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Le cheval dans la péninsule Arabique

À la recherche de la race arabe : cheval et voyage en Arabie centrale au XIXe siècle

The Search for the Arabian Race: Horses and Voyages in Central Arabia in the 19th century
François Pouillon

Résumés

L’Arabie centrale est restée très tardivement à l’écart des entreprises d’exploration qui, au XIXe siècle, s’attachent méthodiquement à sillonner la planète. Ceux qui l’entreprirent finalement, Carlo Guarmani et les Blunt notamment, étaient particulièrement attachés à rechercher des chevaux de pure race arabe, et ceux‑ci constituent donc un vecteur important de ces explorations. Le caractère un peu paradoxal de cette quête — car le cheval ne survit pas facilement dans un environnement d’aridité extrême — dénote en outre une évolution des mentalités concernant la représentation du désert qui, en ces temps postromantiques, n’est plus perçu comme une marge hostile et répulsive mais comme une entité géographique positive : un foyer d’où sortent des races — le concept prend alors tout son autorité — nobles aux vertus particulières.

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Entrées d’index

Chronologique :

XIXe siècle
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Notes de l’auteur

Ce texte est extrait d’un ouvrage à paraitre chez Karthala sous le titre Bédouins d’Arabie. Structures anthropologiques et mutations contemporaines. Merci à Guy Barthélemy pour sa lecture soigneuse.

Texte intégral

  • 1 Thesiger, 1959.

1C’est une sorte de paradoxe que l’Arabie centrale, traversée comme elle l’avait été par des quantités d’étrangers du fait des multiples relations terrestres qu’y frayaient les pèlerins de La Mecque, ait été si tardivement l’objectif d’explorations géographiques au sens moderne du terme. L’impérieuse mission dont s’est senti investi sur le tard Wilfred Thesiger, celle qui consistait à combler les fameuses « taches blanches » des cartes géographiques, n’a pas paru habiter précocement les aventureux voyageurs qui ont assuré un peu partout ailleurs cette mission : ses explorations n’eurent lieu qu’après la Seconde Guerre mondiale1. Parcourir ces régions n’était pourtant pas alors chose impossible, mais il manquait des raisons pour y aller.

  • 2 Thesiger, 1982, p. 74‑75.

2C’est surtout affaire de représentation de l’espace. Ce point est assez bien illustré dans ce qui est l’un des passages les plus réjouissants du récit de Thesiger. Alors qu’il s’apprête à se lancer, avec une caravane de chameaux et un stock de provisions limité, dans sa traversée du Rub‘ al‑Khālī, ce « Quartier vide » de la Péninsule que les Bédouins appellent tout simplement « les sables » (al‑rimāl), ceux qu’il a mobilisés pour lui servir de guide et d’accompagnateurs se montrent soudain moins pressés. C’est qu’ils ont trouvé des pâturages pour leurs animaux, et ces jeunes Bédouins, s’ils sont capables de se lancer dans d’intrépides traversées, le font précisément pour atteindre quelque pâturage susceptible de nourrir leurs troupeaux. Dès lors qu’ils trouvent ces pâturages sur place, ils perçoivent beaucoup moins l’urgence de la course chimérique où Thesiger veut les lancer2. S’agissant de se déplacer, on voit que la géographie des Bédouins et celle de l’explorateur ne coïncident pas vraiment. Tout est question d’objectif.

  • 3 Même s’il devait être jugé rapidement assez fantaisiste : sur l’imprécision des mesures topographiq (...)
  • 4 Wallin, 1979.
  • 5 Bien que le livre fut signé de la seule Lady Ann Blunt – une petite fille de Lord Byron –, l’usage (...)

3Les raisons qui, au xixe siècle, ont conduit des voyageurs vers le centre de la Péninsule méritent donc d’être examinées avec attention. Et pour expliquer d’abord leur caractère tardif : car on doit attendre 1864 et la publication du voyage de William Gifford Palgrave pour avoir la première relation sérieuse d’une traversée de la Péninsule de part en part. Le livre, qui donnait un exposé topographique consistant de cet itinéraire3, eut alors un succès considérable. Georg August Wallin, le seul à avoir fait avant lui une boucle en Arabie centrale, en avait rendu compte dans des articles du Journal of the Royal Geographical Society publiés dans les années 18504. Sa relation était restée passablement inaperçue : d’abord parce qu’il mourut prématurément, ensuite parce qu’il n’avait laissé derrière lui que des carnets rédigés dans sa langue d’expression, le suédois. Le récit de voyage des Blunt5, publié en 1881, sept ans après celui de Palgrave, apporta un éclairage significatif sur la situation politique régnant au cœur de l’Arabie. Charles Doughty les y avait précédés, mais son ouvrage, fondamental, allait attendre 1888 pour être publié — soit après les relations savantes de Huber, mort assassiné par ses guides en 1884, et de son collègue allemand Julius Euting, qui l’avait accompagné pour partie dans cette dernière expédition. Au cours de ces décennies, on voit donc se constituer, sur l’Arabie centrale, un corpus consistant de textes qui se complètent et se répondent. Leur mise en perspective doit permettre de déceler les raisons de ce faisceau d’enquêtes tardif mais cohérent.

