Navigation – Plan du site

AccueilNuméros10Mariage et famille dans le Golfe ...Mariage et famille dans le Golfe ...

Mariage et famille dans le Golfe aujourd’hui

Mariage et famille dans le Golfe aujourd’hui : tempête sur l’institution patriarcale ?

Françoise De Bel-Air, Jihan Safar et Blandine Destremau
Traduction(s) :
Marriage and Family in the Gulf Today: Storms over a patriarchal institution? [en]

Texte intégral

1Les impressionnants changements socio‑économiques observés dans les six pays membres du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) depuis le premier choc pétrolier de 1973 sont amplement documentés : ascension des PIB ; expansion démographique des populations nationales, de moins de 10 millions en 1970‑751 à quelque 26 millions en 2017 ; immigration massive (les six pays abriteraient de nos jours environ 55 millions d’habitants, dont une moitié de ressortissants étrangers)2 ; urbanisation rapide. Les Indices de Développement Humain particulièrement élevés dans ces pays attestent de leurs hauts niveaux de revenus per capita mais aussi des progrès réalisés dans le domaine sanitaire et dans celui de l’éducation, financés par la rente pétrolière3. Les forts taux d’accroissement démographique témoignent du recul de la mortalité infantile et des progrès de l’espérance de vie ; l’ascension des taux d’alphabétisation, celle des filles en particulier, est également manifeste : en 2015, de 83 à 95 % des filles des générations concernées étaient inscrites dans l’enseignement secondaire, et environ 50 % des femmes de 18 à 23 ans suivaient une formation dans l’enseignement supérieur (plus de 60 % en Arabie saoudite et à Oman).4

  • 5 Les données statistiques disponibles dans les pays du Golfe restent en effet éparses, de qualités (...)

2Ces évolutions ont profondément affecté les structures et dynamiques familiales dans le Golfe : partout, les âges au premier mariage ont augmenté et la fécondité a décru. Cependant, les changements observés sont parfois contradictoires, entre facteurs mais aussi entre pays. Les niveaux d’endogamie et de mariages consanguins, par exemple, semblent rester élevés. Les temporalités de l’évolution des structures familiales varient d’un pays à l’autre. Ce dossier explore donc un premier ensemble de questions : dans la limite des données disponibles5, quelles sont les caractéristiques des structures familiales dans les pays du Golfe, et comment interpréter leurs variations d’un pays à l’autre, leurs paradoxes et apparentes contradictions ? En d’autres termes, quels facteurs influencent les dynamiques familiales, au‑delà des déterminants dits « proches » relevés plus haut tels que l’éducation ou les investissements sociaux et sanitaires massifs financés par les revenus de l’exploitation des hydrocarbures ?

  • 6 Ce n’est plus vrai depuis les années 2000 mais surtout le début des années 2010 (voir plus loin).

3Ces changements au sein de la famille résultent pour beaucoup de politiques publiques, dont l’efficacité et les objectifs varient dans le temps et d’un pays à l’autre, et qui interrogent chercheurs et observateurs. Comment expliquer, par exemple, la priorité donnée à l’éducation des filles dans les politiques de développement du Golfe quand l’activité féminine ne fait pas l’objet de la même attention6 et que les six pays encouragent, à des degrés divers, une forte fécondité ? Pourquoi l’endogamie est‑elle, le plus souvent, regardée avec une certaine suspicion ; pourquoi le divorce est‑il appréhendé comme une calamité sociale dans la plupart des pays de la région ? Comment interpréter l’intrusion des États dans la vie des couples, les modalités du mariage et de sa dissolution ? Le second ensemble de questions explorées dans ce dossier est donc le suivant : comment et pourquoi les dynamiques démographiques et leur contexte, l’institution familiale, sont‑elles devenues des objets si importants des politiques publiques dans les pays du Golfe ?

  • 7 Voir par exemple : Mosse, 1985 ; Anderson, 1991 ; Parker, Russo, Sommer & Yaeger, 1992 ou Ginsburg (...)
  • 8 Bourdieu, 1993.

4L'institution familiale, dans le Golfe comme ailleurs, occupe une place prépondérante au sein de la société, comme lieu de la reproduction biologique, mais aussi de reproduction sociale, culturelle et politique. Les modalités du contrôle de la sexualité et de l'alliance, de la reproduction biologique, des rapports de pouvoir entre parents et enfants, au sein du couple, du rôle social de la femme, voire des pratiques de santé liées à la reproduction, la stigmatisation de certains comportements comme déviants, socialement irresponsables, ou au contraire licites, sont en effet des constructions normatives. Celles‑ci sont inséparables de l'entreprise nationaliste, elle‑même fondée sur l'établissement de nouvelles normes de contrôle au sein de la société et de nouvelles formes d’exercice du pouvoir.7 Les politiques démographiques et familiales, ou « biopolitiques », émanent du politique. Elles cherchent parfois à ancrer les rapports sociaux dans un ordre biologique naturalisé, comme c’est le cas par exemple de la domination du leader politique, assimilée à celle du père / patriarche sur ses enfants en une « naturalisation de l'arbitraire social ».8

  • 9 Hasso, 2011.

5La famille, en tant qu'institution censée contrôler le processus de reproduction dans toutes ses dimensions, fait ainsi l'objet d'une variété de représentations, émanant d'institutions et acteurs sociaux différents. Les divergences entre les diverses représentations de la famille mais aussi la perception d’une « crise de la famille »9, les symptômes et causes prêtés à cette « crise » reflètent ainsi des conflits entre ces institutions et acteurs, touchant aux modalités de la conduite du processus de construction nationale. En corollaire à la question précédente, le présent dossier cherche donc à éclairer, par l’analyse des politiques et divers discours touchant à la famille, les représentations normatives des relations sociales, économiques et politiques, et les divers types de nationalismes implicitement promus (ou combattus) dans ces entreprises de modernisation sociale des pays de la région.

6Lancé en 2017, ce projet de dossier de la revue Arabian Humanities sollicitait des contributions novatrices, critiques et analytiques touchant aux comportements familiaux dans les pays du CCG, à leur diversité et paradoxes, et aux représentations des enjeux socio‑politiques de la famille dans les politiques publiques et diverses mesures s’y rapportant. Nous n’avions pas posé de définition a priori de la famille, laissant les contributeurs l’aborder de façon inductive. Il n’est pas étonnant que la famille apparaisse dans ces textes comme structurée avant tout par la parenté, et des modes d’alliance matrimoniales oscillant entre le proche — le fameux mariage endogame, voire entre cousins patrilinéaires — et le lointain — jusqu’aux mariages avec des étrangers. Les huit contributions que nous présentons ici émanent de disciplines variées (ethnologie, anthropologie, sociologie, démographie, mais aussi sciences politiques et relations internationales) et d’approches et méthodologies diverses (ethnographie, démographie politique et néo‑institutionnalisme, économétrie, enquêtes de terrain qualitatives ou quantitatives, analyse d’un corpus de fatwas en ligne, analyse de données statistiques et de discours des politiques gouvernementales, études de genre et intersectionnalité, par exemple). En fonction de ces points de vue et méthodologies, les contributions participent à l’état des savoirs, encore assez peu développés, sur les sociétés des États du Golfe. Loin des idées préconçues sur l’immobilisme social et politique supposé caractériser ces pays, elles contribuent à mettre en relief les particularités des modèles de modernisation sociale engagés partout dans la région. Au‑delà de la généralisation d’un modèle autocratique de gouvernement et du dirigisme de ces politiques, elles montrent en effet la diversité des orientations prises par les processus de développement social (dont les politiques familiales) d’un pays à l’autre, qui va de pair avec celle des processus de construction/reconstruction du lien social et des relations entre États et sociétés.

