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Villes et dynamiques urbaines en péninsule Arabique
2. Hiérarchies, sociabilités et mobilisations

La Place du Changement et la Place de la Libération à Sanaa : espaces révolutionnaires et contre‑révolutionnaires

Change Square & Liberation Square in Sana’a: Revolutionary & Counter‑revolutionary Spaces
Laurent Damesin

Résumés

Début 2011, alors que le Yémen est traversé par un mouvement révolutionnaire, deux pôles apparaissent dans la capitale de Sanaa. D’un côté, les partisans du Président, surnommés les « vandales du régime » (balāṭigat al‑niẓām), occupent la Place Taḥrīr, l’une des principales places de la capitale, et la drainent de la plupart de sa population. De l’autre, les manifestants anti‑régime organisent un sit‑in qui finit par occuper trois kilomètres du boulevard circulaire (al‑Khaṭṭ al‑Dā’irī, l’un des principaux axes de la ville). Les manifestants réorganisent la zone du sit‑in, Place du Changement (Sāḥat al‑Taghyīr), selon leur mot d’ordre (révolution non‑violente, égalité et « État civil ») et y organisent des événements quotidiens ouverts à la population : ateliers, conférences, concerts…
Cet article a pour but de rendre compte de ces deux espaces au quotidien, d’analyser leur rapport avec la population, ainsi que les mécanismes à l’œuvre dont le caractère liminaire de la Place du Changement. 

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Géographique :

YEM, Sanaa
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Texte intégral

Introduction

Place du Changement (Sāḥat al‑Taghyīr) : La foule se presse autour de la grande scène (al‑minaṣṣa) montée sous l’obélisque de la Sagesse Yéménite, un espace constitué de ce qui était une rue à quatre voies, maintenant noir de monde. Un homme harangue le public : « Thawra ! Thawra ! » (Révolution ! Révolution !). Et la foule de lui répondre en chœur : « Silmiyya ! Silmiyya ! » (Pacifique ! Pacifique !). Le concert peut alors commencer…
Place de la Libération (Maydān al‑Taḥrīr) : le calme règne. La majorité des gens ne fait que passer entre les gigantesques tentes, ne s’arrête pas, ne parle pas, ou à demi‑mot. Les seuls à parler, et fort, sont ceux qui sont perchés sur les blocs de béton, un bâton à la main. Ce sont les partisans du Président, mais ils sont mieux connus sous le surnom de « vandales du régime » (balāṭigat al‑niẓām).

  • 1 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 895‑913.
  • 2 Notamment contre les partisans de Ḥusayn al‑Ḥūthī au nord, les partisans d’al‑Qā’īda et les séparat (...)
  • 3 Al‑Shumayrī, 2013.
  • 4 Al‑Shumayrī, 2013, p. 80.

Entre février 2011 et avril 2013, Sanaa a été le théâtre d’un grand nombre de mobilisations inédites. En février 2011, le régime avait mobilisé ses partisans pour occuper de façon préemptive la Place de la Libération1, forçant les manifestants anti‑régime à aller s’établir aux portes de la Nouvelle Université, sur le boulevard circulaire (al‑khaṭṭ al‑dā’irī) espace rebaptisé, pour l’occasion, « Place du Changement ». Le mouvement contestataire prêchait une révolution pacifique (thawra silmiyya), alors que le contexte était plutôt à l’affrontement entre l’État et les factions tribales et politiques2. Le premier tournant de la contestation a lieu le 18 mars 2011, « Vendredi de la Dignité » (jum‘a al‑karāma), lorsqu’un tireur embusqué ouvre le feu sur les manifestants Place du Changement, tuant plus de 50 d’entre eux. Cet incident provoque la démission de nombreux responsables du régime, dont le général ‘Alī Muḥsin al‑Aḥmar (le 21 mars 2011), un ancien proche du président Ṣāliḥ qui s’est illustré lors de la répression des sécessionnistes au sud en 1994, puis des partisans d’al‑Ḥūthī au nord du pays depuis 2004. Il se rallie au mouvement révolutionnaire, et emporte avec lui la 1ère division blindée (« la division », al‑firqa, pour les habitants de Sanaa) qui prend position tout autour de la Place du Changement pour la protéger. Néanmoins, sortis de ce cordon de protection, les manifestants sont victimes de la répression du régime3. De même, le cheikh de la principale confédération tribale, Ṣādiq al‑Aḥmar, également à la tête du premier groupe financier du pays, se déclare contre le président Ṣāliḥ (le 30 mars 20114) et bombarde les ministères au nord de Sanaa (al‑Ḥaṣaba) une semaine durant (mai 2011). S’ensuit alors une période de représailles et de contre‑représailles entre les miliciens du clan al‑Aḥmar et les forces du régime. Le 3 juin, on annonce que le président Sāliḥ a été victime d’un attentat et qu’il doit quitter le pays pour recevoir des soins en Arabie saoudite. Les festivités durent deux jours sur la Place du Changement, tandis que la plupart des partisans du Président lèvent le camp Place Taḥrīr. Presque quatre mois plus tard, le 23 septembre, le président Ṣāliḥ rentre à Sanaa, à la surprise de tous, et la répression s’intensifie Place du Changement. Mais il renonce finalement à la fonction présidentielle le 27 février 2012, en accord avec le plan de transition proposé par le Conseil de Coopération du Golfe. Selon cet accord, proposé dès le début de la contestation, le Président n’est pas tenu de quitter le pays, il bénéficie de l’immunité, et ses proches (dont son fils, commandant de la Garde républicaine) gardent leurs postes. Fin avril 2013, après plusieurs opérations de réduction de la Place du Changement, les derniers participants du sit‑in lèvent le camp.