Des raisons de l’exploration

4Au delà du caractère assez disparate des observateurs, et du financement le plus souvent privé de leurs entreprises, et à côté du souci d’information politique — un banal espionnage qui finira par relever de la routine des chancelleries —, on voit se dessiner des motivations classiques, largement à l’œuvre partout ailleurs dans l’exploration des nouveaux mondes : l’ambition de réaliser des relevés topographiques en vue de l’établissement de cartes précises des contrées les plus lointaines ; mais également la recherche archéologique ou plus spécifiquement épigraphique sur les confins d’un monde globalement « biblique » et dont on fouille les articulations anciennes. Les voyageurs se fixent l’une et l’autre de ces tâches (ou missions), et souvent au péril de leur vie, tant il est vrai que les indigènes se méfient des curiosités et des investigations indiscrètes dont on saisit mal les motifs : cette obsession à fouiller des sites anciens, témoins d’un passé idolâtre, celui des adorateurs des « pierres levées » maudits par le Coran, peut‑il être autre chose qu’une recherche de trésors ?

  • 6 Voyageur de La Mecque et explorateur de la haute vallée du Nil, l’intrépide Jean‑Louis Burckhardt, (...)

5Tous nos voyageurs d’Arabie cités s’attachent à répondre à ces curiosités, alors même qu’il leur manque les compétences techniques — linguistiques, archéologiques, topographiques — pour conduire des enquêtes sérieuses dans ces domaines d’érudition. Les conditions du voyage se prêtent d’ailleurs rarement à en mettre en œuvre les procédures6… On reste rêveur face aux mesures d’altitude ou de distance, aux « estampages » réalisés à l’aveugle pour relever, de façon aussi précise que possible, dans des conditions acrobatiques, telle inscription rupestre dont il s’agira de transmettre le document par le truchement des agents consulaires ou de leurs séides, afin qu’ils soient pieusement centralisés et décryptés par les savants des métropoles de la recherche orientaliste. On n’évoque là que les composantes d’une recherche purement scientifique, c’est‑à‑dire archéologique et géographique, alors que personne n’est dupe des déclinaisons collatérales potentielles de telles investigations.

  • 7 Liste sur laquelle on ne s’accorde pas toujours mais où on retient le plus souvent les noms de Saql (...)
  • 8 Lettre du Général Fleury du 24 novembre 1863 (d’après Rainero, 1976, p. 133‑135).

6Mais se dégage aussi, chez certains de ces voyageurs, un autre objectif qui nous parait non moins déterminant, une préoccupation à la fois spéculative et économique : le désir de venir observer, et si possible d’acquérir des échantillons d’une « race arabe » de chevaux dont on trouverait ici les plus remarquables représentants. Telle est en effet la raison principale de la mission d’un voyageur venu en Arabie centrale deux ans après Palgrave, un certain Carlo Guarmani, un Livournais installé à Beyrouth qui s’intéresse depuis toujours aux chevaux du Bilād al‑Shām. Il en tire un petit traité érudit, El Khamsa (1864), titre qui renvoie au récit de fondation des cinq races « nobles » (aṣīl)7, lesquelles remonteraient aux cinq juments préférées du Prophète. Son voyage au cœur de la Péninsule a été en effet commandité par le Général Fleury, aide de camp de Napoléon III et grand écuyer de l’empereur, en vue d’acquérir des étalons arabes pour les haras nationaux. La « maison de l’Empereur et des Beaux Arts » lui ouvre à cet effet « un crédit de 30 000 francs » et une avance à fonds perdu (« ce que vous jugerez convenable », lui dit‑on dans sa lettre de commande) pour l’acheminement des animaux à Jérusalem et leur transport jusqu’à Marseille, où ils seraient pris en charge par l’administration des haras8. Si la société de Géographie de Paris peut donc publier un précieux Itinéraire de Jérusalem au Neged septentrional (1865), c’est parce que son auteur s’est rendu jusqu’au Nejd pour y chercher des chevaux.

  • 9 Blunt, 1879 p. 153‑155, 277, 330‑331.
  • 10 Blunt, 1882.

7La chose est plus explicite encore pour ce qui concerne le périple des Blunt. Ces aristocrates anglais qui allaient devenir d’importants éleveurs de chevaux arabes en Égypte et en Angleterre sont venus en Orient quasi exclusivement pour y trouver des chevaux. Le premier grand voyage du couple, en 1877 et 1878, les a conduits vers les tribus bédouines de l’Euphrate où on leur a fait grand cas des bêtes qu’ils étaient susceptibles de trouver en descendant plus au sud, au centre de la Péninsule9. C’est alors qu’ils montent une aventureuse expédition vers le Nejd. Ils sont les premiers, après Doughty, à se présenter dans cette région sans dissimuler leur religion, leurs prédécesseurs se faisant passer pour de pieux musulmans. Bien qu’ils l’aient intitulé « Pèlerinage au Nejd », l’ouvrage qu’ils en rapportent n’a rien d’une quête religieuse : outre une relation sur l’état politique de la région, l’essentiel est d’y chercher « le berceau de la race arabe »10.