Les dynamiques familiales dans les pays du Golfe : tendances et paradoxes

7Comme remarqué dès les années 1990 par certains chercheurs, les familles dans la région arabe du Golfe ont subi de profonds changements structurels au cours des dernières décennies. Ces mutations et les enjeux qu’elles sont venues à constituer pour les sociétés et États de la région sont au cœur des problématiques examinées par les contributeurs au dossier.

  • 10 Sur la base des Gulf Family Health Surveys (GFHS), un programme d’enquêtes sur la fécondité condui (...)
  • 11 Sur l’Arabie saoudite : Khraif, 2001 ; Abdul Salam, 2013.
  • 12 Enquêtes démographiques de 1987 et 2016.

8Le mariage et la fécondité, deux événements‑clés de la formation de la famille et de la reproduction de l’ordre social, se sont profondément transformés.10 Les taux de fécondité ont chuté dans l’ensemble de la région,11 conduisant à une réduction de la taille des ménages. La fécondité saoudienne, par exemple, semble s’être effondrée. Elle serait passée de plus de 7 enfants par femme en moyenne à la fin des années 1980 à moins de 3 au début des années 2010,12 même si ces données demandent à être confirmées par d’autres sources comme le remarque Françoise De Bel‑Air.

  • 13 Creton, 2012, p. 72.
  • 14 Fargues, 2000, p. 118-119.
  • 15 La probabilité du mariage décroît avec le temps, car la procréation reste considérée par les famil (...)

9De plus, les modalités du mariage ont considérablement changé et s’écartent de plus en plus du modèle de nuptialité précoce et universelle. Les femmes se marient aujourd’hui au‑delà de 24 ans en moyenne ; au Koweït, au Bahreïn, et même à Oman, seules 5 % environ des filles de moins de 20 ans n’étaient plus célibataires au début des années 2010. Les âges au mariage des hommes ayant évolué moins vite, les écarts d’âges entre époux diminuent. Aux Émirats arabes unis (EAU), où l’écart d’âges entre époux était de 8 ans en moyenne en 1975, on relevait par exemple à la fin des années 2000 un âge moyen au mariage de 25,5 ans chez les femmes émiriennes et de 26,6 ans chez les hommes, soit un écart d’âges de 1,1 an seulement.13 Cette évolution aura une incidence sur la distribution de l’autorité au sein du couple.14 Fait notoire, de relativement marginal (au Bahreïn et au Koweït) à rarissime (Arabie saoudite), le célibat des femmes pourrait aussi devenir une réalité sociale : au Bahreïn, au Qatar et au Koweït, le célibat dit « définitif » (à 45‑49 ans) concerne déjà plus de 10 % des femmes de cette classe d’âges depuis les années 2000. L’augmentation régulière des proportions de célibataires chez les femmes de 35 ans et plus suggère, en outre, que le phénomène pourrait s’étendre partout.15

10Le coût élevé du mariage — qui incorpore le versement d’un mahr, l’or, les dépenses liées à la cérémonie nuptiale, le logement — est l’un des principaux facteurs expliquant le retard de l’âge au mariage dans la région. À Oman par exemple, lors des manifestations sociales tenues en février 2011 dans le cadre du « printemps arabe », certains jeunes réclamaient la création d’une « caisse mariage » (sundūq zawāj) pour alléger le fardeau des dépenses matrimoniales et combattre le célibat dans le pays. Malgré le vote du Conseil Consultatif en 2012 en faveur d’une telle caisse, la décision du gouvernement omanais semble remise aux calendes grecques, incitant les jeunes à opter de plus en plus pour des formes de financement alternatives ; notamment la finance populaire, l’organisation de mariages collectifs, les banques islamiques, etc. (Jihan Safar dans ce dossier).

  • 16 De 10 % (Bahreïn) à 14 % (Qatar) des mariages féminins déclarés à l’état-civil cette année-là. Sur (...)
  • 17 75 % des mariages conclus en 2014 impliquant une Qatarie et un étranger selon l’enregistrement à l (...)

11Le marché matrimonial s’est pourtant élargi et même mondialisé, avec la fréquentation accrue des universités par les jeunes hommes et femmes, l’apparition de nouveaux espaces publics (shopping malls) et les nouvelles technologies de l’information (sites internet), propices à une expansion du nombre de conjoints potentiels. Comme l’analyse Alanoud Alsharekh dans le cas du Koweït, les unions avec des ressortissants étrangers restent fréquentes, voire progressent. On relevait en 2014 jusqu’à 20‑25 % de mariages conclus avec une conjointe étrangère, par exemple aux EAU et Koweït, une tendance généralement moins fréquente chez les femmes citoyennes des pays du Golfe.16 Cependant, Anie Montigny, dans son analyse des nouvelles modalités de l’alliance au Qatar, confirme que ces mariages féminins sont souvent conclus avec des ressortissants d’autres pays du CCG,17 membres de groupes tribaux transnationaux.

  • 18 Selon les Child Health Surveys (Jurdi & Saxena, 2001, tab. 4).
  • 19 MDPS, 2017, p. 17.
  • 20 Même si cette évolution semble plus caractéristique des classes moyennes que des familles aristocr (...)

12Il demeure que l’endogamie persiste à de hauts niveaux : 30 à 50 % des unions à la fin des années 1990.18 Au Qatar, 42 % des unions conclues en 2016 impliquaient des apparentés, dont presque 60 % (24 % de tous les mariages de l’année) entre parents au premier degré.19 Yagoub et Yousif Al‑Kandari en analysent les caractéristiques dans le cas koweïtien, et soulignent la fréquence du phénomène au sein de groupes socio‑culturels catégorisés comme « Bédouins ». Ceci conforte l’hypothèse de la vivacité des liens tribaux, souvent construits, au sein des sociétés nationales des pays du Golfe. Anie Montigny témoigne par exemple des efforts de nombreux citoyens Qataris pour conserver la co‑résidence, au sein d’une même zone géographique, des membres d’un même groupe tribal, en réaction aux tentatives de l’État de promouvoir la famille nucléaire par l’allocation sélective de terrains à bâtir. Pourtant, l’évolution‑même de phénomènes tels que l’endogamie suggère une atténuation, dans les faits, de la patrilinéarité absolue. La prévalence de l’endogamie en ligne maternelle, est par exemple attestée par les enquêtes‑fécondité de tous les pays du Moyen‑Orient. Ceci indique un recul de la préférence absolue donnée à la parenté en ligne paternelle (agnatique), au profit du groupe de parenté dans son ensemble (agnatique et cognatique), y compris aux Émirats arabes unis où la pureté de la lignée agnatique (nasab) conditionne la citoyenneté20.

  • 21 Le ratio femmes mariées/hommes mariés (ressortissants des pays du Golfe seulement) donnait un taux (...)
  • 22 Nombre de divorces pour 100 mariages conclus la même année. La moitié des divorces intervient en e (...)
  • 23 Fargues, 2000, p. 127.

13Si la polygamie semble rare dans les pays du Golfe,21 les divorces brisaient entre un quart et la moitié des mariages en 2015.22 La question du divorce fait l’objet de deux des huit contributions (Anie Montigny sur le Qatar et Zina Sawaf sur l’Arabie saoudite), qui analysent l’ampleur des enjeux prêtés au phénomène et son traitement par les politiques. Ces niveaux d’instabilité matrimoniale très élevés ne sont pourtant pas nouveaux, au contraire de ce qu’affirment les houleux débats sociaux entourant le phénomène dans de nombreux pays du CCG : le « mariage arabe » est en effet caractérisé par son instabilité et les rares données disponibles indiquent que la moitié des unions pouvaient être rompues par un divorce au début du xxe siècle.23

  • 24 Patai, 1971.