  • 5 Bonnefoy et Poirier, 2012 ; Sayf, 2013 ; al‑Shumayrī, 2013 ; Poirier, 2013.
  • 6 Bonnefoy et Poirier, 2012 ; Poirier 2013.

1Les contributions sur le mouvement révolutionnaire de 2011–2012 au Yémen, de plus en plus nombreuses, se sont pour la plupart inscrites dans la sociologie des mobilisations5. Celles‑ci sont d’une grande utilité pour comprendre le jeu des alliances sous les tentes du sit‑in, qui a permis au mouvement d’atteindre une masse critique6. Mais elles rendent peu compte du quotidien des manifestants et des visiteurs se côtoyant Place du Changement, et qui contribuait à transformer, dans cet espace‑temps circonscrit, les habitudes de la capitale.

2C’est l’objet de cet article, basé sur des observations ethnographiques à Sanaa entre mars et juin 2011, une douzaine d’entretiens et de nombreuses conversations. Il ne traite que de Sanaa : du fait du contexte (aéroport souvent fermé, routes au nord et au sud souvent bloquées), il ne m’a pas été possible de quitter la capitale. Le sit‑in de Sanaa était néanmoins spécifique en ce qu’il a exercé une attraction sur tout le pays et que, à la différence de celui de Taiz où les tentes ont été incendiées, la Place du Changement a pu se développer à l’ombre de murailles improvisées. Parallèlement à la Place du Changement, des observations ont également été menées au sein de l’espace qui, par rivalité, lui a permis de se construire : la Place de la Libération, occupée par les partisans du Président (mu’ayyidū al‑ra’īs).

Les partisans du Président à la Place de la Libération : marginalisation, violence et pouvoir

  • 7 Wirth et Kopp, 1994, p. 55. Cette place s’appelait Place de l’Étincelle (Maydān al‑Sharāra) avant l (...)
  • 8 Wirth et Kopp, p. 49.

3La Place de la Libération a existé, sous une forme ou une autre, depuis au moins un siècle, marquant la jonction entre le Vieux Sanaa, le quartier juif et le quartier bâti par les Ottomans après 18727. C’est au cours de l’intervention de l’armée égyptienne, venue en aide aux Républicains lors de la guerre civile au nord dans les années 1960, que la place a pris sa forme actuelle. La partie sud de la muraille du Vieux Sanaa a alors été abattue et remplacée par un axe nord‑sud bordé d’immeubles en béton avec une zone commerçante (la rue ‘Alī ‘Abd al‑Mughnī). Dans les années 1970, a été construite, dans le prolongement, la rue Gamal Abd al‑Nasser, bordée elle aussi de magasins et reliant la vieille ville à l’ancien quartier juif (al‑Qā‘)8. L’axe coupe la vieille ville de la Place Taḥrīr, qui est devenue le centre de Sanaa, pour ses habitants comme pour ses gouvernants. En effet, la place était le lieu des ministères, dont il ne reste que celui de la Culture et la branche des éditions de l’Armée. De nos jours, si les quartiers périphériques exercent une forte attraction (Shumayla, al‑Ḥaṣaba ou Ḥadda), la Place Taḥrīr reste l’une des principales places de Sanaa : on y trouve des gares de bus et de minibus à ses trois extrémités, des cybercafés, les principales librairies et la bibliothèque nationale, ainsi que de nombreux restaurants en plein air, cafétérias et būfiyya‑s (restaurants populaires), ouverts à toute heure. C’est sur cet espace que sont venus s’installer les partisans du président Ṣāliḥ.

Le campement des partisans du Président

  • 9 Campagne officielle à Sanaa, mai 2011.
  • 10 Observation personnelle, avril–juin 2011.
  • 11 A., conversation à Sanaa, avril 2011.
  • 12 Observation personnelle, fin avril 2011.