Ill. 1 : Wilfrid Blunt et Lady Ann Blunt en costume arabe. Frontispice à l’édition française de Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882 (Gravure de Gaston Vuillier d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt).

Ill. 1 : Wilfrid Blunt et Lady Ann Blunt en costume arabe. Frontispice à l’édition française de Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882 (Gravure de Gaston Vuillier d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt).
  • 11 Burton, 1893, t. 1, p. 3 : “To find out if any market for horses could be opened between Central Ar (...)

8La recherche de chevaux mérite donc d’être mise au premier rang des raisons des explorations lancées vers le centre de la Péninsule. En témoigne la note d’un des plus importants voyageurs d’Arabie, Richard Burton, qui cherche surtout à réaliser, après Burckhardt, l’exploit de se rendre dans les villes saintes de l’Islam : il signale en ouverture de son Pilgrimage to Mecca (1856) que le premier de ses « objectifs secondaires », dès avant le souci d’obtenir « pour nos cartes » des informations sur le grand désert de l’Est, serait de « voir si le marché des chevaux de l’Arabie pouvait être ouvert en direction de l’Inde où le manque d’étalons de qualité se fait sentir cruellement ».11

9Cette dimension stratégique autant que commerciale — chose dont Burton fut au plus haut point avisé — a contribué à stimuler les initiatives d’originaux et, bientôt, d’institutions, concernant des expéditions lancées vers l’Arabie centrale. On peut dans cette perspective revenir sur la hiérarchie des motifs divers qui sont à la source de l’exploration de la Péninsule et voir comment ils s’organisent, cela dans une approche globale du désert qui, au cours du xixe siècle, se modifie significativement.

Les raisons d’un retard

10Il faut en premier lieu revenir sur le caractère tardif de l’intérêt manifesté pour cette région, qui n’apparait véritablement qu’après la Grande Guerre, avec le succès mondial de l’épopée du colonel Lawrence.

  • 12 C’est au point qu’Alexandre Dumas sent la nécessité littéraire d’égayer par le récit d’une attaque (...)

11Au premier rang des explications, sans doute, figurent le caractère rébarbatif du climat et la dangerosité des voyages, exposés aux attaques des « sauvages » Bédouins. Ces « rezzous » sont devenus un topos des récits de voyage au désert12. Mais en ces temps d’anarchie, les voyageurs sérieux, commerçants ou pèlerins, savent pertinemment que l’on peut très bien se prémunir de telles avanies en veillant à se mettre sous la protection de ceux qui contrôlent les territoires que l’on doit traverser, représentants locaux de pouvoirs souverains ou grands chefs de tribus.

12C’est bien sûr question d’argent, mais c’est un fait que les dangers du désert ne découragent pas ceux qui s’y risquent lorsqu’ils y ont trouvé quelque objectif intéressant. Ainsi les villes mortes du désert signalées par des textes anciens mais dont l’itinéraire a été perdu, comme Palmyre et Pétra, constituent‑elles dès lors de puissants motifs d’expédition. Pour les villes saintes de l’islam cependant, comme pour certains territoires interdits aux non‑musulmans, c’est le séjour et non le voyage qui constitue un danger pour des chrétiens qui s’y feraient démasquer. Bien avant l’expédition de Richard Burton, Jean‑Louis Burckhardt, qui s’était donné comme objectif final d’atteindre la légendaire Tombouctou, en rapporte une description assez complète dans les premières années du xixsiècle. Les hautes terres de l’Arabia Felix, parce qu’elles sont productrices d’un café dont l’usage se vulgarise en Europe, sont visitées plus précocement encore. Mais les descriptions de l’Arabia Deserta ne visent en somme que les marges de la Péninsule : Sinaï, Hedjaz, Yémen.

  • 13 Rousseau, 1809.
  • 14 Corancez, 1810.
  • 15 Fathallah, 1835 ; 1991.

13Si l’intérieur de la Péninsule tarde à attirer la curiosité, c’est en somme que l’on n’y trouve pas grand intérêt. On s’en préoccupe quand même un peu au tout début du xixsiècle, après les raids lancés hors de son territoire par le premier État saoudien. Galvanisées par les prédications réformistes de Muḥammad b. ‘Abd al‑Wahhāb, les troupes bédouines déferlent alors pour mettre fin aux dérives idolâtres qui, selon elles, entourent les personnages des fondateurs de l’islam, vers quelques villes saintes de l’islam. Cela conduit à quelques expéditions destructrices lancées contre le grand centre chiite de Kerbala, en 1801, et à La Mecque et à Médine, de 1802 à 1806. Ces débordements de l’Arabie hors de son centre inviolé suscitent en effet la curiosité, avec quelques rapports confectionnés par des spécialistes locaux. On en a témoignage avec les textes du très savant consul de France à Alep, Jean‑Baptiste Rousseau13, ainsi qu’avec celui d’un membre de l’Institut d’Égypte, Louis Alexandre Olivier de Corancez14. Et cela a bien pu être l’objectif d’une expédition aventureuse lancée par un étonnant survivant de l’expédition d’Égypte, Théodore Lascaris, révélée tardivement par un récit de son drogman publié par Lamartine15.