14Finalement, malgré leurs mutations rapides et l’individualisation à l’œuvre dans les sociétés de la région (Alanoud Alsharekh), les dynamiques familiales caractérisant les pays du Golfe sont parfois encore proches de l’archétype de la famille arabe « traditionnelle », « étendue, patrilinéaire, patrilocale, patriarcale, endogame, et occasionnellement polygame ».24 En dépit de leur forte baisse ces dernières années, les niveaux de fécondité restent malgré tout élevés, si on les compare avec ceux observés dans des pays d’autres régions du monde aux niveaux d’éducation et de revenu similaires. Cause ou conséquences de ce phénomène, les taux d’activité recensés des femmes des pays du CCG restent d’ailleurs très bas, de 19 % (Arabie saoudite) à 39 % (Koweït) des femmes âgées de 15 ans et plus, des chiffres largement inférieurs à la moyenne mondiale de 64 %.

Un contexte de puissantes mutations sociales et économiques qui affectent les transformations des structures familiales

15Ces transformations et caractéristiques parfois paradoxales des structures familiales dans les pays du Golfe résultent, comme dit plus haut, de déterminants relativement directs, ou proches : progrès sanitaires, avancées rapides de l’éducation, en particulier celle des femmes. Cette rapidité des évolutions crée d’ailleurs des tensions entre générations et entre sexes. Comme le relèvent Zina Sawaf et Anie Montigny, l’insatisfaction des femmes dans l’institution matrimoniale traditionnelle vient de la fréquence des mariages arrangés par la famille, mais également de la divergence des profils et attentes au sein du couple, d’autant que les femmes sont maintenant parfois plus éduquées que leur mari, comme au Qatar. Au Koweït, Yagoub et Yousif Al‑Kandari interprètent en termes culturels les différences dans les schémas matrimoniaux remarqués dans deux régions administratives au Koweït, ainsi que leurs implications sur le nombre d’enfants ou la durée de mariage. Les auteurs opposent un mariage endogame (consanguin), propre aux populations se revendiquant comme « bédouines » (badū), à un mariage exogame (non consanguin), qui refléterait l’urbanisation de la société et plus généralement, des pratiques propres aux populations se catégorisant comme « urbaines » (aar).

16Au‑delà de ces causalités « locales », les évolutions paradoxales des structures familiales doivent aussi être replacées dans un contexte socio‑culturel et historique plus large pour être mieux comprises.

Islam, patriarcat et contrôle social

  • 25 En témoigne par exemple le hadith : « Mariez-vous. Croissez et multipliez, car je serai fier de vo (...)
  • 26 Abd El Ati, 1977.

17Les incitations des gouvernements au mariage universel et à une fécondité élevée répondaient initialement à plusieurs préoccupations : contrer le « déséquilibre démographique » entre nationaux et expatriés, rivaliser démographiquement avec d’autres puissances régionales (particulièrement l’Iran, dans le cas de l’Arabie saoudite). Cependant, plus généralement, l'idéal d’universalité et de précocité des unions sous‑tend la conception islamique et patriarcale du mariage comme droit et comme devoir. Le sexe est appelé à répondre au droit à l’épanouissement personnel pour les femmes comme pour les hommes, mais aussi au devoir d’assurer la préservation et la continuité de l’espèce humaine. L’exercice de la sexualité doit pourtant être circonscrit au cadre du mariage : les époux doivent en effet assumer la responsabilité des conséquences de leur sexualité, et les enfants pouvoir être légalement identifiés à un lignage. Il s’agit ici d’éviter les désordres sociaux, et en particulier, la procréation d’enfants dont la filiation en ligne paternelle (agnatique) serait inconnue. Le mariage offre donc un débouché légitime au plaisir : la procréation.25 Il est tout à la fois un devoir religieux, un garde‑fou moral et une nécessité sociale, reposant sur un contrat liant juridiquement les deux époux26. Au regard de l’islam, le mariage répond en effet à une autre exigence : perpétuer l'unité de base de la société, la famille musulmane, en la dotant d’assises juridiques et spirituelles. La famille est chargée de procurer à ses membres amour et protection, mais aussi droits sociaux, identité et légitimité au sein de la société et de l’Umma (communauté des croyants).

18Ce cadre normatif et idéal, cependant, est enchâssé dans une organisation sociale, économique et politique, et tout particulièrement ce qui a été analysé comme un modèle rentier de famille. Les transformations de l’institution familiales sont donc liées à celles de cette institution socio‑politique, comme à d’autres mutations et dynamiques globales.

Les années 1990–2000 : du « modèle rentier » au désengagement partiel des États

  • 27 Ressources ne découlant pas d’un processus de production, ici, les hydrocarbures.
  • 28 Fargues, 2000, p. 102-107.

19Le rôle des ressources rentières27 et de leur redistribution aux nationaux sous forme de subventions par les États (prestations sociales, allocations familiales, gratuité du logement, de la santé et de l’éducation) dans l’allègement des « coûts de la procréation » sont maintenant connus.28 Ces subventions ont contribué à déconnecter l’éducation de la femme de son activité économique sur le marché de l’emploi, rendue financièrement inutile au sein des couples. En outre, la présence massive des expatriés sur le marché du travail (dans le secteur privé, principalement) limitait les opportunités d’emploi socialement gratifiant au secteur gouvernemental. L’éducation des femmes n’a donc pas entraîné un retard du mariage et une réduction de la fécondité significatifs, comme on a pu l’observer ailleurs. Les normes sociales et morales allaient d’ailleurs dans ce sens : maintenir les femmes dans un cadre patriarcal et familial, en tant que filles, épouses et mères, faire du mariage et de la procréation le destin ultime de tout citoyen. La baisse significative et généralisée des niveaux de fécondité et la hausse des âges moyens au premier mariage au cours des années 1990, révélées à la fin de la décennie par les enquêtes Gulf Child Health Surveys et des enquêtes nationales, ont donc été interprétées en termes politiques : elles signalaient l’ébranlement du rôle de la famille comme unité sociale prépondérante, et la possible émergence de désordres sociaux.

  • 29 Les EAU, et surtout le Qatar, sont moins touchés par ces évolutions que le Bahreïn, Oman et l’Arab (...)
  • 30 Par exemple, le processus d’accession à l’OMC engagé dès le milieu des années 1990 par l’Arabie sa (...)
  • 31 Louër, 2015.
  • 32 Destremau, De Regt & Latte Abdallah, 2013.

20Ces mutations démographiques donnaient un écho à un ensemble complexe d’enjeux de politique intérieure, de tensions régionales et de pressions internationales, qui avaient entraîné un affaiblissement de la redistribution rentière. Parmi ces enjeux, on souligne la pression démographique sur les marchés du travail, résultat des forts taux d’accroissement naturel des décennies précédentes, dans un contexte de fluctuations des prix des hydrocarbures, mais surtout l’émergence du chômage des nationaux et même de poches de pauvreté29. L’affaiblissement des capacités redistributives des États les ayant contraints à des réformes drastiques de leurs contextes socio‑économiques, dans le cadre de processus d’insertion de leurs économies dans la mondialisation néolibérale,30 des efforts de « rationalisation » des marchés du travail nationaux ont été entrepris : politiques de nationalisation des emplois, soutenues par des efforts de régulation de l’immigration de travail31. Ces transformations sont allées de pair avec des modifications importantes de la place des femmes — étrangères, arabes et nationales et de leurs modalités d’insertion dans l’emploi, ainsi que le montrait un précédent dossier de la revue Arabian Humanities32.