4L’axe ‘Abd al‑Mughnī / Abd al‑Nasser, qui coupe la Place Taḥrīr du Vieux Sanaa, comporte, en son milieu, une barrière en fer forgé. Pour le traverser — et accéder au marché de Bāb al‑Ṣabāḥ ou à la station de bus et minibus — on emprunte un tunnel régulièrement inondé par les pluies. La place en elle‑même est constituée d’un espace vert parcouru de chemins de promenade avec des « librairies de trottoir » au bord de la grand‑rue, et surtout d’un grand parking coupé en son milieu par une voie. C’est sur ce vaste parking qu’ont été établies, en 2011, la plupart des grandes tentes occupées par les partisans du Président. Elles étaient toutes identiques : écrues, d’environ 10 mètres de long et 3 mètres de haut, visibles en tout point de la vaste place. À l’intérieur étaient disposés des nattes et de grands coussins parallélépipédiques rouges, semblables à ceux qu’on trouve dans un mafraj, cette pièce où l’on se rassemble, dans la plupart des habitations, pour mâcher le qat (un euphorisant). Les tentes étaient disposées de façon à bloquer l’entrée des principales artères donnant sur la Place Taḥrīr. Dans un recoin de celle‑ci, derrière des immeubles, étaient installées des toilettes mobiles et l’odeur d’urine agressait les narines. La décoration se limitait aux nombreux posters du président Ṣāliḥ et aux slogans rappelant la nécessité de se battre pour préserver l’unité du pays : « Les forces de l’armée et de la sécurité resteront fidèles aux buts fixés par la révolution, à ceux qui sont morts pour le pays et à l’unité »9. Une scène surélevée s’appuyait contre le grand bureau de poste, et un grand stand proposait une multitude de badges à l’effigie du président Ṣāliḥ10. La place était moins accessible que d’ordinaire, mais beaucoup de gens continuaient à l’emprunter : elle restait malgré tout l’un des principaux endroits de passage à Sanaa. D’ailleurs, il y régnait un certain calme. Si les partisans s’illustraient par leur violence dans toute la capitale, ils se gardaient d’en faire autant à Taḥrīr, leur base11. C’est là qu’ils mangeaient (du poulet au riz dans une barquette en polystyrène et sous cellophane leur avait été distribué12), qu’ils dormaient et qu’ils mâchaient leur qat.

Des partisans du Président aux « vandales du régime »

  • 13 Poirier, 2013.
  • 14 Observation personnelle, rue al‑Zirā‘a, Sanaa, mi‑avril 2011.
  • 15 al‑Shumayrī, 2013, p. 98.
  • 16 Idem, p. 204.
  • 17 Idem, p. 111.

5Les partisans de Ṣāliḥ s’étaient initialement installés à Taḥrīr, dans le cadre d’une mise en scène de la popularité du Président, et pour priver ses opposants de l’accès à ce lieu, dont le nom, en raison des évènements de la « Place Taḥrīr » au Caire, avait acquis une valeur symbolique considérable13. Mais ils ont aussi très tôt joué un autre rôle, au sein du dispositif de répression du régime cette fois : celui de disperser, en conjonction avec d’autres forces loyales au régime (Garde républicaine, Sécurité centrale, etc…), les manifestations venant de la Place du Changement, organisées presque tous les vendredis, et à passer à tabac les opposants, les frappant de leurs bâtons14. À côté des mille blessés de la manifestation du 17 avril, les violences se soldaient souvent, au quotidien, par quelques morts et plusieurs dizaines de blessés, voire plusieurs centaines15. Les partisans du Président se sont particulièrement illustrés par leur violence. Ainsi, selon Samīr ‘Abd al‑Raḥmān Hā’il al‑Shumayrī, le 17 octobre 2011, ils ont attaqué des manifestants à la hache16 ; de même, ils ont brûlé vive une activiste des droits civiques, Ghāniya ‘Alī al‑A‘rāj17. Si ces actes de violence sont attestés, la rumeur, parmi les Sanaanis, leur en a attribué d’autres : ils se seraient livrés à des pillages dans toute la ville. Celle‑ci les a aussi souvent décrit comme des bagnards payés 2000 riyals par jour (à titre de comparaison, le salaire d’un jeune employé administratif était de 20 000 riyals par mois). La population a tôt fait de les surnommer les « vandales du régime » (balāṭigāt al‑niẓām).

Intimidation ordinaire et bâton sceptre

6Le principal accessoire des « vandales du régime » était un bâton lisse d’un mètre environ, soit une grosse branche, soit une mince planche de bois. Ils l’avaient toujours en main. C’était là le signe du pouvoir qu’ils exerçaient sur ceux qui passaient à côté d’eux. Une scène à laquelle j’ai assisté en avril 2011 me semble révélatrice du type de provocation dont ils pouvaient se montrer capables :

7À Bāb al‑Yaman, un homme monte dans un minibus et refuse de payer. Le conducteur décide de partir quand même avec l’homme à bord. Celui‑ci ne s’assoit pas avec les autres passagers, passe la tête par la porte du bus restée ouverte et, en chemin, apostrophe bruyamment des gens qu’il connaît. Les passagers du minibus se taisent. Finalement, après quelques minutes seulement, l’homme demande au chauffeur de s’arrêter pour qu’il puisse descendre. Le chauffeur demande encore à l’homme de payer, et lui de répondre en descendant, avec un sourire un peu narquois : « Au frais du Président ! » (‘alā isāb al‑ra’īs !). L’un des passagers lance alors un « baltagī ! » (singulier de balātiga).

8Cette anecdote illustre le pouvoir d’intimidation des partisans de Ṣāliḥ au quotidien : à l’adresse du chauffeur (en temps ordinaire, le minibus n’aurait pas quitté la gare avant que tout le monde ait payé), et à celle des autres passagers. L’homme a enfreint plusieurs règles de bienséance mais n’a été invectivé qu’à sa descente du bus. D’autre part, son comportement pendant le court trajet, sa réplique adressée à tous les passagers du minibus, et le sourire qu’il affichait, tout cela suggèrait un certain plaisir à se jouer des codes de la vie à Sanaa.