  • 16 Al‑Rasheed, 1991.

14Ce motif de curiosité s’éteint avec l’expédition envoyée en Arabie centrale par Muḥammad ‘Alī, et qui conduit à la destruction en 1818 du premier État saoudien — on a ni conservé ni traduit, que l’on sache, de relation liée à cette expédition. La domination sur l’Arabie centrale va être dès lors exercée par un émirat aux ambitions beaucoup plus modestes, celui des Āl Rashīd, vers lequel vont se porter les explorations lancées un demi‑siècle plus tard16.

  • 17 Palgrave, 1866, p. 2.
  • 18 Ageron, 1970.
  • 19 Palgrave tourne néanmoins en ridicule le projet d’unification des tribus arabes telle qu’elle est r (...)

15Si des préoccupations de caractère scientifique — établir des cartes, enquêter sur l’histoire antique de la région — sont récurrentes chez les voyageurs de la seconde moitié du siècle, on reste dans l’embarras pour ce qui concerne les motifs réels de l’expédition au Nejd lancée en 1862 par William Gifford Palgrave. Ce père jésuite, qui allait abjurer trois fois sa religion, sans compter sa conversion feinte à l’islam, déclare pourtant dans son introduction que le financement de cette expédition a pu être couvert par des fonds « libéralement fournis par l’Empereur des Français »17. S’agissait‑il d’une mission à caractère essentiellement politique, destinée à sonder les cours princières contrôlant le cœur de la Péninsule à propos d’un projet de « Royaume arabe » à la direction duquel Napoléon III envisageait d’installer l’émir Abdelkader ? On l’ignore car, pour de multiples raisons, l’idée de faire de celui‑ci un « empereur d’Arabie » ne prit pas vraiment corps18. Un tel projet était pourtant bien dans la continuité d’une stratégie napoléonienne illustrée en son temps par la « mission » de Lascaris évoquée plus haut19.

16Même si cela n’a pas constitué sa préoccupation principale, Palgrave fait néanmoins grand cas des élevages que l’on trouve dans les cours princières du Nejd. On peut donc considérer que la mission dont est ensuite investi Carlo Guarmani, puis l’expédition des Blunt dans le Nejd pour l’acquisition de chevaux, sont la suite du témoignage qu’il a rapporté. Il faut donc examiner de plus près la perspective qui fait de la recherche de chevaux de pure race arabe un objectif fondamental des travaux d’exploration de l’Arabie centrale.

Un « berceau » de la race arabe ?

17Est‑ce que les Blunt avaient raison de faire du cœur de la Péninsule le « berceau » (cradle) de la « race arabe » ? La formule a quelque chose de paradoxal et serait même assez inconcevable pour des gens avisés comme ils l’étaient en matière d’élevage de chevaux.

  • 20 Ammon, 2008, p. 73‑102.

18Ils pouvaient en trouver la démonstration documentée dans un ouvrage d’un certain Karl Wilhelm Ammon, publié en 1834. Sans être jamais allé en Orient, ce vétérinaire avait dépouillé, dans la grande tradition orientaliste allemande, tous les témoignages disponibles, des historiens anciens aux textes littéraires arabes, et jusqu’aux relations de voyages récentes les plus sérieuses, comme celles de Seetzen, d’Ali bey ou de Burckhardt, et en avait conclu que les chevaux ne se trouvaient qu’en tout petit nombre en Arabie centrale20. Malgré son souci de défendre la race, il en concluait que l’Arabie ne pouvait être le pays d’origine de ces chevaux :

  • 21 Ibid., p. 76.

« Sans doute [le créateur] n’a‑t‑il pas placé le cheval dans les steppes arides d’Arabie où l’herbe indispensable à son alimentation est très rare et où l’eau est introuvable à moins de plusieurs jours de marche. Pour de tels pays, il a créé le chameau qui est bien adapté au milieu désertique et qui peut supporter longtemps la faim et la soif. Cet animal si utile qui est aujourd’hui encore si précieux a sans doute fait que les populations arabes considéraient le cheval comme superflu. »21

19Comment des échantillons subsistaient‑ils néanmoins dans ce milieu hostile ? On peut citer sur ce point le témoignage du meilleur analyste de l’Arabie bédouine, Charles Doughty, qui voyagea au Nejd tout juste avant les Blunt :

  • 22 Doughty, 2002, p. 344‑345.

« Une chamelle nourricière est attachée à chaque jument nomade, car elles n’aiment pas le froment, et les rêches tiges du désert ne suffiraient pas à les sustenter : ne ruminant pas et perdant beaucoup de liquide par la peau, le cheval est une créature très impatiente de la faim et de la soif. Sa jument n’est donc pas un petit souci pour un shaykh dans le désert, lequel doit très souvent faire porter sa provision d’eau par un autre chameau. Elle boit deux fois le jour, et jusqu’à trois, au plus fort de la saison estivale ; et les girbis [outres] qu’un chameau peut transporter lui suffisent à peine pour deux jours. »22

20Tous les observateurs l’ont noté : sans doute les chevaux « arabes » sont‑ils exceptionnellement endurants et résistants à la chaleur, mais ils restent des animaux fragiles et exigeants, qui ne pourraient évidemment pas survivre à l’état sauvage dans l’environnement du Nejd. S’ils constituent des armes redoutablement efficaces lors des raids de pillages, tant dans l’attaque que dans la fuite, ils exigent une intendance lourde : en fait trois chameaux au moins pour transporter le fourrage et l’eau destinée à abreuver une seule jument — les mâles étant généralement exclus des opérations de combats —, et lui fournir comme complément le lait des chamelles dont les chevaux sont particulièrement friands. 