  • 33 Le recul historique ne renvoie ici qu’à l’ère pétrolière, et la société érigée dans son sillage. I (...)
  • 34 Par exemple Louër, 2008, sur le Bahreïn.
  • 35 Hertog, 2006, p. 120.

21La limitation des aides et subventions octroyées aux nationaux et la contraction substantielle des recrutements dans le secteur public (à l’exception, dans une certaine mesure, des EAU et du Qatar), signaient la fin de la redistribution massive des produits de la rente pétrolière aux citoyens. Le bénéfice de la rente et les privilèges accordés aux nationaux dans un marché du travail segmenté définissant la citoyenneté, les contrats sociaux et politiques auparavant fondés sur la redistribution « rentière », relativement généralisée, 33 des ressources se sont trouvés menacés par les tentatives de réformes socio‑économiques.34 Toutefois, les capacités de redistribution de l’État étant fortement diminuées, une distinction s’opère dans la population, entre les citoyens connectés aux réseaux clientélistes et les autres, privés de soutiens. Depuis les années 2000, les revendications de citoyens aux revenus modestes contre le développement d’un « clientélisme discriminatoire »35 dans la redistribution des ressources, l’opposition aux réformes d’acteurs religieux et conservateurs en compétition pour le pouvoir, se heurtent de plus en plus aux appels des élites urbaines mondialisées et des classes moyennes à des réformes sociales et politiques, par exemple une revalorisation du statut des femmes.

22En effet, des changements culturels, des évolutions des mentalités et des attentes se font aussi jour dans les pays du Golfe, avec l’accélération de la mondialisation, des déplacements des élites et de leurs enfants (études, séjours de soin, voyages d’agrément), et des circulations de modèles transnationaux de genre et de bien‑être. Par ailleurs, la globalisation économique s’invite elle‑aussi au sein des familles : l’incorporation massive d’employées domestiques étrangères dans les ménages, par exemple, en influence les évolutions de façon marquée. Confrontés aux besoins de garde d’enfants et de malades, ainsi qu’au vieillissement de membres de la famille, dans le contexte du désengagement des États de certaines fonctions redistributrices, les Émiratis interviewés par les auteurs (Malit, Al Awad et Alexander) attribuent à ces travailleuses une importance structurelle dans le fonctionnement de l’unité familiale. L’emploi d’une personne étrangère répond en outre à certains idéaux de prestige pour les familles, et à la promotion, là‑encore paradoxale, du statut de la femme au sein du ménage : à la tête d’une équipe de serviteurs étrangers, celle‑ci accède au statut de chef d’une entreprise domestique. Cependant, les modalités de l’emploi des travailleuses domestiques étrangères, et par extension, les structures familiales du Golfe, s’inscrivent aussi dans un cadre macro‑politique : celui des relations bilatérales entre les EAU et les pays émetteurs de main‑d’œuvre, et dans les formes de dépendance qui en découlent.

Familles, femmes, politique, nationalismes

  • 36 Thiollet, 2015 ; Hertog, 2015 ; Ben Nefissah & Destremau, 2011; Bonnefoy & Louër, 2015. De nombreu (...)

23Dans ce contexte conflictuel, aux tensions encore exacerbées par les « révoltes arabes » du début de la décennie36, la famille est plus que jamais la cible de débats populaires et de diverses mesures ou interventions émanant d’organisations publiques et privées : ONG locales ou transnationales, acteurs gouvernementaux et institutions régionales et internationales, groupes d’intérêts divers. En dépit de leurs divergences, les discours sur la famille s’accordent pourtant sur sa qualité « d’unité de base de la société », en respect des valeurs islamiques, et sur son rôle central dans la protection de l’identité culturelle des sociétés du Golfe, comme dans l’adaptation des sociétés à la réduction des ressources publiques.

  • 37 Todd, 1983.
  • 38 Commaille & Martin, 1998, p. 18
  • 39 Todd, 1983, p. 13.

24L'idée d'une collusion entre le politique et la famille s'inscrit dans une tradition de pensée politique longue et largement répandue, « de Confucius à Rousseau, d’Aristote à Freud »37, « où la famille était présentée comme une expression fondamentale de l’univers dont la société politique devait elle‑même s’inspirer »38. Les structures familiales serviraient ainsi de modèle aux structures politiques et aux modes de gouvernement, les rapports d'autorité au sein de l'unité familiale « (entre parents et enfants, entre mari et femme) définissant le rapport de l'individu à l'autorité »39.

Les relations de genre et de générations, enjeux et réformes

25La Stratégie Nationale pour le Développement 2011–2016 au Qatar par exemple, comme le texte de la Vision 2030, le schéma directeur des réformes économiques et sociales en cours en Arabie saoudite, appellent tous deux au renforcement de la cohésion des liens familiaux, tout en s’engageant dans des mesures prudentes en faveur de l’émancipation des femmes. Pour le gouvernement du Qatar, « assurer la perpétuation de familles soudées et nombreuses est un élément essentiel de l’avenir de notre Nation » (notre traduction) ; le gouvernement projette donc de développer des actions visant à « renforcer le rôle du mariage et des liens familiaux » et à diminuer la fréquence des divorces. En Arabie saoudite, le projet de réformes Vision 2030 réaffirme de même le rôle central de la famille et des valeurs islamiques, les femmes restant « l’un de nos atouts majeurs, car 50 % de nos diplômés d’université sont des femmes », à qui le pays doit garantir une égalité d’accès aux opportunités et une participation accrue à l’emploi. Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, l’émission de cartes d’identité personnelles aux femmes saoudiennes, en réponse à la stigmatisation politique et culturelle du royaume dans la communauté internationale, représente une décision politique qui a affecté le statut des femmes. Des droits sociaux et dans certains cas, l’accès à la citoyenneté ont aussi été ouverts aux enfants de mères citoyennes des pays du CCG, et à certaines catégories de ressortissants étrangers. Ces mesures rompent avec les politiques appliquées jusqu’alors, qui restreignaient la transmission de la citoyenneté aux membres de la parentèle en ligne paternelle.

  • 40 Fargues, 1995.

26D’un pays à l’autre, cette période‑charnière des années 2000 a pu être traversée avec des décalages temporels. Cependant, l’analyse des discours des réformes socio‑économiques et des politiques sociales et familiales engagées depuis cette période semble se focaliser partout sur trois des institutions normatives fondatrices de l’ordre social, économique et politique des sociétés nationales rentières : celle, lignagère, patriarcale et autocratique, établissant le pouvoir et le contrôle sur la (re)distribution des ressources ; celle concernant l’ « étranger », ou plus largement l’ « autre », migrant ou résident de longue date ; et celle concernant les femmes, leurs rôles et places. Les politiques répondent donc aux mutations de comportements démographiques, marquées par une remise en cause, même partielle, des « hiérarchies de genre et de générations »40, ou domination des hommes sur les femmes et des aînés sur les plus jeunes, mais aussi par l’ouverture des sociétés à la mondialisation. Plus généralement, le mariage n’étant plus universel et les divorces restant fréquents, c’est non seulement la stabilité, mais surtout la perpétuation de la famille musulmane comme « unité de base de la société » qui seraient menacées.

27Les politiques sociales et familiales ambitionnent donc de reconstruire le lien social, mais surtout les liens d’allégeance politique entre les régimes et les populations, mis à mal par les mutations contextuelles évoquées plus haut : affaiblissement des capacités redistributives des États, réformes néolibérales, globalisation économique et mondialisation culturelle, mais aussi rivalités politiques avec d’anciennes élites. Reconstruire mais moderniser, reconnaître des évolutions tout en les contrôlant, c’est dans cette interface que se situent tous les processus de réformes analysés ici.