  • 18 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 912.
  • 19 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 912

9Les balāiga devaient suivre des consignes, dans la mesure où ils faisaient partie d’un dispositif répressif plus vaste comprenant la Garde républicaine, la Sécurité centrale, et des « comités populaires constitués par les autorités de quartier »18. À défaut d’être au‑dessus des lois, du moins se considéraient‑ils au‑dessus des règles que suivent les Sanaanis au quotidien (ne serait‑ce que celle de payer pour monter dans un bus). À une récompense financière délivrée pour leurs actions19, venait s’ajouter la récompense symbolique des balāiga. En effet, la plupart des partisans du Président ne soignaient pas leur apparence, leurs vêtements étaient souvent vieux et usés, un élément important à Sanaa où la majorité des hommes porte une veste de costume par‑dessus le thawb (la longue tunique qui descend jusqu’aux pieds ou aux mollets). D’ordinaire, des individus ainsi habillés auraient été assimilés aux classes inférieures de la société sanaanie ou à des fous, des marginalisés, et n’auraient suscité que mépris et dédain chez la plupart des Sanaanis. Armés de leur bâton, ils pouvaient se distinguer comme les protégés du Président.

  • 20 À titre d’exemple, les cheikhs de tribus venus de Dhamār (à une centaine de kilomètres de la capita (...)
  • 21 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 912.

10Avec d’autres loyalistes mobilisés par le parti présidentiel (le CPG, le Congrès populaire général)20, les balāiga furent en mesure d’organiser « des rassemblements de centaines de milliers de personnes chaque vendredi à Sanaa »21 pour faire écho à ceux du mouvement révolutionnaire, alors que, au jour le jour, la Place de la Libération elle‑même se retrouvait vidée de ses foules.

La Place du Changement : mises en scène du mouvement révolutionnaire

  • 22 Idem, p. 901.
  • 23 Poirier, 2013.

11La Place du Changement brassait une population variée : on y trouvait des étudiants, des chômeurs (dont des diplômés de l’université), des femmes et des hommes de tribus22. Les circonstances difficiles — parfois même extrêmement ardues — du sit‑in, entre la chaleur de la journée, le froid de la nuit, la pluie, la boue, et les attaques des partisans du régime, tout cela avait contribué à créer un solide effet de corps. De ce vivre‑ensemble a émergé trois idées fortes : l’égalitarisme, la « révolution non‑violente » (al‑thawra al‑silmiyya), et « l’État civil » (al‑dawla al‑madaniyya) que les manifestants allaient appliquer à la zone du sit‑in23.

  • 24 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 902.

12Du fait de la répression qui s’abattait sur les opposants dès qu’ils franchissaient le cordon sécuritaire, la seule manière pour le mouvement révolutionnaire de se développer était d’étendre la zone de « la Place ». Celle‑ci a pris des proportions considérables : d’une voie d’entrée, elle a absorbé d’abord le carrefour voisin, puis toutes les rues dans un rayon d’un kilomètre, puis trois kilomètres du boulevard circulaire lui‑même. Les murailles longeant la place, le triple point de contrôle aux principales entrées et les banderoles annonçant un espace de liberté24 donnaient l’impression de se trouver dans un espace autre, nouveau, en dehors de la capitale.

La création de la zone dite de « la Place »

  • 25 ‘Adnān, employé à la Librairie Khālid b. al‑Walīd. Entretien à Sanaa, mars 2011.

13À la mi‑juin 2011, la place (fig. 1) — qui a ensuite fait l’objet de plusieurs opérations de réduction avant que le sit‑in ne soit officiellement levé en avril 2013 —, correspondait à trois zones différentes. La zone du boulevard circulaire, qui, dans la nuit du 4 au 5 mai 2011, après de nombreux coups de feu, avait avancé d’environ 500 mètres, était certainement la meilleure expression de l’adaptation du sit‑in à l’espace sur lequel il était venu se greffer (fig. 2). La rambarde en fer forgé séparant les voies était utilisée pour dresser les tentes, dessinant deux lignes, dos à dos, le plus souvent collées les unes aux autres. La taille des tentes variait mais la plupart ne dépassait pas deux mètres de hauteur. Si la plupart des nombreux magasins qui bordaient la Nouvelle et l’Ancienne Université, voués à une clientèle estudiantine (cybercafés, librairies et « cafétérias », entre autres) avaient fermé, un nombre non‑négligeable d’entre eux s’était adapté à la nouvelle clientèle, moins argentée : ‘Adnān25, employé à la Librairie Khālid b. al‑Walīd, racontait que beaucoup de gens entraient juste pour lire les ouvrages proposés.

Figure 1 : Les sit‑ins à Sanaa avec, en bleu Place du Changement (avril 2011), en bleu clair l’expansion de  « la Place »  et en rouge, le sit‑in des balāṭiga (juin 2011)

Figure 1 : Les sit‑ins à Sanaa avec, en bleu Place du Changement (avril 2011), en bleu clair l’expansion de  « la Place »  et en rouge, le sit‑in des balāṭiga (juin 2011)

Figure 2 : Les tentes Place du Changement (sur la banderolle, on peut lire :  « L’armée tunisenne, l’armée égyptiene, l’armée yéménite… ne sera pas moins patriotique »).