  • 23 Rosenfeld, 1965.
  • 24 Curieusement, les Blunt font du Nafūd, une zone de pâturages pérennes. Mais ils voyagent en décembr (...)

21En raison de son prix exorbitant, mais aussi du coût de son entretien, le cheval est donc réservé à une haute aristocratie, généralement basée, comme on l’a noté23, dans des zones oasiennes qui existent en effet en nombre dans le Nejd. C’est là que les chevaux trouvent un abreuvement régulier et une subsistance sûre. Ces contraintes sont plus impérieuses encore pour les haras importants qu’entretiennent les émirs de la région : ceux par exemple que les Blunt décrivent après Palgrave et Doughty. La rareté et la maigreur des pâturages et des points d’eau en zone steppique (sans parler des grands déserts que constituent les régions du Nafūd et du Rub‘ al‑Khālī) ne permettraient pas d’assurer une subsistance naturelle à de tels effectifs24.

Ill. 2 : « Les écuries d’Ibn Rashid », in Lady Ann Blunt, Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882 (Gravure de Yvan Pranishnikoff d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt), p. 243.

Ill. 2 : « Les écuries d’Ibn Rashid », in Lady Ann Blunt, Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882 (Gravure de Yvan Pranishnikoff d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt), p. 243.

Bédouins à chameaux vs Bédouins à cheval

  • 25 Il en est de même en Afrique du Nord où les tribus élevant des chevaux sont celles des hauts platea (...)

22Est‑ce à dire que les tribus bédouines d’Arabie et d’ailleurs ne possèderaient pas de chevaux sinon dans ces limites strictes ? Ce n’est évidemment pas le cas et, même si le cheval est partout un luxe et un investissement onéreux, de l’ordre du prix de plusieurs chameaux et de plusieurs dizaines d’ovins, il reste l’apanage des tribus disposant de pâturages régulièrement revivifiés par les pluies et en contact avec des zones agricoles. Dans l’Orient arabe, hors l’Égypte qui s’appuie partout sur le Nil, on les trouve surtout dans les tribus du Bilād al‑Shām, au‑delà des chaines du Mont Liban et jusqu’aux confins des déserts de Syrie, vers l’Irak et l’Arabie25. Chez les Ruwalla et les Bānī Ṣakhr par exemple, et dans les groupes bédouins se rattachant comme eux aux ‘Unayza, les Shammar d’Irak notamment, qui furent susceptibles de mobiliser de redoutables cavaleries. C’est d’ailleurs vers ces derniers que se tournèrent quelques maquignons célèbres, venus précocement dans la région se fournir en étalons arabes.

  • 26 Damoiseau, 1833.
  • 27 Rzewuski, 2002.
  • 28 Outre un texte de souvenirs qui fit sa notoriété (Raswan, 1934), on lui doit une sorte de somme sur (...)

23La mission du vicomte de Portes s’est bien rendue en Orient en 1819 afin d’acquérir une trentaine d’étalons pour la remonte des Haras nationaux, mais l’essentiel a été conclu auprès de hautes aristocraties urbaines des villes de Syrie et du Liban. Elle s’est effectivement risquée auprès des tribus de l’arrière‑pays mais sans dépasser Damas ou Palmyre26. Elle devait croiser un autre personnage très haut en couleur, le comte polonais Waclav Rzewuski, personnage passablement fantasque qui ramena en Europe, suite à des transactions avec des Bédouins de Syrie, plus de cent chevaux arabes, ainsi qu’un copieux manuscrit de ses aventures rédigé en français27 mais dont on ne saurait vraiment déduire l’ampleur du voyage qu’il a réalisé, l’auteur ayant été reconnu comme un mythomane caractérisé. Voilà les opérations de recherche qui avaient été dépêchées au Moyen‑Orient avant l’entreprise des Blunt : en fait de « désert », elles s’étaient limitées à sa frange nord. C’est sur cette zone de contact entre les steppes du Bilād al‑Shām et l’espace des ville‑oasis de Syrie qu’opéra encore, après la Première Guerre mondiale, un éleveur et mémorialiste de première importance, Carl Raswan28. Son ouverture sur le monde bédouin passait par son amitié avec Nūrī b. Sha‘lān, leader historique de la grande tribu Ruwalla, dont le territoire couvrait la zone frontière de la Jordanie, de la Syrie et de l’Arabie et dont les hommes conduisaient essentiellement leurs expéditions guerrières montés sur des chevaux.