Le « néopatriarcat »

  • 41 Par exemple : Crystal, 1994 ; Al-Naqeeb, 1991 ; Beblawi & Luciani, 1990. La stabilité des régimes (...)
  • 42 Élaborée par H. Sharabi (1996).
  • 43 Brynen, 1995, p. 24-25.
  • 44 Comme par les rois Hussein de Jordanie et Mohammed V du Maroc, et par le Président Bourguiba dès s (...)

28Les tendances autoritaires des régimes dans la région du Golfe, soutenues par la rente pétrolière, sont analysées par nombre de politologues.41 L’ancrage de cet autoritarisme dans les structures des sociétés arabes, le parallèle entre mode de domination macro‑politique et mode de domination au sein de la famille sont évoqués dans la théorie du « néopatriarcat »42 ou dans la notion de « néopatrimonialisme ». Reproduisant les relations de type patriarcal au niveau de la population dans son ensemble (le Patriarche/leader/patron dispense ressources et contrôle social (protection), en retour de l'allégeance de ses sujets/clients), « le néopatrimonialisme diffère du patrimonialisme en ceci qu'il combine et superpose les structures sociales informelles du patrimonialisme aux structures formelles et légales de l'État […] »43. Dans un tel système, la reproduction des institutions par la famille (transmission des valeurs et des normes sociales) sous‑tendrait donc la perpétuation des structures du politique. Le renforcement de la domination patriarcale à l’échelle de la famille (les « hiérarchies de genre et de générations ») renforcerait en outre l’autorité des régimes de type « néopatriarcal » dans la région. Symétriquement, l’affaiblissement de la première entraînerait l’affaiblissement de la seconde. L’interdépendance supposée entre le régime néopatriarcal et la famille patriarcale exige donc, en théorie, de l’État qu’il protège la stabilité de cette dernière et contrôle ses évolutions. Et ce, d’autant plus que dans cette configuration, le lien social et politique se trouve « naturalisé », car inscrit dans le registre particulier de la parenté. On peut avancer par exemple que le qualificatif de « Père de la Nation » revendiqué par Sheikh Zayed des Émirats arabes unis,44 ancrait dans le biologique, le naturel, l’arbitraire de la domination politique.

Catégorisation de l’Autre, du licite et du souhaitable

  • 45 Hasso, 2011, p. 13-14 (traduction des auteurs).
  • 46 Parker, Russo, Sommer & Yaeger, 1992, p. 5.
  • 47 Massad, 1995, p. 170.

29Ce processus d’intervention sur les structures familiales dans le cadre des transitions politiques post‑coloniales a été abondamment décrit par nombre d’auteurs. Selon Frances Hasso par exemple, « Les États postcoloniaux au Moyen Orient […] étaient concernés par la rationalisation et la régulation de la vie familiale, de même que par la reconstitution des normes et des comportements sexuels et maritaux […] Ces États ont initié des projets sur le mariage et la famille typiquement examinés sous l’angle des réformes et de la modernisation, ou compris comme motivés par les agendas patriarcaux des États »45. Le processus de construction nationale implique en outre l'élaboration de représentations de l'Autre : « de même que ‘homme’ et ‘femme’ se définissent l'un par rapport à l'autre (mais pas symétriquement), l'identité nationale n'est pas déterminée sur la base de ses propriétés intrinsèques mais en fonction de ce qu'elle (on le suppose) n'est pas »46. Ainsi, « la tâche principale des nationalistes anticoloniaux n'est donc pas de définir les sexes l'un par rapport à l'autre (féminin‑masculin), mais aussi de les définir tous deux en relation avec le projet nationaliste et, par‑là, de dissocier l'identité nationale de toute contamination coloniale »47.

  • 48 Mosse, 1985.

30Ce travail de distinction/définition est aussi opéré à d’autres niveaux, définissant par exemple une sexualité « respectable »48, rationnelle, voire « saine ». Un processus similaire est à l’œuvre dans l’entreprise réformatrice de la famille observée dans les pays du Golfe étudiés ici : la production de normes de bon/mauvais ; licite/illicite est intense, avec par exemple, comme on l’a vu la désignation des mariages endogames, du divorce ou des enfants nés de mariages avec un homme étranger comme menaces à la santé publique, à la stabilité de la société et comme sources de troubles sociaux.

« Tradition », « modernité » et « crise de la famille »

  • 49 Hobsbawm & Ranger, 1992.
  • 50 Massad, 1995.
  • 51 Anderson, 1991.

31Essentiel à ce processus de construction nationale reste aussi celui « d'invention de la tradition »49, destiné à satisfaire les revendications de « culture nationale », en opposition aux nationalismes européens50. Pris dans ce mouvement, le modèle de la famille patriarcale se consolide en étant appliqué rétroactivement au passé, dans une visée de construction nationale nécessitant la création d'une continuité avec ce passé imaginé. Le contrôle et la reconstruction des relations de pouvoir au sein de la famille en fonction des représentations de la « tradition » permettent d'intégrer la figure du leader dans la configuration sociale de la communauté (Gemeinschaft) et dans les autres attributs de la Nation51 et ainsi de revendiquer un consensus sur les modalités d'exercice du pouvoir. Légitimé par l’invocation de normes religieuses, ce processus est accompagné d’intenses débats autour de la modernisation de l’Islam, reflétée par la diversification des pratiques et des valeurs, mais légitimée par un ancrage dans des références « traditionnelles ».

  • 52 Al-Rasheed, 2013.

32L’analyse par Alexandre Caeiro, des fatwas du ministère des Affaires religieuses du Qatar sur les questions de la vie familiale émises sur le site internet Islamweb, illustre bien ce syncrétisme : l’auteur montre comment les cyber‑muftis de l’émirat ont incorporé des concepts modernes de population « autonome » (self‑reliant), de force de travail productive et tournée vers l’entreprenariat, d’économie de la connaissance. Cependant, l’auteur montre que le référent islamique reste abordé par les bureaucrates et experts comme un « héritage intangible » des sociétés de la région, un fait historique, plus qu’une ressource ou un moteur du changement social. En Arabie saoudite, au contraire, où l’alliance entre deux pouvoirs, l’un politique et l’autre religieux, a produit une forme originale de « nationalisme religieux »52, les femmes sont invitées par les travailleuses sociales à puiser dans l’Islam les sources de leur émancipation (Zina Sawaf).

Famille et politique dans la région du Golfe : contribution du dossier à la question

33Face à l’effervescence réformatrice des régimes des pays du Golfe, dont plusieurs sont dirigés, de facto ou de jure, par de « jeunes » leaders (au Qatar, en Arabie saoudite et aux EAU notamment), et dans le contexte politique instable de la décennie 2010, il n’est pas surprenant que la quasi‑totalité des contributeurs aient situé leur analyse à ce niveau des déterminants « lointains » des politiques familiales, celui des institutions et des projets nationalistes des acteurs impliqués.

34On a relevé plus haut la concentration des discours des politiques sociales et familiales dans la région sur les trois thèmes principaux du lignage (et par extension, le rôle du Père dans la famille) ; de l’ « étranger », ou plus largement l’ « autre » ; et de la place et du rôle de la femme dans la société. Cependant, il est intéressant de voir que les analyses de ces discours, dans les diverses contributions, dévoilent plus de dissensions entre régimes et au sein des sociétés nationales, que de convergences.