Figure 2 : Les tentes Place du Changement (sur la banderolle, on peut lire :  « L’armée tunisenne, l’armée égyptiene, l’armée yéménite… ne sera pas moins patriotique »).

Photo de Farouk Ibrahim, visité le 30/07/12.

  • 26 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 903.

14Au cœur de la deuxième zone, qui s’étendait dans la rue du ministère de la Justice, et dont les limites avaient été fixées par la construction de murs de parpaings, se trouvait l’obélisque de la Sagesse Yéménite (une sculpture moderne, appelée plus communément « al‑ḥikma », « la Sagesse »), là où le sit‑in avait commencé. Les tentes étaient serrées entre l’obélisque, une grande scène, et les portes closes de la Nouvelle Université. On circulait ici dans un espace où deux personnes ne pouvaient que difficilement se croiser, avec des cordons qui maintenaient les tentes ensemble à hauteur des têtes. Dans l’enchevêtrement des toiles, il était difficile de faire la différence entre intérieur et extérieur. La grande scène surélevée (al‑minaṣṣa) servait de repère aux manifestants et accueillait des représentations quotidiennes (fig. 3). En effet, le comité « organisateur » (basé sur le « principe d’une représentation pluraliste de l’ensemble des courants politiques présents sur le campement »26) proposait des expositions d’art et surtout des concerts la plupart des soirs : rap, rock, reggae, poèmes en dialecte scandés, et musique pop. C’était là aussi que les différents orateurs haranguaient la foule qui venait s’y amasser, annonçant les démissions de divers responsables du régime de Ṣāliḥ, ainsi que les noms des morts pour la cause révolutionnaire, lus de manière lente et mesurée.

Figure 3 : Une représentation sur la grande scène Place du Changement (derrière, l’obélisque de la Sagesse Yéménite).

Figure 3 : Une représentation sur la grande scène Place du Changement (derrière, l’obélisque de la Sagesse Yéménite).

Photo de Farouq Ibrahim, visité le 30/07/12.

Place du Changement : un espace‑temps liminaire

  • 27 Turner, 1967.

15La place m’a semblé constituer un espace‑temps « liminaire ». La liminalité, notion développée par Victor Turner, désigne cette étape de l’entre‑deux lors des rites de passage d’une identité à une autre27. En cela, la Place du Changement, espace interstice, révèle dans la période analysée des transformations sociales et culturelles qui peuvent être appréhendées à l’aune de cette notion.

  • 28 Turner, 1967, p. 94.
  • 29 Turner, 1967, p. 94.
  • 30 Bonnefoy et Poirier, 2012 ; Sayf, 2013 ; Al‑SHumayri, 2013 ; Poirier, 2013.
  • 31 Turner, 1967, p. 100.

16En effet, comme les « néophytes » de Turner28, les manifestants de la Place du Changement, derrière les cordons de sécurité et les murailles, s’étaient retirés de leur vie quotidienne29. Jeunes hommes et jeunes femmes pouvaient interagir ensemble lors des manifestations, des débats et des conférences être organisés sur la place30, et ils vivaient sur la place une forme de « communitas », une « camaraderie [qui] transcende les distinctions de rang, d’âge, de parenté et […] même de sexe »31.

  • 32 Turner, 1967, p. 99.
  • 33 Al‑Shumayri, 2013, p. 84.
  • 34 Turner, 1967, p. 102.
  • 35 Turner, ­1967, p. 102.
  • 36 H., manifestant, journaliste et écrivain, entretien à Sanaa, début juin 2011.

17Le groupe « liminaire » étudié par Turner se distingue aussi par son « franc‑parler »32. On retrouvait quotidiennement celui‑ci lors des maqyal‑s, ces rassemblements traditionnels entre amis pour mâcher le qat, durant lesquels la parole se délie facilement. Ou alors au cours des nombreux débats, conférences et ateliers organisés par la centaine d’organisations (professionnelles, régionales, idéologiques) présentes sur la place en avril 201133 : on pouvait y entendre des personnes ne prenant pas habituellement la parole en public, comme ce jeune homme bien habillé, qui parlait de ses problèmes et de ses aspirations, la voix vacillante, avant d’être applaudi par l’assistance. Le stade liminaire se caractérise par « l’acquisition de connaissances »34, censées aider le néophyte à accomplir son nouveau rôle au sortir de la période liminaire35. Les jeunes de la place bénéficiaient des conférences données par des universitaires soutenant le mouvement révolutionnaire et qui portaient sur des sujets aussi variés que le droit constitutionnel ou les sciences politiques36.

  • 37 Turner, 1967, p. 94.
  • 38 Poirier, 2013.
  • 39 Van Oorshot, 2013.
  • 40 Poirier, 2013.
  • 41 Poirier, 2013.
  • 42 Poirier, 2013.