24À l’inverse, il est bien connu que les opérations des tribus bédouines du Nejd, que ce soit les Shammar ou les ‘Unayza, étaient conduites à chameaux — et notamment à dos de méharis, race considérée comme noble au même titre que les slouguis, ces lévriers du désert. Chez eux, seuls quelques aristocrates et leur entourage accompagnaient ces expéditions à cheval. Ceux‑ci constituaient donc plus des montures de parade ou d’expédition de chasse, que des animaux de selle pour les activités communes. Si des chevaux se sont trouvés en nombre en Arabie centrale, c’est donc qu’ils y ont été amenés à grands frais. Ces zones n’en constituent que des lieux de reproduction et de sélection dans le cadre précis qui est celui des haras que l’on trouve un peu partout dans le monde. Ce n’est certainement pas un « foyer » où se serait forgée l’espèce.

  • 29 Blunt, 1882, p. 180.

25Que nous disent les Blunt de cet important clivage dans l’équipement bédouin ? Leur ouvrage est en fait un journal de route sans grande affèterie, sans prétention théorique qui conduirait à orienter l’information. Les descriptions y sont contrastées et paraissent donc assez crédibles. Et les deux rédacteurs sont d’autant plus à même de mesurer les contraintes du milieu qu’ils ont d’abord voyagé chez les Bédouins du nord. Le centre de la Péninsule leur apparait, par comparaison, moins propice à leur élevage. À cet égard, ils ne peuvent que se rendre à l’évidence : « Plus on avance en Arabie, moins il y a de chevaux »29. Plus loin, ils justifient cet état de fait de la manière suivante :

  • 30 Ibid., p. 292‑293.

« Le cheval est un luxe chez les nomades de la péninsule ; et non comme chez ceux du nord, une nécessité de la vie quotidienne. Leurs voyages, leurs raids, leurs guerres se font à dos de chameau, non à cheval. Tout au plus un cheikh monte‑t‑il sa jument au moment d’une bataille. Le manque d’eau est dans le Nejd une raison suffisante de ce fait. Les chevaux sont destinés à la montre plutôt qu’à l’usage, et on les considère comme des objets trop précieux pour les exposer à des risques qui ne sont pas nécessaires »30.

Ill. 3 : « Entrée chez l’émir à Hāʾil », in Lady Ann Blunt, Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882, p. 225 (Gravure de Gaston Vuillier d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt).

Ill. 3 : « Entrée chez l’émir à Hāʾil », in Lady Ann Blunt, Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882, p. 225 (Gravure de Gaston Vuillier d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt).
  • 31 Ibid., p. 287.
  • 32 Ibid., p. 287.

26Les appréciations que les Blunt donnent à propos des écuries qu’ils visitent sont elles‑mêmes assez mitigées : ils y trouvent des chevaux mal bouchonnés, entravés interminablement au soleil. Ils décrivent des juments « malpropres et mal peignées », qui « ont fort peu cet air de haute race que l’on s’attendrait à trouver chez elles »31, même s’ils reconnaissent avoir « commis l’erreur trop commune de juger des chevaux par leur condition : une fois montés et en mouvement, ils se transfigurent tout de suite »32.

  • 33 Ibid., p. 289.
  • 34 Ibid., p. 284.
  • 35 Ibid., p. 293.

27Plus intéressante encore est leur déconvenue dans leur tentative de repérer une souche de chevaux spécifique au Nejd (« Kheil nejdi »33) : « Il n’y a pas un nomade que nous ayons consulté qui ne se soit mis à rire à l’idée qu’il existait une race du Nedjed »34. Produit de razzias ou d’acquisitions, les grands haras des Sa‘ūd comme ceux des Āl Rashīd sont des collections de spécimens remarquables prélevés dans les tribus alentour, ou même venues de plus loin car il y a des échanges importants entre les Shammar du Qaṣīm et ceux des confins de la Syrie et de l’Irak. C’est en ce sens, classificatoire, que leurs informateurs opposent les chevaux acquis dans le nord (shamālī), aux « Nejdi » de l’Arabie centrale35.

28Que reste‑t‑il après cela de l’hypothèse d’un « foyer de la race arabe » ? L’hypothèse assez mal fondée que la remontée vers le nord des ‘Unayza et des Shammar se serait faite à la suite d’une dégradation du climat dans le cœur de la Péninsule.

Une révolution géographique

  • 36 Corbin, 1988.

29Comment comprendre alors que l’on ait, contre l’évidence écologique, persisté à chercher à imaginer que le cheval arabe serait ainsi « sorti du désert » ? Et que c’est dans le tréfonds du Nejd que l’on trouve la race de chevaux la plus pure et la plus excellente ? Il semble que l’on ait là le résultat d’une modification des représentations qui touche plus généralement les espaces désertiques, analogue à ce qu’Alain Corbin a relevé à propos du littoral maritime, ce « territoire du vide », zone répulsive et dangereuse pendant des siècles, devenue progressivement un espace civilisé et terriblement séduisant36.

  • 37 Pouillon, 1995.
  • 38 Ibn Khaldun, 2012, p. 24.