35La stabilité de l’unité familiale est vue comme primordiale, en ceci qu’elle reflèterait celle de la société et de la nation. Les facteurs de déstabilisation (divorces, célibat, mariages avec les étrangers) sont donc combattus partout, comme enjeux de menace sociale et politique. Cependant, le danger n’est pas seulement ressenti au niveau de la cohésion d’une « communauté » (Gemeinschaft). Il affecterait également le fonctionnement de la famille comme unité économique, dans la vision technocratique du développement défendue par tous les régimes de la région. La famille doit prendre soin de ses membres, être une unité stable, efficace et fonctionnelle, relais du processus de développement national.

36Les tensions entre modernisation, État et changement social sont également mises en évidence sur tous les terrains étudiés, par tous les auteurs. Ceci est manifesté par les écarts entre le progressisme apparent de certains textes législatifs par rapport à d’autres (Constitution par rapport au Code de la Famille du Qatar, par exemple dans la contribution de Anie Montigny), par la non‑application de certaines dispositions légales interdisant la discrimination contre les étrangers au Koweït ou par des conflits d’interprétation « officielle » des textes religieux (Alanoud Alsharekh), ou encore par les désaccords entre institutions et acteurs politiques. Ceux‑ci appliquent chacun des législations particulières aux effets contradictoires sur les droits des femmes. En témoigne le cas de Samar, « laissée dans un entre‑deux » entre divorce refusé par son mari et émancipation personnelle sans l’aide des institutions saoudiennes, étudié par Zina Sawaf. Plus généralement, les projets de développement social promeuvent tous l’émancipation des femmes, mais maintiennent des pratiques genrées discriminatoires, tel que l’institution du garant (wakīl) pour toute femme saoudienne.

  • 53 Voir aussi Kassem & Al-Muftah, 2016.

37La figure du Père/patriarche constitue aussi partout une cible ambigüe, car elle entre en compétition avec les ambitions de contrôle socio‑politique des familles par les États. C’est pourquoi, dans certains pays plus que d’autres (Koweït), les groupes tribaux et leur corollaire, la famille étendue, sont la cible de politiques qui visent à affaiblir leur cohésion. Tous les auteurs remarquent la transition de l’unité sociale privilégiée, de la « ‘ayla » vers la « usra », par exemple, cette dernière restant plus facile à contrôler car individualisée. Les dissuasions aux mariages entre apparentés, présentés comme un danger pour la santé publique (Yagoub et Yousif Al‑Kandari), pourraient aussi s’inscrire dans ces efforts pour affaiblir la cohésion des familles étendues. Au Qatar, l’attribution de terrains à bâtir aux jeunes couples visait à nucléariser la famille et à affaiblir les solidarités tribales (Anie Montigny)53. En Arabie saoudite comme dans tous les pays du Moyen‑Orient, Zina Sawaf rappelle que le projet national est un projet de « aarī-s ». Les tribus ont été sédentarisées, « folklorisées », restructurées et infiltrées par l’État. Selon Zina Sawaf, la figure du bédouin pauvre est donc particulièrement stigmatisée par les travailleurs sociaux éduqués à un Islam « moderne » dans le Royaume.

38Pourtant, Françoise De Bel‑Air remarque un acharnement particulier sur la figure du Père en Arabie saoudite, et par extension sur celle de l’homme, dans les discours des politiques sociales (mais pas forcément dans les actes, comme rappelé par Zina Sawaf), depuis le milieu des années 2000. Les pères sont par exemple désignés coupables des mariages trop précoces de leurs filles dans les nombreux débats sur le mariage des petite filles depuis les années 2000 (leur cupidité les pousserait à « vendre » leur fille pour capter leur douaire), tandis que les mesures contre les violences conjugales « désacralisent » l’espace domestique privé. L’État intervient partout et semble chercher à reprendre le contrôle de la famille par le biais des femmes (Zina Sawaf montre que celles‑ci sont même émancipées, au moins en théorie, du contrôle du père/mari par l’attribution de documents administratifs individuels). Au Qatar, les réponses des cyber‑muftis de Islamweb aux questions posées par les internautes (Alexandre Caiero) indiquent aussi que le pouvoir du Père n’est plus incontesté. Cependant, la femme n’y semble pas aussi émancipée de son groupe familial et responsabilisée en tant qu’individu par les instances sociales gouvernementales qu’en Arabie saoudite (dans les discours, sinon dans les faits), et Anie Montigny remarque la responsabilité le plus souvent imputée aux femmes dans les tentatives de règlements des dysfonctionnements des mariages et des divorces.

  • 54 Al-Rasheed, 2013.

39Plus généralement, les divergences remarquées entre politiques sociales d’un pays à l’autre pourraient refléter des divergences dans les processus de (re)construction nationale : si le régime du Qatar, par exemple, semble pouvoir être assimilé à un « néopatriarcat modernisé » (Anie Montigny), l’Arabie saoudite semble en transition entre un « État masculin »54 (mais non néopatriarcal en raison du pouvoir bicéphale caractérisant ce pays jusqu’à une période récente), et un modèle de société paradoxalement plus individualiste.

40Ce dossier semble ainsi appuyer l’idée que la « question de la femme et de la famille » ne sont pas les cibles ultimes des politiques ; elles constituent avant tout un moyen d’infléchir (ou protéger) les institutions politiques. Doit‑on lire les paradoxes et contradictions des mesures d’émancipation des femmes, par exemple, comme le signe d’une stratégie graduelle de transformation de ces institutions, ou au contraire comme le signe d’une volonté de rester dans un entre‑deux, permettant de satisfaire, en apparence, les partisans du changement et ceux du statu‑quo? Ces tensions sont‑elles le signe de conflits entre acteurs en compétition pour le pouvoir, ou reflètent‑elles l’infiltration des processus de construction nationale par des entités étrangères ? Les étrangers employés dans les instances gouvernementales dans un petit pays comme le Qatar, l'activisme d’ONG et institutions internationales témoignent-ils de l’incorporation grandissante et obligée des pays du Golfe dans la mondialisation économique et culturelle ? Ces questions demandent à être approfondies et plus d’études doivent être menées sur ce sujet, afin de cerner plus précisément la portée politique des rapides évolutions sociales en cours dans la région du Golfe.

Haut de page

Bibliographie

Aarts P. & Nonneman G. (Eds.), Saudi Arabia in the Balance, London: Hurst and Co., 2006.

Abd El Ati H., The Family Structure in Islam, American Trust Publications, 1977.

Abdul Salam A., “Nuptiality and fertility in Saudi Arabia: An appraisal of census data,” Middle East Fertility Society Journal, No. 18, 2013, p. 147‑153.

Alharahsheh Sanaa T., Mohieddin M. M. & Almeer F. K., “Marrying out: Trends and patterns of mixed marriage amongst Qataris”, International Journal of Social Science Studies, Vol. 3, No. 6, November 2015, p. 211‑225.

AlNaqeeb K. H., “Social origins of the authoritarian state in the Arab East”, in E. Davis & N. Gavrielides (Eds.), Statecraft in the Middle East: Oil, Historical Memory, and Popular Culture, University Presses of Florida, 1991, p. 36‑70.

AlRasheed M., A Most Masculine State: Gender, Politics and Religion in Saudi Arabia, Cambridge, Cambridge University Press, 2013.

Anderson B., Imagined Communities: Reflections on the Origin and Spread of Nationalism, New York/London: Verso, 1991.

Bourdieu P., « À propos de la famille comme catégorie réalisée », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 100, décembre 1993, p. 32‑36.

Beblawi H., “The rentier state in the Arab World”, in G. Luciani (Ed.), The Arab State, Instituto Affari Internazionale, 1990, p. 85‑98.