18La liminalité est un moment de « transformation »37. En attendant une issue au mouvement révolutionnaire, les manifestants ont, à mon sens, commencé dès lors à mettre en pratique les savoir‑faire et connaissances acquis, à l’ombre des murailles autour de la place, sous la protection de la 1ère division blindée, et dans un climat de « communitas ». Cette idée me semble manifeste à travers trois points. D’abord, les manifestants étaient en grande partie de jeunes hommes, souvent des diplômés de l’université sans travail38 n’ayant, de ce fait, pas voix au chapitre39. C’est donc peut‑être, un autre statut que ceux‑ci revendiquaient à travers leur présence sur la place, plus en phase avec leur capacité à formuler un projet pour le pays, « l’État civil » (basée sur l’état de droit, pour un Yémen libéré des militaires et des tribus40). Ensuite, cette revendication se manifestait grâce à l’opportunité de mettre en pratique leurs différents savoir‑faire41 que constituait le mouvement révolutionnaire pour ces chômeurs diplômés. Une telle revendication était aussi palpable à travers le civisme (al‑madaniyya) démontré lors des campagnes de nettoyage de la place mise à mal par des semaines d’occupation et de fortes précipitations qui l’avaient recouverte de boue42.

  • 43 Van Gennep, 1908.
  • 44 Al‑SHumayri, 2013.

19Enfin, comme pour nombre de rites de passage43, les manifestants de la place devaient eux aussi faire face à des mises à l’épreuve, soit à travers le sit‑in alors que la place faisait l’objet d’attaques fréquentes de la part des partisans du régime, soit lors des manifestations du vendredi, qui se soldaient le plus souvent par des morts, et au bas mot des dizaines de blessés44.

  • 45 Fillieule et Tartakowsky, 2008, p. 155.
  • 46 Comme l’explique la jeune journaliste ‘Ulā al‑Shāmī (journaliste au Yemen Times) lors d’un entretie (...)

20Ce rapport avec la mort était manifeste à travers certains aspects de la « scénographie manifestante »45. De manière générale, celle‑ci consistait en de nombreuses banderoles et logos sur chacune des tentes du campement. Elle se retrouvait aussi sur les corps des manifestants : à travers les badges qu’ils portaient (dont ceux à l’effigie de Che Guevara), mais surtout leurs maquillages, les slogans révolutionnaires ou les drapeaux du Yémen sur les visages et les bras de jeunes hommes, et sur les visages de jeunes femmes « non voilées » (soit, à Sanaa du moins, sans le voile recouvrant le visage46). Cette ambiance de fête, alimentée de manière quasi‑quotidienne par les concerts sur la place centrale après la prière d’al‑‘ar (vers 15h–16h), permettait aux manifestants d’oublier un instant leur situation difficile. Les maquillages bariolés et festifs contrastaient avec l’omniprésence de la mort sur la place. En effet, sur les tentes du sit‑in, où étaient estampillés les logos et les noms des groupes qu’elles hébergeaient, étaient affichés les portraits au format A4 de leurs membres morts pour le mouvement révolutionnaire (fig. 4). Certains présentaient le martyr dans un costume traditionnel, de trois‑quarts, attestant visiblement du travail d’un photographe professionnel. Les portraits avaient une barre diagonale noire dans un coin, en signe de deuil — comme c’était l’usage, bien avant la révolution, pour les personnalités décédées (comme pour feu le cheikh ‘Abd Allāh al‑Aḥmar, cheikh tribal, ou le docteur Dirham, un médecin victime de la violence tribale), et dont les photos étaient affichées dans les magasins de Sanaa. Or, Place du Changement, ce traitement était appliqué à tous les manifestants, faisant ainsi de chaque mort une mort exceptionnelle, répétée une centaine de fois à travers la place. Partout où le visiteur promenait son regard, il y avait forcément le regard d’un martyr qui le fixait. Lors des concerts, la chanson du groupe de reggae yéménite 3 Meters Away, « Demain ne viendra pas » (Bukra mā yigīsh : « Peut‑être que demain ne viendra pas/ peut‑être serai‑je mort / des tirs d’un tireur embusqué ou d’une kalachnikov ») était l’hymne aux martyrs, pour lequel le silence était réclamé sur « la Place ».

21

Figure 4 : Portraits de martyrs sur un poteau de la Place du Changement, avril 2011.

Figure 4 : Portraits de martyrs sur un poteau de la Place du Changement, avril 2011.

Les visiteurs de la place

  • 47 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 899.