30On a fait l’observation plus générale que les voyageurs européens dans l’Islam arabe ont longtemps eu une représentation extrêmement négative du désert37. Ils suivaient en cela les informateurs musulmans qui les accueillaient et leurs servaient de guides, car, contrairement à une représentation superficielle que l’on en a donné souvent, le monde arabe est centré sur les villes, points de diffusion de la culture religieuse et nœuds d’échanges marchands, avec des sources jaillissantes permettant d’entretenir d’aristocratiques jardins et, autour d’elles, une agriculture nourricière. De ce fait on a longtemps considéré qu’il revenait à un pouvoir sanctifié et ordonnateur d’éradiquer ou du moins de cantonner les désordres qui surgissaient tout autour, dérives ou résurgences de l’idolâtrie qui caractérisait la jāhilīya. Or les Bédouins, ces hommes des marges, rebelles et mauvais pratiquants, représentaient au plus haut point ce qu’il fallait mettre sous contrôle. Même si le génial Ibn Khaldūn sut discerner la force cohésive qui pouvait se dégager de ces hordes sauvages, on devait au moins temporiser avec ce qui restait un peuple en armes : il signifiait par là qu’on allait quand‑même finir par l’amadouer. Mais il suffit de relire les pages de l’Histoire des Berbères évoquant le déferlement, en 1052, des Hilaliens en Ifrīqiya, « anéantissant, telle une nuée de sauterelles, tout ce qui se trouvait sur leur passage »38 pour connaître le fond de sa pensée sur cette engeance. C’est, pensons‑nous, essentiellement à cause de cette représentation du monde que les voyageurs européens, pourtant curieux d’explorations, ont si longtemps tardé à s’aventurer au cœur des déserts, et notamment de ceux de la Péninsule.

31Une petite révolution copernicienne fut donc réalisée quand ils se mirent à présenter le désert non plus comme une marge hostile, mais comme un centre rayonnant ‑ paradoxalement, comme une source. Et il est intéressant que cela ait coïncidé avec l’émergence et, très vite, l’autorité, que prit en Occident la notion de race.

  • 39 Laurens, 1987 ; Pouillon, 2012 .

32Notons sur ce chapitre de l’invention d’une race arabe, la présence cardinale du général Bonaparte. Concernant une race de chevaux arabes, c’est lui, indiscutablement, qui, admiratif des cavaleries musulmanes qu’il combattait, s’attacha à prélever des échantillons remarquables de ces animaux pour en organiser l’élevage dans les haras nationaux. Cela s’accompagna de l’identification d’un peuple arabe, qu’il aurait voulu soulever, par une unification de tribus bédouines, contre la domination des Turcs, et surtout des Anglais, afin de leur couper la route des Indes39. Dans les années triomphantes du Second empire, c’est encore un Bonaparte qui allait lancer deux expéditions vers l’Arabie centrale en rapport de différentes manières avec cette idée de race arabe : la première, celle de Palgrave, dont nous avons vu qu’elle était probablement liée au projet de « Royaume arabe » dont Napoléon III caressa l’idée ; la seconde, celle de Guarmani, qui était lui proprement chargé de rechercher des étalons pour les haras nationaux.

33C’est bien cette géopolitique qui guida l’entreprise de ces grands éleveurs que furent les Blunt, lorsqu’ils entreprirent, en Angleterre, et via l’Égypte, l’implantation de souches arabes dans les élevages anglais et bientôt américains. S’il y avait une source, un « foyer » de la race arabe, celle‑ci ne pouvait se trouver qu’au centre du désert, dans cette péninsule inviolée d’où étaient sortis l’islam, l’arabité et, comme un codicille, une espèce de chevaux bien particulière qui, par ses vertus et ses travers, avait quelque rapport avec les Bédouins qui les élevaient : endurance, sobriété, « sang », mais aussi noblesse et importance conférée à l’origine, puisque les chevaux de race noble sont dit aṣīl, de « noble origine ».

34Pourquoi donc s’aventurer vers ce cœur de l’Arabie où il n’y avait précisément rien ? Il faut bien qu’il lui soit attribué cette position centrale, à la manière de ce qui s’est passé pour la recherche de ces « citées du désert » dont on avait oubliées l’existence et que l’on va alors chercher à « découvrir » sur la base des évocations qui en sont données dans les textes sacrés : Palmyre ou Pétra, Madā’in Ṣāliḥ enfin. De nouvelles Atlantides ont bientôt constitué des objectifs importants d’expéditions : les villes du Qasīm et du Nejd, ‘Unayza ou Burayda que les wahhabites voulaient fermer aux infidèles — Doughty en subit les avanies —, au même titre les deux cités interdites (al‑aramayn) du Hedjaz, et bientôt al‑Dir‘iya et Riyad. Ces villes vont en effet devenir les centres unificateurs d’une Péninsule essentiellement tribale, cela par la magie d’un message de réforme radicale qui en faisait non plus des membres de grandes (ou petites) tribus mais des frères (ikhwān). Les wahhabites ne tardèrent pas à déferler sur les principautés entre lesquelles la région se divisait, selon un modèle qui relève bien d’une logique khaldounienne. Cela renvoyait d’ailleurs, comme en écho, à la première expansion islamique sortie, pensait‑on, du désert, avant qu’elle ne finisse par subjuguer le monde, depuis l’Euphrate jusqu’à l’Atlas et au delà. « L’île des Arabes », Jazīrat al‑arab, autrement dit la péninsule Arabique, s’était déjà alors constituée en centre rayonnant.