Ben Nefissah S. & Destremau B. (Eds.), Protestations sociales, révolutions civiles : transformations du politique dans la Méditerranée arabe, Revue Tiers Monde, Hors série n° 2, 2011, Paris, Armand Colin, 240 p.

Bonnefoy L. & Louër L., « Le printemps arabe et ses suites dans la péninsule Arabique », Arabian Humanities, 4 | 2015.

Brynen R., “The neopatrimonial dimension of Palestinian politics”, Journal of Palestine Studies XXV, No. 1, Autumn 1995, p. 23‑36.

Celello K. & Kholoussy H. (Eds), Domestic Tensions, National Anxieties: Global Perspectives on Marriage, Crisis, and Nation, New York: Oxford University Press, 2016.

Commaille J. & Martin C., Les enjeux politiques de la famille, Paris : Bayard Éditions, 1998.

Courbage Y., « Baisse de la fécondité dans la Péninsule arabique », Population, 50ᵉ année, n° 2, 1995, p. 415‑445.

Courbage Y., « Péninsule arabique : les surprises de la démographie », Maghreb‑Machrek, n° 144, avril‑mai‑juin 1994, p. 3‑25.

Creton D., « Familles, multiculturalisme et genre dans l’émirat d’Abou Dhabi », Espace, Populations, Sociétés, 2012/2, septembre 2012, p. 59‑77.

Crystal J., “Authoritarianism and its adversaries in the Arab World”, World Politics, No. 46, Jan. 1994, p. 262‑289. 

DaziHeni F., L’Arabie Saoudite en 100 questions, Paris : Éditions Tallandier, 2017.

DaziHeni F., Monarchies et sociétés d’Arabie, Paris : les Presses de Sciences Po, 2006.

De BelAir F., « Mariage et famille dans le Golfe arabe : vers un bouleversement politique ? », Espace, Populations, Sociétés, 2012/2, septembre 2012, p. 79‑96.

De BelAir F., “Fertility and marriage in the Middle East: Paradoxical trends,” Orient XXI, 6 June 2017, https://orientxxi.info/magazine/fertility‑and‑marriage‑in‑the‑middle‑east‑paradoxical‑trends,1894.

Destremau B., De Regt M. & LatteAbdallah S. (Eds), “Gender transformations in the Arabian Peninsula: Tensions and articulations in social relations”, Arabian Humanities, 1 | 2013.

Dresch P., “Foreign matter: The place of strangers in Gulf society”, in J. Fox, N. Mourtada‑Sabah & M. al‑Mutawa (Eds), Globalization and the Arab Gulf, London: Routledge, 2006, p. 200‑222.

Fargues P., Générations arabes, Paris : Fayard, 2000.

Fargues P., “Changing hierarchies of gender and generation in the Arab World”, in C. Obermeyer (Ed.). Family, Gender and Population in the Middle‑East: Policies in Context, Cairo: The American University of Cairo Press, 1995, p. 179‑198.

Fargues P., « ‪La baisse de la fécondité arabe », Population, n° 6, 1988, p. 975-1004.

Ginsburg F. & Rapp R. (Eds.), Conceiving the New World Order: The Global Politics of Reproduction, Berkeley/London: University of California Press, 1995.

Hasso F. S., Consuming Desires: Family Crisis and the State in the Middle East, Stanford, Stanford University Press, 2011.

Hertog S., « ‪Retour aux années 1970 ? La jeunesse du Golfe et les économies de la rente après le Printemps arabe », Pouvoirs, 2015/1, n°°152, p. 69-86.

Hertog S., “Segmented clientelism: The political economy of Saudi Economic reform efforts,” in P. Aarts and G. Nonneman (Eds.), Saudi Arabia in the Balance, London: Hurst and Co, 2006.

Hobsbawm E. & Ranger T. (Eds.), The Invention of Tradition, Cambridge: Cambridge University Press, 1992.

Jurdi R. & Saxena P. C., “The prevalence and correlates of consanguineous marriage in Yemen: Similarities and contrasts with other Arab countries”, Paper presented at XXIV General Population Conference at Salvador – Brazil, 18–24 August 2001.

Kassem L. & AlMuftah E., “The Qatari family at the intersection of policies”, in M. E. Tok et al. (Eds.), Policy‑Making in a Transformative State: The Case of Qatar, London: Palgrave, 2016, p. 213‑239.

Khraif R. M., “Fertility in Saudi Arabia: Levels and determinants”, Paper presented at XXIV General Population Conference at Salvador – Brazil, 18–24 August 2001.

Louër L., “The political impact of labour migration in Bahrain,” City & Society, 20, Issue 1, 2008, p. 32‑53.

Louër L., The Arab Spring effect on labor politics in Bahrain and Oman, Arabian Humanities, 4 | 2015.

Ministry of Development Planning and Statistics (MDPS), Marriage & Divorce in the State of Qatar, 2016: Review and Analysis, Doha: MDPS, 2017.

Patai R., The Kingdom of Jordan, Princeton: Princeton University Press, 1958.

Safar J., Mariage et procréation à Oman et au Koweït : étude des mutations générationnelles dans le contexte d’États rentiers, Thèse de doctorat, Institut d’Études Politiques, Paris, 2015.

Sharabi H., Le néopatriarcat, Paris : Mercure de France, 1996.

Massad J., “Conceiving the masculine: Gender and Palestinian nationalism”, in: Middle East Journal, vol. 49, No. 3, Summer 1995, p. 467‑83.

Mosse G., Nationalism and Sexuality, New York: Howard Fertig, 1985.

Parker A., Russo M., Sommer D. & Yaeger P., Nationalisms and Sexualities, London/New York: Routledge, 1992.

Tabutin D. & Schoumaker B., “The demography of the Arab World and the Middle East from the 1950s to the 2000s: A survey of changes and a statistical assessment”, Population, 2005/5, Vol. 60, p. 505‑615.

Thiollet H., «‪ Migration et (contre)révolution dans le Golfe : politiques migratoires et politiques de l’emploi en Arabie saoudite », Revue européenne des migrations internationales, vol. 31 (3), 2015, p. 121-143.

Todd E., La troisième planète : structures familiales et systèmes idéologiques, Paris : Seuil, 1983.

Wanucha E. & Babar Z. (Eds), “Family in the Arabian Peninsula”, Center for International and Regional Studies Special Issue: HAWWA, Vol. 16, Issue 1‑3, Nov. 2018.

Winckler O., Arab Political Demography: Population Growth, Labor Migration and Natalist Policies, Brighton: Sussex Academic Press, 2009 (2nd edition).

Yamani, M. A. Z., Polygamy and Law in Contemporary Saudi Arabia, Reading: Ithaca Press, 2008.

Haut de page

Notes

1 <http://gulfmigration.org/evolution-of-population-figures-share-of-non-nationals-and-demographic-growth-rates-in-gcc-countries-since-the-1970s-national-statistics-1970-2010/>.

2 <http://gulfmigration.org/gcc-total-population-percentage-nationals-non-nationals-gcc-countries-national-statistics-2010-2017-numbers/>.

3 Les Émirats arabes unis (IDH=0,863) et le Qatar (IDH=0,856) enregistrent des IDH très élevés en 2017, suivi par l’Arabie saoudite (IDH=0,853), Bahreïn (IDH=0,846), Oman (IDH=0,821) et le Koweït (IDH=0,803). Source : PNUD ; <http://hdr.undp.org/en/indicators/137506>.

4 Données UNESCO, in Banque de données de la Banque mondiale, <http://databank.banquemondiale.org/data/reports.aspx?source=2&series=NY.GDP.MKTP.CD&country=>.