22La Place du Changement était certes la base des manifestants, mais elle accueillait aussi un grand nombre de visiteurs, dont la présence contribuait au caractère festif de l’espace. Devant la scène, un espace avec des nattes sur lesquelles des hommes étaient assis en tailleur jouxtait de jeunes hommes qui dansaient le « head bang » sur du reggae yéménite. Un peu plus tard, des jeunes hommes vêtus de thawb et de châles se lançaient dans une danse traditionnelle sur de la pop arabe émaillée de voix d’enfants « mixées ». La Place du Changement a permis de propulser dans l’espace public des formes culturelles dont la consommation était l’apanage d’une minorité (généralement de jeunes hommes et femmes ayant accès à Internet et pour certains aux voyages à l’étranger) : reggae, « heavy metal », rap et culture manga. Le groupe 3 Meters Away a récupéré la charge révolutionnaire du reggae en écrivant des paroles contestataires sur des airs faciles à retenir. Son reggae, s’il pouvait d’emblée être perçu comme « occidental », faisait également l’objet d’une réappropriation : un spectateur se plut ainsi à expliquer que le rythme d’une des chansons du groupe correspondait à un rythme poétique « long » (ṭawīl), l’équivalent d’un « slow » à en juger par la chanson. Les paroles en dialecte et les rythmes ont grandement contribué à ce que la chanson Zabādī , Zabādī (signifiant yaourt, mais dont le véritable titre, « Sit‑in jusqu’à ce que tombe le régime », reprenait l’un des slogans initiaux du mouvement47) soit connue de tous. Ces moments contrastaient fortement avec ceux où les visiteurs étaient absents. La « Place » prenait alors des accents plus graves : les ruelles étaient vides et silencieuses, les visages rivés sur les téléviseurs pour suivre l’évolution de la situation, les regards creusés, caractéristiques d’une consommation abondante de qat.

  • 48 Poirier, 2013.
  • 49 Gabbert, 2007, p. 264.
  • 50 Parallèle suggéré par Poirier, 2013.

23Le rapport au visiteur n’était pas sans une certaine complexité. Certes, la Place du Changement était un lieu important pour « le recrutement de sympathisants »48, dans la mesure où un visiteur pouvait devenir un manifestant. Dans une capitale où les seules occasions de faire la fête ont lieu lors des mariages (sous les tentes dressées à cet effet dans les rues des quartiers), et où l’offre culturelle, d’ordinaire constituée de récitals de poésie, conférences et maqyal‑s culturels hebdomadaires s’était étiolée à l’époque, les concerts publics et quotidiens exerçaient une forte attraction sur la population de Sanaa. De plus, le climat de « communitas » devait certainement aider à sensibiliser, « en s’amusant »49, les visiteurs à la cause des manifestants, malgré leurs idées et pratiques contraires aux usages (mixité, égalitarisme et non‑violence). Mais, justement, on peut se demander si, pour les visiteurs vivant  « à l’extérieur », la « communitas », la non‑violence, les concerts publics et quotidiens ne contribuaient pas à une façon quelque peu « touristique » d’appréhender la place. Les visiteurs venaient pour quelques heures, surtout après la prière d’al‑‘asr, un moment de la journée qui se prête à la détente. Ne disposant que d’un temps limité, et cherchant à maximiser celui‑ci, ils allaient d’une activité, d’une tente à une autre, un peu à la manière dont on aborderait une kermesse50. Enfin, leurs visites coïncidaient avec les meilleurs moments de la vie sur la place, comme lors des concerts.

Conclusion

24Alors que l’un des centres de la capitale, investi par les « balāṭiga » , a été réduit à un simple lieu de passage, vidé de ses activités et de sa population, la Place du Changement s’est développée en un espace‑temps liminaire pour les manifestants qui l’occupaient. Cette liminalité a construit des modes d’être ensemble (convivialité, dialogue et acquisition de connaissances) et des discours (non‑violence et égalitarisme) différents de ce qui se pratiquait jusqu’alors. L’aspect festif constitue un autre élément de cette liminalité. Dans une capitale en proie aux bombardements et aux balāṭiga, la Place du Changement a aussi offert un moment « hors » de Sanaa.

  • 51 Bonnefoy et Poirier, 2012.
  • 52 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 909.
  • 53 Madābish, ‘Arafāt, « Al‑Yaman: muwājihāt bayna al‑shabāb fī sāḥat al‑taghyīr », al‑Sharq al‑'Awsa,(...)

25Par la suite, malgré le refus initial des manifestants, les partis politiques de l’opposition, du fait de la durée du sit‑in, ont progressivement investi la Place du Changement (surtout les partis islamiste et socialiste, et des partisans du mouvement « Ḥūthī »), fournissant au mouvement la logistique (comme l’hôpital installé dans une mosquée) et la capacité de mobilisation qui lui faisaient défaut51. Signe de l’influence grandissante du parti islamiste, la séparation entre l’espace réservé aux femmes et aux enfants à côté de la scène, initialement séparé par un simple cordon, avait été remplacé par une bâche, puis par du contreplaqué52. Les affrontements entre différentes factions dépendant des partis se sont multipliés sur la place dès la fin 201153.

26Partisans du Président et manifestants de la Place du Changement se considéraient comme ennemis, mais l’on ne pouvait s’empêcher de remarquer des effets de miroirs. La place Taḥrīr n’a été investie par les partisans du Président que pour interdire aux opposants de s’y installer, et c’est pour rendre la pareille aux manifestations de la Place du Changement que le régime organisait des manifestations chaque semaine. Les badges du Président faisaient face à ceux de Che Guevara, et les slogans appelant à protéger l’unité (al‑wada) répondaient à ceux appelant le Président à « dégager ! » (Eral !). Ainsi, les deux places ont-elles évolué de manière dialectique l’une par rapport à l’autre.