35On avait donc bien, avec le cheval arabe, non seulement un symbole, un signe ou une métaphore, mais plus positivement un vecteur fondamental de voyages et le ressort de recherches, l’objet de fructueux investissements, et, en somme, le puissant motif dont on avait besoin pour aller, bravant les dangers, chercher à pénétrer au cœur d’un espace considéré antérieurement comme totalement dénué d’intérêt.

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Notes

1 Thesiger, 1959.

2 Thesiger, 1982, p. 74‑75.

3 Même s’il devait être jugé rapidement assez fantaisiste : sur l’imprécision des mesures topographiques Cf. Blunt, 1882, p. 11. St John Philby finit par contester la réalité du voyage qu’il avait réalisé.

4 Wallin, 1979.

5 Bien que le livre fut signé de la seule Lady Ann Blunt – une petite fille de Lord Byron –, l’usage du collectif s’impose : les parties narratives du livre reprennent en effet son journal (et les illustrations, ses aquarelles), mais les développements à portée un peu « théorique » sont imputés à son mari, Wilfrid.

6 Voyageur de La Mecque et explorateur de la haute vallée du Nil, l’intrépide Jean‑Louis Burckhardt, qui « découvre » Pétra en août 1812, ne stationne sur le site que deux jours, sans pouvoir y faire le moindre relevé (Burckhardt, 1822, p. 418‑422 – tr. fr. in Masse, 1996, p. 263‑279).

7 Liste sur laquelle on ne s’accorde pas toujours mais où on retient le plus souvent les noms de Saqlawî, Manaqî et Kuhaylān.

8 Lettre du Général Fleury du 24 novembre 1863 (d’après Rainero, 1976, p. 133‑135).

9 Blunt, 1879 p. 153‑155, 277, 330‑331.

10 Blunt, 1882.

11 Burton, 1893, t. 1, p. 3 : “To find out if any market for horses could be opened between Central Arabia and India, where the studs were beginning to excite a general dissatisfaction”.

12 C’est au point qu’Alexandre Dumas sent la nécessité littéraire d’égayer par le récit d’une attaque bédouine la réécriture à laquelle il se livre sur l’austère journal de voyage au Sinaï du peintre Adrien Dauzats (Dauzats & Dumas, 1838).

13 Rousseau, 1809.

14 Corancez, 1810.

15 Fathallah, 1835 ; 1991.

16 Al‑Rasheed, 1991.

17 Palgrave, 1866, p. 2.

18 Ageron, 1970.

19 Palgrave tourne néanmoins en ridicule le projet d’unification des tribus arabes telle qu’elle est relatée dans le texte de Fathalla publié par Lamartine (Palgrave, 1865, p. 191‑192 ; 1866, p. 172‑173).

20 Ammon, 2008, p. 73‑102.

21 Ibid., p. 76.

22 Doughty, 2002, p. 344‑345.

23 Rosenfeld, 1965.

24 Curieusement, les Blunt font du Nafūd, une zone de pâturages pérennes. Mais ils voyagent en décembre, une période où les pluies d’hiver peuvent faire reverdir certaines zones du désert.

25 Il en est de même en Afrique du Nord où les tribus élevant des chevaux sont celles des hauts plateaux de l’Atlas qui surplombent les zones méditerranéennes. Cf. Abd el‑Kader & Daumas, 2008.

26 Damoiseau, 1833.

27 Rzewuski, 2002.

28 Outre un texte de souvenirs qui fit sa notoriété (Raswan, 1934), on lui doit une sorte de somme sur le cheval arabe, connu comme l’« Index Raswan » (Raswan, 1966).

29 Blunt, 1882, p. 180.

30 Ibid., p. 292‑293.

31 Ibid., p. 287.

32 Ibid., p. 287.

33 Ibid., p. 289.

34 Ibid., p. 284.

35 Ibid., p. 293.

36 Corbin, 1988.

37 Pouillon, 1995.

38 Ibn Khaldun, 2012, p. 24.

39 Laurens, 1987 ; Pouillon, 2012 .

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Table des illustrations

Titre Ill. 1 : Wilfrid Blunt et Lady Ann Blunt en costume arabe. Frontispice à l’édition française de Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882 (Gravure de Gaston Vuillier d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/docannexe/image/3321/img-1.jpg
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Titre Ill. 2 : « Les écuries d’Ibn Rashid », in Lady Ann Blunt, Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882 (Gravure de Yvan Pranishnikoff d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt), p. 243.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/docannexe/image/3321/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 536k
Titre Ill. 3 : « Entrée chez l’émir à Hāʾil », in Lady Ann Blunt, Voyage en Arabie. Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, Paris Hachette, 1882, p. 225 (Gravure de Gaston Vuillier d’après des aquarelles de Lady Anne Blunt).
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/docannexe/image/3321/img-3.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

François Pouillon, « À la recherche de la race arabe : cheval et voyage en Arabie centrale au XIXe siècle »Arabian Humanities [En ligne], 8 | 2017, mis en ligne le 30 avril 2017, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/3321 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cy.3321

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François Pouillon

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