expertise a permis de proposer une datation entre les années 470/480 et 520/530. D’un poids compris entre 2,5 et 5,8 g, les fibules ont été réalisées en alliage cuivreux doré ou en argent doré. Elles représentent un cheval de profil, à tête plus ou moins allongée et courbe avec, comme souvent, les antérieurs et les postérieurs réunis par une plateforme. Dans certains cas, les éléments du harnachement de l’équidé sont visibles.
5Les fibules 49 et 50, découvertes dans la tombe 227, dévoilent des caractéristiques qui les distinguent des quatre autres [ill. 2 à 4]. Si la partie antérieure est bien la représentation d’un cheval, particulièrement détaillée, il faut reconnaître que le train arrière n’évoque que de très loin le postérieur d’un équidé. L’hypothèse d’un animal marin semble devoir être retenue, ce qui ferait de ces spécimens un exemple intéressant de fibule chimérique (Escher, 2021).
2a-2b-3a-3b-4a-4b. Dessin des fibules hippomorphes découvertes dans les sépultures 232, 315 et 227.
2A. Dessin de la fibule 39 découverte dans la sépulture 232 ; 2B. Dessin de la fibule 48 découverte dans la sépulture 232 ; 3A. Dessin de la fibule 172 découverte dans la sépulture 315 ; 3B. Dessin de la fibule 179 découverte dans la sépulture 315 ; 4A. Dessin de la fibule 49 découverte dans la sépulture 227 ; 4B. Dessin de la fibule 50 découverte dans la sépulture 227.
Catherine Plantevin, Inrap
4c. Fibule hippomorphe 49 de la sépulture 227 au moment de sa découverte.
Antoine Valois, Inrap
6Alors qu’il est traditionnellement admis que ce type de fibule est porté par des femmes, l’étude biologique montre que l’individu de la tombe 227, âgé entre 20 et 29 ans, était de sexe masculin. C’est d’ailleurs le cas de deux autres sépultures exhumées sur le site annécien, également porteuses de fibules considérées comme féminines. Parmi les points appelés à faire l’objet d’approfondissements dans les années à venir, il sera particulièrement stimulant d’interroger la question du genre des porteurs de fibules durant le haut Moyen Âge.