Figure 5: Tableau style  « manga »  de F., (Page Facebook de l’artiste, 2011). En haut, un soldat du régime, avec une aile en sang après avoir massacré des civils. En bas, un jeune manifestant avançant vers la victoire pour le Yémen.

Figure 5: Tableau style  « manga »  de F., (Page Facebook de l’artiste, 2011). En haut, un soldat du régime, avec une aile en sang après avoir massacré des civils. En bas, un jeune manifestant avançant vers la victoire pour le Yémen.
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Bibliographie

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Notes

1 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 895‑913.

2 Notamment contre les partisans de Ḥusayn al‑Ḥūthī au nord, les partisans d’al‑Qā’īda et les séparatistes au sud.

3 Al‑Shumayrī, 2013.

4 Al‑Shumayrī, 2013, p. 80.

5 Bonnefoy et Poirier, 2012 ; Sayf, 2013 ; al‑Shumayrī, 2013 ; Poirier, 2013.

6 Bonnefoy et Poirier, 2012 ; Poirier 2013.

7 Wirth et Kopp, 1994, p. 55. Cette place s’appelait Place de l’Étincelle (Maydān al‑Sharāra) avant la révolution républicaine de 1962.

8 Wirth et Kopp, p. 49.

9 Campagne officielle à Sanaa, mai 2011.

10 Observation personnelle, avril–juin 2011.

11 A., conversation à Sanaa, avril 2011.

12 Observation personnelle, fin avril 2011.

13 Poirier, 2013.

14 Observation personnelle, rue al‑Zirā‘a, Sanaa, mi‑avril 2011.

15 al‑Shumayrī, 2013, p. 98.

16 Idem, p. 204.

17 Idem, p. 111.

18 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 912.

19 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 912

20 À titre d’exemple, les cheikhs de tribus venus de Dhamār (à une centaine de kilomètres de la capitale) pour soutenir l’ancien Président et rencontrés en mai 2011.

21 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 912.

22 Idem, p. 901.

23 Poirier, 2013.

24 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 902.

25 ‘Adnān, employé à la Librairie Khālid b. al‑Walīd. Entretien à Sanaa, mars 2011.

26 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 903.

27 Turner, 1967.

28 Turner, 1967, p. 94.

29 Turner, 1967, p. 94.

30 Bonnefoy et Poirier, 2012 ; Sayf, 2013 ; Al‑SHumayri, 2013 ; Poirier, 2013.

31 Turner, 1967, p. 100.

32 Turner, 1967, p. 99.

33 Al‑Shumayri, 2013, p. 84.

34 Turner, 1967, p. 102.

35 Turner, ­1967, p. 102.

36 H., manifestant, journaliste et écrivain, entretien à Sanaa, début juin 2011.

37 Turner, 1967, p. 94.

38 Poirier, 2013.

39 Van Oorshot, 2013.

40 Poirier, 2013.

41 Poirier, 2013.

42 Poirier, 2013.

43 Van Gennep, 1908.

44 Al‑SHumayri, 2013.

45 Fillieule et Tartakowsky, 2008, p. 155.

46 Comme l’explique la jeune journaliste ‘Ulā al‑Shāmī (journaliste au Yemen Times) lors d’un entretien à Sanaa le 14 février 2009, être « non‑voilée » signifie ne pas porter le voile qui recouvre d’ordinaire le visage, le niqāb. Se découvrir les cheveux n’est pas envisageable dans un espace mixte hors du cadre familial.

47 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 899.

48 Poirier, 2013.

49 Gabbert, 2007, p. 264.

50 Parallèle suggéré par Poirier, 2013.

51 Bonnefoy et Poirier, 2012.

52 Bonnefoy et Poirier, 2012, p. 909.

53 Madābish, ‘Arafāt, « Al‑Yaman: muwājihāt bayna al‑shabāb fī sāḥat al‑taghyīr », al‑Sharq al‑'Awsa, al‑‘adad 12083, 28/12/11, http://www.aawsat.com/details.asp?issueno=12086&article=656365, visité le 30/07/12.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : Les sit‑ins à Sanaa avec, en bleu Place du Changement (avril 2011), en bleu clair l’expansion de  « la Place »  et en rouge, le sit‑in des balāṭiga (juin 2011)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/docannexe/image/2548/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 272k
Titre Figure 3 : Une représentation sur la grande scène Place du Changement (derrière, l’obélisque de la Sagesse Yéménite).
Crédits Photo de Farouq Ibrahim, visité le 30/07/12.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/docannexe/image/2548/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
Titre Figure 4 : Portraits de martyrs sur un poteau de la Place du Changement, avril 2011.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/docannexe/image/2548/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 268k
Titre Figure 5: Tableau style  « manga »  de F., (Page Facebook de l’artiste, 2011). En haut, un soldat du régime, avec une aile en sang après avoir massacré des civils. En bas, un jeune manifestant avançant vers la victoire pour le Yémen.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/docannexe/image/2548/img-4.jpg
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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurent Damesin, « La Place du Changement et la Place de la Libération à Sanaa : espaces révolutionnaires et contre‑révolutionnaires »Arabian Humanities [En ligne], 2 | 2013, mis en ligne le 11 novembre 2013, consulté le 15 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/arabianhumanities/2548 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cy.2548

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