5 Les données statistiques disponibles dans les pays du Golfe restent en effet éparses, de qualités diverses et difficilement comparables dans le temps et entre États de la région. Elles ne permettent pas d’appréhender toutes les dimensions du changement socio-démographique. C’est particulièrement le cas pour les pays les plus peuplés de la région, l’Arabie saoudite et Oman, malgré des tentatives récentes d’alignement des bureaux statistiques de ces pays sur les pratiques et nomenclatures reconnues internationalement. Le Koweït et Bahreïn disposent d’appareils statistiques plus développés, et mènent des recensements de populations à intervalles réguliers depuis plusieurs décennies (1941 au Bahreïn ; 1957 au Koweït jusqu’à la détérioration statistique observée depuis 1990 après l’invasion irakienne du pays (Safar, 2015)).

6 Ce n’est plus vrai depuis les années 2000 mais surtout le début des années 2010 (voir plus loin).

7 Voir par exemple : Mosse, 1985 ; Anderson, 1991 ; Parker, Russo, Sommer & Yaeger, 1992 ou Ginsburg & Rapp, 1995 ; Celello & Kholoussy, 2016 ; sur le monde arabe : Massad, 1995 ; Sharabi, 1996 ; Hasso, 2011.

8 Bourdieu, 1993.

9 Hasso, 2011.

10 Sur la base des Gulf Family Health Surveys (GFHS), un programme d’enquêtes sur la fécondité conduites dans les États du Golfe entre 1995 et 1998. Voir par exemple : Courbage, 1994 ; 1995 ; Tabutin & Schoumaker, 2005 ; Winckler, 2009 ; Creton, 2012 ; De Bel-Air, 2012 ; Safar, 2015.

11 Sur l’Arabie saoudite : Khraif, 2001 ; Abdul Salam, 2013.

12 Enquêtes démographiques de 1987 et 2016.

13 Creton, 2012, p. 72.

14 Fargues, 2000, p. 118-119.

15 La probabilité du mariage décroît avec le temps, car la procréation reste considérée par les familles comme une priorité du mariage.

16 De 10 % (Bahreïn) à 14 % (Qatar) des mariages féminins déclarés à l’état-civil cette année-là. Sur le Qatar, voir aussi Alharahsheh, Mohieddin & Almeer, 2015.

17 75 % des mariages conclus en 2014 impliquant une Qatarie et un étranger selon l’enregistrement à l’état-civil, contre 36 % seulement des mariages conclus entre un citoyen Qatari et une étrangère cette même année.

18 Selon les Child Health Surveys (Jurdi & Saxena, 2001, tab. 4).

19 MDPS, 2017, p. 17.

20 Même si cette évolution semble plus caractéristique des classes moyennes que des familles aristocratiques (Dresch, 2006).

21 Le ratio femmes mariées/hommes mariés (ressortissants des pays du Golfe seulement) donnait un taux de 100.4 femmes mariées pour 100 hommes en Arabie saoudite (2016), 103 au Koweït (2015) et 105 au Qatar (2010). Le ratio atteignait 114 femmes mariées pour 100 hommes à Oman (2010) (enquêtes démographiques et recensements nationaux de 2010). Il demeure que de nouvelles formes d’unions polygamiques « non conventionnelles » prennent place dans la région, notamment le mariage misyār (Yamani, 2008 ; Safar, 2015).

22 Nombre de divorces pour 100 mariages conclus la même année. La moitié des divorces intervient en effet au cours des deux ans suivant la signature du contrat de mariage dans tous les pays de la région, et souvent avant la consommation de l’union (30 % des divorces au Qatar, fin des années 2000, par exemple).

23 Fargues, 2000, p. 127.

24 Patai, 1971.

25 En témoigne par exemple le hadith : « Mariez-vous. Croissez et multipliez, car je serai fier de vous auprès des nations le jour de la Résurrection ».

26 Abd El Ati, 1977.

27 Ressources ne découlant pas d’un processus de production, ici, les hydrocarbures.

28 Fargues, 2000, p. 102-107.

29 Les EAU, et surtout le Qatar, sont moins touchés par ces évolutions que le Bahreïn, Oman et l’Arabie saoudite. Voir par exemple les travaux de Fatiha Dazi-Héni (2006, 2017) sur l’histoire politique récente des pays du Golfe, ou des analyses en termes d’économie politique, par exemple Aarts & Nonneman, 2006.

30 Par exemple, le processus d’accession à l’OMC engagé dès le milieu des années 1990 par l’Arabie saoudite, qui aboutit en 2005.

31 Louër, 2015.

32 Destremau, De Regt & Latte Abdallah, 2013.

33 Le recul historique ne renvoie ici qu’à l’ère pétrolière, et la société érigée dans son sillage. Il faut préciser que la théorie de l’État rentier qui fonde notre analyse, est fortement critiquée.

34 Par exemple Louër, 2008, sur le Bahreïn.

35 Hertog, 2006, p. 120.

36 Thiollet, 2015 ; Hertog, 2015 ; Ben Nefissah & Destremau, 2011; Bonnefoy & Louër, 2015. De nombreuses autres références sur les dynamiques et implications du “printemps arabe” dans la péninsule Arabique peuvent être trouvées dans ces publications.

37 Todd, 1983.

38 Commaille & Martin, 1998, p. 18

39 Todd, 1983, p. 13.

40 Fargues, 1995.

41 Par exemple : Crystal, 1994 ; Al-Naqeeb, 1991 ; Beblawi & Luciani, 1990. La stabilité des régimes clientélistes et autoritaires-néopatrimoniaux de la région est dite dépendre de la redistribution par l’État de ressources de type rentier, qui a permis de négocier une faible participation politique des citoyens en échange de la limitation du recours aux prélèvements directs, selon l'aphorisme « pas de représentation sans taxation » (Beblawi, 1990, p. 89). Outre l'exemption de taxation, les ressources sont aussi constituées de redistributions financières ou de biens et services.

42 Élaborée par H. Sharabi (1996).

43 Brynen, 1995, p. 24-25.

44 Comme par les rois Hussein de Jordanie et Mohammed V du Maroc, et par le Président Bourguiba dès son accès à la tête de la Tunisie nouvellement indépendante.

45 Hasso, 2011, p. 13-14 (traduction des auteurs).

46 Parker, Russo, Sommer & Yaeger, 1992, p. 5.

47 Massad, 1995, p. 170.

48 Mosse, 1985.

49 Hobsbawm & Ranger, 1992.

50 Massad, 1995.

51 Anderson, 1991.

52 Al-Rasheed, 2013.

53 Voir aussi Kassem & Al-Muftah, 2016.

54 Al-Rasheed, 2013.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Françoise De Bel-Air, Jihan Safar et Blandine Destremau, « Mariage et famille dans le Golfe aujourd’hui : tempête sur l’institution patriarcale ? »Arabian Humanities [En ligne], 10 | 2018, mis en ligne le 23 janvier 2019, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/3685 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cy.3685

Haut de page

Auteurs

Françoise De Bel-Air

Socio-démographe, Chercheure et consultante

Jihan Safar

Socio-démographe, Chercheure au GLMM

Articles du même auteur

  • Un projet ‘moderne’ pour le couple et la famille. Émergence de nouvelles attitudes et pratiques reproductives
    The Birth Spacing Program in the Sultanate of Oman: A ‘Modern’ Project for the Couple and the Family. Emergence of New Attitudes and Reproductive Practices
    Paru dans Arabian Humanities, 1 | 2013

Blandine Destremau

Sociologue, Directrice de recherches au CNRS (Iris / EHESS)

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search